Karak Vanne, signé Arzhiel
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Karak Vanne, signé Arzhiel

Forum de l'oeuvre littéraire d'Arzhiel.
 
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 La Saison 1

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Skalli
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MessageSujet: La Saison 1   La Saison 1 Icon_minitimeVen 30 Nov - 12:08

Sölmir, héraut de l’alliance des Archanges, traversa la cour de la citadelle changée en champ de bataille, escorté par deux solides protecteurs. Les nains taciturnes menèrent le scribe humain jusqu’au cadavre éventré d’un basilic énorme. Sur sa tête était juché Arzhiel, occupé à taillader un morceau de chair du monstre avant de le porter à sa bouche d’un air curieux. Un juron écoeuré s’ensuivit ainsi qu’un large crachat de la viande immonde qui atterrit aux pieds du visiteur.

- Par les dieux ! La bataille est achevée ?!
- Il semblerait, marmonna Arzhiel en étouffant un bâillement.
- Seigneur, cela ne fait pas trois jours que je suis ici et voici une quatrième attaque de la part du peuple des Loups !
- Cinquième, rectifia Arzhiel. Mais nous en devons quatre au seigneur Greywolf. Les loups doivent être bien affamés cet hiver, à moins que ce soit notre si fameuse cuisine aux champignons qui les attire !

Les soldats nains évoluant au milieu des cadavres alentour ricanèrent grassement de la boutade de leur seigneur. Sölmir était effaré du nombre visible de morts mais les nains semblaient aussi apathiques qu’à la fin de leurs interminables banquets.

- Je dois prévenir le clan, en informer Seigneur Enigma et…

Arzhiel haussa un sourcil broussailleux et le bouscula d’un rude coup d’épaule. Un nain en armes rutilantes venait faire son rapport.

- Combien ? demanda sobrement Arzhiel en se grattant la barbe.
- Nous avons compté plus de 90 dépouilles d’ennemis, informa le guerrier. Près de 60 des nôtres sont tombés.

Il y eut un grand silence dans la vaste forteresse naine. Tous les combattants, les femmes et les enfants s’étaient rassemblés et s’observaient, le visage fermé. Puis Arzhiel poussa un brusque cri de joie qui fit sursauter Sölmir et que toute la cité reprit en cœur. Le scribe fut abasourdi de voir les nains chanter, danser et s’esclaffer gaiement. Arzhiel le prit dans ses bras et manqua lui rompre l’échine de sa puissante accolade.

- Vous fêtez vos…morts ?!
- Par la culotte de Moradin, que oui, Grande-Gens ! Nos frères ont eu une mort honorable au combat, rien ne peut rendre un nain plus fier que cela ! De plus, ce Peuple Loup semble un adversaire acharné et empli de hargne. Il fera un bon ennemi !

Sölmir, bouche bée, observa la scène de liesse autour de lui, aussi nauséeux que lorsqu’il se retrouvait devant son assiette de champignons bouillis à chaque repas.

- Nous allons organiser un grand banquet pour fêter l’événement, scribouillard. Je te laisserai consoler deux veuves de ton choix cette nuit et t’éclater la panse avec ma propre bière. Demain, nous partons à la chasse aux loups !

Arzhiel partit d’un rire tonitruant et s’éloigna dans un pas de danse grotesque. Sölmir songea à la semaine qui lui restait à passer chez ses alliés étranges, au goût assassin des bières du cru et aux naines grasses, velues, aux dents gâtées qui l’attendraient dans sa couche ce soir. La seconde suivante, il vomit sa soupe de champignons du petit déjeuner.


Dernière édition par le Ven 30 Nov - 12:30, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: La Saison 1   La Saison 1 Icon_minitimeVen 30 Nov - 12:08

Vautré dans son trône de pierre, Arzhiel regarda ses trois chefs de guerre s’avancer vers lui et le saluer respectueusement. Brandir, le maîtres d’armes, Hjotra le maître balistique et Svorn le haut prêtre étaient de retour de leur attaque contre Greywolf, un des seigneurs loups.

- Salutations, soldats ! Comment s’est déroulé…La vache ! Qu’est-ce que c’est que cette puanteur ?! C’est quoi qui renarde comme ça ?!
- Ni renard, ni vache, mais loup, seigneur, répondit Hjotra d’un air gêné. C’est l’ennemi qui nous a collé son odeur son fauve, impossible de s’en défaire.

Arzhiel grimaça et fit reculer ses soldats en se pinçant le nez.

- Ma parole, c’est infect. En plus de terres, ils manquent de sources les copains loups. Enfin, je vous écoute, mais prestement, parce que j’ai la gerbe de fin de banquet là.
- Nous revenons victorieux après une semaine d’absence et un rude combat, seigneur !
- Ah oui, j’ai appris ça. Dites-moi, trois jours pour traverser une seule plaine, vous avez visité durant le trajet ?
- On a perdu un peu de temps pour trouver notre route, admit Svorn en jouant avec son bâton de lanceur de runes.
- Je savais bien qu’il fallait prendre à droite au Roc de la sorcière borgne…marmonna Hjotra.
- Du coup, on a un peu tourné, ajouta Brandir. Mais nous avons découverts une série de grottes parfaitement pittoresques et remplies d’une nouvelle espèce de champignons bleus délicieux.

Arzhiel fixa le chef de ses guerriers d’un air perplexe. Ce dernier jouait à entortiller ses doigts dans sa barbe et finit par y coincer son gantelet. Durant quelques instants et sous les yeux de tous, il tenta vainement de se libérer puis finit par retirer sa main, laissant le gant pendu à son menton, pris dans les poils.

- Bref ! lança Arzhiel, dépité. Vous avez fait du tourisme, j’en suis ravi. Et sinon, l’assaut ?
- On a abattu deux hautes murailles ! annonça triomphalement Hjotra, responsable des armes de guerre.
- Répétez voir ? Je vous envois avec cinquante béliers raser une forteresse désertée par son armée et vous tombez deux murets ?!
- Ils étaient assez élevés, bredouilla Hjotra. Et puis on n’a pas utilisés tous les béliers, juste une dizaine.

Le coude de Arzhiel glissa de son accoudoir sous la surprise.

- Deux corbeaux se sont accouplés sur la pointe d’un bélier la veille, expliqua le haut prêtre. Assurément, il s’agissait d’un présage des dieux. Le Ciel nous était défavorable. J’ai décidé de laisser les béliers derrière durant l’assaut pour ne pas les offusquer.
- Oui et moi je me suis trompé de bâtiment. On a détruit les cuisines…
- Et vous ?! s’écria Arzhiel pour Brandir. Vos soldats ?!
- On n’a pas participé non plus. C’est les champignons bleus. Ils nous ont refilés la coulante.
- Il n’empêche qu’on a remporté la victoire ! Aucun valet de chambre présent n’a pu nous résister.

Arzhiel passa la main sur son visage, un début de migraine naissant.

- Et les trois jours du retour ? osa-t-il à peine demander.
- On s’est trompés de chemin au croisement du lac des Trois Esprits.
- Les champignons, deux piafs qui copulent, une cuisine anéantie et cette odeur ! énonça Arzhiel. Bah, le pire, c’est que je m’y attendais. Donc, Brandir, trois jours de cachots, Hjotra, trois jours d’exil et vous le prêtre, trois jours de corvée de latrines.
- Mais nous avons vaincus, messire ! protesta Brandir, le gant dans sa barbe rebondissant comme il s’agitait.
- Absolument. C’est pour cela que je vous ai préparé une récompense particulière. Vous allez obtenir un grade spécial tous les trois.

Le nain se saisit de trois médailles identiques qu’il épingla sur les cottes de ses soldats. Les chefs de guerre semblaient ravis.

- Euh, seigneur, que signifient les initiales B.S. gravées en gros ?
- Votre nouveau grade : Boulets Suprêmes.
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MessageSujet: Re: La Saison 1   La Saison 1 Icon_minitimeVen 30 Nov - 12:09

Arzhiel trottina à travers les couloirs de la forteresse, guidé par les échos des premiers combats à l’extérieur. Au détour d’un corridor, il manqua renverser Brandir, le maître d’armes.

- L’ennemi nous assiège. Qu’est-ce que vous fichez là ? Et vous venez d’où ?
- Euh, des stocks de vivres…répondit le guerrier mal à l’aise. J’avais cru entendre un bruit et…euh…je m’assurais qu’il n’y avait aucun ennemi.
- Prenez-moi pour une buse ! fit Arzhiel en lui tirant la barbe encore maculée de sauce aux champignons. A la filoche, cervelle d’orc, au lieu de vous goinfrer comme si vous étiez enceinte !

Arzhiel poussa son lieutenant à coup de pied dans le postérieur jusqu’à ce qu’ils pénètrent dans la cour. Les premiers assaillants s’engouffraient dans la cité. Brandir n’avait pas fait un pas qu’une flèche vint se ficher dans son épaule. Abasourdi, il fixa sa blessure, puis son seigneur, avant de devenir cramoisi, les yeux révulsés et la bave aux lèvres. Le guerrier fou de rage se jeta au combat en hurlant comme un forcené.

- Visez la tête au moins ! Visez la tête !!!!!

Arzhiel le regarda charger tel un dément, bousculant ses propres soldats.

- Ah mais oui ! Mais écartez-vous aussi ! Vous voyez bien qu’il part pas à la cueillette !

Le seigneur nain laissa tomber et entreprit de rejoindre sa position aux créneaux pour superviser la défense. Au passage, il croisa Svorn, le haut prêtre fanatique qui jetait frénétiquement des runes destructrices sur les drows depuis les hauteurs.

- IMPIES ! BLASPHEMATEURS ! Oh, salutations, seigneur. Que votre journée soit bonne. HERETIQUES ! PAÏENS !

Le lanceur de runes était tellement excité qu’il commençait à lancer des simples cailloux dans sa démence, les confondant avec ses pierres frappées de runes. Arzhiel soupira, s’éloigna du prêtre et rallia sa position d’observateur. Le combat faisait rage et il se brisa la voix à coordonner les mouvements de ses troupes qui ne comprenaient rien.

- C’est pas gagné, commenta Hjotra le chef des armes de guerre en mangeant tranquillement une pomme près de lui.
- Mais qu’est-ce que vous foutez là, vous ?! s’exclama Arzhiel. Vous n’avez pas l’impression qu’on subit un nouvel assaut des loups ? Regardez ! Ils ont déjà presque abattu la tour nord !
- Ah non, ça c’est moi, seigneur. Je visais des hallebardiers avec la catapulte, mais j’ai abandonné. Ils étaient trop rapides et je touchais que nos murs.

Hjotra afficha une moue contrariée avant de mordre à nouveau dans sa pomme. La seconde suivante, un magistral coup de pied de Arzhiel le faisait rejoindre la mêlée, dix mètres plus bas.

- Bon, j’écoute vos idées, dit-il à ses conseillers. Et je vous préviens, j’ai eu mon lot de vannes pour la journée.
- On sonne la retraite, proposa l’un. Ah, non, oubliez. C’est vrai qu’on est chez nous…
- On fout le feu, fit le second. On crame tout. Les loups ont peur du feu.
- On met les béliers en premières lignes, ajouta le troisième. Et on leur fout le feu.

Arzhiel inspira à fond avant d’envoyer trois nouveaux nains suivre Hjotra dans la cour. Lorsqu’il eut regagné sa place, il s’aperçut que l’envahisseur se retirait par petites vagues.

- Bah quoi ? Ils s’en vont déjà ?!
- Seigneur, seigneur ! hurla un protecteur en grimpant l’escalier. Ils se retirent !
- Si tu as fait le voyage juste pour m’apprendre ça, je connais un moyen rapide de te payer le retour jusqu’en bas ! Pourquoi ils s’en vont ? On n’était même pas encore chauds.
- Quelqu’un avait oublié de refermer la porte des stocks et des réserves. Quand ils ont vu qu’on avait ni or, ni mithril, ni armes, mais que des champignons, ils ont fait demi-tour en râlant.
- QUOI ?! Mais où sont toutes nos ressources ?!
- Je les ai changé au marché contre de la nourriture, fit Brandir, couvert de blessures, en rejoignant son chef. C’était pour éviter de se faire piller. Vous avez vu ? Ca a marché ! Euh, c’est quoi cette fumée qui vous sort des narines, seigneur ? Seigneur ? Quoi ?! C’était pas une bonne idée ?
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MessageSujet: Re: La Saison 1   La Saison 1 Icon_minitimeVen 30 Nov - 12:09

Dans la salle du trône de la citadelle naine souterraine, l’heure était grave. Le seigneur Arzhiel avait réuni ses plus fidèles conseillers et son état-major. Réunis autour d’une table, dans la pénombre de la salle glaciale, les bougies reflétaient l’éclat solennel et déterminé qui brillait sur le visage des vaillants nains.

- Bien, voici donc les grandes lignes, fit Arzhiel en achevant la lecture d’un large parchemin. J’écoute vos avis et vos suggestions.
- A propos de ? demanda Hjotra, le maître balistique.
- A propos des fluctuations des prix de la courge au marché ces derniers mois. A propos du traité de paix, bougre d’ahuri ! Deux jours qu’on bûche dessus non-stop, ça vous rappelle rien ?!
- Désolé, j’avais décroché.
- A part aux miches des radasses de la taverne, on se demande bien à quoi vous vous êtes jamais accroché…

Arzhiel haussa les épaules et se tourna vers ses conseillers. Un détail attira son attention. Brandir, le maître d’armes de la cité, dormait sur son siège, la bouche grande ouverte, un filet de bave sur la barbe. Le presse-papier en pierre d’Arzhiel l’atteint en plein milieu du front, le réveillant en sursaut. Brandir bâilla et se redressa, luttant pour ne pas se rendormir.

- Je reprends pour ceux qui calculent rien à rien et pour ceux qui pionçaient, lança Arzhiel avec un soupçon d’agacement dans la voix. Il s’agit là de la proposition de traité et des conditions d’une éventuelle alliance avec le Peuple des Loups.
- Et ça parle de quoi déjà ? demanda innocemment Hjotra.

Arzhiel se leva d’un trait et alla ramasser son presse-papier bien lourd par terre avant de se rasseoir, une grosse veine à son front.

- Le Peuple des Loups campent dans nos douves depuis une semaine et c’est marre. Ils veulent des terres je crois. On leur négocie un droit de passage sur nos falaises et nos crevasses battues par les vents si ça les chante, on s’en cogne, on vit sous terre. S’ils sont pas trop crades, on les laisse s’installer leurs cahutes, avec leurs tronches, ils feront fuir les bêtes et les brigands et nous on est peinards. Dans deux mois, on ajoute des accords commerciaux et on les plume.

Les nains échangèrent le même ricanement niais à l’évocation de l’or.

- Les camps de romanos dans le jardin, c’est pas top prestige, remarqua Hjotra, mais tant que ce ne sont que des nains ou des humains, je suis pas contre.
- Et les Drows, ça vous choque ?
- Les Drows, c’est lesquels déjà ?
- Les Drows ce sont les elfes, expliqua Arzhiel à son héros perplexe.
- Ah ? Et pourquoi ils veulent nos terres, on n’a pas de forêts, nous.
- Non, ça c’est d’autres elfes. Les Drows, c’est les elfes noirs.
- Vous êtes sûrs, seigneur ? Je croyais que les Drows c’étaient ceux tout mauve.
- Ben oui c’est eux. Il sont mauves mais ce sont des elfes noirs…Bon laissez tomber, ça va prendre des heures à vous expliquer sinon et vous risquez un claquage, espèce de nullard. Quant aux orcs, je présume que…
- Les Orcs ?! s’écria Brandir en se réveillant d’un bond. BASTOOOOOON !

Le maître d’armes s’empara de sa hache et courut autour de la table en hurlant, complètement hystérique. Le presse-papier vola une seconde fois, plus violemment cette fois. Il y eut quelques secondes d’un lourd silence avant que Arzhiel reprenne la parole, blasé.

- Bon ben relevez-le ! Il fout du sang partout sur mon tapis en laine !
- Baston…gémit Brandir, à moitié sonné.
- Est-ce que la venue d’étrangers non-nains sur notre domaine offusquera les dieux ? interrogea Arzhiel en se tournant vers Svorn, le lanceur de runes.
- Il faut une épreuve, répondit ce dernier avec un sourire sadique. Envoyons une fillette en bas âge entièrement vêtue de métal sur le sommet de la montagne une nuit d’orage. Si la foudre l’abat, les dieux n’accepteront pas ce projet. Auquel cas, il faudra naturellement sacrifier la famille, tous les proches et les amis de l’enfant, peut-être en les écartelant…Quoi, seigneur ? Pourquoi me fixez-vous ?
- Je me disais juste que vous êtes quand même sérieusement barré pour un sage. Bon, on oublie aussi l’avis des dieux, je connais leur opinion à mon sujet quand je vois autour de moi les bras cassés qu’ils m’ont expédiés. Les conseillers, un commentaire ?

Les trois conseillers, en retrait, se hâtèrent de dissimuler le menu du repas du soir qu’ils compulsaient et hochèrent négativement la tête. L’un d’eux acquiesça, mais se reprit fébrilement en voyant ses compères faire non. Arzhiel regretta de ne pas avoir davantage de presse-papiers sous la main.

