Karak Vanne, signé Arzhiel
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Karak Vanne, signé Arzhiel

Forum de l'oeuvre littéraire d'Arzhiel.
 
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 La Saison 4

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Arzhiel




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MessageSujet: Re: La Saison 4   La Saison 4 - Page 2 Icon_minitimeVen 29 Aoû - 20:08

Episode 116 – La Fête des Vassaux (1ere moitié)

Agenouillée près du ruisseau, Doreen frottait machinalement une pierre sur sa cape trempée afin d’en nettoyer les souillures du voyage. Arzhiel se faufila à pas de loups dans son dos. La jeune fille, absorbée par ses pensées, avait les yeux dans le vague et ne le vit pas approcher. C’est quand il commença à agiter sous son nez son médaillon au bout de sa chaîne dans un mouvement de balancier afin de l’hypnotiser qu’elle prit conscience de sa présence.

- « Je me demande bien ce qui peut vous faire croire que cette technique marchera mieux que les menaces de chatouilles aux pieds, l’imitation désastreuse de la voix de ma mère durant mon sommeil et votre délicieux déguisement en prêtre pour une confession improvisée », déclara Doreen en abattant sa cape mouillée sur le nain. « Je vous répète que je ne sais pas où se trouve Hjotra ! »
- « Vous commencez vraiment à me désouler ! » (nb : version naine d’une expression de lassitude et d’impatience) pesta Arzhiel en s’essuyant d’un air grognon. « La momie du temple du Destin m’a fait voir l’avenir et c’est vous qui détenez la clé pour retrouver mon futur feu cousin ! Lâchez le morceau, bon dieu ! Revenez ! Attendez ! Je…je vais chanter, je vous préviens ! J’en suis capable ! »

Le nain testant quelques vocalises sur les talons, Doreen regagna le campement où Ségodin et Brandir préparaient le déjeuner. Hjotra, confortablement installé sur un trône fabriqué à la va-vite avec des branches, distillait tout en machouillant un cuissot graisseux de précieux ordres à ses compagnons qui s‘exécutaient aveuglément. L’ingénieur se redressa sur son siège en voyant Doreen et Arzhiel revenir. Intrigué par leurs chamailleries, il leur fit signe de le rejoindre. Soupirant, les deux obéirent.

- « Combien de temps ça dure votre fête débile ? » questionna Doreen.
- « La Fête des Vassaux ? C’est une journée par an. Au début, c’était bon enfant comme tradition naine. Les gens échangent leurs rôles, les maîtres deviennent les serviteurs, les pécores, des soldats, les cadets, des patriarches et tout le monde festoit et rigole. Pas de bol pour nous, Hjotra est le moins gradé et le plus jeune parmi nous…
- « J’ai une idée », pouffa Hjotra en ajustant sa couronne de joncs tressés. « Seigneur ! »
- « Ne m’appelez pas comme ça, bourrique. C’est vous le seigneur aujourd’hui. »
- « C’est vrai. Seigneur Arzhiel ! Embrassez Doreen, c’est un ordre. Ça vous réconciliera. »

Arzhiel examina l’humaine d’un air effaré.

- « Je peux mettre mon heaume d’abord ? Ou me mettre à trente pas d’elle ? »
- « D’habitude, je ne renâcle jamais à embrasser du sang-bleu », fit à son tour Doreen d’un air boudeur, « mais après avoir vu Bijou petit déjeuner les tripes d’agneau en sauce, je crains que ce ne soit pas possible. »
- « Oh, vous n’êtes pas drôles », protesta Hjotra en se renfonçant dans son trône pour bouder.
- « C’est tous les humains ça ! » déclama Arzhiel, son casque complet vissé sur la tête et désignant sur Ségodin les blessures qu’un précédent ordre avait envoyé nager dans un roncier. « Aucun sens de l’humour et de la tradition ! »
- « Si messire Hjotra pardonne mon outrecuidance », se défendit Doreen avec un regard bien senti pour Arzhiel qui se resservait des tripes, « j’aurais l’auguste honneur de lui soumettre une idée de quête afin de glorifier son titre et son rang au cours d’une mission recueillie par mes soins. »
- « Une mission ? » s’exclama Ségodin, sautant sur l’occasion inespérée d’échapper à de nouveaux gages. « Comme c’est bien pensé ! »
- « Et inattendu », ajouta Arzhiel. « Doreen est si pleine de cachotteries ces derniers temps… »
- « C’est en effet plus périlleux que les concours de rots ou le jeu du Qui-fera-tomber-Ségodin-de-sa-branche-avec-des-cailloux », l’ignora la chasseuse de primes. « Des villageois près d’ici recherchent des aventuriers pour les débarrasser d’une viverne les terrorisant. Il parait qu’elle possède un vaste trésor ! »

Doreen écarta les bras en souriant de toutes ses dents, exultante et en faisant à peine trop pour vendre son histoire. Hjotra faisait malgré tout fi de tous ses effets, endormi depuis le début de la conversation. Il fallut aux autres attendre que leur nouveau chef se réveille une heure plus tard, prenne son déjeuner, fasse brosser sa moustache et tailler sa barbe par Brandir, puis écoute la proposition trois fois avant de la comprendre.

- « Une viverne, c’est un truc que les elfes collent dans leur thé, c’est ça ? » demanda-t-il après réflexion.
- « C’est la verveine, ça », corrigea Arzhiel. « Une viverne est un serpent énorme assez vicelard et pas jouasse, mais dans le cas présent, il semble évident que les villageois offrent la moitié du prix de leur récolte annuelle pour être débarrassé d’une plante à tisane. »
- « J’ai repéré le lac où se trouve l’antre de la viverne », expliqua Doreen tandis que Hjotra acquiesçait gravement. « Comme elle jaillit de sous la surface de l’eau, sa cachette, et son entrée, doivent se trouver immergée. Je peux nous procurer des philtres de respiration aquatique, mais il faudra nous rendre au bourg pour cela. »
- « Et aussi pour racheter du fromage », lança Brandir en levant le doigt. « On n’a quasiment plus de crottins des prairies. »
- « Je vois, je vois », murmura Hjotra, imitant Arzhiel plongé dans ses réflexions. « Ma décision est prise ! On se partage notre or en parts égales et chacun devra s’équiper au village des crasseux en vue d’affronter la plante verte aquatique qui menace les paysans ! »
- « Quoi ?! » s’étrangla Arzhiel tandis que tous les autres se ruaient sur l’or qu’il avait eu tant de mal à épargner pour sauver le Karak. « Je dois signaler à notre chef que cette idée me parait encore plus saugrenue et inacceptable que la fois où elle a entamé une partie de combat à la bouse au milieu du pré aux minotaures ! »

Fort du respect et de l’autorité naturelle qu’exigeait sa fonction de maître d’une forteresse naine, Arzhiel sut trouver les mots poignants, solennels et surtout convaincants afin d’adresser à ses pairs un discours sur l’indispensabilité de cet or pour le futur précaire de leur peuple que seuls leur abnégation et leur courage pouvait rendre tangible. Et c’est ainsi que tout l’or fut partagé et dépensé en courses personnelles au marché que les joyeux compagnons s’empressèrent d’examiner une fois de retour sous les yeux embués de larmes de rage et de désespoir d’Arzhiel.

- « Qu’est-ce que c’est ? » interrogea ce dernier, cédant en fin de compte plus au courroux qu’à la tristesse, lorsque Ségodin montra fièrement son âne au groupe.
- « C’est un âne », crut bon de souffler Doreen.
- « Lequel des deux ? » ironisa Arzhiel. « Rapidement, vous m’expliquez la pertinence de l’acquisition d’un âne dans l’accomplissement d’une mission se déroulant sous l’eau ? »
- « Cette brave bête sera mon fidèle et loyal destrier ! » claironna Ségodin en flattant les flancs de la bête qui le repoussa dans de bruyants braiements. « En fait, je n’avais pas assez pour me payer un cheval. »
- « Passons sur les cinq sacs de patates de Brandir… »
- « …et deux poules ! » rajouta le berserker. « Comme ça, elles pourront s’accoupler et j’aurais des œufs tous les matins. On pourra revenir au village au retour ? J’ai repéré une belle truie pour le lait. »
- « Chef Hjotra ! Qu’est-ce que ce soulier que vous tenez ? »
- « C’est une botte de voléc..viloc…vicéto…véloticé…Bon, on s’en fout du nom. C’est une botte magique qui permet de courir aussi vite qu’un elfe à qui on a mis le feu ou de faire des bonds comme un cabri ! L’ennui, c’est que comme je n’avais pas assez pour acheter les deux, j’en ai pris qu’une. Et c’est drôlement tendu d’avoir un pied qui carbure trois fois plus vite que l’autre. On ne comprend vraiment le danger des objets magiques qu’une fois qu’on s’est mangé huit fois de suite le mur d’une grange avec un soulier enchanté en essayant de le contourner. Et vous seigneur, vous avez acheté quoi ? »
- « Rien d’aussi indispensable que vous. Juste de quoi éviter qu’on ne mendie dans les fossés pour s’offrir à becquetter demain, j’ai rien acheté, neuneu ! Allons poutrer la viverne pour se refaire un peu. Et il vaudrait mieux pour sa seigneurie que le serpent qui pique soit plein aux as parce que sinon, elle n’a pas fini de se manger toutes les granges d’ici jusqu’à la montagne. »

Hjotra ordonna à la troupe de reprendre la marche et les cinq aventuriers, ainsi que l’âne et les deux poules, se dirigèrent vers le lac. Doreen, qui avait dépensé toute sa part en philtres de respiration aquatique, afficha bientôt la même mine morose qu’Arzhiel lorsque les garçons engloutirent les potions en un clin d’œil par une narine, selon un nouvel ordre de Hjotra.

- « Arzhiel, je compte sur vous pour cette mission », confia-t-elle au nain, angoissée. « Une viverne est une bête affreuse et dangereuse et je commence à douter de nos chances… »
- « Ça vous rassure de savoir que si on se fait rincer par le rampant de la mare, vous ne serez que la seconde que j’exploserais avec violence et cruauté ? Brandir, foutez la paix à ces poules et à la baille avant que mon pied ne vous aiguille dans le bon chemin. Hjotra ? Hjotra, pourquoi vous vous agitez comme ça, vous avez des tocs ? »
- « Comme les cuisiniers ou comme les trappeurs ? » fit l’ingénieur, interrompant sa gymnastique d’échauffement.
- « Plutôt comme les malades », jugea Arzhiel.
- « Alors oui, probablement, seigneur. Je suis nul en cuisine ou à la trapperie. »

Arzhiel, les nerfs lâchant, se détourna de son ingénieur en poussant un ricanement strident qui effraya jusqu’à l’âne de Ségodin. Il passa devant Brandir qui forçait ses poules à s’embrasser afin de lier de solides relations en vue de leur accouplement et le seigneur las lui ordonna de plonger le premier. Le berserker s’exécuta machinalement. Hjotra signala alors au guerrier qu’il était le seul habiliter à distribuer des ordres et força Brandir à sortir de l’eau pour plonger une nouvelle fois quand lui le décida. Doreen et Arzhiel échangèrent un regard fatigué.

- « Bon, on y va là », marmonna le nain dépité. « Parce que sinon, j’en noie un ou deux. Ségodin, à la flotte ! Non, laissez votre armure, c’est pas du mithril, vous allez couler et polluer le fond du lac et les pécores vont dire que c’est notre faute après. Comment ? Ah oui, y a un risque que la baignade mouille vos cheveux ! Arrêtez de faire votre pimbêche et magnez-vous la couenne ! Seigneur Hjotra, vos soldats sont un peu difficiles ! »
- « Vous prêchez un convertible ! » acquiesça l’ingénieur, hochant longuement la tête d’un air compatissant avant qu’un mystérieux pousson ne l’éjecte lui aussi dans l’eau.
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Arzhiel




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MessageSujet: Re: La Saison 4   La Saison 4 - Page 2 Icon_minitimeVen 29 Aoû - 20:09

Episode 116 (2nde moitié)

Le petit groupe, suivant Doreen, nagea jusqu’au milieu du lac, puis s’enfonça dans les profondeurs sombres et froides de l’étang. Les aventuriers repérèrent bientôt l’entrée de l’antre de la bête à travers les ténèbres de l’eau, Hjotra juché sur le dos de Ségodin et Brandir marchant au fond du lac en portant une lourde pierre pour ne pas remonter. Un trou pratiqué dans la paroi de la mare donnait sur un tunnel qui remonta en pente douce sur une centaine de mètres avant d’émerger hors du niveau de l’eau. Un à un, les chasseurs de primes retrouvèrent l’air libre.

- « Silence ! » chuchota Arzhiel en dégainant sa masse. « Essayons de surprendre la bestiole durant son roupillon si on ne veut pas participer à son casse-dalle du réveil. Pas un bruit ! Non, chef, ce n’est pas un ordre, juste une recommandation. »

Satisfait, Hjotra plaça les membres de son équipe en de multiples configurations, changeant encore et encore jusqu’à oublier ce qu’il faisait et laisser faire Arzhiel. Les aventuriers remontèrent le tunnel qu’une faible mousse luminescente éclairait faiblement. Un bruit spongieux, crissant et régulier résonna dans la pénombre.

- « C’est ma botte magique pleine d’eau qui couine », expliqua Hjotra à voix basse.

Le groupe repartit.

- « Seigneur ! » appela Brandir. « Si je meurs aujourd’hui au combat, vous direz à ma fiancée que je l’aime, même si je ne la connais pas et me souviens pas de son visage ? »
_ « Oui, mais chut ! » répondit Arzhiel. « En plus, vous n’allez pas mourir, je vous ai parlé il y a trois ans, dans mon voyage dans l’avenir. »
- « Et moi j’y étais ? » interrogea Hjotra.
- « Mais bon sang chut à la fin ! Non, vous n’y étiez pas. Mais ça ne veut rien dire. Non, ne pleurez pas, fermez-la…chef ! »

La troupe avança d’une nouvelle dizaine de mètres.