- Allez, rideau. Messires, merci de votre…participation. Cassez-vous maintenant ! Lorsque vous vous réveillerez demain, les Loups feront peut-être leurs paquetages pour nos montagnes et ce traité en fera des alliés.
- Des alliés ? fit Hjotra en se grattant le menton. Ah mais j’avais pas compris ça moi !
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MessageSujet: Re: La Saison 1   La Saison 1 Icon_minitimeVen 30 Nov - 12:10

La porte de la salle du trône s’ouvrit à la volée, faisant sursauter Arzhiel, penché sur un tas épais de cartes et de parchemins. Le haut prêtre de la cité, entra d’un pas emporté.

- J’exige…Euh, les dieux exigent un sacrifice ! gueula Svorn d’un ton courroucé.

Arzhiel soupira longuement.

- Non, je vous en prie, entrez, vous me dérangez pas, je bullais…Qu’est-ce qui est arrivé à votre barbe ?

Svorn passa la main sur sa barba à moitié cramée d’un air peiné.

- Oh, c’est rien, marmonna-t-il, furieux. Un accident bête. Je testais une nouvelle rune et elle m’a explosé à la gueule. Mais qu’importe ! L’heure est grave, messire ! Un cueilleur m’a rapporté qu’il avait vu ce matin même une guêpe effectuer trois tours au-dessus d’un poulet avant que celui-ci aille picorer devant une mule. La guêpe s’est ensuite posée sur la croupe d’un mouton et celui-ci…oh, par mes aïeux, il a poussé un long bêlement !
- Je suis content de constater votre intérêt pour notre bétail mais qu’est-ce que vous voulez que ça me foute ?
- C’est un présage des dieux, malheureux ! Préparons une épreuve du Frère de l’ours ! Suspendu par les pieds au-dessus d’une cascade furieuse, l’élu devra lutter contre les ours pour pêcher à la main trois saumons. S’il échoue…ou survit, les dieux nous détruiront !

Arzhiel soupira de nouveau d’un air las.

- Qui voulez-vous buter …pour les dieux, cette fois ?
- Le péril est de taille ! gronda Svorn en tapant le sol de son bâton. Il faut un non nain !
- Aucun problème, on est juste à trente lieues de la première cahute non naine. Bon, cassez-vous, je vais voir ce que je peux faire.

Arzhiel ferma à clé en jurant dans sa barbe après Svorn. Il n’avait pas regagné son trône que la porte explosa bruyamment, défoncée à coups de hache. Brandir enjamba les débris en grognant comme un dément. Arzhiel ne connaissait que deux expressions au chef de ses guerriers : un ahurissement bêta ou une fureur démentielle. Celle qu’il arborait était nouvelle : c’était un mélange des deux.

- Non, mais vous êtes cintré, ma parole ! s’écria Arzhiel.
- Baston ! rétorqua le maître d’armes. J’ai entendu à la taverne que si on peut vaincre le chef de la forteresse en duel, on devient seigneur à sa place. Je vais vous battre, monseigneur.
- Vous faîtes encore la tronche parce que je vous ai confisqué votre double des clés des cuisines, c’est ça ?

Brandir se mit en position de combat. Arzhiel haussa les épaules et alla se placer devant lui. Brandir jeta son gantelet au sol pour signaler le début du duel. Arzhiel lui donna un coup de pied dans le tibia et enchaîna avec une pique aux yeux. Il acheva le combat ridicule en giflant Brandir avec son gant abandonné tandis que celui-ci se frottait la jambe en piaillant de douleur. Arzhiel éjecta son maître d’armes dans le couloir et punaisa une menace de mort sur sa porte reconstruite pour le prochain qui oserait le déranger. Naturellement, et sans surprise, Hjotra, le chef ingénieur, rentra dans la salle du trône une minute plus tard.

- Non, mais c’est pas vrai ! s’exclama Arzhiel en jetant ses plans en l’air. Vous allez me dire que vous n’avez pas vu l’avertissement à la porte ?!
- Ah, si, messire, mais je ne sais pas lire.

Arzhiel songea un instant à mordre son lieutenant jusqu’au sang, mais préféra inspirer à fond avant la crise cardiaque.

- La patrouille est de retour, seigneur. Ils rapportent qu’un tas de bêtes rôdent à nos frontières.
- Des bêtes ? Quelles bêtes ? Les loups ?
- Non, répondit Hjotra dans un effort démesuré de réflexion. C’est plutôt comme des gros chiens dégueus en meute.
- Des loups !
- C’est pas des renards… C’est pas des chiens…
- Des loups !!!
- Ouais, c’est ça des loups ! fit l’ingénieur avec un large sourire.
- Laissez courir, c’est normal, on est en pourparlers, lâcha Arzhiel, les doigts crispés sur ses accoudoirs. Ou plutôt non, allez les surveiller. Vous pouvez même les caresser. S’ils grognent et aboient, c’est bon signe. Mais allez-y seul et sans votre matos. Vous verrez ils sont très câlins.

Hjotra se fendit d’un nouveau sourire radieux et commença à expliquer qu’il adorait les bêtes. Arzhiel parvint à le virer tandis qu’il racontait son premier amour pour une vache atteinte du typhus. Le seigneur du Karak ramassa ses parchemins éparpillés en se jurant de fendre le crâne du prochain à rentrer dans cette pièce.

- Grincheux, Simplet et le reste de la bande est parti, la voie est libre ?

Arzhiel sursauta en voyant une silhouette s’extirper de derrière les rideaux. C’était un homme trapu au visage blême et au regard perçant emmitouflé dans une cape noire. Arzhiel retint sa hache en reconnaissant son espion officiel.

- Ah ben vous revoilà vous ! Deux mois que vous aviez disparu, j’ai failli envoyer votre pomme aux chasseurs de primes pour vous retrouver. Vous savez qu’on est en plein conflit ? Un espion, ç’aurait pu servir.
- Désolé, messire, Le chat de ma grand-mère avait fugué. Il est petit mais très sauvage !

Arzhiel passa du rouge au violet et commença à mâchouiller sa barbe.

- J’espère pour vous que vous avez des renseignements dignes de ce nom ou je vous colle au trou avec un plat d’herbes elfes par jour à vous partager avec Brandir !
- Aucun risque, seigneur. Ecoutez ça : en parlant de Brandir, il fait semblant d’être somnambule la nuit pour que les gardes lui ouvrent la porte des cuisines.
- M’en fous.
- Alors, votre épouse essaie de vous tromper depuis plusieurs semaines mais comme elle ressemble à rien, elle ne trouve aucun amant, pas même le vieux gâteux qui tient la taverne.
- Pourquoi vous n’iriez pas dire ça à quelqu’un que ça intéresse ?
- Euh…Votre cousin que vous aviez envoyé en exploration à la recherche de nouvelles ressources. Il est rentré depuis quinze jours, mais il campe dans la cave de la taverne à dilapider sa solde en bière avant que vous le foutiez au cachot. Il n’a rien découvert du tout et a perdu son groupe le lendemain du départ.
- Apprenez-moi quelque chose que j’ignore, marmonna Arzhiel en perdant patience.
- Hjotra est persuadé qu’il mourra dévoré par des gobelins, c’est pour ça qu’il a peur d’affronter des orcs.
- Même les laquais sont au courant de ça…
- Je sais pourquoi le cours de la courge fluctue tant au marché.
- …
- Hum…Vous saviez que Brandir collectionnait les orteils des adversaires qu’il tue ?

L’espion se tut en voyant son seigneur saisir sa hache, salua bien bas pour signaler la fin de son rapport et attendre une nouvelle mission. Arzhiel s’apprêtait à le frapper lorsqu’il eut soudain une idée.

- Vous êtes non nain, vous, non ?
- Mi nain, Mi humain, répondit fièrement l’espion. Mais ce n’est pas la taille qui compte, messire.
- Ouais, merci, je suis vaguement au courant. Allez voir le lanceur de runes de ma part.
- Impossible. Il me jette des cailloux dès que j’approche du temple depuis que j’ai révélé à tout le monde qu’il avait perdu ses sourcils après une mauvaise manipulation de rune et qu’il se les dessinait maintenant.
- Dites-lui que c’est moi qui vous envoie. Il comprendra.
- En quoi consiste la mission ?
- Vous verrez, dit Arzhiel en le raccompagnant. C’est à la fois très pittoresque et très atypique. Vous qui rêvez de rendre service à la communauté, vous allez apprécier…Dîtes-moi, vous aimez les ours et la pêche ?
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MessageSujet: Re: La Saison 1   La Saison 1 Icon_minitimeVen 30 Nov - 12:10

Le cadeau d’anniversaire

Arzhiel s’enfonça dans la galerie silencieuse plongée dans les ténèbres en réajustant ses fourrures. A la lueur blafarde de sa lanterne, il aperçut une silhouette sur le côté. Avec surprise, il reconnut Hjotra, son ingénieur en chef, assis sur une stalagmite brisé, seul dans le noir. D’un air rêveur, le nain lançait machinalement des petits morceaux de cadavres de rats en direction de chauves-souris endormis plus loin, comme du pain aux oiseaux.

- Qui va là ? demanda-t-il en clignant des yeux face à la lumière.
- La reine des trolls, répondit Arzhiel en approchant.
- Sérieux ? Bah, mince alors !
- Mais non, c’est moi, tête de pioche ! Vous avez une raison particulière de traîner au fond des grottes sacrées au beau milieu de la nuit, en robe de chambre et dans le noir ou vous avez finalement perdu l’esprit ?
- J’arrivais pas à dormir, messire, répondit Hjotra en tripotant son bonnet de nuit à pompons.
- Et les gardes vous ont laissé passer ?
- Ils roupillaient dans un coin quand je suis arrivé.
- Je demande, naïvement, moi aussi…
- Mais et vous, seigneur ? Vous ne dormez pas ?
- Si, mais euh…c’est mon épouse…Elle était d’humeur badine et ne dormait pas, elle. Remarque, j’aurais dû me douter quand elle a débarqué dans la piaule avec juste deux bouts de tissus sur la croupe. Je me suis barré avant qu’elle se décide à me sauter sur le poil.

Arzhiel eut un frisson de dégoût qui lui parcourut tout le corps pendant que Hjotra le regardait d’un air compatissant. Le chef de guerre hésita un instant devant l’air encore plus absent que d’habitude de son lieutenant et alla s’asseoir à contrecœur près de lui.

- Je vous écoute. Qu’est-ce qui vous turlupine ?
- C’est à propos de ce qu’a dit Svorn aujourd’hui.
- Quoi ? Que vous étiez plus bigleux qu’abruti, et plus abruti que couard ?
- Non, ça c’est normal. En plus c’est pas tout à fait faux.
- Je ne vous le fais pas dire, murmura Arzhiel.
- Il a dit que je n’étais responsable des armes de siège que par hasard.
- Ah, ça c’est faux, par contre ! Je vous ai moi-même choisi et désigné à ce poste. Enfin, bon…la vérité, c’est qu’à l’époque j’avais absolument besoin d’un chef balistique et comme j’étais en froid avec la Guilde des Ingénieurs à cette époque, ils ont voulu me refiler que vous. C’était salaud, mais de bonne guerre…Vous êtes rassuré ?
- Pas vraiment. J’ai parfois l’infime impression de ne pas vous apporter satisfaction en tant que soldat. Regardez, à la dernière bataille, j’ai chargé mais j’ai pris le manche de mon marteau dans les noix. Bon, je l’avais mal passé à ma ceinture et avec l’élan…Résultat, j’ai rien vu des combats et je n’ai pu remarcher qu’une heure plus tard.
- Et reparler, deux heures après, acquiesça Arzhiel. Je me souviens.
- Et la fois où j’ai confondu nos éclaireurs avec des drows. C’était rageant en plus, c’était la première fois que j’en touchais autant à la catapulte !
- C’était quand Brandir vous a rasé le crâne et vous a fait la tronche un mois durant pour avoir buté ses soldats ? Ah ouais, c’était…pathétique. Bon, vous avez encore un peu de mal avec l’exercice de terrain, mais ça viendra. Vous n’avez même pas cent ans !
- Vous êtes gentils, seigneur.
- Ou terriblement sot, question de point de vue. Si vous voulez m’impressionner, il va aussi falloir vaincre votre peur des gobelins. Je vous ai vu gueuler comme une pucelle quand on a lapidé ces réfugiés gobelins sous la muraille !
- Je n’ai pas peur des gobelins ! se défendit Hjotra, ses pompons dansant alors qu’il niait farouchement. C’est juste parce qu’ils ressemblent à des enfants.
- Des enfants ?! Les enfants vous collent les miquettes ?!
- Maaaaaais ! Ils sont tout petits et bizarres ! Quand ils bougent, on dirait Svorn lorsqu’il joue au ventriloque avec les cadavres des sacrifiés. Et leurs regards ! Et quand ils parlent, on comprend rien.
- Ca, c’est plutôt un concept qui vous est familier, pourtant.
- Comment vous voulez dire, seigneur ?
- … Non, rien, soupira Arzhiel. Bon, vous êtes une bille. Si encore vous étiez le seul ou que j’avais mieux sous la main, je vous foutrai au trou et tout serait réglé. Mais jusqu’à ce que ça arrive, on va devoir se supporter et prendre chacun sur soi. Vous percutez ?

Hjotra fixait son seigneur d’un air pensif, jusqu’à ce que Arzhiel comprenne qu’il était captivé par le balancement de son pompon sous ses yeux. Ce dernier le lui arracha et après le lui avoir enfoncé dans sa bouche entrouverte, le pressa à le suivre.

- Vous savez pourquoi ces grottes sont sacrées, pauvre hère ? Parce qu’elles renferment le reliquaire où on conserve nos trésors.
- C’est là que vous alliez, messire ? fit Hjotra, son bonnet mâché à la main.
- Demain, c’est l’anniversaire de ma femme et il me faut un présent. Je vais lui refourguer une de nos babioles. L’an passé, j’avais oublié. Le matin, je me suis réveillé avec une fournée de serpents et de cafards dans le pieu. Croyez-moi, j’ai eu de meilleurs réveils agonisant dans la boue gelée d’un champ de bataille.
- Alors, Dame Elenwë pratique encore la magie ?
- Si ce vieux débris m’avait dit que la récompense de ma quête serait une sorcière elfe à prendre pour épouse au lieu d’un sac d’or, il servirait aujourd’hui encore de cible à vos balistes ! Maintenant je dois lui offrir absolument un cadeau.
- Argh, une elfe, éructa l’ingénieur avec le même frisson de dégoût que son chef. Mais pourquoi un présent ? Je croyais que vous pouviez pas la blairer ?
- Vous êtes lents….Quand elle me fait pousser une queue de porc sur le derche ou qu’elle me colle de la vermine au fond du plumard, je vous assure que la seule chose que j’ai envie de déposer sur ses joues délicates, c’est un bon gros taquet. Mais mis à part la peur, la révulsion et le mépris, on finit par s’attacher au bout de cinquante ans. Comme une vieille blessure de guerre horrible et handicapante. C’est laid, ça vous pourrit la vie, puis on s’habitue à la voir vous bouffer et on finit par l’exhiber pour déconner devant les copains.

Arzhiel se retourna une fois arrivé devant une large porte.

- Allez, zou, fit-il avec un sourire contrit. Rentrez là-dedans et allez me chercher une broutille, un casque d’ornement, une massue hérissée de pointes, une tête d’orc empaillée, n’importe quoi, on s’en balance, l’autre cruche n’a aucun goût de toute façon. Vous vouliez une mission d’importance. Je vous confie celle-ci.

Hjotra n’eut pas l’air de tout comprendre, mais Arzhiel le poussa à l’intérieur du reliquaire d’une bourrade.

- Ah ! Prenez ça, lui dit-il en lui fourrant sa bourse contenant les morceaux de cadavres de rats dans la main. Ca vous servira.
- A quoi, seigneur ?
- Un cerbère protège le reliquaire des voleurs. Vous lui donnerez vos saloperies, là. Ca lui servira d’apéritif…

Hjotra fronça les sourcils, mais Arzhiel lui claqua la porte au nez avant qu’il n’ouvre la bouche.

- Et magnez-vous. Si je me réveille avec le moindre reptile dans les bras, je vous force à devenir l’amant de l’autre garce !
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MessageSujet: Re: La Saison 1   La Saison 1 Icon_minitimeVen 30 Nov - 12:11

L'assaut

Plaqués contre la paroi d’un tunnel, l’escouade de nains tapis dans l’obscurité attendait en épiant les ténèbres. Un cliquetis se fit entendre au loin, ainsi qu’un souffle rauque. Il y eut un bruit de chute, un juron, l’acier et le mithril s’entrechoquant et l’écho de pas lourds qui s’approchaient. Un vieux nain borgne et essoufflé apparut devant ses congénères, massant sa jambe de bois en haletant comme une forge.