- « Pourrais-je ramener la tête du monstre en trophée à mes biens aimés enfants et ma douce épouse Elenwë ? » demanda Ségodin.
- « Bouclez-la, par pitié ! On va tous se faire chiquer le derche par le serpent si vous continuez à jacasser ! Et en plus, Elenwë c’est ma femme, c’est pas la vôtre, d’abord. Et la dernière fois que je lui ai offert une tête de monstre, je l’ai reprise en pleine poire.»
- « Hum ! » renifla Ségodin avec mépris. « C’est peut-être parce que vous êtes jaloux et que vous ne voulez pas partager les têtes de monstre qu’Elenwë vous a quitté pour moi ! »
- « Allez, c’est bon ! » rouspéta Arzhiel, fâché. « Doreen, c’est à vous. Balancez-moi une ânerie bien fort qu’on se fasse tout de suite repérer ! Un truc rapide et absurde à dire ? »
- « A dire vrai », songea la jeune fille en se tournant vers le groupe. « Oui. Je ne suis pas Doreen. Je suis une « ombre » créée par la viverne qui vous attend juste au bout de ce tunnel. C’est un piège qu’elle tend souvent aux voyageurs pour se nourrir et accroître son trésor. Elle enlève l’un des membres du groupe durant les nuits que les gens passent près des cours d’eau où elle se déplace aisément. Puis, grâce à sa magie, elle créée une ombre comme moi, un double parfait qui a accès à l’esprit et aux souvenirs du captif. Mon rôle est terminé. L’antre est scellée par sorcellerie. Vous ne pourrez en sortir qu’en tuant ma maîtresse viverne. Oh, j’oubliais : une autre magie à l’oeuvre depuis votre entrée ici va vous paralyser et vous endormir. »
- « Euh…un commentaire débile ou une vanne aurait suffit », répondit Arzhiel, décontenancé.
- « Seigneur Hjotra ! » appela Brandir. « Seigneur Arzhiel ? Bref, les seigneurs ! Je ne peux plus bouger du tout et j’ai très envie…de pioncer… »
- « Entre-nous », dit l’ombre en observant ses proies immobilisées. « Le fait que votre amie connaisse brusquement une mission, l’histoire de la viverne, l’emplacement de son repaire et son entrée, ça ne vous a jamais paru suspect ? »
- « Bof », fit Arzhiel en haussant les épaules. « C’est notre manière de faire. Et encore là, on a été sobres parce que d’habitude on fait vraiment plus n’importe quoi et… »

Le nain perdit connaissance et ne la retrouva que sous le coup d’une vigoureuse et douloureuse, mais néanmoins familière décharge énergétique à travers le corps. Il se trouvait toujours dans le tunnel, autour des boulets assoupis. L’ombre et Ségodin avaient disparus.

- « Je reconnais cette douleur qui picote…Tiens, j’ai bavé dans ma barbe en dormant…AHHHHHHHH ! Elenwë, c’est vous qui faîtes ça ? »
- « Non, c’est l’âne de Ségodin », répondit l’elfe à travers la grenouille sur sa tête. « Vous voulez un nouvel éclair pour vous éclaircir les idées ? »
- « Trop point n’en faut ! Deux par jour, c’est déjà du bon rendement. Il se passe quoi ? »
- « Il se passe que vous êtes une courge. La viverne vous a piégé. J’ai senti sa magie hostile à travers mon crapaud. Elle a troublé ma sieste, je dois la punir. Menez-moi à elle. »

Le nain hésita à réveiller ses compagnons, puis se jugea suffisamment handicapé ainsi pour le combat à venir. Il suivit le passage jusqu’à une vaste caverne aménagée au centre de laquelle était lovée une gigantesque viverne répugnante troublée par l’examen de la botte magique de Hjotra qui couinait entre ses griffes. Ségodin, sans connaissance, était étendu à ses pieds, entre une demi-vache éventrée et un chaudron de soupe aux choux et aux endives.

- « On y va ! » s’exclama Elenwë avec entrain.
- « Sans moi ! Vous avez vu l’engin ? Le dard, les pattouses avec plein de griffes, les chicots comme ceux de votre mère ? Moi, j’y vais pas. En plus, y a des légumes. »

Une nouvelle décharge fit recouvrer au guerrier son courage émoussé et c’est avec les genoux tremblants et une entrée hésitante ponctuée de « pardon » et de « excusez-moi » qu’il se planta devant la bête hideuse. La viverne s’apprêtait à gober l’insouciant d’une seule bouchée lorsqu’il l’interrompit.

- « Une question avant ! La gamine plate que vous avez cloné pour nous piéger, elle est où ? »
- « Vous voulez aussi sauver cette fille ? » demanda Elenwë, pleine d’une suspicion toute féminine.
- « Non, je m’en secoue les grelots d’elle, c’est juste qu’elle sait où trouver Rugfid. Pas vrai le serpent ? Vous pouvez lire dans son esprit si j’ai suivi. »
- « C’est le cas », grogna le monstre entre ses crocs énormes et saillants. « Elle détient cette information mais j’ai préféré ne pas vous la divulguer ce matin. Cela vous aurait éloigné d’ici, vous comprenez. L’humaine est en route pour le marché aux esclaves de Harzin-Dur où elle sera vendue pour moi. Trop maigre pour constituer un bon repas, tout le contraire de nains gras et ventripotents. »
- « D’accord », déclara Arzhiel, pour son épouse, vexé. « Là c’est bon. Envoyez la sauce ! »

La viverne se pencha pour observer la grenouille sur la tête de son invité, intriguée. Elenwë lâcha une salve d’éclairs puissants, impétueux et absolument incontrôlés à travers toute la caverne. Arzhiel, propulsé, vola et atterrit au fond du chaudron. La viverne, elle, atterrit en pluie sanglante un petit peu partout, mais surtout collée gluante au plafond. La détonation arracha Ségodin à son sommeil magique. Le jeune homme se redressa en contemplant le massacre, son corps recouvert du sang de la bête et la tête de la créature arrachée gisant à ses pieds.

- « Ainsi naquit la légende de Ségodin le brave, chevalier de la viverne ! » s’écria Ségodin en jubilant, juché sur le front du serpent et parvenant à tenir sa posture glorieuse une bonne poignée de secondes avant de glisser et de rejoindre Arzhiel dans le bain de légumes.
- « Né le jour de la Fête des Vassaux, baigné de sang crade de reptile et de soupe aux choux, le pied maladroit et l’esprit perturbé, partageant un chaudron rouillé avec un nain électrifié », balbutia Arzhiel avant de retomber le nez dans les endives. « Loué soit son nom promis à une grande légende ! »
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Arzhiel




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MessageSujet: Re: La Saison 4   La Saison 4 - Page 2 Icon_minitimeVen 29 Aoû - 20:10

Episode 117 – Le Seuil (1ere moitié)

Résumé des épisodes précédents : Arzhiel et ses compagnons, toujours à la recherche de Rugfid disparu en provoquant la faillite du Karak en accumulant les dettes envers la guilde des marchands, apprennent grâce à un voyage temporel dans le futur que Doreen, la chasseuse de primes, connaît l’emplacement de la cachette du nain perdu. Sauvés de justesse du piège d’une viverne par Elenwë, les nains entreprennent de retrouver la jeune fille, vendue comme esclave par le monstre.

Le regard embué de larmes de désarroi, Doreen regagna sa place aux côtés des autres esclaves alignés sur l’estrade tandis que son maître excitait la foule présente de sa verve et de ses coups de trique distribués au hasard, en l’air ou sur sa marchandise. La jeune fille s’écarta discrètement, tirant nerveusement sur la corde passée à sa cheville et qui l’entravait à un épais poteau.

- « Visez le laideron aux miches plates et aux genoux cagneux », lança une voix dans la foule nombreuse mais qu’elle reconnut entre mille. « Je l’achèterai rien que pour ne plus la voir sur scène celle-là ! »
- « Bijou ?! » s’exclama Doreen, euphorique malgré la moquerie. « Vous m’avez retrouvée et vous venez me sauver ?!...Attendez. C’était vous les sifflets tout à l’heure et les jets de fruits ?! »
- « Vous devez trois poires blettes à Brandir », répondit Arzhiel en fendant la foule à coups d’épaules pour rejoindre le bord de l’estrade. « Alors comme ça, vous avez trouvé une nouvelle orientation pour votre carrière ? »
- « Sortez-moi de là ! » supplia la chasseuse de primes. « Ça fait trois jours que je dors dans une cellule humide sur du foin souillé avec dix autres personnes, traitée comme vous traitez Ségodin ! »
- « De fait, c’est aussi un peu votre faute si on a galéré pour vous trouver. Naïvement, on a d’abord cherché sur le marché aux femmes. C’était sans compter sur votre talent naturel pour vous faire passer pour un jeune adolescent pré pubère. »
- « Si je rie, vous me libérez ? »
- « Essayez toujours », répondit le nain en jonglant avec des poires. « Dites-moi où est Rugfid. Je sais que vous savez. Même les boulets savent que vous savez, mais l’un croit qu’on fait du tourisme et l’autre ne se souvenait plus de vous. »

La jeune fille pâlit soudainement, ouvrit la bouche pour parler, puis se ravisa et baissa la tête. Arzhiel haussa les épaules, faisant mine que ça lui était égal, et tourna les talons. Un humain moustachu à la voix forte posa alors sa main sur son épaule en le hélant depuis l’estrade. Il s’agissait du vendeur d’esclaves.

- « Halte là, messire ! Il n’est nulle réponse à vos ordres que cette enfant pourrait vous donner motivant ainsi votre désintérêt. Surtout après avoir été dressée par mes soins ! »

L’homme escrima de sa baguette sous le nez de Doreen, le regard sévère, mais le sourire commercial.

- « Messire nain ! Vos goûts singuliers traduisent votre grande bonté d’âme envers cette femelle fortement trahie par la nature. Je vous offre une ristourne ! »
- « Euh, vous me vendez là ou vous me bradez ? » demanda Doreen en fronçant les sourcils. « Non, parce que niveau argumentaire de vente, va falloir bosser un peu. »
- « Elle est arrogante », commenta Arzhiel en se tournant vers Brandir et Hjotra qui le rejoignaient. « Et plate. Je dois consulter mes conseillers. Alors ? Quelle est votre opinion ? »
- « J’en suis à ma quatrième bagarre dans la rue pour un motif futile ! » s’exclama Brandir en massant sa mâchoire blessée en ricanant. « La bière est ignoble, ça grouille de clodos et ils vendent des saucisses à la braise là-bas. Je crois que j’ai trouvé la destination idéale pour mon voyage de noces ! »
- « Dites seigneur », dit Hjotra en réfléchissant. « Si l’esclavage est une pratique drow, pourquoi Elenwë la pratique avec vous en vous tapant et en vous donnant tout plein d’ordres débiles ? »
- « J’hésite encore », se tâta Arzhiel face au vendeur troublé. « Petit humain, il ne tient qu’à toi d’être libéré. Qu’as-tu à dire ? »
- « Je sais où Rugfid se trouve et je vous y conduirai si vous m’achetez », marmonna Doreen à contrecœur.
- « Allez, on récupère la gosse », décida Arzhiel. « On vous charriait, marchand. Elle était déjà à nous et on l’avait paumée. Merci pour la garderie mais on la reprend ! »
- « Une affaire de conclue ! » lança triomphalement le vendeur d’esclaves à la foule. « Telle est ma devise : pour une vente réussie, la main basse et le verbe haut ! »

Hjotra regarda en bas puis leva la tête, cherchant vers le ciel le sens de l’expression, bientôt imité par Brandir qui le regarda faire sans saisir, puis peu après, par tout un attroupement de badauds, le nez en l’air, curieux. Arzhiel frappa ses lieutenants d’une calotte derrière le crâne, honteux, puis trancha le lien de Doreen qui sauta les rejoindre.

- « Bien, bien, bien ! » jubila le moustachu sans se départir de son sourire carnassier. « Passons au paiement. Cela vous fera vingt pièces d’or et cinq pour le gardiennage des jours précédents. »

Arzhiel, Hjotra et Brandir éclatèrent d’un même rire tonitruant ensemble, se frappant sur les cuisses et se riant dans les bras avant de braquer leur regard le plus noir simultanément sur le vendeur.

- « Un instant, on a cru que vous vouliez plaisanter. C’est vrai, vous essayez de nous faire cracher les ronds en nous entubant alors qu’on est des nains ! Négocier et endormir des nains sur une transaction, terrible la vanne ! Maintenant, on croit que vous êtes sérieux. »
- « Du coup, on se marre plus », ajouta Hjotra en dégainant son couteau pour le pâté.
- « Vingt-cinq pièces d’or ! » insista l’humain sans se démonter. « Vous lâchez les piécettes ou j’aurai trois articles de plus à vendre demain ! »

Brandir fut le seul à trépigner de joie face à la menace. Doreen voulut s’esquiver, comme à son habitude, mais Arzhiel agrippait sa corde.

- « Chic ! » gloussa le berserker en enfilant ses gants cloutés. « Une question avant que je vous fasse avaler vos molaires : vous pouvez appeler la garde qu’on s’amuse vraiment ? »

Le vendeur d’esclaves plissa le front, interdit, avant de tomber de son estrade, emporté par un violent crochet du gauche. La bagarre se propagea à toute la foule, plus celle des stands voisins et trouva son apogée lors de l’arrivée de la milice, à point nommé pour jeter de l’huile sur le feu et étendre le chaos à tout le marché. Lorsque les trois nains et leur amie quittèrent la ville, l’incendie achevait de détruire la partie ouest d’Harzin-Dur, connue depuis comme l’ancien meilleur marché aux esclaves du pays.

- « Les fioles explosives et les jarres d’eau-de-feu étaient, ma foi, un peu excessives, mais je dois admettre que le résultat était grandiose », commenta plus tard Doreen en suivant ses comparses. « Où avez-vous trouvé tout ce bazar ? »
- « Chez notre pote la viverne », répondit Brandir, un bras en écharpe et un mouchoir ensanglanté enfoncé dans la narine. « Elle a été très généreuse avec ses biens une fois qu’elle fut transformée en viverne hachée. »
- « Vous avez vaincu cette horrible bête qui m’avait enlevée ?! Oh, mes bons amis, me voici doublement vengée ! Si vous n’étiez pas si gras, laids et petits, je vous couvrirais de baisers ! »
- « Merci, mais pour la gerbe, c’est bon », rétorqua Arzhiel. « On vous a déjà vu défiler sur l’estrade en lambeaux de fringues. »
- « Et Ségodin ? Où est ce brave chevalier ? »
- « On l’a laissé à la caverne immergée de la viverne », répondit Hjotra en courant derrière un papillon. « Il garde le trésor en attendant notre retour. On a été malins. On a pensé à prendre toutes les fioles de respiration aquatique pour qu’il ne puisse pas s’enfuir avec le flouze. Par contre, on aurait peut-être du lui laisser à manger, ça fait quatre jours quand même. »
- « Il est bien là où il est ! » trancha Arzhiel. « Je commençais à être gavé de son délire de chevalier de la viverne. Avant il était fou avec hallucinations, maintenant il est fou avec hallucinations et persuadé d’avoir tué la bête grâce à ses pouvoirs cachés. »
- « Quelle fantastique journée ! » exulta Doreen. « Je retrouve ma liberté et j’apprends que vous avez finalement acquis un trésor capable de couvrir votre dette ! Que pourrait-il arriver de mieux ? »
- « Un sort de mutisme n’affectant que les humains ? Mais je ne préfère pas espérer. Après tout, vous avez des choses à nous dire, non ? Je vous donne un indice : ça concerne mon cousin et chaque mauvaise réponse vous ramène un peu plus à la boutique aux esclaves, direct en tête de gondole. »
- « Ce n’est pas la peine d’être désobligeant », se renfrogna Doreen.
- « C’est sûr que si on met de côté vos tendances manipulatrices, mythomanes et vénales, il serait mal venu de ne pas vous faire confiance », ironisa Arzhiel. « On vous écoute. »
- « Vénale », demanda Hjotra, « c’est pas une sorte de barbare très agressif ? »
- « Je sais où se trouve Rugfid et je vous donne ma parole que je vous y conduirai », promit solennellement Doreen. « Mais il vous faut savoir qu’il est retenu prisonnier et que son ravisseur peut se montrer hostile. »
- « Hostile comme la maladie qui pique dans l’oreille ? »
- « Fermez-la Hjotra. Comment vous savez tout ça, la Guêpe ? »
- « J’ai juré de vous mener à votre cousin, pas de vous révéler tous mes secrets. »
- « Seigneur ? » appela Brandir, en tête. « Vous risquez de gueuler parce que je nous ai encore paumés. Mais je ne me souviens pas de ce patelin à l’aller… »
- « Mais si », répondit le nain agacé. « C’est Trou-aux-Boucs ! Vous vous êtes murgé à l’auberge avec de la piquette jaune pisse et vous… »

Arzhiel s’interrompit pour mieux regarder autour de lui. Sa conversation avec Doreen avait retenu son attention et c’est machinalement qu’il avait suivi le groupe le long de la seule et unique route les ramenant vers la caverne de la viverne. Mais le seigneur de guerre se rendit compte en même temps que ses compagnons que le village qu’ils traversaient avait quelque chose de différent du Trou-aux-Boucs vu la première fois.
Un brouillard sombre et vaporeux enserrait les alentours, les rues boueuses et les bâtisses. Le ciel était envahi de colossaux nuages cendres et nuit roulant sur eux-mêmes dans une bataille titanesque, ne laissant filtrer qu’une pâle lumière froide. La pénombre, quasiment omniprésente, rendait l’air glacé et étouffant en même temps malgré l’heure peu avancée de la journée. Les habitations et les échoppes semblaient avoir été remplacées par de larges bâtiments de pierre effritée, aux parois souvent éventrées, aux toits de tuiles effondrés et aux fenêtres béant sur les ténèbres. Leur emplacement était similaire qu’à l’aller, mais elles n’avaient plus rien de commun. L’auberge où Brandir avait festoyé plus que de raison ressemblait à une cathédrale gothique abandonnée, son ancien panneau à tête de mulet qui avait tant fait rire Hjotra ayant cédé sa place à une véritable tête de mulet tranchée et suspendue par une chaîne rouillée. Des éclaboussures sombres et suspectes s’étalaient sur la porte défoncée de la forge. La fontaine au centre de la place vomissait un liquide épais, gluant et noirâtre qui débordait sur des herbes calcinées et des plantes inconnues hérissées de pics menaçants. Et il ne régnait pas un bruit dans toute la ville déserte. Un silence de mort s’abattit quand les nains se turent.