- Non, mais vraiment, ça rime à quoi ? ! pesta Arzhiel en fixant l’éclaireur. Allons-y avec cornes et trompettes, niveau discrétion, ça ne pourra pas être pire !
- C’est notre meilleur chasseur, seigneur, répondit Hjotra d’un ton piteux. Il a des années d’expérience.
- Des siècles plutôt ! Il a vu grandir ma grand-mère ! Regardez le, il est à moitié moisi, il est aussi furtif qu’un troupeau de vaches avec clochettes et en plus il pue l’urine à cent lieues ! On a du bol si les Drows ne nous tombent pas dessus dans la minute !
- L’alerte n’a…pas été…donné, parvint à articuler l’éclaireur essoufflé.
- Les sentinelles ne vous ont pas entendu avec tout ce bordel ?!
- Si, si…Elles m’ont chopé quand…je pissais sur leur murailles…D’ailleurs, c’est ça l’odeur…J’ai du mal à viser avec un seul œil…Ils voulaient me faire la peau…Je leur ai refilé le goret de Hjotra…Ils se sont mis à le torturer en ricanant et m’ont oublié.
- Choupy ! se lamenta Hjotra avec désespoir.
- Choupy, c’est le goret ? fit Arzhiel, hébété. Je peux savoir ce que vous foutez en mission avec un porc et pourquoi l’éclaireur part en reconnaissance avec ?!
- Bah, on sait jamais, au cas où on vient à manquer de provisions…

Arzhiel massa vigoureusement ses tempes douloureuses, sentant la migraine revenir. Hjotra pleurnichait à ses côtés et ne s’arrêta qu’au second coup de pied dans son postérieur. Le seigneur nain fit signe d’avancer et la troupe se mit en marche, aussi lente que bruyante. Un enfant les aurait vu venir, mais les sentinelles Drows étaient fascinées par la torture de Choupy et furent quasiment piétinés par les nains qui s’engouffrèrent dans leur campement. D’autres gardes arrivèrent et la bataille débuta.

- Pour Gazul ! psalmodia Svorn, hystérique. Sus aux Oreilles-Pointues !
- C’est qui Gazul ? demanda Brandir d’un ton innocent.

La troupe des nains pila d’un même réflexe et braqua ses regards pesants sur le guerrier.

- Je déconnais ! lança Brandir en ricanant. Vous me prenez pour un demeuré ?
- Vous ne tenez pas vraiment à entendre ma réponse, lui répondit poliment Arzhiel avant de l’expédier en première ligne en lui bottant les fesses.

Les Drows jaillirent de tous côtés et les nains se placèrent en formation. Arzhiel dut promettre trois fois une double ration de champignons pour que ses soldats sortent de leur léthargie et boutent l’ennemi. L’escouade envahit le bâtiment principal et pénétra dans la salle principale où les attendait leur cible, le maître des lieux. Muíredach était un prêtre du culte de Vhaeraun, mais surtout un sorcier menant de sombres recherches menaçant le Karak des nains. Ces derniers ayant juré de le détruire, et accessoirement de piller ses richesses, se jetèrent sur lui.
Un géant des roches leur barra la route et les repoussa les uns après les autres. Il était encore plus gros et hideux que ses congénères, sûrement victime des sorts de son maître. Arzhiel regarda ses guerriers voler en tous sens à travers la pièce d’un air désolé. Il intercepta Brandir au retour de son cinquième vol plané. Le guerrier était en piteux état mais fulminait de ne pas encore avoir reçu le coup fatal qui lui apporterait une mort honorable au combat
.

- Brandir, venez-là ! Mais arrêtez de mordre le manche de votre hache, vous savez combien ça coûte à fabriquer ?! Bon, je ne voulais pas vous le dire, mais…Ce géant des roches, c’est lui qui a terminé le dernier tonneau de bière de Perce-Panse. Il tape aussi chaque nuit dans nos réserves de champignons. Et en plus il a dit tout à l’heure que vous aviez une sale gueule.
- Seigneur ! lança Hjotra, caché derrière une table renversée. Vous pensez vraiment que ça va marcher ? Brandir est niais mais…

Il n’avait pas fini sa phrase que Brandir décapitait le géant des roches, pris d’une furie sanguinaire, et s’acharnait à lui faire sauter tous les orteils en gémissant de rage. Arzhiel aurait presque été fier de lui s’il ne l’avait pas trouvé aussi affligeant. La victoire fut totale. Muíredach et ses fidèles furent exécutés et le campement, ravagé. Les nains rassemblèrent leurs blessés et chantaient de joie quand Svorn leur annonçait la mort de l’un d’eux.

- Ah, les veinards, soupira Brandir d’un air envieux devant les corps de ses camarades morts.
- Votre tour viendra, le rassura Arzhiel en l’observant jouer avec les orteils du géant.
- Seigneur ! l’appela Hjotra. L’éclaireur est en train de claquer.
- Encore une bonne nouvelle ! Enfin…Je veux dire, c’est bien, son âme va gagner un repos mérité auprès des dieux et…

Arzhiel s’interrompit en réfléchissant.

- Attendez. Il nous a baladé deux jours dans ces fichus tunnels. Quelqu’un connaît le chemin du retour à part l’éclaireur ?

Personne ne répondit et tous se regardèrent. La seconde suivante, une trentaine de nains se ruait sur l’éclaireur, presque cané sur les pavés.

- Faites-lui un garrot !
- C’est sa tête ça ?!
- Quelqu’un est-il sobre pour lui faire une transfusion ?
- Brandir, foutez la paix à ses orteils !
- Passez-moi un bandage au lieu de lui voler son futal !
- Mais comment il s’est demmerdé pour se pisser sur la barbe ?!

Les nains s’activèrent fébrilement autour de leur ami mourant, mais ce dernier était moribond. Arzhiel chercha autour de lui et s’empara d’une dizaine de potions sur une étagère intacte. Persuadé qu’il y avait forcément dans le tas un philtre de guérison, il vida les flacons un par un dans la bouche de son éclaireur. La dernière fut la bonne et le vieux éclopé rouvrit les yeux. L’assemblée poussa un soupir de soulagement.

- Gniiii ? articula-t-il. J’ai rêvé d’un endroit génial où on pouvait fouetter les elfes et même leur piétiner la tronche…Qu’est-ce qui s’est passé ? Où est mon pantalon et pourquoi ma barbe est devenue verte ?
- Arrêtez de ricaner, bande de boulets ! gronda Arzhiel. Le premier qui fait une remarque sur sa paire de cornes ou sa voix de fillette prépubère, je l’envois ouvrir la marche.
- On est sauvés ! s’exclama Brandir en montrant une potion qu’il venait de trouver. « Potion d’amnésie », avec un nom aussi dégueulasse, ça va sûrement le requinquer !

Il est dit dans les légendes que le hurlement collectif de la troupe naine lorsque le guerrier fit absorber le philtre à l’éclaireur fut tel que son écho résonna une semaine durant à travers les galeries souterraines, vingt lieues à la ronde.
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MessageSujet: Re: La Saison 1   La Saison 1 Icon_minitimeVen 30 Nov - 12:14

Le rat et le corbeau

Arzhiel pénétra dans la salle d’eau sans se donner la peine de frapper en brandissant devant lui un rat bien gras qu’il tenait par le bout de la queue. Il regretta aussitôt son intrusion lorsqu’il aperçut Elenwë sortant de son bain. L’elfe sculpturale aux formes généreuses passa nonchalamment la main dans sa longue chevelure blonde en regardant son époux d’un air indifférent. Arzhiel ne put s’empêcher de grimacer face à un physique si peu engageant à son goût en comparaison de celui des naines grasses et velues.

- Vous avez une raison particulière de débarquer ici armé d’un immonde rat, mon tendre, ou vous ne vous souvenez plus de l’effet de mon sort de « Brûle-Fesses » ?
- Je peux savoir pourquoi je trouve un rat gros comme mon poing au milieu de mon auge dès le troisième petit déjeuner ? questionna le seigneur d’un ton impatient.
- Parce que les nains mangent n’importe quoi ? avança l’elfe d’un ton ironique.
- Ah, ne vous fichez pas de moi ! Regardez-le ! Ce rat a une barbe ! Vous trouvez ça normal ?
- Presque aussi normal que le dédain que vous m’inspirez, mon amour.
- Je vous ai répété mille fois de ne pas changer mes soldats en animaux ! C’est déjà assez le foutoir en temps normal pour que vous y ajoutiez une ménagerie. Bon, c’est lequel celui-ci ?

Le rat remonta le long du bras de Arzhiel et alla lui grignoter l’oreille. Le seigneur de guerre le détendit d’une pichenette dans la tête et le fourra sous son aisselle pour le calmer.

- Le petit gros avec une barbe qui sent la bière et le ragoût de champignons, fit l’elfe nue.
- Ouais, c’est ça, moquez-vous. Je ne sais pas ce qui me retient de vous coller Svorn aux miches avec un procès pour sorcellerie. Vous savez qu’il est pas jouasse sur le sujet, le copain ! Alors, c’est qui ?!
- Votre maître d’armes, répondit innocemment Elenwë en se rhabillant.
- Quoi ?! Brandir ?! Mais vous êtes barrée ?! Je fais comment pour défendre le Karak avec mon meilleur guerrier changé en rongeur ?!
- Le meilleur ? J’imagine le niveau des autres…
- Bon, le moins pire de mes guerriers. Et il vous a fait quoi pour avoir droit à ce privilège ?
- Il m’a coupé la parole à table. Deux fois. Et quand je lui ai proposé de me faire le baise-main hier, il a vomi à mes pieds !
- Ouais, mais vous aussi ! Vous prenez tout au pied de la lettre. Brandir est un goinfre et la nourriture est sacrée pour lui. Il vous faisait peut-être une offrande de ce qui lui était le plus cher. Ah, ah ! Vous n’aviez pas pensé à ça !

Elenwë se redressa, le regard acéré, la magie crépitant entre ses doigts.

- Oulà, c’est bon ! On peut discuter, quoi ! Il était sûrement malade ou ivre. On s’en fout ! Rompez le charme, quoi.
- J’accepte si vous me donnez une descendance, répondit l’elfe en faisant une moue coquine.
- Hein ? Quoi, maintenant ? Non, ça va pas être possible, je viens juste de manger. Vous ne voudriez pas qu’un autre nain gerbe sur vos pieds ? Ce serait ballot.

Arzhiel eut juste le temps de sortir de la pièce avant qu’une boule de feu n’explose dans son dos. Il s’éloigna en toute hâte, ignorant les jurons en elfique qui le poursuivaient. Brandir le rat avançait en titubant sur son épaule, encore sous le choc de l’inhalation des dessous de bras de son chef. Arzhiel s’engageait dans un corridor lorsqu’une masse sombre lui tomba direct sur le nez. Un cadavre gluant de corbeau déplumé glissa par terre. Brandir se rua dessus pour s’y faire les dents.

- Mais, c’est dégueulasse ! rugit Arzhiel, furieux. Mais pourquoi je prends un piaf crevé sur le coin de la pomme alors qu’on vit six cent pieds sous terre !?
- Gardez-le, seigneur ! s’écria Hjotra en passant devant en trombe. Il dira rien si c’est vous !

Comprenant que c’était l’ingénieur qui venait de lui jeter ça, Arzhiel vit rouge et précipita sa hache sur le fuyard. Par chance pour ce dernier, il ne fut atteint que par la cognée et s’écroula après avoir rebondi contre le mur. Arzhiel lui sauta au cou pour l’étrangler.

- Arrêtez, messire ! gémit Hjotra. Il va me tuer !
- Impossible. Je vous aurai buté avant. On ne balance pas de cadavre d’oiseau crevé sur la tronche de son seigneur !!!
- Hérétique ! hurla Svorn en débarquant à son tour, plus furieux encore qu’Arzhiel.

Le haut prêtre repéra Hjotra au sol et lança une rune explosive avec colère. Il ne reconnut que trop tard le visage familier de son seigneur près de sa cible. Un éclair aveuglant traversa le couloir tandis que la magie foudroyait les deux nains. Une heure et quelques sorts de guérison après, Arzhiel observait ses deux lieutenants, l’un au gibet et l’autre au pilori.

- Donnez-moi une raison de ne pas vous jeter aux loups, les petits comiques…
- Il a noyé Foudre Divine ! pesta Svorn en essayant de passer sa jambe au travers des barreaux pour donner des coups de pieds à Hjotra.
- C’était un pari, c’était pas exprès ! Comment pouvais-je savoir que les corbeaux ne nagent pas ?!
- Seigneur, libérez-moi deux secondes que je l’étripe ! Foudre Divine était mon familier !
- Par les orteils de Gazul ! Vous voulez dire que j’ai bécoté un corbeau clamsé, que j’ai morflé une rune d’éclair dans le derche et ai perdu la moitié de mes poils intimes pour un pari ?!
- Vous savez pas où je peux trouver un bouc, seigneur ? demanda Hjotra. J’ai perdu, faut que j’honore mon pari…
- Il est taré, messire ! beugla Svorn en voyant Arzhiel redevenir écarlate. Au bûcher ! Déjà ça fera du bien à tout le monde, ça fera un spectacle pour les gosses, c’est convivial, tout le monde le connaît. Et en plus, les dieux feront moins la gueule maintenant que j’ai plus de familier.
- Non, pas le feu. Vous avez vu le bonhomme ? Je vous raconte pas l’odeur sur les loques après. Dites…les dieux, ils sont pointilleux sur l’animal ? Parce que s’il vous faut une bestiole, ça tombe bien, j’ai justement un rat qui pionce dans ma poche.
- Faites voir ?...Avec un engin pareil, c’est un coup à choper une malédiction. Il est laid comme ma sœur….Et en plus, il sent fort le vomi. Oh, il a une barbe ! C’est pas banal, ça.
- Je peux voir ? s’exclama Hjotra tout excité. Je veux voir !
- Bon vous le gardez ou je vous le sers comme pitance ce soir ?
- Si ça peut vous débarrasser, seigneur. C’est d’accord. Il a un nom ? Foudre Divine II, ça va pas le faire avec un machin pareil. Aie ! En plus, il mord l’abruti !
- Bof, fit Arzhiel en toussotant. Sais pas…Appelez-le Vomi.
- Trop fort ! cria Svorn, conquis, pendant qu’Arzhiel s’éloignait discrètement.
- Je peux voir ? Dis, dis ? Je peux voir ? Hé, vous croyez qu’il sait nager ?
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MessageSujet: Re: La Saison 1   La Saison 1 Icon_minitimeVen 30 Nov - 12:15

Retour de campagne

Arzhiel était couvert de neige de la tête aux pieds, de ses épais sourcils à sa longue barbe chargée de givre. Il s’ébroua comme un animal en rentrant dans la salle du trône et jeta sa cape et son armure souillée à terre. A son épouse qui venait l’accueillir dans une robe vaporeuse, il n’eut que l’attention de lui fourrer ses bottes malodorantes entre les mains avant de s’écrouler sur son trône dans un râle d’épuisement.

- Alors, mon cher ? demanda l’elfe en jetant les bottes sur un des conseillers qui ricanait devant son expression vexée. Comment s’est déroulée cette campagne ?

Arzhiel poussa un grognement rauque et lui tendit une bourse pleine.

- Votre sottise n’a d’égale que votre naïveté, mon coeur, commenta Dame Elenwë en empochant l’or. Le pari était gagné d’avance. Vous avez essuyé une défaite, n’est-ce pas ?
- J’aurais préféré, soupira Arzhiel. On serait partis à reculons, les yeux bandés, on n’aurait pas mis plus de temps pour le voyage…L’espion nous avait tracé la carte, on a fini trois fois au bord d’un précipice et deux fois dans un campement d’orcs. L’éclaireur, ce vieux borgne rabougri, que Gazul ait son âme ! Il nous a guidé à travers les montagnes. Résultat, un mois de balade dans la nature. Le temps qu’on arrive, la cible avait changé quatre fois d’alliance. On n’a même dû déjeuner avec lui pour célébrer nos nouveaux accords. Et vous savez ce que mangent les humains ? De la salade ! Des légumes ! J’en ai encore des frissons. Brandir en a fait une dépression. Il se prenait pour un lapin et sautait partout en demandant qu’on caresse son poil.
- Et on me critique quand je le change en rat. Vous en avez fait quoi ? Vous l’avez cuit à la broche ?
- Pour choper le typhus ?! On l’a chopé à quinze et on lui a collé une danse pour le calmer. Il n’a mis que deux semaines pour reprendre conscience. Vous savez qu’à force de lapider quelqu’un, il ne crache même plus de sang au bout d’un moment ?
- Finalement, ce n’est pas plus mal, dit la sorcière en jouant avec sa bourse. Pas de bataille, pas de perte dans vos rangs.
- Pas de perte, faut le dire vite avec le commando « bras-cassés » de mon état-major. Hjotra a réussi à paumer une dizaine de béliers en chemin. Incapable de se souvenir où il les avait garé.
- Lapidé lui aussi ?
- Non, traîné à poil à l’arrière d’un chariot sur dix lieues, répondit Arzhiel d’un air désinvolte. Une lieue par bélier. Ca ne lui a pas fait retrouver la mémoire. Mais ça distrait un voyage monotone.
- Et l’autre fanatique ? Quels furent ses exploits ?
- Qui ça ? Svorn ? Ah, merde, Svorn ! On l’a oublié ! Je savais bien qu’il manquait quelque chose…Mais, c’est sa faute aussi. Il tenait tant à brûler ce village de gobelins que du coup, on l’a oublié là-bas. Il aura eu le temps de mieux faire connaissance avec la population comme ça.
- Pauvre amour ! fit Elenwë en grattant le menton de son époux. Peut-être pourrais-je offrir la chaleur de mes bras et la douceur de mes caresses pour vous remonter le moral ? Hum ? Que puis-je faire pour vous être agréable, mon grand ?

L’elfe se pencha d’un air lascif, croisant ses longues jambes et laissant fondre le décolleté avantageux de sa robe.

- Vous ne voulez pas me masser les pieds ? proposa Arzhiel. Entre les cors et les champignons aux orteils, ça me fait un mal de chien !

Elenwë se détourna vivement en voyant le nain remuer ses doigts de pieds crasseux sous son nez. Sa réaction fit ricaner le conseiller proche. Son rire s’acheva en coassement quand elle le changea en grenouille d’un seul geste. L’elfe quitta la pièce, furieuse.

- Bon, oublions ce fiasco avant que j’aille chercher une corde pour me pendre, conclut Arzhiel. Quelles nouvelles au Karak ?
- On est en plein déficit de nourriture, seigneur, annonça le premier conseiller. Les cueilleurs ont entamé une hibernation sans préavis. On n’a plus de chaussures non plus, on les a toutes mangées pour survivre.
- Moghral le terrible, le semeur de veuves, le dépeceur de nains, le seigneur orc de guerre, loge au château depuis hier, déclara le second conseiller. Il désire un duel avec vous.
- Cooooaaa ! fit le troisième conseiller.
- Quoi ?! s’exclama Arzhiel.
- Cooooaaaa ! répéta le conseiller-grenouille.

Arzhiel le saisit et le jeta violemment contre le mur.

- Moghral ? Le duelliste errant ?! Mais c’est un tueur ! Il va me fumer.
- Envoyez Brandir, c’est notre meilleur soldat.
- La barbe ! Je l’ai envoyé s’entraîner seul dans les montagnes tout nu avec son bonnet, histoire de l’endurcir.
- Hjotra ? proposa le second conseiller.
- Je le force à manger de la salade depuis douze jours. Il perdu trente kilos. Si le vent souffle, il s’écroule. J’ai personne sous la main, je vais me faire détruire ! Une autre idée ?

Les conseillers qui se dirigeaient déjà vers la sortie sur la pointe des pieds se retournèrent et sifflotèrent en faisant semblant de réfléchir. Arzhiel pesta, ramassa son armure et s’en alla, déjà prêt à s’offrir une mort digne face à l’orc, la grenouille juchée sur sa tête. En chemin, il croisa Elenwë qui faisait craquer ses jointures, ses mains encore fumantes de magie.

- Pourquoi vous vous promenez avec une grenouille sur le melon, mon cher ?
- Montrez vos mains ! lança Arzhiel en virant l’animal d’une gifle. Vous, vous avez utilisé la magie ! Vous croyez qu’on trouve les larbins sous les cailloux ?! Vous avez buté qui encore ?!
- Sais pas, répondit l’elfe en boudant. Je ne le connaissais pas celui-là. Il ne s’est penché que deux fois pour me saluer au lieu de trois. Je l’ai cramé. Entre-nous, le petit personnel ne sera jamais à la hauteur alors ne vous rabaissez pas non plus à embaucher des orcs ! Vous trouverez celui-ci au couloir, à droite. C’est le tas de cendres près du buffet.
- Home sweet home, soupira Arzhiel de soulagement avant de reprendre sa route, pinçant au passage les fesses de son épouse. Une grenouille sur les talons, il s'en alla d'un pas léger chercher une trompette pour réveiller ses cueilleurs.
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MessageSujet: Re: La Saison 1   La Saison 1 Icon_minitimeVen 30 Nov - 12:16

L’arme fatale

Arzhiel regagna son lit en baillant. Dans la pénombre, il se ruina le doigt de pied contre le coin du lit, glissa sur le tapis en peau d’ours et se ramassa sur le lit en gesticulant.

- Si vous tenez tant que ça à faire des acrobaties, on pourrait en faire à deux…marmonna Dame Elenwë depuis l’autre bout du lit. Vous étiez où ?
- Avec les gardes, fit le nain en massant son pied endolori. J’ai mis une plombe à convaincre ces lavettes qu’ils n’avaient rien à craindre du fantôme de la bibliothèque. Ces ânes avaient monté des béliers sur deux étages tellement ils avaient les miquettes !
- Le fantôme, c’est pas celui du vieux Thoric ?
- Ouais, ce boulet-là ! Il a passé les dix dernières années de sa vie à jouer à « je te tiens par la barbichette » avec son frère. Dix ans à se fixer en attendant que l’autre rigole. Et comme c’était pas des marrants l’un comme l’autre, y a jamais eu de perdant. Il est mort de faim et du coup, les dieux l’ont condamné à hanter la bibliothèque jusqu’à ce que quelqu’un le fasse ricaner. Allez faire comprendre ça à ces bourriques de gardes qui croient encore que Gazul c’est le nom du familier de Svorn !

Arzhiel s’enroula dans les couvertures en râlant et fit vite semblant de s’endormir avant que son épouse ne lui reparle d’acrobaties. Il y était presque arrivé quand un nain vêtu de loques fit irruption dans la chambre.

- Gnéééé ?! Que, quoi ? Qu’est-ce que c’est ? Non, mais allez-y, rentrez !
- Vous dormiez, seigneur ? demanda le nain en haillons.
- Non, je tricotais, ahuri ! Il veut quoi le mendiant ? Voler mes loques ?
- Ou votre savon, ajouta Elenwë en se bouchant le nez. Quel est le nom de votre sujet, mon bon, que je sache comment appeler mon prochain animal de compagnie ?
- J’en sais rien, mais à l’odeur, je dirais que c’est un cueilleur…ou un clodo.
- Seigneur, faut que vous vous leviez ! J’ai été victime d’un terrible larcin.
- Non, mais là, c’est pas vivable, mon brave. C’est une pièce close, ici. L’odeur va tous nous tuer si vous reculez pas. On vous a volé quoi ?
- Mes cochons ! Cinquante beaux porcs échangés ce matin au marché à un orc contre à peine une centaine de cottes de mithril et trois cents unités de charbon. Une affaire en or !
- De…combien ?! suffoqua Arzhiel.
- Seigneur ! hurla Svorn en rentrant à son tour, fou furieux.

L’odeur du cueilleur arracha une grimace de dégoût au haut prêtre, mais elle ne valut pas celle qu’il eut en voyant Elenwë en robe de nuit. Ses hurlements attirèrent la garde et bientôt une foule de nains curieux se pressa autour du lit du couple seigneurial. Certains avaient même emmené une part de tourte et de la bière, pensant assister à un divertissement. Lorsque les premières boules de feu chassèrent la masse de visiteurs, Arzhiel se retrouva enfermé dehors avec Svorn et le cueilleur, dépité.

- Jolie chemise de nuit, seigneur.
- Je vous la donne. Vous en aurez peut-être besoin une fois dans les oubliettes…
- C’est intolérable, seigneur ! vociféra Svorn en postillonnant. On m’a volé mon sac de runes !
- Et donc, ça urgeait à la minute ? Ca ne pouvait pas attendre demain ?
- Vous ne comprenez pas. Je mets deux nuits complètes d’incantations pour graver une seule de ces runes explosives. Il y en avait cinquante dans ma bourse !
- Cinquante porcs et cinquante runes explosives ? murmura Arzhiel en réfléchissant. Qui aime les bêtes et la destruction ?
- Gazul, le familier de Svorn? proposa le cueilleur en se grattant l’entrejambe.
- Hjotra ! s’exclama Arzhiel, horrifié, en écrasant la tête du nain contre le mur. Où est Hjotra ?

Le trio s’engagea dans les couloirs jusqu’à l’atelier de l’ingénieur. Svorn s’entraînait à donner des coups de bâton dans le vide en songeant au châtiment à venir. Le cueilleur trottinait en tenant son pantalon boueux pour ne pas le perdre à chaque pas et Arzhiel lui jetait des cailloux pour le faire s’éloigner d’eux.
L’atelier de Hjotra empestait le porc et le brûlé. Les cochons se promenaient librement au milieu des balistes et des béliers de siège. L’ingénieur dut se réfugier au sommet d’un de ses engins pour ne pas être écharpé par Svorn et le cueilleur enragés
.

- Simple curiosité, lui demanda Arzhiel en lançant sur son ingénieur tous les outils qu’il trouvait. Vous aviez une raison de braquer tout ça ou c’est juste pour nous rendre dingues ?
- C’est ma nouvelle invention ! cria triomphalement Hjotra. Non, pas le maillet, aie ! C’est une machine de guerre formidable qui va nous assurer la victoire !
- Avec des porcs, donc ?
- Oui ! fit le nain, surexcité. J’ai fait avaler une rune à chaque cochon. J’ai bidouillé une catapulte avec réservoir de porcs. Elle les balance un par un sur l’ennemi. Les cochons se mêlent aux troupes et là, boum ! Les runes explosent ! C’est pas génial ?!
- Il a donné mes runes à bouffer aux cochons ! Je vais me le faire !
- Une catapulte à porcs explosifs…fit Arzhiel, hébété par tant de « génie ». Non, c’est n’importe quoi. J’achète pas, c’est débile.
- C’est débile ! répéta Svorn. Il faut un mot magique pour activer la magie des runes, pauvre nullos !
- Ah, bon ? s’étonna Hjotra en esquivant un tournevis acéré. Lequel ?

Svorn récita une incantation avec un accent horrible, entre le rot bien rauque et le raclement d’une hache sur de la pierre. Puis le maître des runes se figea, livide. Arzhiel se tourna vers lui, la lèvre tremblante.

- Dites-moi que ce n’était pas ça, le mot pour activer les explosions.
- C’est pas grave ! répondit nerveusement Svorn. Ca risque rien tant qu’on ne touche pas les porcs.

Les nains se retournèrent et regardèrent l’atelier envahi de cochons errants, ainsi que la seule issue, cent mètres derrière eux.

- Alors ! s’exclama gaiement Hjotra. C’est pas une invention terrible ? Hé, dites ? Je peux descendre maintenant ?
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MessageSujet: Re: La Saison 1   La Saison 1 Icon_minitimeVen 30 Nov - 12:16

Le retour du champion

Les nains se déplacèrent le long de la crête, dissimulés sous les fourrés. Arzhiel avait promis au premier qui les faisait repérer par maladresse un nettoyage complet des douves à la petite cuillère. Le seigneur du Karak surveillait donc autant ses soldats que l’ennemi au bas des collines, son regard noir écrasant aussitôt celui qui avait le malheur de trébucher. Les troupes gagnèrent leurs positions respectives. Après plusieurs semaines de poursuites, ils avaient enfin mis la main sur la bande de pillards qui s’en prenaient à leurs caravanes.

- Ca va être leur fête aux loqueteux ! murmura Svorn en astiquant vivement son bâton.
- Quand je pense aux ronds qu’ils nous ont fait perdre, chuchota Arzhiel. Vous avez intérêt à leur coller une peignée aux coupe-jarrets !
- Ils nous ont volé tant que ça ? interrogea le haut prêtre.
- Trois fois rien. Sauf ce que j’ai dû casquer dur pour obtenir des informations sur leur campement.
- Ah, c’est curieux ! Je croyais que c’était votre espion qui les avait délogé ?
- Alors lui, il a la palme ! gronda Arzhiel. Il commence tellement à me plaire que je crois qu’il va dépasser Hjotra dans mon classement à boulets ! Deux jours pour lui expliquer la mission, trois pour le convaincre de chercher en dehors du Karak…et une heure pour qu’il se perde. Aux dernières nouvelles, il interrogeait les bergers de la vallée pour retrouver sa route !
- Formidable ! gloussa Svorn. Ca veut dire que j’ai perdu une place ! Oh ! Regardez ! Y a un nain qui traverse le camp des voleurs ! Tiens, il est à moitié défroqué…

Arzhiel et ses soldats se penchèrent pour observer la scène. Un nain vêtu d’une fourrure ne couvrant que son torse marchait d’un pas tranquille au milieu des tentes des bandits. Son crâne était rasé, à l’exception d’une mèche hirsute et colorée d’un rouge vif dressée telle une corne. Il mangeait une poignée de baies et ne prêtait aucunement attention aux coupeurs de gorge qui l’entouraient. Certains l’insultèrent, d’autres le provoquèrent. Il fut menacé, bousculé et même frappé. Malgré cela, il avançait toujours paisiblement, parfaitement calme.

- Vous voyez ça, messire ?! interrogea Svorn, ébahi. C’est fou !
- Je suis bien d’accord. Un nain des plus timbrés et qui n’appartient pas à mes troupes, c’est extraordinaire !

Le promeneur dut cependant s’arrêter quand un demi-orc immense lui barra la route. Le voleur prit alors l’une des baies et la mangea sous les yeux du nain rasé. La seconde suivante, ce dernier l’étalait d’un violent coup de boule et commençait un massacre, hache en main.

- Par la polio de Hjotra ! Il va se faire plier ! On y va !

Arzhiel sonna la charge et une nuée de nains se rua de tous bords depuis les hauteurs, hurlant et vociférant. Le camp fut pillé et mis à sac une fois les brigands décimés. Arzhiel s’approcha de l’étranger pour le féliciter de sa bravoure lorsqu’il manqua défaillir en reconnaissant Brandir.

- Mais c’est vous ! s’exclama le seigneur, médusé. Mais vous n’étiez pas en retraite dans la montagne ?! Qu’est-ce vous foutez là à vous balader les miches à l’air ?
- Si, seigneur, car sans détour, je l’affirme sans peur, je suis de retour, répondit placidement le guerrier en enfournant les dernières baies.
- C’est quoi cette coupe de cheveux ? Vous vous prenez pour un tueur de géants ?
- Non, chef suspicieux, c’est à cause de Petit Vieux. Quand sa pipe, il fumait, gâteux, il devenait. Je ne pouvais lui mettre un pain, il était à moitié mort de faim. J’ai laissé faire. Ce n’était pas l’enfer.
- C’est qui Petit Vieux ? demanda Svorn en approchant. Qu’est-ce qu’il raconte ?
- Fhoric ! s’exclama Arzhiel en comprenant. C’est le frère de Thoric, le fantôme de la bibliothèque. Après la perte de son frangin, il s’est retiré dans la montagne pour vivre en ermite. C’est un vieux maître d’armes. J’ai envoyé Brandir le trouver pour qu’il en fasse un guerrier…moins, enfin, moins « Brandir » quoi.
- Et…pourquoi il parle en rimes ? interrogea le prêtre en fixant d’un air curieux son camarade.
- Des dieux, cette malédiction, frappa le vieux et sa diction…
- Non, la ferme, ça devient lourd là, le coupa Arzhiel. Les dieux l’ont puni pour l’avoir laissé mourir son frère aussi débilement. Depuis, il ne peut plus parler qu’en rimes. Il est parti s’enterrer sous un pic avant que le Karak ne le fasse pendre. C’était aussi pénible que les blagues de Hjotra.
- N’empêche, j’ai bien progressé en poésie ! fit Brandir avec un sourire fier.
- Vous êtes né pour être bouffon, je vous le répète sans cesse. Sinon, cet entraînement ? Il vous a fait passer les épreuves sacrées des guerriers ? Le feu, la pierre, le vent et l’eau ?
- Oui, c’est ça, acquiesça le guerrier. J’ai tout foiré.
- Quoi ?!
- Déjà l’eau, je peux pas, c’est maladif. On a remplacé par de la bière, mais j’ai failli me noyer. Le vent, c’est allé très vite. Je suis tombé dans la première fosse, impossible de remonter.
- Oh, mais c’est pas vrai ! se lamenta Arzhiel. Et le feu, je parie que c’est comme ça que vous avez perdu tous vos cheveux, n’est-ce pas ?
- Non, non, non ! se défendit Brandir. Pas les miens. Par contre, ceux de Petit Vieux…
- Finalement, vous êtes bon à rien, aussi futé qu’une quiche et destiné à rester un fardeau !
- C’est marrant, ricana Brandir. Petit Vieux a eu les mêmes mots. Mais en rimes, ça donnait un peu mieux. Tirez pas la tronche, seigneur. Je suis revenu parce qu’il a dit que vous alliez avoir besoin de moi dans les temps à venir. Il l’a lu en jetant les runes. Les dieux ont prévu que je vous sauve la vie bientôt !
- J’ai jeté des tas de runes pour vous, commenta Svorn. J’y ai jamais lu autre chose que le contenu de votre prochain repas ! Depuis quand les dieux accordent-ils un destin aux boulets à crêtes ?!
- Me sauver la vie alors que vous ne savez même pas lacer vos bottes…Je peux vous dire qu’il va les attendre ses prochaines rations, le vieux poète gâteux dans sa grotte ! Si c’est pour sortir des énormités pareilles ! Au fait, et l’épreuve de la pierre ? Ce n’était pas une énigme ?
- J’ai rien pigé. Je crois que ma réponse a offusqué l’esprit de la pierre, il m’a pris mon âme. Dites, seigneur, c’est dur à récupérer une âme ?

Arzhiel fixa son champion, le poing le démangeant fortement. Dans un soupir de consternation devenu habituel, il tourna les talons et s’éloigna en pestant. Le classement à boulets venait encore de changer.
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MessageSujet: Re: La Saison 1   La Saison 1 Icon_minitimeVen 30 Nov - 12:17

L’assassin

Arzhiel traversa le couloir silencieux en savourant une grosse part de tourte et s’arrêta à hauteur d’un garde vautré contre le mur, ronflant doucement, les mains jointes sur son ventre rebondi. Le nain lui flanqua un coup de pied dans les côtes, sans résultat. Il enleva sa botte pour la fourrer sous le nez du soldat, mais même l’odeur de fauve fut vaine à le réveiller.

- Mon petit bonhomme, t’as bien de la chance que les latrines soient juste là parce que c’est vraiment tentant !

Arzhiel alla soulager son besoin naturel devenu urgent en réfléchissant à la punition qu’il infligerait à sa sentinelle lorsqu’un frôlement le fit se retourner. Une lame aiguisée lui passa devant les yeux, si près qu’il en sentit le souffle sur son visage. Un drow vêtu d’une tunique de cuir sombre venait de surgir de la pénombre, lui barrant l’accès à la sortie. Son visage chafouin arborait une expression sadique et démente. Ricanant d’excitation, il s’amusait à faire sauter sa dague d’une main à l’autre.