- « Ils ont changé la déco, non ? » fit Brandir, soupçonneux et circonspect.
- « C’est quoi ce gag ? » murmura Arzhiel, rendu mal à l’aise par l’ambiance. « On est où là ? On ne voit même plus le chemin par lequel on est arrivé avec cette brume… »
- « Alors là, super la mise en scène ! » applaudit Doreen en se tournant vers les nains. « Vous essayez de m’effrayer pour me faire parler ou pour vous moquer de moi, c’est ça ?! »
- « C’est ça, on est des fanas de la blague vaseuse et on a retapé tout un bled pour vous filer les miquettes au retour. Le plus dur, ça aura été de repeindre le ciel, mais à nain vaillant, rien d’impossible. »
- « Je ne trouve pas ceci très drôle ! » commença à paniquer la jeune fille. « Je suis certaine que Ségodin va débouler du coin de la rue dans un costume ridicule et vous allez hurler au monstre ! »
- « Là ! » s’écria Hjotra d’une voix étranglée. « Un monstre ! Regardez ! »

Les nains dégainèrent par réflexe mais comprirent bien vite la futilité de leur acte en observant la créature qui venait de sortir d’une maisonnée en ruines. C’était un lézard d’une dizaine de mètres de long, aux écailles grenat, aux flancs musculeux et aux griffes démesurées. La bête entama l’escalade d’une paroi verticale de bâtiment, plantant ses griffes saillantes dans la pierre comme s’il s’agissait de bois tendre. Sa langue violacée se déroula brusquement pour s’enrouler autour d’une statuette perchée sur la corniche. Le lézard ravala le tout et mâcha la roche comme du sucre. Mais le pire resta à venir. L’approche du monstre anima brusquement la rangée de statues qui se révélèrent être des gargouilles hideuses fuyant à tire d’aile le prédateur dans un vacarme de crissement intenable. Leur débandade les poussa droit sur le groupe d’Arzhiel sur lequel elles fondirent en piaillant. Brandir réceptionna la première en lui éclatant la tête à l’aide de son marteau de guerre.

- « Pour une fois, je suis ravi de vous voir à la masse ! » lui lança Arzhiel en repoussant une seconde créature.
- « Par la barbe de ma mère ! » s’écria Hjotra en esquivant les coups de becs. « Ils leur donnent quoi à manger aux oiseaux les pécores du coin ?! »
- « Des nains sexys, faut croire. Allez, on se barre, elles sont trop nombreuses ! Il faut trouver un abri et…par exemple celui où Doreen vient de s’enfuir en nous abandonnant me semble un choix judicieux… »
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Arzhiel




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MessageSujet: Re: La Saison 4   La Saison 4 - Page 2 Icon_minitimeVen 29 Aoû - 20:11

Episode 117 (2nde moitié)

Poursuivis par une nuée de gargouilles poussant des cris plaintifs, les nains battirent en retraite jusqu’à une maison où ils purent se réfugier. Doreen, hystérique, frappa trois fois Arzhiel avec une pierre avant de comprendre qu’elle était en sécurité.

- « Je vous ai fait mal ? » demanda-t-elle, confuse.
- « Trois fois rien, voyons ! » répondit Arzhiel en essuyant son sang. « De toute façon, je ne l’aimais pas cette dent… »

Le nain cracha par terre en grimaçant. Aussitôt, le sang projeté dans la poussière bouillonna en bullant, accouchant d’une masse compacte de ténèbres qui prit lentement la forme d’un molosse aux yeux rougeoyants grognant doucement en fixant les nains. Le chien démoniaque allait se jeter sur Brandir lorsque la langue du lézard géant jaillit de l’extérieur et le projeta au fond de la gueule du monstre.

- « Souvenez-vous de ceci la prochaine fois que vous voudrez écraser un lézard sous votre botte ! » s’exclama Hjotra en grand défenseur des animaux.
- « Mais c’est quoi tous ces monstres ?! » geignit Doreen en tapant nerveusement sur Arzhiel.
- « Détendez-vous ! Le gros tas est trop large du fion pour nous atteindre planqués ici. »

Le lézard défonça le mur d’un coup de tête, comme s’il avait entendu ce défi, avant de piétiner les décombres comme des brins d’herbe pour mieux approcher les quatre aventuriers.

- « Je m’occupe de lui ! » lança fièrement Brandir. « C’est sans risque ! Je ne peux pas clamser ici puisque je vis dans le futur ! Je vais vous doser la bête au maillet, ça ne va pas traîner ! »

Le lézard donna un coup de patte qui emporta le marteau d’acier et de mithril jusqu’à la moitié du manche et dont le déplacement d’air rabattit la barbe du guerrier sur son visage. Brandir fit demi-tour, un regard dépité rivé sur le bout de masse qu’il tenait encore dans la main.

- « D’un autre côté, je ne peux pas me permettre de claquer avant mon mariage », se raisonna-t-il. « On va fuir aujourd’hui, mais juste pour Briga, d’accord ? »

Les trois autres acquiescèrent vivement tandis que la bête approchait et tout le monde se rua dans un couloir qui, naturellement, ne déboucha que sur un cul-de-sac.

- « Hjotra, arrêtez de faire votre Svorn ! Ce n’est pas une prière désespérée qui va nous sortir de là ! »
- « Je prie Sainte Gudule ! » rétorqua l’ingénieur à travers les cris de terreur de Doreen. « J’ai vu des humains sur le point de se faire lapider faire ça pour être sauvés. »
- « Et ça a marché ? » interrogea Brandir, curieux.
- « Ah non. Ils ont été caillassés… »
- « Ouin ! » pleura Doreen. « Je ne veux pas mourir avec trois tarés ! Je suis trop belle pour ça ! »
- « Par Sainte Gudule, la pauvresse a perdu la raison et tout sens de la réalité », commenta Arzhiel.

Le lézard monstrueux remonta le couloir en claquant des crocs, puis il poussa un rugissement retentissant en vue de ses proies coincées. Arzhiel eut soudain une idée. Il plaça Brandir face au monstre et lui récita le nom de tous les plats qu’il connaissait. Le berserker, à l’évocation du foie d’ours farci aux rognons d’agneau haché, ne put plus se contenir et son ventre émit un long et sonore gargouillis. Le lézard se figea en entendant ce bruit et recula en toute hâte, effrayé par ce qu’il prit pour un rival plus gros.

- « Sainte Gudule soit louée ! » jubila Hjotra. « Vous nous avez sauvés, Brandir ! »
- « Oui, mais j’ai faim maintenant…C’est bon la viande de lézard à votre avis ? »

Le groupe quitta la bâtisse tous les sens en alerte, rasant les murs et évitant les zones d’ombres impénétrables. Arzhiel, décontenancé, mena les siens jusqu’à la place principale du village dans l’espoir de rejoindre la route quittant la ville maudite. Un homme grand et pâle, le visage recouvert d’étranges tatouages et portant une sombre pèlerine usée, les interpella à un carrefour.

- « Seriez-vous égarés, mes bonnes âmes ? » lança-t-il d’une voix calme, mais qui dissimulait mal sa surprise et sa curiosité, relayées dans son regard perçant.
- « Non, on vient voir notre grand-mère et lui donner un pot de beurre ! » répondit Arzhiel. « Je vous préviens que si vous sortez des tentacules dégueus ou des pinces mal taillées de sous votre liquette, je vous allume au mithril ! »
- « Je ne suis pas un monstre et je ne peux vous chasser, du moins tant que vous demeurez en vie. »
- « Sauvez-nous, noble seigneur ! » gémit Doreen, déjà en larmes aux genoux de l’inconnu. « Et tant pis si vous ne pouvez en sauver qu’un seul, mes serviteurs sont prêts à se sacrifier pour sauver la vie de leur douce et reconnaissante maîtresse…Je trouve vos yeux bleus magnifiques. »
- « On retourne au lézard lui servir de l’humaine au souper ? » proposa Arzhiel, un regard pathétique posé sur Doreen. « Le marché aux esclaves, ça fait trop loin d’ici. »
- « Vous ne pouvez quitter ce lieu par des moyens conventionnels », déclara l’homme blafard en remuant sa jambe pour y décoller Doreen.
- « Mais on est où là ? On dirait le rêve d’un drow, en moins sadique. »
- « Vous êtes sur le Seuil, pauvres ignorants. Un Entre-deux-mondes, une dimension alternative, un lieu de non-vie, la frontière entre l’au-delà et le monde réel, un territoire où s’échouent les âmes perdues et bannies en quête de leur chemin ou condamnées au purgatoire. La version parallèle de votre univers, mais régie par des lois mystiques. Les vivants n’ont pas leur place en ce lieu damné et béni. Il est impossible que vous ayez atteint le Seuil sans un usage interdit du surnaturel. C’est la magie qui vous a guidé jusqu’ici. »
- « Un sortilège ? Le Seuil ? La non-vie et le purgatoire ? Bon sang, mais vous êtes qui ? Vous parlez comme un prof de maths, on pige rien. »
- « Un faucheur d’âmes », répondit l’homme avec un sourire froid, jetant aussitôt Doreen de ses chevilles à celles d’Arzhiel. « Ceci est mon monde, pas le vôtre. Je ne peux m’en prendre à vous, mais cet endroit est hanté par de viles créatures, âmes déchues transformées par leur propre haine qui vous dévoreront sans pitié. »
- « Sans déconner ? » fit Arzhiel, feignant la surprise. « Renvoyez-nous ou indiquez-nous la sortie et même pas on vous fait les poches après vous avoir latté. Ça marche ? »
- « Impossible. La magie a violé ce sanctuaire mais si vous ne pouvez l’utiliser pour repartir, il vous faudra payer le prix de votre délivrance. Une vie pour une vie. Offrez vos âmes ou abandonnez-en quatre ici. »

Les nains échangèrent quelques commentaires et réflexions à voix basse. Il y eut quelques gestes, des menaces et un taquet, puis tous semblèrent se mettre d’accords.

- « On ne vous tape pas parce que Brandir n’est pas en forme », annonça Arzhiel.
- « J’ai trop faim », expliqua le berserker en s’excusant auprès du faucheur d’âmes.
- « C’est dommage parce qu’on ne comprend rien à ce que vous dîtes et ça nous a unanimement gercés. D’un autre côté, ça va être tendu pour vous dégotter des âmes à vous refourguer en échange du billet de retour. Je présume que même si on bute cent bestioles crades des environs, ça ne compte pas ? Bien sûr. Et puis…Quoi Hjotra ? Non, on a dit non ! Vous vous retenez ! »
- « Mais ça urge ! » se plaignit l’ingénieur en dansant d’un pied sur l’autre. « Je vais me pisser aux gueuilles ! »
- « Hé ! Vous avez vu la touche du clébard qui est sorti de mon sang tout à l’heure ? Imaginez votre pisse… »
- « Je vous laisse me tripoter une minute et vous me sortez d’ici ? » susurra Doreen à l’oreille de l’homme impassible. « Je peux vous avoir de l’or, des armes, du mithril ! »
- « Les possessions matérielles n’ont aucune valeur ici-bas. Quant aux plaisirs de la chair, le seul connu ici consiste à dévorer les vivants jusqu’aux os. Si vous partez, il faudra rééquilibrer la balance. Quatre âmes doivent rester. »

Le faucheur d’âmes, inflexible, croisa les bras sur sa poitrine et attendit en silence. Au loin, des grognements bestiaux inquiétants surgissant de la brume élargirent son fin sourire.

- « Comment fait un nain pour se mettre d’accord avec un orc ? » dit soudain Arzhiel d’un ton gêné. « Personne ? En lui coupant la poire en deux. »
- « Si vous pensiez qu’il fallait en rajouter pour passer pour un pitre ou un bouffon », déclara Doreen, « je vous confirme que ce n’était pas nécessaire. »
- « Elle est pas mal, je trouve », résonna soudain une voix sépulcrale qui fit sursauter tout le monde, excepté le faucheur d’âmes et Arzhiel.

Le nain planta sa hache dans le sol couleur cendres et aussitôt, la forme vaporeuse d’un fantôme en émergea, dessinant la silhouette du vieux Thoric, le nain maudit hantant l’arme sacrée d’Arzhiel. A sa suite s’alignèrent le revenant chasseur d’esprits, le troglodyte et un ivrogne crasseux grattant son bas-ventre éthéré. Les fantômes prisonniers de la hache enchantée s’étirèrent et observèrent les environs en flottant de ci de là.