- C’est vous qui êtes de corvée de latrines ? plaisanta Arzhiel en reculant. Je n’aurais pas dû pisser à côté, vous avez l’air contrarié.

Le nain continua de reculer à travers la salle étroite, jetant de sa main libre sur son assaillant tout ce qu’il pouvait ramasser et protégeant farouchement sa part de tourte. Le tueur drow esquiva seaux et pots de chambre en piaillant comme Hjotra quand il devait s’épiler après avoir perdu un pari.

- J’vais te saigner ! siffla l’assassin hystérique. J’vais te saigner ! J’vais te saigner !
- Je dois admettre que j’avais vaguement saisi la finalité de votre projet.

Le drow s’élança. A contrecœur, Arzhiel lui jeta au visage sa tourte qui retomba en morceaux sur le sol. Furieux, le tueur dégaina une seconde épée. Il allait frapper lorsque la porte s’ouvrit à la volée dans son dos, le projetant violemment contre le mur où il s’assomma douloureusement.

- Ca sent pas la tourte ici ? demanda Brandir en humant l’air.
- Par les verrues de ma femme ! s’exclama Arzhiel, stupéfait. C’est bien la première fois que je suis soulagé de voir votre pomme, mon vieux !
- C’est quoi tout ça par terre ?! vociféra le guerrier. De la tourte aux champignons qui tapisse le sol des chiottes ?! C’est pas du boulot, ça !

Arzhiel haussa les épaules et sortit. Au passage il décocha un coup de pied au drow.

La nouvelle de la tentative d’assassinat fit grand bruit au Karak, presque autant que celle de l’intervention salvatrice de Brandir, au grand désespoir d’Arzhiel. Quelques heures plus tard, le seigneur isolé dans sa salle du trône regarda approcher son espion convoqué.

- ‘Jour, seigneur ! Vous m’avez fait demander ?
- Oui. Je ne pensais pas avoir à dire ça un jour, mais j’ai besoin de vos services.
- Alors, la rumeur est vraie ? Un drow a tenté de vous buter en vous forçant à avaler une tourte empoisonnée et Brandir vous aurait sauvé la vie en vous faisant vomir ?
- Quoi ?! Mais qui croirait une ânerie pareille ?
- Bah, tout le Karak. Ca fait la queue aux latrines pour vomir. Tout le monde a mangé à la tourte. Elle était bien bonne. D’ailleurs, faudra engager un autre cuistot. Svorn a fait cramer celui-ci.

Arzhiel se frotta les yeux, décontenancé.

- Bon, si je vous ai fait venir…
- Dites, c’est un exploit de mettre la main sur moi aussi vite. Je suis une ombre et si je veux, personne ne peut me retrouver.
- Vous parlez d’un exploit, patate ! Vous cuviez votre bière dans une maison de passes à deux sous au milieu de gueuses au moins aussi attirantes que Hjotra torse nu !
- Ouais, mais là c’était mon jour de relâche…marmonna l’espion d’un ton boudeur.
- Donc, j’ai une mission pour vous.
- En plus, j’y vais jamais dans ce bouge. Normalement, je suis à la taverne.
- Mais vous allez la fermer que je vous explique ?! On sait qui a commandité l’assassinat.
- Je croyais que les tueurs drows étaient entraînés à résister à la torture ?
- Faut croire qu’ils ne sont pas aussi vicieux que nous alors. Je l’ai collé au cachot avec Hjotra qui avait ordre de lui raconter sa vie. Au bout d’une heure, le drow suppliait qu’on l’achève et il a craché le morceau. En plus, Hjotra était content. Il pensait s’être fait un ami…Bref !
- C’est vrai que c’est vicieux, admit l’espion. Vous voulez que je fasse quoi ?
- Ca dépend. Vous avez déjà tué quelqu’un ?
- Vous voulez dire volontairement ?
- Comment ça ? Bien sûr, crétin, volontairement, pas dans votre sommeil !
- Non, je vous dis ça parce que je n’ai pas toujours été espion. Avant j’étais bateleur. C’est là que j’ai appris qu’il valait mieux pas jongler avec des couteaux quand on est saoul.

Arzhiel eut un instant d’absence et fixa d’un air désolé son espion qui mimait en souriant son ancien numéro.

- Bon, la cible, c’est le chef de la tribu de l’estuaire, lâcha-t-il avec impatience. Parait qu’il m’en veut parce qu’on a rasé son village et pris ses récoltes ou je ne sais plus quelle pleurnicherie encore. Vous me le retrouvez et hop, vous l’envoyez à Gazul, il en fera bon usage. Poison, arme blanche, flèche, portrait de votre mère, n’importe quoi qui le tuera, je m’en moque. Vous avez jusqu’à la prochaine lune.
- Et si j’utilisais une part de la tourte empoisonnée ? Ce serait original, non ?
- Cassez-vous, marmonna Arzhiel d’un ton fatigué en indiquant la sortie.

L’espion disparut et laissa passer Dame Elenwë qui s’avança à son tour.

- Vos sujets sont demeurés, mon tendre, déclara-t-elle d’un ton pédant. Ils sont tous en train de vomir partout dans la forteresse. C’est une épidémie de gastro ou quoi ?
- Non, mais laissez, c’est juste une journée un peu plus bizarre que les autres.
- Vous m’en direz tant. Au fait, j’ai croisé Brandir. Il a insisté pour me donner une grosse part de tourte. Je croyais qu’il m’en voulait toujours depuis l’histoire du rat. Il a bon fond finalement.

Elenwë n’avait pas terminé sa phrase qu’Arzhiel quittait la pièce, dépité et terriblement las.
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MessageSujet: Re: La Saison 1   La Saison 1 Icon_minitimeVen 30 Nov - 12:17

Tel un héros

Hjotra tambourina à la porte comme un forcené. Arzhiel ouvrit à la volée, le regard ombrageux s’enflammant à la vue de son ingénieur.

- Je vous fais la promesse solennelle que si vous me dérangez encore parce que votre rabot favori a disparu ou que votre cafard domestique s’est fait la malle, je vous mets en première ligne à la prochaine bataille avec une cible peinte sur le front.
- Le rabot était dans ma poche en fait, se justifia le nain. Non mais là, c’est urgent. C’est Svorn qui m’envoit vous chercher parce que…Tiens, vous preniez un bain ?

Le seigneur à moitié nu remonta son pantalon d’un air ennuyé.

- Pas exactement…Je…J’étais en entretien avec une suivante de ma femme…On parlait boulot. Sinon, vous disiez quoi à propos de Svorn ?

Hjotra jeta un œil dans la chambre et salua la suivante qui sortait du lit.

- C’est ma frangine, expliqua l’ingénieur avec un large sourire devant son chef devenu livide. Alors, elle fait bien son travail ? Papa et maman vont être fiers quand je leur raconterai ça !
- Donc Svorn, l’interrompit Arzhiel en s’étouffant dans un toussotement.
- Les ouvriers sont tombés sur un nid d’arachnides géantes lors de la construction d’une galerie. L’aile ouest est envahie d’araignées et la garde est surpassée.
- Quoi ? Mais depuis combien de temps ?!
- Quelques heures. Je voulais vous prévenir avant, mais je me suis perdu dans les étages. J’ai dû attendre une plombe avant qu’une bonniche ne passe pour m’indiquer le chemin. Vraiment ! Parfois j’ai honte que ma sœur fasse partie d’un personnel aussi nul.

Arzhiel regarda d’un air incrédule son lieutenant se plaindre de ses subordonnés puis se hâta de rejoindre l’aile ouest. Sur place, les combats faisaient rage. Les lanceurs de runes luttaient au corps à corps contre des nuées d’araignées grosses comme des chiens ou des chevaux.

- Ah enfin ! pesta Svorn, couvert de plaies, en voyant venir son chef. Vous pionciez ou quoi ?!
- Il était en entretien, déclara Hjotra.
- Déjà, le chauve il me parle pas comme ça où je lui colle un bourre-pif, direct. Ensuite, on en est où ? Où sont les guerriers et les protecteurs ?
- Dans leurs quartiers. Ils roupillent ou jouent aux dés en se saoulant.

Arzhiel saisit son prêtre par le collet et le tira violemment en avant pour lui faire esquiver un lanceur de runes passant en vol plané dans son dos. Ce dernier s’écrasa en rebondissant au sol, englué dans une toile immonde.

- Mais c’est le foutoir ici ! Ils ont une raison particulière de ne pas combattre ?!
- Ils sont peut-être en entretien, proposa innocemment Hjotra avant qu’un coup de pied magistral ne l’envoie remplacer le lanceur de runes blessé.
- Brandir refuse de venir se battre ! grogna Svorn. Cet hérétique a chopé le melon depuis votre tentative d’assassinat. Il dit que les arachnides ne sont pas dignes d’être les adversaires d’un héros qui a une destinée. Il a un sac plein d’autres âneries dans le genre. On dirait presque qu’il a répété toute la nuit.
- Mais c’est pas possible d’entendre ça ! s’écria Arzhiel entre ricanement nerveux et colère noire. Je vais aller le chercher par la peau boutonneuse de ses fesses, ça ne va pas traîner !
- Il ne viendra pas, seigneur. En fait, il a les foix. J’ai mis une soirée à lui expliquer ce qu’était qu’une âme. Depuis qu’il a pigé le truc, il sait ce qu’il risque s’il claque au combat alors qu’il n’a pas récupéré la sienne.

Arzhiel fit mine de se cogner la tête contre le mur et observa la débâcle de ses lanceurs de runes face à une marée grouillante d’arachnides. Seul au milieu de la mêlée, Hjotra s’amusait à en caresser une en riant comme un gosse, inconscient de ce qui se passait autour de lui.

- Il nous faut des renforts ! vociféra Svorn en tapant le sol de son bâton.
- On est au taquet là ! protesta Arzhiel. Il nous faut une tactique plutôt. Une idée brillante. Une stratégie imparable. Un coup de génie. Un truc qui boise quoi.
- C’est-à-dire qu’au niveau génie, on est plutôt limité.
- Non, vraiment ? ironisa Arzhiel en regardant Hjotra faire du cheval avec son araignée.
- L’autre taré qui se prend pour le cavalier solitaire. Il n’aurait pas une arme de destruction capable de repousser ces maudites bestioles ?
- Vous voulez parler du marteau de guerre à ressort ou du catapulteur d’essaims de guêpes ? La dernière fois qu’il m’a fait une démonstration de ses trouvailles, il a réussi à foutre le feu aux écuries, à blesser quinze cueilleurs et à faire attraper la vérole à mes conseillers.
- Il nous faut lutter avec bravoure contre ces monstres et user de notre dernier souffle pour maudire leur vilenie et la couardise de Brandir ! Allons mourir ensemble, seigneur !
- Partez devant, je vous rejoins…Si seulement cet animal de Hjotra n’avait pas l’esprit aussi tordu que la queue des gorets qu’il élève ! …Attendez ! Par les roubignolles de Gazul ! J’ai trouvé !

Arzhiel se jeta dans la bataille, attrapa Hjotra par la ceinture et le traîna jusqu’à son atelier. Un petit moment après, il fit évacuer toute l’aile et lança son arme secrète dans les couloirs. Le troupeau de cochons de Hjotra qu’il enflammait à tour de rôle se précipita sur les araignées géantes. Les flammes qui les dévoraient se propagèrent aux monstres et à leurs toiles et une heure plus tard, la masse d’arachnides décimée avait fui dans les entrailles de la terre.

- Une idée…singulière mais bigrement efficace, commenta Svorn en contemplant le carnage. Il faudra juste en trouver une autre pour tout nettoyer ensuite quand les soldats auront fini de gerber à cause de l’odeur de cramé et quand les cadavres calcinés d’araignées se seront éteints.
- Vous savez ce qui est le pire ? questionna Arzhiel d’un air las.
- Voir Hjotra s’agripper à votre jambe durant une heure pour vous empêcher de lâcher ses porcs ?
- Même pas, il m’avait déjà fait le coup quand j’avais confisqué son bilboquet. Le pire, c’est de savoir que c’est ce boulet qui nous a sauvé la mise.

Les deux nains se tournèrent vers l’ingénieur félicité de toutes parts par les lanceurs de runes qui n’étaient pas occupés à vomir.

- Merde, soupira Svorn. Un héros de plus…
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MessageSujet: Re: La Saison 1   La Saison 1 Icon_minitimeVen 30 Nov - 12:18

Le volontaire

Svorn s’arrêta devant la porte flanquée de deux gardes et attendit en les fixant d’un air autoritaire. Ne voyant aucune réaction sur leurs visages, il frappa les tibias du plus proche. Ce dernier se hâta de lui ouvrir en boitillant et Svorn pénétra dans la salle du trône en ronchonnant. A sa grande surprise, il n’avait pas été le seul à être convoqué. Alignés les uns à côté des autres se tenaient Brandir, Hjotra, l’espion demi-humain et l’éclaireur borgne et gâteux. Les trois conseillers du seigneur Arzhiel firent signe au haut prêtre de les rejoindre. Svorn se demanda vaguement si cette réunion avait un quelconque rapport avec leur débâcle de la semaine dernière contre des troupes humaines où Arzhiel avait manqué manger sa barbe de rage.

- Ah, la fine équipe au grand complet ! lança ce dernier en arrivant à son tour.

Le nain se hissa sur son trône et observa son état-major d’un air pensif. Un bruit de ferraille retentit dans le couloir proche. Un nain d’un roux vif fit son apparition, traînant derrière lui un énorme boulet.

- Voici Rugfid, tout fraîchement sorti des geôles, déclara Arzhiel. Anciennement explorateur à mon service à la recherche de nouvelles richesses et ressources, accessoirement un fieffé débile qui a planté sa mission et se planquait à la taverne depuis un mois pensant que je l’y laisserais peinard.
- Je suis aussi son cousin, ajouta Rugfid en ricanant.
- Ca, c’est pas prouvé, l’interrompit Arzhiel, visiblement honteux de ce détail. Rugfid, rongé de remords, n’a plus qu’un seul but dans la vie : redorer son blason.

Devant l’expression perplexe de ses lieutenants, Arzhiel corrigea.

- Il veut racheter sa faute. Navré, j’oubliais à qui je m’adressais…Heureusement pour sa pomme, il connaît l’emplacement d’un bon filon non exploité et il saurait y retourner. Ce qui entre nous vaut mieux s’il ne veut pas nourrir les corbeaux accroché par les narines à la potence. Il lui faut le même que lui en moins incapable pour l’escorter. Vous êtes là pour ça. Que Gazul me pardonne, j’ai rien trouvé de mieux que…vous.

Arzhiel eut un geste de la main dédaigneux pour désigner les cinq nains alignés dont Brandir qui était chaussé de deux bottes différentes et de l’espion qui piquait Hjotra sur sa gauche avec le bout de sa dague, celui-ci pouffant comme s’il s’agissait de chatouilles.

- Il me faut un volontaire ! ordonna Arzhiel.

Cinq minutes passèrent dans un silence gêné. Personne ne bronchait. Svorn fixait le bout de ses chausses, Hjotra faisait semblant de s’être endormi debout et l’éclaireur comptait les poils qu’il avait sur la main. Arzhiel ne disait mot, la veine enflant sur son front parlant pour lui. Las, il piocha dans sa bourse et jeta une pièce d’or aux pieds des cinq héros. La torture commune débuta. Brandir transpirait à grosses gouttes, Svorn était pris de convulsions et Hjotra se mordait le poing pour résister. L’incontournable avarice naine fut trop forte et tous les cinq craquèrent en même temps, se ruant sur la pièce abandonnée en se livrant un farouche combat.

- Cousin, ils vont s’entretuer, souffla Rugfid, inquiet.
- Si seulement c’était vrai…

L’éclaireur borgne fut le premier vaincu, éjecté au loin par la masse furieuse. Hjotra usa de son rat domestique pour le terrasser, mais fut à son tour mis en fuite par Brandir qui imita un rire d’enfant pour l’effrayer. L’espion tenta d’égorger Svorn. Il ne parvint qu’à s’entailler l’oreille en laissant maladroitement échapper son couteau. Dame Elenwë, attirée par les pleurs et les cris, arriva pour assister à la fin de la mêlée.

- Que se passe-t-il ? Il n’arrivent pas à décider qui a la plus longue…barbe ?
- Non, ils sont amoureux de vous et se battent en votre nom.
- Vraiment ?! s’exclama l’elfe, enchantée.

Arzhiel échangea un regard désabusé avec son cousin tandis que la sorcière prenait de multiples poses gracieuses et glamours pour inspirer ses soupirants. Le duel n’aboutissant à rien, Arzhiel y mit fin avant que Svorn ne dégaine ses runes explosives.

- Je double la mise, fit-il en lançant une autre pièce d’or. Celui qui parvient à faire un compliment sur la beauté de mon épouse remporte tout !

Brandir et Svorn, les poils de barbe en bataille et les yeux pochés, se regardèrent d’un air penaud et désespéré.

- Reconsidérez votre épreuve, seigneur, gémit Svorn. Un truc moins dur quoi.
- Là c’est carrément pas jouable, ajouta Brandir en fixant l’elfe avec un haut-le-cœur.