- « Quatre âmes », sourit le faucheur d’un air satisfait et amusé. « Vous n’êtes donc pas si dénué de ressources que cela. »
- « La blague était un piège pour nous invoquer ! » comprit Thoric. « Seigneur, on a tout entendu. Vous voulez nous troquer pour sauver vos vies ? Pourquoi accepterions-nous ? »
- « Druuuuuuiiiiiivvvvnno ! » tempêta le troglodyte en bousculant le fantôme de l’ivrogne cherchant à voler la gourde de Brandir de ses doits immatériels.
- « Vous croyez que ça m’amuse et que j’ai le choix ? » rétorqua Arzhiel. « Vous êtes coincés dans ma hache pour l’éternité. C’est une occasion unique de rejoindre le..le truc après là, avec les angelots et les harpes. »
- « Le paradis ? » proposa le chasseur de démons. « Diablerie ! Ce coin ressemble davantage à l’enfer ! Un combattant des forces obscures comme moi aurait fort à faire ici avec tous ces démons ! J’accepte de rester ! »
- « Y aura de la gnôle ? » demanda le vieil ivrogne d’une voix traînante.
- « Toute une fontaine en libre-service là-bas », indiqua Arzhiel à l’humain qui donna son accord d’un vague geste de la main avant de partir en titubant dans la direction indiquée.
- « Vous l’avez recruté où celui-là ? » chuchota Doreen en grimaçant.
- « Un poivrot dans une taverne, un soir. Ce cave, fin plein, a glissé sur une flaque de vomi et est venu s’empaler le derche sur ma hache posée contre ma chaise. Dans la vie, on est vernis ou on ne l’est pas. Lui encore moins que moi.»
- « Jpuuuuuufffff lauuuuurzzeeeeeng ? » interrogea le troglodyte.
- « Il veut savoir si il y a de la femelle de son espèce par ici », traduisit le fantôme chasseur.
- « On a vu quelques reptiles pas farouches et plutôt généreuses dans leurs formes », fit Arzhiel en demandant l’avis des autres nains qui ne purent nier le fait. « Des écailles proéminentes, un vaste appétit et une indéniable habilité avec la langue. Chaude pour une sang-froid. »
- « Trois âmes acquises à votre cause, compta le faucheur. « Le Seuil en exige encore une. »
- « Thoric ? Je suis votre seigneur et je vous demande cette faveur. »
- « Je veux une blague », bouda le vieux nain. « Je serai maudit tant que je n’aurais pas ri et si vous me laissez ici avec ma malédiction, je n’ai aucune chance de rédemption. Faites-moi marrer. »
- « On notera que celui qui pète les rouleaux sur les quatre est quand même le nain », commenta Doreen en sifflotant.
- « On n’est pas là pour se raconter des vannes ! » protesta Arzhiel. « C’est un groupe sérieux, pas une troupe de comiques itinérants. On affronte le danger, la mort et l’aventure tous les jours. Je ne vois pas comment on pourrait vous faire rire. »
- « Moi je connais une chanson avec des oiseaux et un lapin », fit Hjotra, tout bleu à force de se retenir. « Mais pas de blague. »
- « Moi je suis un bourrin », dit Brandir, désolé. « Je ne suis pas censé posséder le sens de l’humour. »
- « Barrez-vous ! » pesta Arzhiel. « Si j’ai besoin de rien, je vous demande. Laissez-moi seul avec Thoric. »

Les deux nains échangèrent un regard, puis s’écartèrent, suivis par les fantômes et Doreen. Thoric et Arzhiel s’entretinrent quelques minutes à l’écart. Puis soudain, un rire de gorge grave et rocailleux brisa le silence pesant. Thoric, renversé en arrière, gloussait comme une adolescente en se tordant de rire devant Arzhiel, bien plus calme. Le seigneur de guerre salua le fantôme et montra quatre doigts au faucheur d’âmes. Pour entériner l’accord, le nain fut obligé d’abandonner sa hache, le lien des revenants, qu’il planta avec tristesse dans un rocher déchiqueté. Brandir, Hjotra et Doreen rejoignirent leur chef. Les quatre fantômes se regroupèrent également non loin. Le faucheur d’âmes prononça une phrase incompréhensible et le brouillard se perça dans son dos, laissant entrevoir un chemin de campagne désert, ensoleillé, poussiéreux, mais bien réel. Les aventuriers quittèrent enfin le Seuil qui disparut derrière eux, emportant les esprits de Thoric et les autres vers leur destinée. Une fois de retour dans leur monde, Hjotra se précipita vers un buisson pour se soulager et Brandir alla se poser près d’un arbre pour entamer une collation salvatrice. Doreen et Arzhiel se retrouvèrent seuls à les attendre.

- « Comment est-ce que vous avez réussi à faire enfin rire Thoric ? » demanda la chasseuse de primes, dévorée par la curiosité.
- « Je vous le dis si vous me dîtes comment vous savez où se trouve Rugfid. »
- « D’accord », accepta sans hésiter la jeune fille. « En fait, je travaille pour la guilde des marchands et j’ai infiltré votre groupe afin de vous aider à acquérir suffisamment d’or pour rembourser les dettes de votre cousin envers la guilde. Le mois dernier, j’ai reçu une missive pour vous au campement. Vous étiez à la recherche de Hjotra qui était tombé dans un fossé. J’ai lu le message. C’était une demande de défi d’un inconnu qui vous insultait de partout. Il donnait le lieu de captivité de Rugfid et vous sommait de vous y rendre, sûrement dans le but de vous attirer dans un piège mortel. J’ai déchiré le message et je n’ai rien dit. Courir après votre cousin vous aurait empêché de retrouver l’or et la guilde avait ses priorités. »
- « QUOI ?! » hurla le nain, choqué.
- « Rien, on s’en fiche, je vous détaillerai tout ça plus tard. Qu’est-ce qui a fait rire Thoric ? »
- « Le récit de ma nuit de noces avec Elenwë », grommela Arzhiel en enfonçant ses poings tremblants au fond de ses poches.
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Arzhiel




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MessageSujet: Re: La Saison 4   La Saison 4 - Page 2 Icon_minitimeVen 29 Aoû - 20:13

Episode 118 – La Grâce du Chevalier de la Viverne (1ere moitié)

Résumé des épisodes précédents : Arzhiel, Brandir et Hjotra sont partis secourir Doreen, la chasseuse de primes, vendue au marché des esclaves. La jeune fille est seule à connaître le lieu de détention de Rugfid que le groupe recherche ardemment. Pendant ce temps, Ségodin, laissé de garde dans la caverne de la viverne vaincue par la troupe, patiente avec la charge de surveiller le trésor du monstre.

Entièrement nu à l’exception de son casque complet orné d’un dessin grossier et maladroit de viverne, Ségodin sortit de l’eau en remontant le tunnel immergé menant au lac. Il demeura quelques minutes debout dans la pénombre, parfaitement immobile, puis courut brusquement jusqu’à la caverne en hurlant des cris de guerre, tournant en rond et enjambant les divers obstacles jusqu’à ce qu’il soit à bout de souffle. Le paladin s’accroupit en fixant une malle qu’il tenta obstinément d’enflammer de la seule force de son esprit avant de s’interrompre à l’idée que la fouiller à la recherche de nourriture serait plus judicieux, et surtout moins long. Il vida à terre la vaisselle en argent, les bibelots dorés, les bourses de pièces d’or de feu la viverne ainsi que divers autres articles de grande valeur mais peu digérables. Parmi eux se trouvait une fiole qui, lancée sans attention par-dessus son épaule par le chevalier, heurta le sol en tintant et se brisa en mille morceaux. Un minuscule lutin en jaillit en toussant.

- « Liiiiiiiiiiiiiiiibre ! » hurla la créature dans un cri de délivrance et de victoire suprêmes. « Je suis enfin libre de cette fade et cruelle prison ! Que soit béni et couvert de mes baisers de gratitude celui qui me délivra ! »

Le lutin surexcité tourna son regard espiègle vers Ségodin nu, penché en avant, le nez dans la malle, et tout son enthousiasme s’envola aussitôt.

- « J’ai longuement prié pour un jour revoir la lune », murmura le farfadet empli d’effroi, « mais jamais il ne me vint à l’esprit qu’elle put devenir si laide. Humain peu exposé au soleil et pourvu d’une bien ingrate toison, tourne donc ton visage vers moi que je contemple les traits de mon sauveur et…AHHHHHH ! NON !!! Mais tu es nu partout !!! Oublie ça ! Ne te retourne pas en fait !!! »
- « Qui parle ? » demanda Ségodin avant de remarquer la créature à ses pieds, si curieuse et malheureusement si maigre pour un si vaste appétit. « Qui es-tu, petit bonhomme ? »
- « Je me nomme Fushwich », se présenta le lutin avec une révérence, une main en visière pour protéger ses yeux. « Je suis un lutin que la viverne avait emprisonné et tu m’as libéré. Je te suis grandement redevable et je t’exprime dès à présent mon indéfectible amitié mais pour l’amour du ciel, passe un pantalon !!! Pourquoi es-tu nu, humain masqué ?! »
- « Mon nom est Ségodin, chevalier de la viverne », répondit le paladin en allant chercher son pantalon hissé sur un bâton pour faire un drapeau, près du coffre renversé où il dormait habituellement. « Je purifiais mon corps par quelques ablutions. »
- « Des ablutions de boue des Marais Sans Fond ?! » s’exclama Fushwich, la main plaquée sur le visage à présent. « C’est quoi cette horrible puanteur ? C’est à faire dégobiller un gobelin ! »
- « Je ne sais pas trop. Je crois qu’il s’agit de la décomposition du corps de la viverne là-bas, mais je pense aussi que la moitié de vache a aussi tourné malgré l’humidité ambiante. »

Le lutin aux sens assaillis observa la dépouille de la viverne partiellement calcinée et énormément explosée au fond de la grotte. Un sourire enjoué se dessina sur ses petites lèvres.

- « Est-ce toi qui a châtié de la sorte ce terrible monstre ? »
- « Si fait ! Grâce à mes pouvoirs cachés ! »
- « Tes pouvoirs ? » demanda Fushwich, un peu sceptique, ne sentant émaner aucune magie du corps de l’humain.
- « Je suis Ségodin, le chevalier de la viverne ! » clama d’une voix trop forte pour ne pas paraître étrange le jeune homme, un doigt en l’air. « J’ai châtié le monstre. Oui châtié grâce à mes pouvoirs. Regarde, petite créature, vois cette myriade de papillons s’envoler de mes mains ! »

Ségodin tendit les paumes de ses mains vers le ciel et s’esclaffa en baissant la tête, esquivant des papillons qui n’existaient que dans sa tête. Fushwich comprit qu’il avait en face de lui un esprit troublé et sans se départir de son sourire, il recula prudemment.

- « Ségodin, je dois te récompenser pour m’avoir sauvé et…pour ces beaux papillons. Que désires-tu ? De l’or, tu en as ici plus que de raison. Veux-tu que je te téléporte, toi et ton trésor, jusqu’à ton foyer ? Où vis-tu ? »
- « Dans ma redoutable forteresse, le croc de la viverne ! » lança Ségodin en désignant un amas de trois coffres empilés contre une stalagmite avec un sentier délimité par des cailloux, un tonneau en guise de décoration et la tête de la vache trônant près de celle de la viverne pour encadrer la « bâtisse ». « N’est-elle pas magnifique ? »

Fushwich se tordit le cou pour comprendre ce que le chevalier lui montrait et lorsqu’il fit le rapprochement avec le chantier réuni dans le coin indiqué, le lutin grimaça piteusement.

- « D’accord », dit-il pour lui-même, « je suis tombé sur un fromage… »
- « Que pourrais-je désirer ? » marmonnait pendant ce temps Ségodin en marchant de long en large, échangeant quelques phrases avec des personnes que lui seul pouvait voir. « Je suis déjà un grand guerrier, riche, puissant, doté de grandioses pouvoirs. »
- « C’est clair que le coup de l’invocation de papillons invisibles, y a peu de sorciers qui peuvent se vanter de le maîtriser », ironisa le lutin d’un ton sardonique.
- « Mon château fait trembler mes ennemis et mon épée enchantée peut fendre des montagnes. »
- « Quoi, la hampe de lance brisée et toute moisie là ?! » commenta le farfadet.
- « J’ai une épouse belle comme le jour, deux enfants aimants, des serviteurs nombreux et loyaux, une meute de chiens superbe… »
- « Techniquement, ce sont des rats », observa Fushwich tandis que Ségodin saluait de loin les rats dévorant la carcasse de la viverne.
- « …des faucons de race pure… »
- « Des chauves-souris bien crades. »
- « Un destrier de guerre, symbole de ma légende, paissant calmement hors de cette caverne… »
- « Je parie ma redingote que c’est un baudet plein de puces et sans chicot », dit le farfadet en s’installant confortablement par terre, sentant que la liste allait être longue à ce train.
- « Je suis naturellement doté d’une beauté et d’un charme indéniables… »
- « J’ai du mal à dire. C’est difficile de juger avec ton casque sur le melon, mais les côtes saillantes et ce que j’ai subi de ton intimité orientent mon opinion vers une prémisse de confirmation. Ou de dépression nerveuse. »
- « Je ne requiers nulle force, mon bras, point ne m’a trahi ! »
- « Je me fais une petite pause », indiqua le farfadet en bourrant une pipe sortie de sa poche. « Vas-y, prenez ton temps et mûris ton choix. Deux cents ans passés dans une fiole étroite, je ne suis pas à une heure près de la liberté ! En plus, je ne me suis jamais retrouvé coincé dans une caverne avec deux cadavres de bêtes pourrissants et un cinglé de compétition ! Les joies des nouvelles expériences ! »
- « Mon esprit est vif et illuminé de sagesse », résumait le chevalier, concentré.
- « Illuminé ! C’est le terme adéquat ! »
- « Je suis aussi très humble. »
- « Brave. Moi, j’emploierais le terme brave du village, mais ça n’engage que moi. »
- « Mais curieusement, le contact avec autrui m’est difficile. Les gens ne restent jamais près de moi. »
- « Pose-toi les bonnes questions. L’hygiène c’est important à notre époque. »
- « Je ne pense point être dénué d’humour pourtant. »
- « Alors là attention ! » lança Fushwich en tirant une bouffée. « Moi, je te connais à peine, mais si je n’étais pas si désespérément terrorisé à l’idée que ta folie ne devienne agressive, ça fait un bon moment que tu m’aurais fait hurler de rire ! »
- « Je suis un héros », déclama pompeusement Ségodin en posant. « Aux côtés de mon seigneur, j’accomplis une quête qui sera légendaire ! »
- « Ah, parce qu’il existe quelqu’un d’assez barré pour t’engager comme héros à son service ? Hé bien, il doit être drôlement mignon, le type ! »
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Arzhiel




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MessageSujet: Re: La Saison 4   La Saison 4 - Page 2 Icon_minitimeVen 29 Aoû - 20:14

Episode 118 (2nde moitié)

Ségodin, plongé dans ses réflexions, s’éloigna de quelques pas, effectua brusquement une roulade, puis revint à pas lents vers le lutin. Il sursauta, comme si une idée de génie venait de traverser son esprit, mais se mit simplement à hurler en direction du tunnel, exigeant avec irascibilité que l’on essuie ses souliers avant de rentrer. Fushwich se retourna, apeuré, pour constater comme il s’en doutait qu’il n’y avait personne d’autre qu’eux dans la grotte.

- « C’est embêtant », maugréa le lutin en se relevant. « Pour les membres du Petit Peuple auquel j’appartiens, il est essentiel d’honorer une dette souscrite auprès de mortels. Là tout de suite, je n’ai qu’une hâte en toute franchise : choper une libellule au vol et me tailler à l’autre bout du pays avant de tourner aussi barje que toi. Malheureusement si mon roi apprend que je ne t’ai pas récompensé, il est capable de me changer en verrue sur la fesse d’un troll pour une bonne décennie. »
- « Une fois, j’ai mangé une libellule », fit Ségodin en remontant son pantalon.
- « Ouais super. Donc, il me faut te gratifier de quelle que manière que ce soit. La raison voudrait que je te rende la tienne. Mais vu le boulot, j’en ai pour des plombes sans chance de réussite, je ne suis pas magicien non plus ! Enfin si, mais là c’est tendu. Humain ! Psst ! Ouhou ! Là en bas ! Ho ! Je suis là ! »
- « Mille excuses ! » s’exclama le chevalier, gêné. « Je croyais que Père s’adressait à moi. »
- « Ah zut, c’est ballot, c’est juste moi, le lutin avec qui tu parles depuis quelques minutes quand même. C’est qui ton père ? »

Ségodin retira lentement son casque de manière solennelle, puis désigna le plafond de la caverne discrètement, comme si quelqu’un les espionnait et qu’il révélait un secret. Il mima une auréole et une longue barbe blanche.