Les joues d’Elenwë s’empourprèrent et sous la colère, elle jeta son sortilège favori de métamorphose. Brandir le reçut de plein fouet et se changea en bouc tandis que la sorcière repartait, courroucée, en maudissant les nains dans sa langue incompréhensible.

- Svorn, c’est donc vous qui vous y collez ! déclara Arzhiel, satisfait.

Comprenant le piège, le prêtre pesta mais empocha vite l’argent gagné. Arzhiel congédia les autres qui partirent en claudiquant, sauf Hjotra qui chevauchait Brandir entre deux rires niais.

- Svorn, vous allez voir, ça va être fendard comme expédition ! lança gaiement Rugfid. On va voir plein de choses formidables en route : des rivières souterraines à traverser, une tribu d’orcs cannibales, des cavernes remplies de gaz mortels, plusieurs précipices sans fond…
- Seigneur, c’est injuste ! protesta le prêtre. Je vais me plaindre aux dieux, et surtout à Gazul !
- …des fourmis rouges géantes, un labyrinthe mortel, un ogre poseur d’énigmes…
- Arrêtez de râler tout le temps, on dirait moi, répondit Arzhiel avec un large sourire. Ca vous fera une bonne expérience sur le terrain. En plus, mon cousin est un gars très bien quand il n’est pas ivre ou pris d’une crise de démence meurtrière durant son sommeil !
- …un minotaure assez susceptible, des pièges magiques, un démon prisonnier des roches…
- Soyez maudit ! pleurnicha Svorn en quittant la pièce, Rugfid le tirant par le bras.
- Amusez-vous bien ! répondit Arzhiel en saisissant son carnet à boulets. Bon alors, Svorn en expédition forcée, Brandir à la mine de charbon et Hjotra…Tiens, je vais le mettre à la garderie avec la marmaille. Il va adorer. Si avec ça, ils ne se bougent pas le fion pour remporter la prochaine bataille, je vais postuler comme sentinelle chez les drows ! Vous en dîtes quoi ?

Arzhiel se tourna vers ses conseillers. Les trois nains dormaient, dans les bras les uns des autres. Arzhiel massa sa veine gonflée. D’une main tremblante, il ajouta trois noms sur son carnet.
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MessageSujet: Re: La Saison 1   La Saison 1 Icon_minitimeVen 30 Nov - 12:19

A l’assaut !

Arzhiel parcourut rapidement la missive et la tendit à ses conseillers. Le parchemin passa de main en main, puis revient au seigneur appuyé sur sa hache.

- Alors ? Vous en pensez quoi ?
- C’est un beau papier, à la fois souple et résistant, très qualitatif, déclara le premier.
- L’encre est parfumée à la mûre, poursuivit le second. Quant au cachet, c’est un griffon.
- Le style est concis mais précis, avec des termes élaborés mais la tournure n’a aucune lourdeur, conclut le troisième. L’écriture penchée en avant exprime un caractère fort.

Arzhiel hocha lentement la tête d’un air désolé, roula le message en boule et l’envoya à tour de rôle dans la tête de chacun des conseillers.

- Vous vouliez peut-être un avis sur le fond ? Ah, ben, non, ils refusent de se rendre.
- Et je vous paye pour ça, marmonna le nain. Allez faire préparer les troupes, on continue le siège. Et puisqu’ils nous prennent pour des rigolos, on se demande bien pourquoi d’ailleurs, ce soir, on les fume jusqu’à ce qu’ils supplient qu’on leur lâche la grappe.
- Serons-nous de taille, seigneur ?
- Un mètre quarante de moyenne contre des humains, pas vraiment. En plus, on se bat comme des fiottes. Mais, j’ai un plan…

Le seigneur exposa son idée et donna ses consignes. Au crépuscule, il fit réunir Hjotra, Brandir et le vieil éclaireur.

- On va faire une fondue ? questionna Hjotra, pensant festoyer.
- C’est vous le fondu, pauvre cloche. Voilà le plan. Hjotra ! Hé, tsss, Hjotra ! Hjotra, par ici, bon dieu ! Regardez mes lèvres quand je vous parle au lieu de gober les mouches !
- Je ne peux pas, seigneur, je ne vois pas votre bouche derrière votre barbe. Aiieeeeeuuu !
- Donc, Hjotra, reprit Arzhiel en reposant sa masse. Vous installez vos catapultes sur les collines là, là et là, tout autour de la citadelle ennemie. Vieux naze, Brandir et moi, on va se glisser à la faveur de la nuit jusqu’aux murailles. A l’aide de cette mixture à base de champignons luminescents, on va badigeonner les tours adverses. C’est une poudre phosphorescente. Dans le noir, même l’autre borgne ne verrait que ça. Dès que vous voyez la marque, vous envoyez la caillasse. Les Grandes-Jambes ne pourront pas riposter et si on ne se rate pas trop, demain le château tombe !

Arzhiel distribua les fioles préparées pour son groupe et les trois nains se glissèrent derrière les lignes ennemies, évitant les patrouilles humaines grâce à la nuit. Ils étaient parvenus à la dernière pente lorsque la voix étouffée de Brandir retentit en tête.

- Quoi, oups ? murmura Arzhiel, à la queue. Comment ça, oups ?

Le nain entendit un petit bruit monter vers lui et comprit en recevant en plein visage la fiole perdue de son champion. Le flacon explosa, déversant son contenu de poudre phosphorescente sur le seigneur hébété.

- C’est vrai que c’est drôlement lumineux, commenta l’éclaireur. On dirait un feu follet !
- Abrutis ! Vous voulez voir ma lune briller aussi ?! On ne voit plus que moi à cent lieues à la ronde. Espérons que Hjotra ne…

Le nain s’interrompit en entendant un sifflement aigu dans les airs. L’instant d’après, une pluie de rochers s’abattait autour d’eux, les mettant en fuite et les poursuivant jusqu’au campement qu’ils atteignirent vivants par miracle. C’est couvert de bandages qu’Arzhiel dirigea une autre réunion le lendemain, un brin amer.

- Vos mouilles tous ou je vous envois rejoindre Brandir et Vieux Naze à l’infirmerie ! Pareil pour le prochain que j’entends m’appeler l’Etoile Filante ! Bon, j’ai un autre plan pour ce soir. L’espion a trouvé, on se demande comment, un ancien passage secret qui part de la salle d’armes à l’intérieur du château jusqu’au bois tout proche. Avec une équipe réduite et discrète, on le remonte à l’envers, on pénètre chez l’ennemi et on ouvre les portes de la forteresse de l’intérieur pour laisser entrer le gros des troupes. Hein ? Non, pas Brandir, idiot. Il comate le crâne à moitié fendu, laissez-le où il est. L’espion et Hjotra, en piste les artistes, on part dès que le soleil se couche !

Les trois nains découvrirent le vieux tunnel et s’y engagèrent, Arzhiel insistant pour passer en tête cette fois-ci. Après avoir perdu deux fois Hjotra dans les souterrains et une fois l’espion, le trio finit par déboucher au niveau du château. Arzhiel activa le mécanisme et se glissa dans la salle d’armes silencieuse. Il murmurait ses consignes quand la porte coulissante se ferma dans son dos.

- Seigneur ! appela l’espion. Ca ne s’ouvre plus !
- Soyez moins tarés que d’habitude ! C’est juste un levier à baisser.
- Vous voulez parler de celui qui m’est resté entre les mains ? Ah, zut ! C’est ballot !
- Mais faites quelque chose ! paniqua Arzhiel. Poussez ou tirez ! Je vous raconte pas l’angoisse si les sentinelles me trouvent planqué tout seul entre deux armures !
- Rien à faire, seigneur ! lança l’espion. Bon, ben, bonne chance à vous !
- Débrouillez-vous pour ouvrir ce passage ou je vous donne à manger aux porcs de Hjotra !
- Hjotra dit qu’il a une idée. Il dit qu’il les a piqué à Svorn avant son départ. Oh, c’est quoi ? C’est ça des runes explosives ?

Arzhiel n’eut que le temps de plonger derrière un pilier qu’une sourde déflagration retentit à travers le château. Le mur s’écroula dans un vacarme de tous les diables, laissant apparaître Hjotra et l’espion ensevelis sous des mètres de terre. Une minute plus tard, une trentaine de gardes débarquaient dans la salle. Fort heureusement, les humains se montrèrent conciliants et parvinrent à un accord en négociant avec Dame Elenwë. Le siège fut levé, le conflit prit fin et Arzhiel et ses deux soldats furent rendus vivants contre une rançon à faire pleurer les pierres, selon l’expression naine. Ruiné, vaincu, blessé et humilié, Arzhiel retrouva son épouse qui l’attendait au Karak.

- Rappelez-moi pourquoi vous avez déclenché les hostilités ? interrogea l’elfe en soutenant son mari jusqu’au lit.
- Ils nous ont fait payé cinq pour cent de plus sur la dernière commande de bois…Ca représentait presque vingt pièces d’or quand même.
- Oui, acquiesça la sorcière, compatissante. Ca valait drôlement le coup. Maintenant, on n’a plus un rond et vous me devez une faveur.
- M’en fiche ! râla Arzhiel. Dès que je retrouve l’usage de tout le côté droit de mon corps, j’y retourne.
- Une dette d’honneur pratiquement, susurra Elenwë en fermant la porte à clé.
- Cette fois, pas de pitié, on rase tout ! J’ai un nouveau plan, ça va le faire ! Hé…pourquoi vous enlevez votre robe ? Hé !
- Moi aussi, j’ai un plan, mon petit barbu d’amour ! fit l’elfe nue en sautant sur le lit. J’adore quand un plan se déroule sans accroc, pas vous ?

Arzhiel ne répondit pas. Il s’était déjà assommé avec sa pantoufle.
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MessageSujet: Re: La Saison 1   La Saison 1 Icon_minitimeVen 30 Nov - 12:19

L’aspirant soupirant

Arzhiel organisait l’entraînement quotidien de ses troupes lorsqu’un messager vint l’interrompre.

- Monseigneur, un humain désire audience.
- Sur la droite, Hjotra ! cria Arzhiel. Non, votre autre droite, charlot !...Quoi ? Un humain ? Si c’est encore un berger qui vient gueuler parce que Brandir tape dans sa réserve de fromages la nuit, dites-lui de s’acheter de plus gros chiens de gardes.
- Non, messire, il semblerait que ce soit un chevalier. Les pécores du coin, on les aligne à la baliste comme vous l’aviez demandé.
- Un chevalier ? Avec de la chance, il vient peut-être chercher des noises ! Formidable !

Arzhiel suivit son messager jusqu’à la salle du trône et y accueillit un jeune humain de forte carrure au port hautain et à l’armure scintillante.

- Du fer blanc, murmura Arzhiel à ses conseillers. Donnez-moi une bonne masse naine et je le change en boîte à bijoux le Grandes-Jambes !
- Seigneur ! fit le chevalier en s’inclinant. Je me nomme Ségodin de Nominoé et c’est empreint d’humilité, mais encore d’audace, que je viens à vous vous présenter ma requête.
- Merde, c’est un noble ! chuchota Arzhiel. Allez prévenir les gardes. Je leur ai dis de lui coller une trempe à la sortie histoire de se marrer, mais un sang noble, ça va pas le faire.
- J’ai rencontré l’amour, cher seigneur ! fit le chevalier d’un ton éloquent en regardant l’un des conseillers quitter la salle en trombe. Lors de la fête du printemps au village du Val, j’ai vu la plus merveilleuse créature et apprenant qu’elle vivait à votre cour, je m’empresse de venir vous demander sa main.
- Si le printemps vous travaille tant, vous savez qu’on a des tapineuses très correctes à la taverne pour quelques cuivres. En les décrassant un peu, elles sont tout à fait présentables.
- Il ne s’agit pas d’une naine, mais d’une fée au charme sans pareil.
- Alors, désolé, on n’a pas ça en magasin. A part pour nous jeter des malédictions, les fées ne foutent jamais les ailes au Karak.
- L’amour a guidé mes pas ! enchaîna l’humain tout gai. Cette elfe a dérobé mon cœur !

Ségodin observa les nains de la pièce afficher la même grimace révulsée, des conseillers jusqu’aux gardes en faction. Arzhiel leva les yeux au ciel.

- Ouais, d’accord, c’est bien ici. La description ne correspond pas du tout, mais des elfes, au Karak, on n’en décore pas tous les couloirs.
- Puis-je m’entretenir avec elle ?! s’exclama le jeune homme plein d’espoir.
- En rêve, mon grand, ou en cauchemar comme moi. C’est mon épouse.

Ségodin vacilla dans un élan théâtral, aussi choqué que le jour où Brandir avait appris que les réserves de champignons étaient vides. Le noble parut troublé et désespéré, mais il releva la tête, le regard luisant de détermination. Avec une moue indignée, il jeta son gantelet aux pieds du trône de Arzhiel.

- Z’avez perdu votre gant, commenta ce dernier en bâillant. Laissez pas traîner vos frusques, on n’est pas dans un bouge, mon vieux.
- Sur mon honneur, seigneur Arzhiel, je vous défie ! Je ne puis renoncer à l’envol de mon cœur. Je repartirai d’ici avec ma bien-aimée ou mort en luttant pour vous l’enlever ! Pardonnez ma fougue, mais l’amour est trop puissant !
- Essayez la bière, c’est pas mal comme remède à ce genre de cochonnerie, répondit le nain avant de se pencher vers ses conseillers. Finalement, laissez tomber mon contrordre pour les gardes. Je crois que le bellâtre va y passer. Il commence à me courir sur le haricot.

Arzhiel dégaina sa hache à double tranchant en s’avançant vers le chevalier qui sautillait dans tous les sens en brandissant son épée, puis il s’immobilisa.

- Non, pas de duel, décida le nain. Déjà, ça va mettre du sang partout dans ma salle du trône et en plus j’ai une meilleure idée. Que diriez-vous, sire Sopalin, d’une série d’épreuves ?
- Euh, Ségodin, messire. Quels types d’épreuves ?


Le soir tombant, Arzhiel rejoint son épouse dans la chambre, sifflotant d’un air guilleret. Elenwë leva un œil curieux de son grimoire « Mille et une métamorphoses animales » pour observer son mari.

- Suis-je prise d’hallucinations ou seriez-vous…heureux ? interrogea-t-elle.
- Rien d’exceptionnel, y a des jours où je ne vous trouve pas complètement invivable. Il peut donc y en avoir sans que je tire la tronche. Dites, ma mie, vous souvenez-vous d’un jeune humain à la fête du printemps ?
- Au Val ? Non, la foule nous évitait à cause de l’odeur de votre escorte…
- Les nains ont un système pileux développé et suent beaucoup ! Bref, au bourg, vous avez tellement tapé dans l’œil d’un jeune bourge qu’il est venu demander votre main ce matin.
- Par la grâce des nymphes ! Ai-je une chance de le voir ou son cadavre nourrit-il déjà les corbeaux ?
- Vous me prenez pour un rustre ? Non, ne répondez pas. Je ne l’ai pas buté, je lui ai fait subir des épreuves. S’il en remportait une, je vous cédais à lui.
- Et ? le pressa Elenwë, toute fébrile.
- Et je l’ai roulé à la manière naine, le nigaud. J’ai commencé par lui faire affronter Hjotra aux échecs.
- Aux échecs ? Mais il ne sait même pas jouer aux dames.
- Je sais bien, ça fait trente ans qu’il essaye d’apprendre. Il n’a compris le rôle des couleurs que depuis l’an passé. Mais l’astuce était là. Vous avez déjà joué contre Hjotra ? C’est à devenir dingue. J’ai eu trois suicides de gardes cet hiver rien qu’à cause de ça. Au final, le sire Galopin, ou un nom du genre, a abandonné. Il était à deux doigts de se pendre.
- Vous devenez aussi tordu que vos sujets à force de côtoyer ces malades…
- Pour la seconde épreuve, je lui ai fait faire un concours de boustifaille contre Brandir. Il a perdu. J’avais jamais vu un humain vomir autant de fois des champignons ! Brandir l’a achevé à la bière, mais l’autre en voulait encore. Faut croire qu’il ne vous a jamais vu au réveil…Bon sang, si Svorn avait été là, j’aurais organisé un concours d’insultes !
- Je présume que ce malheureux chevalier est reparti à quatre pattes, dépité.
- Non, je lui ai donné une dernière chance devant son désarroi. Je lui ai proposé de m’affronter comme il le voulait au début. Quand il a fini par se relever après un quart d’heure à lécher le sol, je n’ai eu qu’à le pousser pour gagner. Je lui ai laissé la vie sauve donc du coup, il s’est rangé à mon service avec une dette d’honneur. Officiellement, j’ai un nouveau lieutenant, sire…Saturnin, je crois, de Nominoé !
- Et vous n’avez pas peur qu’il finisse par me séduire maintenant qu’on va vivre sous le même toit ? demanda l’elfe. Je peux en tomber amoureuse et m’enfuir avec lui !
- Vous croyez que c’est possible ?! s’exclama Arzhiel, les yeux rêveurs. Non, vous me charriez ! Autant de chance d’un coup, ce serait inespéré !

Le nain se coucha avec un large sourire sous le regard enflammé de son épouse. Fulminante, Elenwë sauta directement jusqu’au chapitre sur les métamorphoses en insectes.
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MessageSujet: Re: La Saison 1   La Saison 1 Icon_minitimeVen 30 Nov - 12:20

Diplomatie

- Monseigneur ? demanda Hjotra d’un air inquiet. La rumeur selon laquelle il naît un orc à chaque fois qu’on en tue un est-elle fondée ?
- Pas tout à fait, répondit Arzhiel aussi sérieux que possible. En fait, c’est dès qu’un bêta sort une ânerie qu’il en naît deux. Vous comprenez maintenant pourquoi on en a douze légions qui campent sous nos murailles ?