- « Il Lui arrive de me confier des missions sacrées. Une fois, Il m’a même chargé de bouter les orcs hors du pays pendant que je surveillais mon troupeau de moutons, mais je me suis pris une trempe par un garde gobelin manchot à l’entrée de leur campement. J’ai abandonné. »
- « On va faire vite », soupira Fushwich en essuyant son front moite. « C’est peut-être contagieux. Je vais t’offrir une bénédiction du peuple fée, humain. Alors Don ou Grâce ? »
- « Grâce, ça peut m’aider au combat ? »
- « Parfois. Ça peut être utile si tu tombes sur des adolescents elfes pas encore tout à fait fixés sur leur orientation sexuelle… Mais non, benêt ! Je ne te parle pas d’un talent à danser ou d’une maîtrise parfaite du pas chassé ! Une grâce, c’est un charme, un sort bénéfique, espèce de courge ! Sérieux, essaie de suivre un minimum. Parce que bon, je me connais, je vais perdre patience et te changer en gland ou en bolet, même si tu as déjà bien préparé le terrain pour ressembler à l’un plutôt qu’à l’autre. Voilà, je m’énerve ! Le sang me monte vite à la tête, en même temps, c’est facile quand on mesure quinze centimètres. »
- « C’est fort singulier ! » sourit placidement Ségodin. « Tu me fais penser à mon seigneur. Il râle tout comme toi ! Je crois même qu’il m’a déjà fait le coup de la vanne avec le gland. »
- « Fort singulier, c’est clair ! Ecoute, je te fais un lot ! Je te lâche un don pour cueillir les oranges, une bénédiction qui te fera pondre une pièces d’or par jour et un talent exacerbé pour imiter les cris du mulot de campagne ! Je ne fais pas mon radin sur ce coup ! Hop, on invoque, on t’enchante et après je me tire. On en a pour une minute si tu ne bouges pas. On y va ? On est prête ? »

Ségodin, bras croisés et le menton dans une main, réfléchit à la proposition tandis que Fushwich prenait son pouls pour calmer ses palpitations.

- « C’est certain que c’est tentant, surtout le machin avec les oranges, ça peut toujours servir. »
- « On vote pour les oranges ? Ségodin le chevalier de la viverne, seigneur des orangeraies dit le cueilleur aux doigts d’or ! Ça pète ou pas ?! »
- « Mais je pense que je vais choisir autre chose. Tu peux enchanter une personne avec une Grâce ? »
- Attends, je m’assoies pour récupérer là, c’est ta première réflexion sensée. Tu penses à quelqu’un en particulier ? »
- « La dame de mon cœur », avoua en rougissant le jeune homme. « C’est une elfe douce et belle. Je me consume pour elle depuis longtemps. »
- « J’ai un vieil enchantement de vélocité au plumard en stock, les satyres ne juraient que par ça à leur époque ! Ça te change une coincée du derche en reine des truies et… »
- « Non ! » l’interrompit Ségodin, choqué. « Je ne rêve que d’un amour pur et fidèle avec ma belle. »
- « Comme tu veux, mais en parlant de fidélité, tu n’étais pas marié avec deux mouflets y a cinq minutes ? »
- « Si, c’est avec la même, ne t’en fais pas. Elle m’a épousé et m’a donné deux héritiers, c’est juste qu’elle l’ignore encore. »
- « Crois-moi ou pas, mais à ma sortie de fiole, j’aurais pu m’inquiéter de ce genre de phrase. Mais en te connaissant mieux, on relativise et on se dit que le plus beau, c’est que non seulement tu crois aux âneries que tu débites mais qu’en plus, tu es capable d’en sortir une deux fois plus énorme au paragraphe suivant, sans même sourciller ! »
- « Bon, euh, on peut revenir sur ma Grâce, je te prie ? » s’offusqua le paladin.
- « Purée, si ça peut me faire décrocher plus vite de la grotte au dingo, carrément que j’enchaîne ! C’est laquelle ta dulcinée ? Ne me dis pas, je vais deviner. Elenwë, j’ai bon ?! J’ai aussi sauvé la peau à un confrère un jour et j’ai gagné ce don. Moins facile à placer que celui des oranges, mais bien plus classe. Allez ! Elenwë, ma belle, prépare-toi à voir ton cœur ravi par Ségodin du truc machin à la viverne ! Ecartes-toi, ça va scintiller ! »

Arzhiel crut apercevoir un éclair illuminer l’espace d’une seconde l’ensemble de la caverne au moment où il sortit de l’eau avec Hjotra, Brandir et Doreen. Le nain remonta le tunnel et balaya du regard la grotte silencieuse replongée dans la pénombre. Une silhouette dans un coin attira son attention. Ségodin était assis par terre, seul, à moitié nu, l’air dépité, les larmes aux yeux. Une grenouille ventrue posée sur son épaule se frottait amoureusement à sa joue en coassant. On jurait qu’elle ronronnait de plaisir. Machinalement, Arzhiel porta la main à sa tête et découvrit alors qu’il avait perdu la grenouille rivée sur son crâne dans laquelle Elenwë s’incarnait depuis le début de leur voyage pour le surveiller.

- « Il fait une drôle de tête », s’inquiéta Hjotra en examinant Ségodin. « Vous croyez qu’il va bien ? »
- « Le lutin… » balbutia le paladin. « Il est parti et j’ai gagné l’amour éternel de la grenouille. J’aurais du prendre la Grâce des oranges ! »
- « Ouais, c’est bon », fit l’ingénieur, rassuré. « Il est dans son état normal. »
- « Hé, mais c’est ma grenouille qui le galoche ! lança Arzhiel. Avec l’habitude, je ne faisais plus attention mais c’est vrai que ça fait bien une semaine que je n’ai pas été foudroyé. Comment elle a atterri ici ? …J’ai compris. Le coup des éclairs multiples contre la viverne a du la décoller et rompre le sort d’Elenwë. Ah oui, navré, Ségodin. Vous n’avez aucun pouvoir en fait. C’est la magie de ma femme qui a bousillé la viverne. »
- « C’est pour ça que la Grâce a échoué ? » marmonna piteusement le chevalier. « Elenwë n’est plus à l’intérieur de la grenouille. Il reste juste assez de traces de sa magie en elle pour dévier un enchantement… »
- « Alors lui, ça ne va pas en s’arrangeant », rouspéta Arzhiel sans comprendre un mot des divagations du chevalier. « Allez debout la viverne, envolez-vous ! Vous ferez des saletés plus tard avec votre nouvelle copine. On repart. Et rangez-moi un peu ce foutoir, on se croirait dans votre cervelle ! »
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Arzhiel




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MessageSujet: Re: La Saison 4   La Saison 4 - Page 2 Icon_minitimeVen 29 Aoû - 20:15

Episode 119 – Le Duel Final (1ere moitié)

Résumé des épisodes précédents : Arzhiel et ses fidèles comparses, devenus chasseurs de primes pour renflouer le Karak ruiné à cause de Rugfid, découvre enfin un trésor. Ils apprennent par Doreen, une alliée qui les a un peu trahis, l’endroit où est retenu Rugfid, captif d’un mystérieux ennemi aux sombres intentions.

Assis à l’écart de ses équipiers, Arzhiel égrainait ses pensées au fil du vent, absorbé dans la contemplation hypnotique de sa masse d’armes qu’il faisait tournoyer en rythme régulier entre ses doigts. Les dents serrées, le regard noir, le nain s’arracha une seconde à sa réflexion pour observer Hjotra qui applaudissait frénétiquement tandis que Brandir et Ségodin luttaient pour se distraire ou plutôt, Brandir qui tordait les membres de Ségodin dans des angles improbables, grognant ses cris de guerre excités à l’humain massacré et jappant de douleur. Non loin, Doreen montait la garde près du chariot transportant le trésor de la viverne. La jeune fille intercepta le regard d’Arzhiel et l’interpréta comme une invitation à le rejoindre.

- « Vous ne voulez toujours pas approcher ? » lança-t-elle en venant vers lui. « On entend parfaitement les os de Ségodin grincer et ses tendons crisser sous la pression depuis là-bas. Profitez-en parce qu’il ne tiendra plus très longtemps. Il est bien moins vaillant depuis que Brandir a réussi à lui faire lécher son propre coude. »
- « Pas envie », marmonna Arzhiel, le visage fermé. « Pas envie de vous causer non plus. »
- « Ah bon ? Pourquoi ? Racontez-moi ! »
- « Probablement parce que je fais la gueule », soupira le seigneur de guerre.
- « Je parie que ça a un rapport avec ma trahison et ma manipulation ? A moins que ce soit à cause du brouet d’hier soir qui était trop relevé ? »
- « Une fois, j’ai buté un troll avec cette masse. Son crâne a pété comme un œuf qui implose. »
- « Est-ce que ça vous soulagerait de savoir que je suis torturée par le remords ? »
- « C’est le cas ? »
- « Non, bien sûr ! » ricana espièglerie Doreen. « Mais si je vous dis que j’ai hésité quand la guilde m’a engagé pour vous infiltrer, vous me faîtes risette ? »
- « La mission que vous avez accepté et mené à bien ?! Alors non, ça ne me détend pas. Par contre, si je vous collais un taquet, je ne sais pas. On essaye pour voir ? »
- « Qu’est-ce que vous êtes rabat-joie et rancunier ! » se plaignit la jeune fille tandis qu’au loin, Ségodin poussait un cri de fillette de huit ans, mais en plus aigu. « Nous arriverons demain au lieu de détention de votre cousin. J’ai racheté ma faute et je me suis excusée. »
- « Reparlez-moi de ça », grommela le nain de mauvaise humeur.
- « Oh, j’ai compris ! » fit la jeune fille avec un sourire jovial. « Vous ne tirez pas la tronche à cause de moi. Enfin si, mais pas que. Vous vous inquiétez pour demain ! »
- « Oui, c’est con mais comme c’est sans doute un traquenard bien vicelard pour me dézinguer dans un lieu inconnu contre un ennemi inconnu, instinctivement, j’appréhende. Débile, hein ? »
- « Ne vous en faîtes pas ! On est là, nous ! »

Doreen, un sourire enthousiaste sur les lèvres, se tourna vers les trois autres qui s’affrontaient à présent ensemble en se fouettant avec leurs pantalons ôtés et en couinant comme des porcelets.

- « Vous avez raison », confia Arzhiel, stoïque devant le piteux spectacle. « Ça pourrait être pire, il pourrait y avoir ma femme et mon prêtre en plus. »
- « Svorn n’a pas pu venir, je lui ai refilé la coulante par magie à cause d’un regard en biais hautement indigne de ma personne », piailla la voix d’Elenwë depuis les hauteurs.

Arzhiel et Doreen levèrent la tête pour apercevoir une mésange perchée sur une branche. L’oiseau s’envola, plana harmonieusement et se posa un peu plus près, crépitant de magie, sans doute « habité » par Elenwë.

- « Ne m’en voulez pas si je ne vous embrasse pas, j’ai promis devant le Protecteur que je ne roulerais plus de pelle aux créatures avec des plumes sur le fion et se nourrissant de graines et de vers depuis mon aventure avec votre sœur », la salua Arzhiel. « Alors comme ça, on ne fait plus dans le crapaud ? Les pustules vous rappelaient trop votre jeunesse, je présume ? »
- « J’ai du changer d’avatar et j’ai opté pour davantage de grâce. J’avais déjà pas mal d’expérience avec les peaux qui suintent et le gobage de mouches après plus d’un siècle à vous côtoyer. »
- « Qu’est-ce que c’est beau un éternel et pur amour partagé », commenta innocemment Doreen.
- « Je suis venue accompagner la légion que vous avez mandée pour une obscure raison », l’ignora Elenwë.
- « Elle arrive bientôt ? » se réjouit le nain. « Parfait. J’ai une petite cargaison à lui faire escorter jusqu’au Karak. Trois fois rien. Quelques babioles dégottées dans un vide grenier de viverne. Puisque vous êtes du voyage, vous ne partirez pas les ailes vides : vous raccompagnerez les boulets et la gamine là. Evitez de la buter, j’ai fermement l’intention de la marier à Svorn. Elle me doit un service après tout. »
- « C’est qui Svorn ? » demanda Doreen, intriguée. « Il est mignon au moins ? »
- « Vous ne rentrez pas avec nous ? » interrogea Elenwë la mésange.
- « Un détail à régler avant. A régler seul. »

Le nain tourna les talons, l’expression sévère, ses pas le menant vers le chariot empli de richesse, baignant dans la lumière du soleil couchant, avant de s’entraver en jurant comme un charretier au bout de trois mètres. Brandir accourut vers lui en pestant, poursuivi par Ségodin et Hjotra qui criaient plus forts l’un que l’autre.

- « Fini le jeu du Débilo ? » demanda Arzhiel. « Qui a gagné ? Laissez-moi deviner : ex-æquo ? »
- « Seigneur, c’est un scandale ! » râla le berserker. « L’armure de diamant, le joyau de la collection de la viverne, a été saccagée par un goret ! Elle est toute bosselée et déformée ! Aidez-moi à faire avouer lequel de ces deux abrutis a ruiné cette relique ! »
- « C’est pas moi ! » s’exclama Hjotra. « Ce sont eux les guerriers ! Je m’en secoue les grelots des armures, moi ! J’ai vendu la mienne y a trente ans ! »
- « Je suis innocent, malgré ces fallacieuses accusations », se défendit à son tour Ségodin. « J’ai justement échoué trois fois à mon épreuve de chevalerie durant mes classes à cause d’une très fâcheuse allergie au port des armures qui provoque sur mon bas-ventre d’affreuses rougeurs. Et là, je n’ai rien. Vous voulez voir ? »
- « Vous voulez mourir, incrusté dans le sol à coups de marteau ? Calmez-vous donc, tous les trois. On est une équipe ! Un groupe solide, forgé par l’aventure, les embûches et les coups du sort. A quoi ça rime de s’accuser et de se hurler dessus en se dénonçant comme ça ?! Après tout ce qu’on a traversé ensemble malgré la difficulté et votre vertigineux taux de débilité ? La question n’est pas de savoir lequel est coupable, mais comment surmonter cette épreuve. Nous sommes plus forts et liés que ça. Il faut nous adapter à la situation, malgré notre rancœur, notre déception et notre colère. Seul un pur abruti aurait pu pourrir cette armure sacrée, mais c’est ainsi, vous êtes ainsi : des boulets. Si vous êtes incapables de briser le cycle perpétuel des boulettes perpétrées par votre nature déviante, apprenez au moins à être solidaires et au-dessus de ces chamailleries. Vous me comprenez ? »

Brandir, Hjotra et Ségodin, têtes basses, acquiescèrent lentement, honteux et émus. Ils échangèrent de courts regards avant de se tomber dans les bras et de se confondre en excuses devant leur chef, satisfait.