Hjotra réfléchit intensément quelques secondes puis, comprenant l’allusion, se plaqua les deux mains sur la bouche sous le regard mi-curieux, mi-amusé de Ségodin.

- Seigneur, le temps n’est pas aux boutades ! dit le chevalier d’un ton angoissé. Ce sont trois tribus nomades de ces barbares verdâtres qui menacent de raser le Karak ! Ces pourparlers sont notre dernier espoir ! La mort rôde au-dessus de cette montagne ! Nous mourrons tous !
- Arrêtez de faire votre pucelle ! le rudoya le nain. On va gérer. Si j’arrive à expliquer à mes boulets comment on tient une hache, je peux me faire comprendre de trois chefs orcs.

Hjotra fit un commentaire que personne ne comprit à cause de ses doigts serrés sur sa bouche. Il répéta quand Ségodin lui fit un signe discret pour qu’il les enlève.

- Vous pensez qu’ils ont des gobelins ? gémit d’horreur l’ingénieur. Ils sont si terrifiants !
- Et paf, maugréa Arzhiel en rentrant la salle des négociations. Deux orcs viennent de naître !

L’assemblée des nains faisait face à celle des orcs autour d’une table. Le premier barbare était impassible et immobile, le visage parcouru d’une bonne douzaine de cicatrices. L’autre orc à ses côtés, une fouine empaillée juchée sur le casque, était en pleine conversation avec le dernier chef. Celui-ci était absorbé par la contemplation d’une canine sale de loup qu’ils observaient sous toutes les coutures. Les nains les saluèrent aussi poliment que possible et rejoignirent Brandir attablé en face d’eux.

- Je croyais que Brandir perdait la raison en voyant un orc, chuchota Ségodin.
- J’avais prévu. Je lui ai dit qu’il s’agissait de drows qui portaient des peintures de guerre vertes. Me regardez pas comme ça, il m’a cru. Cherchez pas à comprendre…
- DA-BOUH ! lança l’orc du milieu d’une voix forte.

Son haleine fétide fouetta le visage des nains. Hjotra, le plus proche de lui, s’écroula d’un bloc le nez contre la table dans un bruit sourd. Les regards se braquèrent sur le nain évanoui que Arzhiel fit glisser au sol en renversant discrètement sa chaise.

- Il a un cimetière dans la bouche ! marmonna Brandir en suffoquant.
- Je suis en effet presque certain d’avoir aperçu un cadavre d’animal dans sa gueule, ajouta Ségodin.
- Zog zog ! s’exclama le chef de droite.
- Ouais, zog zog aussi, vieux, répondit Arzhiel en se pinçant le nez. Bon, où sont les interprètes ?
- Les orcs ont bouffé le nôtre, souffla Brandir. Et nous, on a dégagé le leur au trébuchet. Ca craint un peu, mais du coup, on est quittes.

Arzhiel afficha un sourire contrit et déplia la carte du territoire sur la table en piétinant les orteils de Brandir sous son talon. Les orcs échangèrent des grognements rauques et des exclamations gutturaux incompréhensibles. Arzhiel crut avoir capté leur attention jusqu’à ce qu’il se rende compte que les barbares étaient en fait fascinés par une caricature mal dessinée sur un coin du parchemin représentant Svorn, son bâton planté dans le postérieur. Arzhiel baissa son regard courroucé sur l’auteur qui reprenait juste ses sens. La tête de Hjotra rebondit par terre tant le coup reçu fut violent.

- Bien ! Je sens que ça va être folklorique encore !
- Zog zog ! Baouuuu ! Shag truh ! fit l’orc du milieu, agitant les fesses pour mimer à ses congénères la position de la caricature de Svorn.
- Non, ta gueule, toi, lança Arzhiel pour couvrir le vacarme des rires gras. Oh, machin, tourne ton groin par là ! Hé, Haleine-de-Mort, regarde la carte. Voilà, gentil, t’auras ton os. Bon, là, montagne à nous. Nains crécher là et toi et ta bande de loqueteux…Oui, il est très beau ton croc de loup…Rhaaa, il écoute rien. Donc toi et tes romanos verdâtres partir. Vous pas glander sur domaine des nains. Hop, hop, toi prendre ta marmaille et quitter montagne.
- Oui, intervint Ségodin l’index en l’air. Le Sénat interdit formellement l’occupation des terres d’autrui et en plus, il faut avouer que niveau hygiène…
- …Sont carrément crades pour des drows, termina Brandir.

Les orcs fixèrent tour à tour le guerrier à crête orangée, le nain avachi assommé à ses pieds, Arzhiel qui postillonnait sur la carte et l’humain récitant ses cours de droits territoriaux avec son air précieux. Perplexes, les barbares reculèrent pour s’entretenir entre eux.

- C’est aussi mort que ses entrailles, maugréa Arzhiel. Ils pigent que dalle à ce qu’on leur raconte. Dire que j’ai trouvé plus abruti que Hjotra. Je devrais peut-être le laisser parlementer, entre idiots du village, ils vont bien finir par…

Le chef à parure de fouine poussa un beuglement brusque, interrompant le nain et les faisant tous sursauter. Il se leva d’un trait, l’air enragé, puis commença à pousser des plaintes sinistres sous les regards médusés de ses hôtes qui mirent un certain temps à comprendre qu’il chantait. L’orc impassible près de lui et qui n’avait pas encore bougé d’un cil, sortit un triangle en métal qu’il fit tinter à intervalle régulier pour marquer le rythme. Le troisième barbare applaudissait lentement de ses mains énormes. Le chanteur éclata finalement d’un rire bestial et puissant avant de saisir sa hache, de l’enfoncer dans la table, et de se rasseoir calmement dans un dernier tintement de triangle.

- Ca, c’est pas un truc qu’on voit tous les jours, commenta Arzhiel, hébété.
- C’était tellement émouvant, fit Brandir, ému aux larmes. Un chant drow typique !

La porte s’ouvrit tout à coup avant qu’Arzhiel n’ait eu le temps de porter la claque qu’il s’apprêtait à administrer à son champion. Elenwë apparut sur le seuil en pestant contre le tapage qui l’empêchait de communiquer efficacement avec sa plante verte. Mais sa colère s’estompa à la vue des orcs et se changea en pure terreur. Les barbares furent eux aussi choqués de voir l’elfe et l’un d’eux prit la hache pour la lui lancer férocement dessus. L’arme se ficha contre le mur, à un doigt de la sorcière qui s’enfuit épouvantée.
Arzhiel la retrouva quelques heures plus tard, cachée dans un tonneau de bière entamé parmi la dizaine que Brandir avait volé aux cuisines, juste cette semaine.

- Sortez de là, bon sang ! C’est pas en vous aspergeant de bière que je vous trouverai plus désirable. Rappelez-vous, on avait déjà essayé avec le brouet aux champignons !
- Les monstres ! bredouilla l’elfe. Les orcs ! Ils sont partis ?!
- Oui, grâce à vous. Ils étaient furax de trouver une Oreilles Pointues ici. Ca m’a permis de comprendre qu’ils détestaient encore plus les elfes que nous. Du coup, je leur ai indiqué la citadelle drow la plus proche et ils doivent être en train de l’assiéger à l’heure qu’il est. Brandir n’a rien compris aux drows s’attaquant entre eux. Ségodin et Hjotra sont à l’infirmerie. L’un s’est fait pulvériser en essayant de venger votre honneur bafoué, c’tte blague, et l’autre a (encore) un traumatisme crânien. On s’en est plutôt bien tirés je trouve.

Le nain aida son épouse à sortir du tonneau. Avec les vapeurs d’alcool, l’elfe semblait planer et avec son air halluciné, sa démarche d’ivrogne et dans sa robe dégouttante de bière, Arzhiel la trouva même séduisante.

- Dites, tenta-t-il en observant sa chute de reins. Avec votre magie là, vous pensez être capable de vous métamorphoser…en naine ?
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MessageSujet: Re: La Saison 1   La Saison 1 Icon_minitimeVen 30 Nov - 12:20

Un mousseux tribut

Assis dans un coin sur le chemin de ronde, Arzhiel observait les allers et venues de ses sujets dans la cour, plus bas. L’air encore plus renfrogné que d’habitude, il fixait au loin Ségodin chanter une sérénade à Elenwë qui déployait visiblement de colossaux efforts pour conserver un sourire poli et ne pas s’endormir.

- Ça n’a pas l’air d’aller fort, fit Brandir en s’approchant. Vous voulez en parler peut-être ?
- A vous encore moins qu’à un autre, patate. C’est pas l’heure de votre entraînement aux armes ?
- J’y vais pas, j’ai des ampoules, répondit le guerrier en s’asseyant près de son chef blasé. C’est à cause de Ségodin qui convoite l’autre Oreilles Pointues que vous broyez du noir ?
- Pfff, qu’est-ce que j’en ai à carrer, mon vieux, si vous saviez ! Je ne peux plus la saquer, la sorcière zoophile !

Arzhiel eut un grand geste emporté et se dirigea vers Hjotra qui testait sa dernière invention un peu plus loin. Le seigneur nain lui arracha sa fronde géante, visa et tira vers le couple plus bas. Le projectile, un gros sac rebondi, explosa sur la tête de Ségodin, le recouvrant d’une bonne centaine de fourmis énormes qui se déversa sur le chevalier ébahi.

- Pas de bol, commenta Brandir en regardant l’humain commencer à se faire dévorer par les insectes furieux. Vous avez raté Dame Elenwë.
- Ouais, c’est ça, j’ai raté, murmura Arzhiel en adressant un signe à son épouse furibonde. Hjotra, encore une invention délicieusement débile ! C’est digne de vous !
- Merci, seigneur, s’exclama fièrement l’ingénieur.

Arzhiel s’éloigna en ronchonnant, Brandir sur ses talons. La distance étouffa l’écho des hurlements paniqués de Ségodin.

- Mon instinct me dit que vous tirez la tronche à cause de la dernière bataille, dit le guerrier.
- Si c’était votre même instinct que celui qui a fait tourner les talons sur le champ de bataille, vous ne l’évoqueriez pas devant moi ! râla Arzhiel. Quelle valise ! Jamais vu une débâcle pareille. D’habitude, on est nuls, mais là, c’était grandiose ! Non seulement, on a du filer à l’elfe [hrp] expression naine [hrp] pour ne pas se faire complètement ravager, mais en plus, va falloir qu’on se coltine un tribut à verser à l’ennemi !
- Ah ? Mais alors c’est quoi qui vous tracasse ?

Arzhiel envoya la porte de la salle du trône dans le nez de son champion sans répondre. Ce dernier se décida enfin à le lâcher, partant à moitié sonné. Le seigneur s’isola une nouvelle fois pour réfléchir à la situation financière catastrophique de sa cité lorsqu’un garde vint lui annoncer le retour de son cousin explorateur et de Svorn de leur expédition.

- Laissez-moi deviner ! lança Arzhiel en voyant ses lieutenants arriver. Ça a été un fiasco total. Vous n’avez découvert aucun filon, votre escorte est paumée ou morte, mais vous vous êtes arrangés pour rester en vie pour me raconter tout ça. J’ai bon ?
- Quel accueil ! grogna Svorn d’un air boudeur. Nous aussi on est contents de vous revoir, monseigneur. Et même ravis d’avoir crapahuter tout ce temps au milieu de cent périls pour s’entendre dire ça !
- Pardon, se ravisa le nain. Je suis un peu tendu pour changer. Ça s’est bien passé alors ?
- Ah non, répondit avec sincérité Rugfid. Un vrai désastre.
-... Je vous écoute, faîtes-moi rêver.
- C’est la foire aux monstres là-dessous. Ça grouille de bestioles, plus encore que la piaule de Hjotra. On n’a pas passé un jour sans avoir un serpent géant ou un clan de cannibales aux miches. Mais bon, on a quand même dégotté un filon d’or encore vierge.
- Sérieux ?! Baste ! Mais ça pourrait nous sortir de la purée ! On n’a plus un rond en poche !
- On était jouasses, nous aussi, mon cousin. En voyant ses veines grosses comme les hanches de Brandir, faciles à extraire, au beau milieu de la jungle aux monstres, on y a cru. Svorn voulait même lever une armée de mercenaires et marcher sur le Karak pour vous…

Le haut prêtre fit taire son compagnon d’un coup de bâton entre les jambes.

- On est riches alors ?! s’écria Arzhiel, comblé.
- Faut pas y compter, répondit Rugfid d’une voix soudain très aigue. On a chargé les chariots trois fois d’affilée. Après plusieurs jours de voyage, une mousse dégueulasse est apparue à chaque fois dessus et a commencé à ronger l’or. Impossible de s’en défaire, même en nettoyant. Vous pensez bien qu’on ne serait pas revenus vêtus comme des clodos si le filon était exploitable !
- On ne serait même pas revenus tout court, marmonna Svorn.
- Quoi ?! Mais qu’est-ce que vous me chantez ?!
- Sais pas, fit l’explorateur en haussant les épaules. C’est une malédiction, sans doute. Dès qu’on bouge l’or, la mousse apparaît, se propage et dévore tout. Un peu comme Brandir durant les banquets.
- Du coup, vous revenez les mains vides ?
- Non, on a des chariots pleins de mousses crades et on a fait copain avec un ogre borgne qui récite des énigmes. On l’a ramené car il était sympa. Il a bouffé toutes nos provisions et même nos chevaux, mais sinon c’est un bon gars. Et il connaît plein de blagues !
- Moi aussi, râla Arzhiel. Vous connaissez celle des deux ahuris qui finissent au cachot ?

Ségodin fit irruption dans la salle, couvert de boursouflures et de morsures de fourmis. Il allait ouvrir la bouche quand il croisa le regard enragé de Svorn. Le prêtre lui sauta au cou et le roua de coups de bâton en hurlant à « l’invasion d’hérétiques humains ».

- Que pouvons-nous escompter comme récompense, cousin ? interrogea Rugfid.
- Une mission de confiance, répondit le nain en souriant doucement. Mais arrêtez ce bordel tous les deux, on s’entend plus être sournois ! Ou foutez-vous sur la gueule dehors ! Donc, je disais, cher cousin. Demain, vous escorterez le tribut du mois à nos ennemis. Avec en présent, une bonne dizaine de pelletés de cette fameuse mousse. Normalement, ils devraient nous haïr quand cette saloperie aura ruiné leur trésor, mais ils seront trop pauvres alors pour envoyer leurs troupes ici !
- Si vous le dîtes, déclara Rugfid qui n’avait rien compris.
- Oh, et votre ogre barde, là. Vous le refilerez à ma tendre épouse. Je crois qu’elle aura besoin de distraction pour les jours à venir, le temps que son courtisan soit de nouveau en état de lui conter fleurette.

Les nains se tournèrent vers Ségodin, mutilé et bastonné, qui gesticulait à terre tandis que Svorn sur son dos lui mordait férocement l’oreille.

- Dites, cousin, demanda Rugfid avec un sourire niais. Entre nous, on vous a manqué ?
- Grave, répondit le nain en contemplant ses lieutenants se taper dessus, désabusé.
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MessageSujet: Re: La Saison 1   La Saison 1 Icon_minitimeVen 30 Nov - 12:21

La revanche de l’assassin

Vorshek s’engouffra dans le passage entrouvert et glissa parmi les ombres jusqu’à un coin isolé. Le couloir était désert et silencieux. L’assassin épia un instant dans le silence glacé, mais au cœur de la nuit, le Karak tout entier était plongé dans le sommeil. Le drow réprima avec peine un rictus haineux en suivant la même route qu’il avait empruntée lors de sa première venue. Le souvenir du cuisant échec de sa tentative d’assassinat du seigneur nain Arzhiel faisait aujourd’hui encore trembler de rage ses poings enserrant ses dagues. Il avait goûté à la défaite amère, au cuisant déshonneur et à l’humiliation douloureuse. Sa seconde mission laverait son honneur bafoué. Vorshek était bien décidé à se venger des nains ou à ne pas revenir du tout auprès de son commanditaire.
Le drow se figea dans la pénombre en entendant au loin un raclement étrange remontant à travers le corridor. S’approchant aux aguets, il aperçut un nain chauve vêtu comme un prêtre, occupé à s’affairer, agenouillé contre le mur. La mission de l’assassin ne consistait qu’à récupérer un trésor dérobé par les nains sans laisser la moindre trace, mais sa haine viscérale le fit hésiter devant cette proie facile. La potion de Danseur des Ombres le rendait invisible et indétectable. Il ne risquait donc rien à briser l’échine d’un nain stupidement isolé. Approchant près du prêtre, Vorshek avança ses mains sans un bruit
.

- Je vous tiens cette fois-ci, espèce de petite frappe ! s’exclama soudain Arzhiel dans son dos.

Svorn et Vorshek sursautèrent, apeurés. Arzhiel saisit le lanceur de rune par l’oreille et le tira vers lui, passant à un cheveu du drow invisible.