- « C’est vous qui avez détruit l’armure, n’est-ce pas ? » remarqua Elenwë en se posant sur l’épaule de son époux.
- « C’est sans importance de savoir qui ou quoi ou comment et…et…ne me regardez pas comme ça tous…Oui, bon c’est moi, j’ai eu envie de l’essayer mais j’ai surestimé sa tolérance aux personnes dotées d’un gabarit corpulent au niveau des hanches…Ce sont des incidents qui arrivent à tout le monde ! »
- « A tous les boulets. Et vous en êtes un, au même titre que vos petits potes, mon gros aimé. Allez, avouez. Vous vous sentirez mieux en admettant que vous êtes un bon gros boulet. »
- « Ah oui, seigneur ? » s’exclama Hjotra, surpris. « Vous aussi alors ? »
- « Ne me comparez pas à vous », maugréa le nain, mal à l’aise.
- « Moi ? Non, je songeais à Brandir. Il doit être content de savoir que vous avez un autre point en commun. »

Arzhiel ne dit rien, blasé. Mais Brandir, lorsqu’il saisit l’allusion, deux bonnes minutes plus tard, exigea des éclaircissements auprès de Hjotra. Celui-ci, croyant naïvement et sincèrement à ce qu’il avait dit, répéta la même chose, déclenchant une bagarre à laquelle fut mêlé malgré lui Ségodin lorsque les deux nains cherchèrent un objet contondant pour se frapper.

- « Comme je le disais », déclara Arzhiel, assis plus loin. « Nous sommes une équipe. Et nous sommes des boulets. Donc, demain, j’y vais seul… »

La légion expéditionnaire arriva au lieu de rendez-vous à l’aube, comme annoncé par Elenwë. Arzhiel confia aux guerriers le soin de ramener le trésor en sécurité au Karak ainsi que ses compagnons. Mais ceux-ci refusèrent, animés d’un sentiment de soutien inconditionnel envers leur chef et surtout trop blessés la veille lors du pugilat pour entreprendre un trop long voyage. Arzhiel accepta à contrecoeur de les laisser l’accompagner et le petit groupe repartit pour une ultime étape.
Doreen mena les nains jusqu’à une montagne proche, mais isolée car battue par les vents, hostile et fuie par la faune comme par la flore. Au bout d’un sentier serpentant à travers de rudes paysages chaotiques, le groupe trouva une lourde porte forgée à la mode des nains au pied d’une paroi déchiquetée.

- « C’est un piège », fit Brandir en regardant alentour d’un œil (le seul qu’il pouvait ouvrir) suspicieux. « Ça daube le traquenard. Vous allez vous faire crever si vous y allez seul. »
- « Vous ne savez même pas ce qui vous attend ! » protesta Hjotra en clopinant. « Ils sont peut-être cent, voire le double, vingt à l’intérieur ! Il y a peut-être des minotaures, des araignées géantes et des fourmis rouges ! »
- « Attendez-moi ici », ordonna Arzhiel. « C’est une question d’honneur. Je peux me faire enfler par une guilde de marchandes ventripotents et chauves pour une histoire de pognon, mais s’en prendre à la famille, aussi inutile et handicapante qu’elle soit, je ne peux pas laisser passer. Je vais chercher Rugfid. Si j’y reste, je n’ai qu’un vœu : pourrissez la vie de Svorn aussi longtemps que vous le pourrez. Je filoche ! »
- « Attendez ! » l’appela Doreen. « Réfléchissez encore ! »
- « Non, je n’attends plus. Je dois y aller ! J’ai trop envie de pisser. »

Le nain alla se soulager non loin, puis se dirigea d’un pas ferme et assuré vers les hautes portes ouvragées. Il poussa l’un des battants qui grinça dans l’obscurité. Le cœur lancé en pleine course, le nain dégaina sa fidèle masse d’armes. Il inspira une dernière bouffée d’air frais et se tourna vers les siens. Ceux-là avaient déjà commencé l’installation d’un barbecue. Haussant les épaules, Arzhiel pénétra dans l’antre inconnu.
Le seigneur de guerre progressa le long d’un couloir poussiéreux et silencieux, visiblement d’origine naine mais appartenant certainement à un ancien poste avancé abandonné. L’endroit était désert. Arzhiel traversa plusieurs croisements, inspecta de vieilles salles vides, puis monta un étage. Une lumière au loin attira son attention et il se dirigea vers elle. Des torches fixées aux murs éclairaient un corridor plus propre. Les lieux étaient occupés. Au détour d’un couloir, il tomba nez à nez avec un nain seulement vêtu d’une serviette qui sortait visiblement d’une salle d’eau. La stupeur fut largement partagée. L’inconnu, sidéré, pointa le visiteur du doigt en balbutiant puis détala à toute vitesse. Arzhiel le poursuivit jusqu’à déboucher dans une gigantesque caverne aménagée en son centre d’une sorte d’arène incongrue, dallée comme la surface d’un échiquier. Le nain fuyard se trouvait au milieu de la curieuse installation, essoufflé et tout rouge. Un elfe âgé et malingre à ses côtés l’aidait à enfiler un costume de cérémonie violacé.

- « Tu…tu es vraiment un redoutable adversaire ! » s’écria le nain à l’intention d’Arzhiel. « Oser venir me traquer dans mon propre repaire, quelle fourberie ! Tu ne perds rien pour attendre ! Attends que j’ai fini d’attacher mes bretelles, tu vas voir ! »
- « Non, alors pardon euh… »répondit Arzhiel, un peu troublé. « En fait, vous êtes qui et il se passe quoi ?! »
- « Un adversaire digne de vous », ironisa l’elfe à l’air pincé.
- « Silence, toi. Arzhiel ! Ton heure est venue ! Je vais enfin pouvoir prendre ma revanche sur…AH ! C’est trop serré ! Pas aussi serrée la ceinture, voyons ! Je disais donc…Où il est ? »
- « A la porte. »
- « Je me casse », indiqua Arzhiel. « Je cherche mon cousin qui est détenu par un mystérieux et terrible ennemi. Visiblement, je me suis trompé d’endroit. Je ne dérange pas plus votre intimité. Par contre, permettez-moi de vous confier une astuce : les relations fusionnelles ne durent jamais. Si vous voulez devenir un vieux couple, faut vraiment éviter de vous faire habiller par l’autre, c’est malsain. »
-« Reviens ici ! » hurla le nain à présent vêtu de son noble habit mauve. « Tu seras moins insolent quand tu auras vu ceci ! »

L’escogriffe elfe activa un levier et un pan de mur s’ouvrit, faisant apparaître une complexe armature sur laquelle était enchaîné Rugfid, pâle, maigre et sale, mais vivant.
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Arzhiel




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MessageSujet: Re: La Saison 4   La Saison 4 - Page 2 Icon_minitimeVen 29 Aoû - 20:16

Episode 119 (2nde moitié)

- « Ton silence est éloquent ! » gloussa le nain violet. « Tout est là. Je suis ton ennemi intime, celui qui te torture et te harcèle depuis si longtemps ! Je suis celui qui a déchaîné les calamités sur ton groupe ! J’ai capturé ton cousin après avoir provoqué la faillite de son entreprise afin que tu sois couvert de dettes, ruiné et humilié. Je t’ai jeté sur les routes en quête du moindre sou, dressant de multiples adversaires sanguinaires contre toi telle que la pieuvre carnivore et le loup-gourou…baste, garou ! Loup-garou ! Je suis ton cauchemar, Arzhiel ! »
- « Hein ? Pardon, je n’ai pas écouté. Mais vous êtes qui, les comiques ? »
- « Je me nomme Gudrid et voici mon serviteur Balan l’enchanteur. As-tu enfin saisi ? »
- « Ecoutez, les enfants. Je ne suis pas là pour juger qui que ce soit. Vous êtes adultes et libres dans vos pratiques amoureuses. En revanche, ça coûte plus cher si vous y mêlez mon cousin. »
- « Il ne sait pas », souffla Balan à Gudrid qui fulminait.
- « Il est abruti, oui ! Nous ne sommes pas ensemble, crétin ! C’est mon mentor en magie ! Il m’enseigne la sorcellerie et me sert loyalement ! Je suis Gudrid ! Gudrid ! Ce nom ne t’évoque-t-il rien ? »
- « Le frère du lanceur de haches mort de la vérole l’hiver dernier ? » proposa Arzhiel.
- « Je suis l’ancien maître du Karak !!! Ne t’es-tu jamais demandé comment un Karak prospère avait pu t’accepter aussi vite à sa tête alors que tu ne sortais d’on en sait où avec ta bande de traîne-patins ?! Ces idiots m’ont jeté dehors parce que je voulais imposer la pratique de la magie elfe à tous et abandonner les croyances naines. Ils m’ont remplacé par toi et m’ont chassé comme un animal ! Depuis, je n’ai eu de cesse de chercher à laver mon honneur en me vengeant de toi !!! »
- « Gudrid… »marmonna Arzhiel en réfléchissant. « Non, sincèrement, je ne vois pas. Si on a partagé une cuite, il ne faut pas vous vexer que je ne me souvienne pas, ni si j’ai fait du gringue à votre femme, votre sœur ou votre fille. On est nains, ce sont des choses courantes. »
- « Je vais le pulvériser… » éructa Gudrid.
- « Je crois qu’il cherche surtout à vous déstabiliser par la colère, disciple. »
- « Bien vu, le laquais », admit Arzhiel en s’approchant. « En fait, je vous laissais une porte de secours. Maintenant, je vais récupérer ma loque de cousin. Continuez à me raconter votre vie pendant ce temps, ça a l’air de bien vous aider à évacuer votre frustration. »
- « Tu n’iras nulle part, ravisseur de trône ! Pas avant que je sois vengé ! Nous allons régler ça dans l’honneur, dans un duel impitoyable dont l’issue décidera du…OUCHHHH ! Mais ! Mais ! Mais ! Mais il m’a frappé ! C’est malin, je saigne de la bouche ! Pose cette masse ! Je n’ai jamais parlé d’un combat armé !!! »
- « Et encore, vous avez du bol », fit Arzhiel tandis que Balan soignait Gudrid. « J’ai récemment paumé ma hache. »
- « Tu n’es qu’une brute ! Un barbare ! Je te défie à un duel de magie, le noble art ! Voyons si mon apprentissage a porté ses fruits. Si tu gagnes, tu pourras repartir avec ton cousin. »
- « Un duel de magie ?! C’est quoi ce plan ? J’y connais dalle en magie. Quelqu’un vous a jamais dit que quand on est petits, poilus, portés sur la boisson et pas franchement potes avec les orcs, on est des nains ? Les nains collent des mandales avec des armes lourdes ou avec des runes qui pètent tout partout. La magie, on n’est pas spécialement fans. Faut pas vous étonner que les copains vous aient balancé à la rue comme un romano. »
- « Les rustres de ton acabit ne comprendront la puissance de la magie qu’une fois terrassés par elle ! » s’exclama Gudrid. « Une fois que je t’aurais vaincu, je rapporterai ton cadavre encore fumant au Karak et tous devront admettre ma supériorité. Ils me restitueront mon trône et mon titre ! Et mon affront sera lavé ! »
- « Sérieux, vous ne voulez pas arrêtez le sketch ? On se fait une mousse au troquet, je vous invite. On discutera de tout ça devant un gigot bien gras et deux filles de joie encore plus grasses. Je ne vous en veux pas pour Rugfid. Je l’ai moi-même mis au cachot la moitié de sa vie et là encore, je vous trouve un peu léger niveau chaînes. Le duel à la magie, je ne le sens pas, ça va être tout moisi. »
- « Voici une bourse contenant plusieurs runes enchantées par mes soins », déclara l’elfe Balan de sa voix de serviteur détaché et impassible. « Pour équilibrer la partie, vous n’aurez qu’à piocher l’une d’elle et lire la rune à haute voix pour déclencher le sortilège qu’elle renferme. Chaque adversaire lancera un sort à son tour et le dernier debout sera considéré comme vainqueur et seul maître légitime du Karak. »
- « On va dire que la réponse est non », soupira Arzhiel en prenant la bourse. « C’est lourd un rival psychopathe et rancunier ! »

Balan désigna le côté de l’arène destiné à Arzhiel. Le nain passa à côté de son cousin suspendu et inconscient tout en regagnant sa place. L’absence de la moindre puanteur d’alcool se dégageant du malheureux l’inquiéta bien plus que sa lividité.

- « Tu n’auras pas le temps de riposter ! » jubila Gudrid en sautillant sur place. « Goûte donc à mon plus puissant sortilège, fruit de la magie elfe qui déforme le temps et l’espace : Bourrasque de la canopée ! »

Le nain banni traça avec application des symboles elfes en l’air du bout du doigt, surveillé avec attention par son mentor. Un vent violent se leva au centre de l’arène et rugit en sifflant. Mais seule une brise charriant divers débris, dont une pluie de miettes de chips, de la menue monnaie et un hideux coussin décoré avec une broderie de chatons retomba mollement sur Arzhiel. Le nain, interdit, essuya sa barbe décoiffée et empocha les piécettes, sans trop comprendre.

- « Je vous ai déjà dit de ne pas incanter de sortilèges trop puissants pour votre niveau », déclara Balan d’un ton professoral à l’attention de Gudrid. « Vous ne les maîtrisez pas. Là, vous avez écrit canapé au lieu de canopée… »

Arzhiel savoura l’expression déçue et furieuse de son adversaire et piocha sa première rune. A la lecture du symbole de la glace, un cube gelé d’une vingtaine de centimètres de côté se matérialisa au-dessus de Gudrid et chuta lourdement sur son pied en explosant. Le nain magicien hurla et sautilla en serrant son pied blessé. Arzhiel sourit pour la première fois.

- « C’est sympa en fait la magie. Ça aide à briser la glace. »
- « C’était ton dernier sarcasme et ta dernière blague foireuse ! » grogna Gudrid. « Puisque tu aimes tant l’art de la guerre, meurs donc transpercé de toutes parts par ma pluie de haches ! »

Arzhiel se campa sur ses pieds, surveillant autour de lui d’où viendrait l’attaque. Mais au lieu de lames effilées, ne surgit du ciel qu’une grande quantité de plaquettes jaunâtres, odorantes, en formes de savonnettes qui le recouvrirent en pleuvant sur lui lui.

- « Vous avez fait une faute à hache », expliqua Balan, visiblement blasé par les piètres performances de son élève. « Si vous vous trompez d’orthographe, le sortilège prend une toute autre forme. En l’occurrence, il s’agit là de résines de plantes des régions chaudes que druides et chamanes affectionnent particulièrement. »
- « Qu’est-ce que ça biche la magie ! » lança Arzhiel d’une voix moqueuse en s’extirpant des briques au parfum entêtant. « Au fait, je pensais à un truc. Quand vous dîtes que vous avez semé plein d’embûches sur notre route, ce ne serait pas vous le coup du Seuil par hasard ? Bon, le coin était pourri niveau tourisme, mais une brèche dimensionnelle, ça m’a paru un tantinet exagéré pour un trou de bouseux. »
- « Le Seuil ?! » s’exclama Balan, perdant pour la première fois son flegme et son calme. « Gudrid ! Vous avez osé fouiller dans mes grimoires pour lancer un sortilège interdit ?! »
- « Mais il m’a volé mon trône ! » pleurnicha le nain grondé. « Je voulais me débarrasser de lui au plus vite. »
- « Ne l’engueulez pas, ça a foiré puisqu’on s’en est tous sortis, mais il a au moins réussi à jeter le sortilège. Ne le punissez pas, je m’en charge. C’est mon tour d’attaquer. »

Arzhiel piocha une nouvelle rune et activa sa magie. Un vif et luisant éclair frappa Gudrid dans le dos, le jetant brutalement à terre et cramant le fond de sa culotte mauve. L’apprenti mage se releva en tremblant, la larme à l’œil et la lèvre retroussée.

- « Ah, tu veux jouer avec les éléments ?! Mange donc une lance de glace ! »

L’air gela autour de sa main en une longue forme élancée imitant un javelot glacé. Gudrid ricana et lança son projectile. Le tir, complètement raté, ne parcourut pas la moitié de la distance le séparant d’Arzhiel. La lance se ficha au plafond, puis retomba au sol en explosant, recouvrant Gudrid de cent éclats coupants et froids dont l’un vint lui pocher l’œil. Même Balan ne put réprimer un sourire amusé en voyant son élève danser d’un pied sur l’autre en gémissant, les mains sur son œil blessé. Arzhiel enchaîna avec un nouvel assaut. A la lecture de la rune « roncier », un broussailleux buisson d’épineux jaillit du sol devant Gudrid et le recouvrit en poussant à une vitesse vertigineuse. Le nain, lacéré et égratigné, se débattit comme un beau diable pour se dégager de l’emprise végétale douloureuse, son bel habit en lambeaux.

- « Mais c’est quoi ces sortilèges que vous lui avez donnés ?! » hurla-t-il sur Balan, suant sang et eau, hors de lui. « C’est mon duel ! Et… »
- « Et vous vous faîtes torcher », répondit doucement l’elfe, lui clouant le bec. « Vous avez raté toutes vos attaques jusqu’à présent parce que vous pêchez par orgueil. Vous utilisez une magie bien supérieure à votre niveau. Commencez par une incantation simple. »
- « Je sais ! » sautilla le nain en gloussant. « La base ! Simple et efficace : la boule de feu ! »
- « C’est un bon exemple, en effet », acquiesça Balan.

Gudrid inspira et se concentra, visa Arzhiel, puis aligna devant lui les lettres nécessaires à l’invocation d’un trait ardent. A la place jaillit du vide une poule enflammée qui fonça droit sur Arzhiel en piaillant. Celui-ci la réceptionna et éteignit ses flammes à l’aide du coussin aux chatons, contenant avec peine son fou rire.

- « Qu…Quoi ?! » protesta Gudrid, hébété.
- « Après, si vous êtes une quiche en orthographe, c’est au-delà de mes compétences d’enchanteur », lui répondit Balan. « C’est ce symbole-là en elfe pour B. Vous avez écrit P, une poule de feu est apparue… »
- « T’as les boules, t’as les glandes, t’as les crottes de nez qui pendent ! » retentit la voix triomphante et vengeresse de Rugfid que le raffût avait extirpé de son inconscience. « Allez-y, cousin ! Ecrasez cette fiotte et délivrez-moi ! Je peux chanter pour vous encourager si vous voulez ! »
- « Est-ce que j’ai le droit de lancer un sortilège sur mon cousin ? » demanda Arzhiel en levant le doigt. « Non ? Dommage. Voyons voir, une rune. Tiens, je me demande quel effet ça peut créer le mot « poussière » ? »

La lecture de la rune déclencha l’apparition d’un tourbillon de poussière qui s’assembla rapidement en une vague forme humanoïde. Le golem de poussière repéra Gudrid et s’élança à sa poursuite. Apeuré, le nain fuit aussi vite qu’il le put, tournant en rond autour de l’arène, poursuivi sans relâche par la créature jusqu’à ce qu’un courant d’air près de la porte ne la disperse aux quatre vents. Blafard et essoufflé, Gudrid regagna son coin en titubant.

- « Cette fois… »haleta-t-il, les mains sur les genoux. « Je…je ne rie plus. Mon prochain…sort te sera…fatale. Meurs sur-le-champ…usurpateur ! Coupe Mortelle ! »

L’air s’agita au milieu de l’arène, mais cette fois-ci n’accoucha d’aucun monstre. Un sifflement aigu fut le seul avertissement avant que l’air tranché ne fonde sur Arzhiel et le frappe à la tête en faisant voler son casque tailladé. Le seigneur de guerre tomba en arrière sous l’impact, tandis que Gudrid bondissait de joie, envahi d’un bonheur sans nom.

- « Il est cané ! Je l’ai eu ce vil maraud ! On ne défie pas impunément un mage de mon envergure ! »
- « En fait, c’est vous qui l’avez défié », indiqua Rugfid depuis son promontoire.
- « Et en plus, Arzhiel est encore vivant », ajouta Balan. « Votre sortilège a été faussé par votre vive émotion à son lancement. »
- « Comment ? Il n’a pas été tranché ?! »
- « Ah si et bien, surtout au niveau de la frange et derrière les oreilles », répondit Arzhiel en se relevant, inspectant sa nouvelle coupe (de cheveux) mortelle dans le reflet de son armure. « Génial le dégradé ! Je fais cinquante ans de moins. Je vous engage Gudrid ! Vous serez à la fois mon coiffeur et mon bouffon animateur de banquets personnel ! C’est une chance pour vous de revenir au Karak, ne la ratez pas ! »
- « C’est ton gros nez en patate que je ne vais pas rater ! » fulmina le magicien, en bavant de colère. « Tu ne résisteras pas éternellement à mes sorts. »
- « C’est clair que je vais finir par mourir de rire si vous insistez. C’est à moi ? Ah ! Ma dernière rune ! C’est gravé : Claquos du Géant. »
- « Claquos du géant ?! » répéta Gudrid en se tournant vers Balan, déconcerté. « Vous lui avez donné quoi encore comme sortilège, crétin ? »
- « Je ne parviens pas à me souvenir de l’effet de cette invocation », avoua Balan en réfléchissant. « Je l’ai incorporé à son lot par curiosité. »
- « Je vous en ficherai de la curiosité, espèce de coureur de bûcherons ! Vous voulez que je me fasse fumer pour de bon ? C’est ça ?! Je vous préviens que si… »

Une main ouverte de géant se matérialisa au-dessus du nain en colère pendant qu’il parlait et s’abattit sur lui en une violente taloche qui l’expédia une demi-douzaine de mètres plus loin dans un cri strident.

- « Ah oui », dit Balan pour lui-même tout en prenant des notes. « Tout bêtement, c’est une grosse galette derrière le crâne. Elle tombait, ma foi, à point nommé. »
- « Je le hais… »marmonna Gudrid entre les dents qui lui restaient, se relevant péniblement en frottant la grosse bosse sur sa tête. « Je le hais, je le déteste et en plus je l’honnis. Comment je vais trop lui pourrir sa race ! Ça va moucher rouge ! »
- « Qu’est-ce que vous comptez faire ? » s’inquiéta Balan. « Je vous mets en garde contre tout excès dans votre état. »
- « Alors, vous, le traître, même pas vous me parlez ! Je vais utiliser ma magie pour me transformer en un monstrueux molosse démoniaque surgi du septième cercle au moins et je vais calmement aller chiquer les cuissots trop gras de l’autre mijole d’en face ! »
- « Je vous déconseille de faire ça », l’avertit l’elfe tandis qu’Arzhiel examinait discrètement la taille de ses cuisses.
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MessageSujet: Re: La Saison 4   La Saison 4 - Page 2 Icon_minitimeVen 29 Aoû - 20:17

Episode 119 (3eme moitié ) (Ouais je sais que ça n'existe pas, mais je m'en fous, je fais comme si :p)

Gudrid n’eut qu’un geste de mépris et d’agacement pour toute réponse à l’enchanteur. D’un pas rendu boiteux par ses multiples blessures, il se dirigea droit vers Arzhiel en récitant une formule complexe et en dessinant des symboles occultes dans l’air. La magie l’engloba d’une sombre lumière violacée, pénétrant son corps et le changeant selon sa volonté. Mais au lieu d’un terrible cerbère, elle ne le transforma qu’en un petit roquet moche et malingre qui échoua aux pieds d’Arzhiel dans la plus grande consternation.

- « Je vous l’avais dit ! » lança Balan. « Vous avez atteint vos limites pour opérer un sortilège si abouti. Avec vos réserves de mana vides, c’est le mieux auquel il fallait vous attendre. Vous avez perdu votre duel. Vous êtes nul et irrécupérable, je rentre chez moi. Je vous rends votre forme avant de regagner ma forêt ? »
- « Non, laissez-le comme ça ! » intervint Arzhiel en soulevant le petit chien par la peau du cou. « Je l’embarque comme trophée. Je garde mes boulets près de moi et mes ennemis boulets, plus près encore. Soyez gentil de détacher mon cousin et de le porter jusqu’à l’entrée. »
- « Vous pensez être en mesure de me donner des ordres ? Vous ne pouvez pas me battre aussi aisément que ce tocard de cabot ! »
- « Moi, non. Mais je n’en dirai pas autant de ma masse lancée avec force et hostilité sur votre museau, mon mignon. J’avoue avoir une meilleure opinion de la magie maintenant, mais je reste un bourrin, vous savez. Un bourrin lourdement armé. En route, la danseuse ! J’ai un barbecue qui m’attend dehors ! »


Arzhiel fit une sortit triomphale du donjon ennemi, un chien sous un bras, un coussin brodé sous l’autre et son cousin blessé étalé et traîné derrière lui. Le barbecue improvisé était depuis longtemps terminé et Brandir, Hjotra, Ségodin et Doreen faisaient à présent la sieste. Celle-ci fut moins interrompue par les aboiements désespérés de Gudrid que par les coups de pieds distribués par Arzhiel.

- « Oh ! » s’exclama Hjotra en voyant l’animal. « Un petit chien très moche ! »
- « Pas touche ! C’est mon cadeau de mariage pour Brandir. Tenez. Il s’appelle Gudrid, il est vicieux, mesquin et n’a plus de queue depuis qu’il m’a uriné dessus, y a cinq minutes. »
- « Mais il est tout blessé ! » remarqua Brandir en agrippant la bête qui se tortillait de rage.
- « C’est normal ça, ne faîtes pas attention. Les coups de becs, c’est rien non plus. Juste une poule sans plume un poil rancunière et revancharde. Il reste des côtelettes ? »
- « Euh…Quelqu’un ! » appela Rugfid, trop faible pour se relever et abandonné pas loin. « S’il-vous-plait ! Excusez-moi ! Quelqu’un aurait-il l’obligeance de me soigner, voire juste de me faire un peu rouler sur la gauche. J’ai une saloperie de caillasse pointu qui s’enfonce dans mon… »
- « Bonjour ! » le salua Doreen en se penchant au-dessus de lui avec un grand sourire. « Vos amis ne sont pas disponibles, ils attaquent un second casse-dalle. C’est vous alors le cousin qui a déclenché tout ce bazar ? Dites, j’ai une question. Hein, vous saignez de la tête ? Ne bougez pas, ça va passer. Alors, dites-moi et soyez sincère : il est mignon Svorn ? »
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MessageSujet: Re: La Saison 4   La Saison 4 - Page 2 Icon_minitimeVen 29 Aoû - 20:19

Episode 120 – Retour vers un Nouveau Départ (1ere moitié)

Résumé des épisodes précédents : Après une longue quête, Arzhiel a fini par retrouver et sauver son cousin capturé par un rival fort rancunier. De nouveau tous ensemble, la joyeuse compagnie prend le chemin du Karak, notamment afin de célébrer le mariage de Brandir.

- « Vous êtes certains ? » répéta Ségodin d’un ton insistant, à peine voilé de vexation. « Personne ne veut se reposer en chevauchant ma monture ? »
- « J’ai essayé de le monter votre baudet », répondit Brandir. « Mais il est trop frêle ! J’ai failli lui briser les reins et depuis il me mord quand j’approche. »
- « Merci, mais non merci », fit Doreen en se grattant. « Il est plein de puces votre bestiau ! »
- « Moi je ne monte que les licornes », se justifia Hjotra avec aplomb.
- « Ne me regardez pas », dit Arzhiel à son tour. « Il me reste malheureusement encore trop de dignité pour traverser la vallée de mes pécores sur le dos d’une vieille rosse moisie qui sent la pisse sous le soleil. D’ailleurs en parlant de dignité, d’odeur et de monter une laide carne, vous êtes prêt pour votre mariage, Brandir ? »
- « La seule fois où j’ai été plus excité que maintenant », jubila le guerrier en trépignant, « c’était lors du concours de gobage de saucisses à la foire aux porcelets, cet été ! Quand je pense à Briga, ça me fait le même effet : j’ai les boyaux qui voltigent et les dents du fond qui baignent. »
- « Un conseil : attendez d’être officiellement marié pour sortir ce genre de confidences à votre fiancé, hein. »
- « Sur sa déclaration », poursuivit Brandir, euphorique bien que nauséeux, « elle me compare à une taupe. C’est tellement beau ! »
- « Une taupe, c’est beau ?! » s’exclama Doreen, sidérée.
- « C’est un animal noble pour les mineurs nains », expliqua Rugfid, non sans fierté.
- « Les vers de terre aussi mais je n’aimerais pas pour autant être comparé à un lombric, » remarqua Arzhiel. « Mais je présume que ce ne doit pas être la pire comparaison qu’on vous ait faite. Pendant que j’y pense, vous avez accepté alors pour l’histoire du bain ? Parce que là, ça va encore, la proximité de la bourrique pourrie de Ségodin aide au camouflage, mais quand vous serez seul avec votre copine, elle va vite se rendre compte que ce n’est pas sa dernière paire de bottes en cuir qui daube aussi horriblement. »
- « Non, seigneur ! » se renfrogna le berserker. « Je déteste les bains, vous le savez bien. L’eau, ce n’est pas mon élément ! »
- « Et moi, je ne supporte pas les elfes et tous les matins, c’est la tronche bouffie par le sommeil de l’une d’elle que les dieux me forcent à voir au réveil. En plus, je ne suis pas sûr que Svorn mène la cérémonie de mariage jusqu’au bout dans son temple étroit vu comment vous refoulez méchant. Vous vous souvenez le cabot du fermier, l’autre jour ? Celui qui dormait dans une flaque de boue, la patte gangrenée et la langue mauve ? En toute franchise, vous reniflez le mort encore plus que lui ! »
- « J’ai connaissance d’une croustillante anecdote à ce sujet ! » lança Ségodin au grand dam des autres. « J’aimais à la narrer à mes enfants lorsqu’ils refusaient de prendre leur bain. »
- « Vous n’avez pas d’enfants ! » cria Hjotra sur le ton exaspéré de la même phrase rabachée en vain depuis des jours.
- « Il s’agit d’un conte », l’ignora le chevalier. « Une fée magnifique, aux longs cheveux blonds, à la taille élancée et aux superbes oreilles pointues… »
- « S’il nous sort qu’elle s’appelle Elenwë », marmonna Arzhiel, « je jure que je le fous dans le fossé ! »
- « Cette jeune et jolie fée était blessée à la cheville et désirait traverser un cours d’eau. Elle demanda de l’aide à un voyageur fort crasseux qui croisa sa route. L’homme refusa vivement, craignant que le poids de la fée sur son dos ne le précipite dans l’eau, jurant et pestant car il détestait les bains. La fée, en colère, le changea alors en galet qu’elle jeta au milieu du torrent, là où le courant était le plus fort. Le voyageur grossier fut ainsi puni, condamné pour l’éternité à être lessivé par le cours d’eau à chaque seconde, sans répit. »
- « Jolie histoire », concéda Arzhiel. « A part le côté psychopathe obsédé avec Elenwë. Alors Brandir ? Cette fable ne vous fait-elle pas réfléchir ? Qu’en pensez-vous ? »
- « En parlant de torrent », répondit le fiancé en haussant les épaules, « je vais pisser un fleuve, je reviens. »
- « Si vous voulez un avis féminin », poursuivit Doreen quand Brandir se fut soulagé, « même les femmes les moins tatillonnes sur l’hygiène sont plutôt incommodées quand leur bien-aimé attire les mouches lorsqu’il lève un bras. Et vous, mon ami, vous sentez un mélange de vinaigre blanc et de lange de bébé usagé, de loin. »
- « Et de près ? »
- « De près ? Le cadavre », répondit la jeune fille avec le plus grand sérieux.
- « Alors c’est pour ça que le nécromancien voulait m’acheter la dernière fois ?! » s’exclama le guerrier. « Heureusement que vous l’avez envoyé paître, seigneur ! »
- « Je n’ai pas hésité un instant ! » lança Arzhiel. « Il n’avait pas les fonds de toute manière comme on a pu le constater dans sa bourse une fois qu’on l’a rousté. »
- « Ça m’ennuie ce que vous me dites. Je ne voudrais pas faire capoter mon mariage, enfin, pas tout de suite. Je crois que je vais peut-être songer à réfléchir à l’éventualité de me passer un filet d’eau très fin sur le visage pour commencer et… »

Arzhiel profita de la réflexion de son comparse pour l’éjecter par-dessus le parapet du pont qu’ils traversaient et le précipiter au fond du ruisseau. Appuyé sur le rebord avec les autres, occupé à regarder le guerrier se débattre affolé dans vingt centimètres d’eau, le seigneur de guerre afficha un sourire satisfait : Brandir avait emmené son nouveau chien dans sa chute.
La fière troupe parvint finalement au Karak quelques heures plus tard, accueillie par une foule de nains venue acclamer leurs héros. Brandir, encore un peu humide, se raidit à la vue d’une bande de jeunes filles s’approchant vers lui. Discrètement, il se pencha vers son chef.

- « Vous qui l’avez vue dans le futur, c’est laquelle ma fiancée ? »
- « Celle de droite…Votre autre droite ! »
- « Briga ! » appela Brandir avec émotion en enlaçant sa promise. « Je n’ai pas cessé de penser à vous et votre visage flottait dans mes rêveries incessantes. »
- « On a bûchés trois jours pour réussir à lui faire apprendre ça », expliqua Arzhiel à Doreen. « Ça va vraiment être un beau mariage… »
- « Arzhiel ! » cria Elenwë d’une voix autoritaire, bien moins émue que celle de Briga. « Je vous invite à faire un discours. J’ai réuni toute la plèbe à votre demande, mais personne ne sait pourquoi il doit applaudir votre retour. »
- « Vous plaisantez ?! Vous croyez qu’on est là pour vendre des crêpes ? On a sauvé le Karak ! Avec le trésor de la viverne, on a pu éponger nos dettes et on va pouvoir relancer nos finances. »
- « Les dettes ? Mais c’est de l’histoire ancienne ! »
- « Juste après votre départ », expliqua Garfyon en approchant, « on a trouvé un nouveau filon d’or dans la montagne. Il ne nous a fallu qu’une semaine pour effacer les dettes de la guilde des marchands. Dame Elenwë ne vous a pas mise au courant ? »
- « Parce que vous étiez partis en quête de richesses ? » fit l’elfe avec surprise. « Je pensais qu’il s’agissait d’une autre de vos petites virées entre potes. »
- « QUOI ?! » s’étrangla Arzhiel. « Mais on a traversé la moitié du pays pour courser la pire racaille comme chasseurs de primes ! On a risqués nos peaux tous les jours en mangeant des racines pour économiser la moindre pièce ! Vous vous foutez de moi tous les deux ?! On aurait fait tout ça pour rien ?! »
- « Pas pour rien, cousin », intervint Rugfid. « Vous êtes quand même parvenu à me ramener en vie et à retrouver Ségodin ! Et je ne parle pas de votre amie humaine, celle qui vous a trahie et vendue. »

Arzhiel baissa la tête, ravagé par l’énoncé de ses « exploits ».

- « Vous avez aussi trouvé un chien pour Brandir », rappela Hjotra.
- « Ah oui, c’est vrai ! » fit le seigneur de guerre en se tournant vers Garfyon. « Il s’appelle Gudrid. On a un Karak en commun, mais bizarrement, on ne m’a jamais parlé de lui. Hein Garfyon ? On reparlera de tout ça. D’abord, je dois démembrer Doreen. Si elle savait que la guilde m’a fait casquer deux fois pour les dettes, je la marie de force à Svorn ! Où est-elle ? »

Le nain se retourna, mais l’humaine avait disparu, ainsi que Ségodin. Furieux, Arzhiel se précipita à leur recherche et les trouva bientôt dans une caverne proche, ensemble, nus et emmêlés dans une position improbable dont la vision évanescente hanta les cauchemars des nains présents jusqu’à la fin de leur vie.

- « Désolée de vous briser le cœur, Bijou », ricana la jeune fille en se cachant sous des fourrures. « Il est si mignon avec son air de doux-dingue ! Vous direz à Svorn que j’ai trouvé chausse à mon pied. »
- « Elle devait épouser Svorn ? » demanda Elenwë.
- « Et vous, Ségodin ? » pesta Arzhiel. « Vous n’étiez pas barje de ma femme ?! »
- « De l’épouse d’un chef de guerre et d’un grand ami ? » s’offusqua le chevalier. « Sur mon honneur de paladin et d’homme, ô grand jamais ! »

Arzhiel, se sentant bouillir, chargea les deux humains, l’écume aux lèvres. Doreen n’eut qu’à soulever un pan de leurs fourrures et dévoiler un bout de leur nudité pour mettre en fuite le nain coléreux qui battit en retraite à grandes enjambées sous le regard blasé d’Elenwë.

- « Je vois que vous me le ramenez encore en forme », soupira-t-elle, lasse.


Dernière édition par Arzhiel le Ven 29 Aoû - 20:20, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: La Saison 4   La Saison 4 - Page 2 Icon_minitimeVen 29 Aoû - 20:19

Episode 120 (suite et fin)

Quelques jours plus tard, peu de temps avant la cérémonie de mariage

Arzhiel poussa la lourde porte renforcée qui menait aux geôles et pénétra dans une vaste grotte insalubre, humide et froide, une torche à la main. Un à un, il examina les prisonniers enfermés là, retenus à la paroi par d’épais fers et de pesantes chaînes suspendues. Il trouva Garfyon, après le voleur de poulets du marché et un trafiquant de sous-vêtements elfe.

- « Monseigneur, je me repens, libérez-moi ! » supplia Garfyon. « Je sais que je n’aurais pas du vous cacher l’existence de Gudrid, mais c’était pour le bien de la communauté ! Je vous ai toujours servi loyalement ! J’ai même gardé votre Karak et votre trône en votre absence !...Pourquoi ne dites-vous rien ? »
- « J’attends au cas où vous me feriez d’autres confidences. Des fois, ça marche. Je vous libère, mon vieux. J’ai converti votre peine en heures de toilettages hebdomadaires de Gudrid. Il ne devrait pas vous mordre, vous, entre vieux amis. »
- « Vous me libérez aussi, Bijou ? » fit la voix apitoyante de Doreen, plus loin.
- « Oui, vous aussi. Ségodin n’arrête pas de pleurer pire qu’un chiard en disant que leur mère manque à ses marmots…Je crois que vous serez bien assez punie si vous restez avec lui. »
- « Vous êtes un amour ! » le remercia la jeune fille.
- « Euh les insultes, c’est un mois de plus aux oubliettes alors on se détend, ma grande. »
- « Je voulais quand même vous dire que j’étais désolée à cause de la guilde. Je n’étais pas au courant, je le promets ! »
- « C’est sans importance à présent », répondit le nain avec un sourire acéré. « J’ai réglé la question de la guilde. Définitivement. »
- « Vous les avez forcés à vous rembourser ? »
- « Oui, aussi. On sous-estime beaucoup trop l’impact d’un réveil par trois golems d’acier plantés autour de votre pieu. Ça rend bien plus docile. »
- « Vous les avez violentés ?! »
- « Pire. J’ai profité du trésor de la viverne pour racheter chaque échoppe de chaque membre de la guilde. A présent, ils bossent tous pour mois. Je crois que le Karak est à l’abri des soucis financiers pour quelques temps. Allez, filez ! Préparez-vous, la cérémonie va débuter. Brandir est irrésistible dans sa tenue de marié avec veston à pompons et culotte bouffante. Un de ses compagnons de caserne lui a dit qu’il le trouvait coquet dans cette tenue. C’était stupide de dire ça à un berserker. L’autre respirera grâce à un roseau dans la narine jusqu’à la fin de sa vie. »

Doreen quitta la geôle en suivant Garfyon tandis qu’Arzhiel effectuait encore un tour à la recherche d’éventuels invités de dernière minute. Il ne fut guère étonné de tomber sur Rugfid, endormi saoul dans un coin, arrêté durant la nuit pour exhibitionnisme et voie de faits sur miliciens à l’occasion de l’inauguration de sa nouvelle taverne. Un seau d’eau croupie réveilla le nain qui rampa jusqu’à la sortie, remerciant son cousin en pleurant dans ses bras durant une bonne dizaine de minutes.

- « Heureusement que le seul public de ce grand moment de honte familiale est condamné à la potence par Svorn et ne verra pas la semaine prochaine. »
- « La potence, c’est quand on mange, non ? » dit une voix familière dans l’obscurité. « Svorn nous invite à manger chez lui ? Dites-lui que je refuse, sa cuisine est dégueu. »
- « Vous confondez avec pitance », répondit Arzhiel en découvrant, guère étonné, Hjotra suspendu par les pieds à ses chaînes. « Je vais regretter ma question, mais qu’est-ce que vous glandez ici, vous ?! »
- « C’est Svorn. C’est un menteur invertébré ! »
- « Invétéré… »
- « Il m’a fait gober que le mariage aurait lieu ici et a proposé de m’accompagner. J’étais peinard en train de balayer mon atelier donc logique, je l’ai tabassé direct avec le balai comme vous m’avez conseillé de le faire s’il venait me parler. Il a menacé de mettre un de mes lapereaux sous son aisselle si je n’arrêtais pas pour l’écouter. J’ai cédé et en plus je l’ai cru. En fait, c’était rien qu’un mensonge ! »
- « Une ruse des plus subtiles en effet… »
- « Il m’a attaché ici et j’ai essayé de me libéré en houspillant fort sur mes chaînes. J’ai houspillé ! J’ai houspillé ! Sans résultat. »
- « Vous ne savez pas du tout ce que veut dire houspiller, c’est ça ? »
- « Du tout. Mais j’ai beaucoup essayé. Vous pensez que c’est pour ça que les chaînes n’ont pas cédées. »
- « Je ne vois pas d’autres explications », concéda Arzhiel en délivrant son ingénieur. « Vous savez pourquoi Svorn a fait ça ? Hormis le fait qu’il vous déteste encore plus que moi ? »
- « Il a entendu l’histoire de Gudrid qui avait enlevé Rugfid pour vous atteindre. Il veut faire pareil, du chantage auprès de mes sœurs pour obtenir leurs faveurs. »
- « Je vois. Ce vieux singe décrépi ne touchera pas un seul poil de mes maîtress…euh, de vos sœurs ! Suivez-moi. On va faire un détour par le laboratoire d’Elenwë braquer deux ou trois potions de métamorphose. On en fait boire une à Svorn pour qu’il se transforme en clone de Doreen et on l’enferme dans une chambre avec Ségodin. Croyez-moi, un humain frustré qui s’est enfin trouvé une copine consentante, c’est bien plus intenable qu’un berserker déjanté et ivre à la pleine lune. »

Hjotra ricana en couinant et trottina à la suite de son chef dans les escaliers. A l’extérieur, la cérémonie de mariage de Brandir et Briga était sur le point de commencer. Arzhiel ralentit le pas pour observer les futurs mariés au loin, entourés par une foule de nains en habits de fêtes éméchés mais encore assez lucides pour profiter pleinement de ce moment de liesse.

- « A quoi vous pensez ? » l’interrogea Hjotra, observant le ciel dans la direction opposée, cherchant à comprendre ce que son chef regardait.
- « Je me disais que ça allait être une belle journée, grandiose et mémorable pour le Karak. Rétrospectivement, c’est aussi un peu grâce à nous, Brandir, vous, Garfyon, Ségodin, Doreen, Rugfid, moi et même Svorn et Elenwë. Paradoxalement, même si je sais que je vais apprécier ce jour à sa juste valeur et que ma place est ici, je me languis déjà de partir de nouveau à l’aventure. Pas vous ? »
- « Rétrospectiquoi ?! » lâcha l’ingénieur avec peine, comme s’il recrachait ce mot indigeste avec douleur et écoeurement.
- « Une petite quête dans la vallée ou une incursion chez les orques de la vallée voisine, ça ne vous tente pas ? Après le mariage et une période décente d’hibernation de quelques humbles mois, j’entends. Hein ? »
- « Vous m’invitez à une aventure ?! Je croyais que j’étais un boulet ? »
- « Nul ne peut le nier, en effet. J’inviterai aussi Brandir et Rugfid pour faire bonne mesure si vous voulez. Et Ségodin et Svorn puisqu’ils seront devenus très proches. »
- « Vous n’avez pas peur qu’on fasse n’importe quoi et qu’on fiche tout par terre ? »
- « Ah, c’est clair que ça ne va pas être joli-joli la troupe des cerveaux en rade réunie au grand complet, mais c’est ce qui fait le sel de la chose ! »
- « D’accord, seigneur. Vous êtes chic, seigneur. Je peux vous embrasser, seigneur ? »
- « Uniquement si vous voulez manger votre barbe. Et non, il n’y a aucun rapport avec le sel. Ah ! Je vous ai eu ! Vous ne l’aviez pas vu celle-là de blague vaseuse ! Je vous ai séché ! »
- « Vous apprenez si vite », acquiesça Hjotra, ému et fier tandis que les deux nains repartaient préparer leur mauvais tour et qu’au loin, Svorn faisait exploser quelques runes lumineuses en guise de feux d’artifice, déclenchant un début d’émeute pour la plus grande joie de Brandir.

- « Dites, seigneur ? Vous m’apprendrez ce que veut dire houspiller ? »
- « Naturellement. Une fois, deux fois, trois fois, dix fois, cent fois. Et vous ne saurez toujours pas. Et ça va m’énerver, je vais crier, vous taper et à la fin, ce sera moi qui mangerai ma barbe…Bon sang, il me tarde déjà d’y être ! »

FIN DE LA SAISON
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