- Mais c’est vous, Svorn ?!
- Lâchez-moi, hérétique ! Oh, monseigneur ? Qu’est-ce que vous faites là ?
- Ben, et vous ?! Ça fait deux semaines que je me gèle la nuit à traquer les vandales qui s’amusent à graver sur les murs de mon Karak ! Vous m’expliquez ce que vous foutiez là ?!
- Je refaisais mon lacet, assura le haut prêtre nerveusement.
- C’est quoi ça ? « Repentez-vous ou Gazul vous châtiera ». Mais ça vous amuse de saloper mes murs pour graver ça ?! A votre âge ? Mais qu’est-ce qui ne tourne pas rond chez vous ?!
- Mais c’est vrai, seigneur ! Il faut insuffler la peur des dieux à nos nains ou ils sombreront dans le pêché et consumeront leurs âmes ! Ils se fichent de ma pomme quand je les sermonne alors j’essaie de leur coller les miquettes avec des messages.
- Vous êtes au courant que la moitié de mes sujets ne sait pas lire et que l’autre moitié ne sait même pas qui est Gazul ? Allez, je vous raccompagne aux geôles…euh à votre caverne. On règlera ça demain !

Vorshek, le cœur battant, ne se permit de respirer que lorsque les nains se furent éloignés dans un boucan de tous les diables, s’insultant à tour de rôle. Le drow essuya son front et reprit sa route, un peu désorienté par cet absurde incident. Pour se motiver, il songea aux moqueries de ses congénères qui le surnommaient « le tueur aux tourtes ». D’un pas rageur, l’assassin continua.
Le drow croisa quelques gardes assoupis et plusieurs sentinelles ivres qui chantaient ou se battaient, mais grâce à son invisibilité, personne ne soupçonna jusqu’à sa présence. Il aboutit finalement aux cuisines où filtrait une faible lumière. Le tueur pénétra dans la salle puis se figea. Ses pieds étaient fermement collés au sol et il ne pouvait plus faire un pas. A quelques mètres, deux nains apparemment aussi immobilisés que lui, s’envoyaient un jambon chacun leur tour pour passer le temps. Vorshek usa de toutes ses forces pour se dépêtrer, sans résultat. Une heure plus tard, Arzhiel refit son apparition, manquant le bousculer en le dépassant
.

- Brandir et Hjotra…soupira-t-il en réajustant son bonnet de nuit brodé du message « Sauvez un nain, mangez un orc ». Pourquoi je ne suis pas étonné de vous trouvez là, rigolos plein de poils ?! J’ai payé bonbon ce parchemin de « Rivausol », mais le piège a fonctionné. J’ai deux rats bien gras pris sur le fait. Vous allez encore me raconter que c’est un gang de gobelins qui vient la nuit piller le garde-manger, espèce de parasites !?
- J’avais un creux, se justifia Brandir. Je n’ai repris que quatre fois du dessert au souper.
- Et moi, je cherchais mon raton laveur, déclara Hjotra. Il a foutu le camp quand j’ai voulu m’en servir d’ours en peluche pour dormir avec moi.

Vorshek frissonna en reconnaissant la voix du nain qui avait balayé toute sa résistance psychologique lors de l’interrogatoire. Machinalement, le drow se replia en position fœtale, en se balançant d’avant en arrière. Arzhiel passa le quart d’heure suivant à décorer ses soldats immobiles de multiples morceaux de nourriture, enfonçant des saucisses dans leurs narines ou les badigeonnant de sauce aux airelles et de confiture de baies sous les bras et dans le pantalon. Quand il fut lassé, il déchira son parchemin et libéra ses captifs qu’il obligea à finir la nuit dans la même tenue.
Lorsqu’ils furent partis, Vorshek, libre à son tour, se hâta de quitter les lieux, passablement perturbé et bien moins sûr de lui qu’au début de sa mission. Il lui fallut une autre paire d’heures pour se repérer et trouver la route du reliquaire où étaient enfermés les trésors. En chemin, il croisa également un chevalier humain qui s’entraînait à faire sa déclaration d’amour enflammé à un stalagmite, un raton laveur tremblotant visiblement traumatisé et une sorcière elfe qui expliquait à un crapaud couvert de pustules qu’il méritait son sort pour n’avoir apporté que cinq au lieu de six serviettes pour son bain de minuit dans le lac souterrain. C’est convaincu d’être tombé dans le cercle des enfers réservés aux fous que le drow atteint enfin la porte du reliquaire, gagné par une peur panique
.

- Vous connaissez une blague ? demanda une voix d’outre-tombe tandis qu’il forçait la serrure.

Vorshek fit volte-face et réprima un cri d’effroi. Un spectre de nain à la mine sévère le fixait, lévitant devant lui.

- Vous connaissez une blague marrante ? répéta Thoric, maussade. Oui, vous avec vos canifs. Je suis un fantôme, entre créatures invisibles, il faut s’entraider. Vous cherchez quelque chose ?
- Ah…je…non, enfin si…bredouilla le drow au bord de la crise de nerfs. La baguette de Selzix le fourbe.
- Allée de droite dans le reliquaire, troisième étagère contre le mur. Entre le globe des éléments et le crâne de la harpie. Ces ignares n’ont pas réussi à la faire fonctionner, ils s’en servent pour accrocher leurs clés. Vous ne connaissez pas une blague ? Une drôle, hein ?
- Euh…celle de l’orc, du troll et du nain sur un radeau ?
- Non, je la connais. Elle est nulle. Et en plus, j’ai rien compris.

Déçu, le fantôme de Thoric s’éloigna et disparut en traversant la paroi. Vorshek déglutit, presque aussi livide que le mort-vivant, ce qui donnait à son visage une couleur rosée étrangement ressemblante au maquillage exagéré de Elenwë, les soirs de banquet. Le drow se piqua la main de ses dagues pour se remettre de ses émotions et s’acharna sur la serrure, plus pressé que jamais de finir cette mission délirante avant de devenir aussi dingue que ses hôtes. Thoric reparut juste après qu’il eut refermé la porte du reliquaire derrière lui.

- J’oubliais, marmonna-t-il. Faites attention à Touffou là dedans ! Il est un peu taquin avec les étrangers.

Thoric comprit qu’il prévenait trop tard quand un hurlement de terreur résonna, bientôt couvert par les grognements rauques du cerbère chargé de la protection du reliquaire. Le fantôme haussa les épaules d’un air nonchalant et s’évapora en grattant son postérieur éthéré.
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MessageSujet: Re: La Saison 1   La Saison 1 Icon_minitimeVen 30 Nov - 12:21

Question de prestige

Arzhiel fixa longuement son état-major réuni autour de la table, sans dire un seul mot, ni bouger, se contentant de river sur chacun un œil perçant et réprobateur. Svorn, Hjotra, Brandir, Rugfid, l’espion, Ségodin et même Elenwë sentaient la menace planer au-dessus d’eux et conservaient un silence prudent en attendant que tombe la foudre. Tous cherchaient intensément pour quelle faute récente, pire qu’une autre puisque digne de mériter une réunion, ils étaient rassemblés devant leur seigneur. Finalement, Arzhiel saisit un parchemin portant un sceau officiel et le déroula devant eux.

- Ce n’est pas le menu ! tonna-t-il quand Brandir se précipita pour s’en emparer. Ni la liste des prochains condamnés à la pendaison, Svorn !

Les deux nains se rassirent avec la même déception sur le visage.

- Salut les hommes ! Et tant pis si je me trompe ! lança triomphalement l’éclaireur en faisant irruption dans la pièce. Désolé du retard, je me suis paumé dans les couloirs. Un vrai dédale, ce Karak ! Vous pourriez indiquer la route au lieu d’écrire des slogans pour Gazul sur les murs !

Le regard acéré d’Arzhiel invita le nain boiteux à rapidement prendre sa place sans en rajouter. Arzhiel reposa la hache dont il s’était emparé et reprit.

- Vous vous souvenez tous de Sölmir…Le Grande-Gens. Mais si, bande de buses ! Un tout chétif et tremblotant, un scribouillard envoyé officiel de notre alliance. Ah, si vous me dîtes que vous ne connaissez même pas le nom de l’alliance, je vous envoie aux mines de charbon !
- C’est pas un truc avec des piafs, le nom ? proposa Brandir. Les piafs de la Mort ?
- C’est vous le piaf ! grommela Svorn. C’est les Archanges de la Mort, têtard !
- Ah ouais, c’est pareil, rapport aux ailes.
- Non mais ignorez-le, soupira Arzhiel. De toute façon, vu comme ça part, dans une minute, on finit tous avec la migraine et lui, au cachot. Donc, Sölmir est venu faire une inspection « surprise » la semaine dernière, histoire de vérifier l’état du Karak et des troupes ou simplement pour nous les scier, je sais plus trop. Devinez quel jour, il s’est pointé, le bienheureux ? Il est venu…

Le nain s’interrompit et se tourna vers Ségodin en faisant craquer ses jointures.

- C’est mon pied ça ! Vous arrêtez tout de suite de le frotter avec le vôtre ou je vous le colle aux miches jusqu’à vous bleuir les fesses ! Elenwë, z’êtes obligée de vous balader avec deux bouts de tissus sur le dos aussi ?! Regardez-le avec son œil torve et sa bave sur le menton ! On dirait Brandir devant son auge et encore, c’est pas autant gerbant que le voir vous reluquer…Je disais quoi ?
- Le jour de la visite, répondit l’espion en faisant des ombres chinoises au mur jusqu’à ce qu’une hache passe sous son nez en sifflant.
- Il est venu le lendemain de notre bataille contre les orcs des collines. La visite a été courte. Tous mes lieutenants étaient au même endroit, à la taverne du Bouc Vérolé. Il a trouvé le spectacle si instructif qu’il m’a tout détaillé dans ce joli rapport. Brandir dansant nu sur une table, ivre. Hjotra, suspendu par les pieds à une poutre se prenant pour une chauve-souris cherchant à être adoptée comme familier de Svorn, fin ivre aussi. Svorn essayant d’éteindre un début d’incendie provoqué par un jet intempestif de runes magiques, encore ivre. Trois bataillons de soldats chargés ce soir-là de la garde du Karak, tout aussi ivres. L’éclaireur qui menait des expéditions pour guider les ivrognes jusqu’aux latrines, ivre mort….
- Ils se perdaient tous sinon et le quartier devenait franchement crade, signala le nain.
-...Et Ségodin, l’ignora Arzhiel. Attablé dans un coin à pleurer comme une fillette. Ça chante, ça boit, ça festoie et vous vous pleurnichez ? Mais attendez, c’est pas le jour où Elenwë vous a forcé à manger les fleurs que vous vous vouliez lui offrir en gage d’amour ?
- C’étaient des roses, fit le chevalier en sanglotant à ce souvenir. J’aurais appris deux choses : les elfes n’aiment pas qu’on coupe les fleurs et les épines, c’est pas bon.

L’humain renifla tristement tandis qu’Elenwë affichait une moue impérieuse.

- Si je ne vous détestais pas autant, vieux, je vous plaindrais bien. Tout ça pour dire que j’ai pris un bon soufflon de Sölmir pour le « manque insultant de prestige de mes sujets ».
- C’était une belle bataille, monseigneur, signala Brandir. On a même eu cinquante morts de notre côté. Fallait bien fêter ça !
- Et puis c’était deux tapineuses pour le prix d’une au Bouc Vérolé ce soir-là ! ajouta Rugfid.
- Ben ouais les gars, je sais, mais prestige quoi ! On est des Archanges ! On n’est plus des romanos là, on tape dans le bourge, le haut du panier. Si on veut foutre les jetons aux pécores du désert ou aux gueux de la vallée, va falloir bosser notre image !
- Et notre langage, monseigneur, murmura Ségodin.
- Hum…Euh, oui, j’en conviens, messire, répondit Arzhiel en lui jetant un regard assassin. Moi le premier et en tant que votre chef de guerre, je promets solennellement de faire des efforts conséquents pour améliorer le…Par les bourrelets de Gazul, Hjotra, vous voulez que je vous en mette un dans les dents maintenant ou on attend ?! Qu’est-ce que vous foutez avec cette poupée au lieu de m’écouter ?!
- Elle est marrante, hein ? fit le nain en l’agitant devant lui. Je l’ai trouvée quand on fouillait les ruines de Bazhal-al Tûrn.
- La cité maudite, hantée et ensorcelée vous voulez dire ?
- On devait pas s’arrêter. Mais Brandir avait faim, alors pendant la pause, j’ai promené. Elle traînait sur un tas d’os calcinés !

L’ingénieur cessa d’afficher son sourire niais et se dressa brusquement, ses pupilles devenues écarlates et la poupée s’embrasant entre ses doigts. Sa voix devint caverneuse et gutturale tandis qu’une aura sombre l’enveloppa.

- Je suis enfin libre ! meugla-t-il d’une voix démoniaque. Moi, Forstrol l’Archimage, la plus puissante liche des Trois Royaumes ! Mon pouvoir ressuscité va pouvoir dévaster le monde et vous serez les premiers à goûter aux flammes de l’enfer que je vais abattre sur ces terres !
- C’est drôle, remarqua Svorn. Je ne savais pas que Hjotra connaissait la légende de Forstrol. On dit que c’est lui qui a détruit Bazhal-al Tûrn mais qu’il fut enfermé dans un objet sacré.
- Hjotra, c’est vous ? interrogea Ségodin avant qu’un éclair de flammes ne l’envoie valser dans les airs.
- Oulà, il est grognon, déclara Brandir. Ça m’arrive aussi quand j’ai un creux.
- Creuse plutôt ta tombe ! rugit le possédé en crachant des flammes dans toute la pièce.

Les nains poussèrent des hurlements en s’enfuyant dans le plus superbe désordre. Seuls Arzhiel, dépité, et Rugfid qui n’avait pas encore compris le danger, demeuraient à leurs places. Elenwë vit ses sorts retourner contre la liche réincarnée et les attaques combinées de Brandir et de l’espion ne semblèrent pas l’affecter. Lorsque le vacarme devint insupportable, Arzhiel se leva pesamment et se dirigea vers l’ingénieur habité qu’il étala d’un rude coup de poing. Le nain s’écroula, sonné, et Forstrol s’évapora dans un cri d’effroi.

- Finalement j’aurais dû lui mettre direct au lieu d’attendre…soupira le seigneur, las.

L’état-major se rassembla derrière son chef, encore sous le choc, pour observer Hjotra assommé, sa poupée brûlée serrée contre lui et baignant dans son urine.

- A le voir aussi pathétique, je crois que je viens de piger le truc du prestige, dit Brandir en scrutant son ami. A mon avis, on aurait dû commencer par la démonstration dès le début !
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MessageSujet: Re: La Saison 1   La Saison 1 Icon_minitimeVen 30 Nov - 12:22

La quête de l’oiseau bleu

- Monseigneur ? appela Brandir en tambourinant à la porte. Vous êtes là ?
- Qu’est-ce qu’il y écrit devant vous ?
- Euh…Sur l’écriteau ? « Allez en enfer ». Bon, on rentre alors.

Arzhiel n’eut guère le temps de protester que Brandir, suivi de Hjotra, rentra dans la salle d’eau où le seigneur nain prenait son bain avec une suivante.

- Ma parole ! Mais il faut que je poste un garde en faction dans le couloir pour être peinard ?!

Comprenant qu’il avait commis une bourde mais ne sachant pas laquelle, Brandir tendit poliment à son chef l’écriteau décroché de la poignée. Arzhiel s’en servit pour le frapper avec mais s’interrompit en voyant Hjotra bavarder avec sa maîtresse.

- C’est ma petite sœur, l’informa l’ingénieur en souriant de toutes ses dents.
- Votre sœur, c’était pas l’autre ?!
- Aussi, j’en ai huit en tout. On dirait que vous aimez beaucoup ma famille !

Arzhiel s’enfonça sous l’eau, soudain mal à l’aise.

- Bon, vous voulez quoi ? Que je sache quoi inscrire sur le registre des prisons avant de vous expédier au trou.
- On a eu un pépin, répondit Brandir. On voulait trouver un familier rigolo pour l’anniversaire de Svorn alors on a essayé de braquer celui de la vioque des marais.
- La sorcière ?! Je vous ai dit cent fois de lui foutre la paix ! Elle est pleine de magie dégueu !
- Ben, on le saura maintenant, fit Hjotra. Elle nous a topé et nous a malédictionné.
- Maudit, elle vous a maudit.
- Non, c’était une malédiction. A la prochaine lune, on doit se changer en pierre.
- Rhaaa, les boulets ! Bon, Brandir pour vous ça risque rien, vous n’avez plus d’âme. Le sort ne marchera pas.
- Veinard ! lança Hjotra, admiratif devant Brandir qui entamait une danse de la victoire.
- Cassez-vous à présent. Attendez-moi à la salle du trône, je vais voir ce que je peux faire.
- Ouais, sympa, monseigneur !
- Oh oui, sympa. J’ai deux revues de troupes, quatre réunions, une pile de parchemins à lire, la réparation de la tour est à superviser, mais ça me fait vraiment plaisir de passer une plombe à vous sortir de la mélasse !
- Trop sympa ! commenta Hjotra avant de recevoir le savon derrière la tête.

Arzhiel retrouva plus tard ses lieutenants qui tuaient le temps en jouant aux osselets déshabilleurs. Il lui fallut une demi-heure de plus pour convaincre Elenwë qui l’accompagnait de ne pas changer les deux joueurs quasiment nus en mille-pattes pour avoir blessé sa vertu avec une aussi horrible vision.

- On a déjà eu affaire avec la vieille peau des marais, expliqua le nain tandis que Brandir faisait des signes obscènes discrets en direction d’Elenwë. On ne peut pas lui bourrer la gueule parce qu’elle a la baguette sensible alors on va la jouer à la naine, on va commercer. Je sais qu’elle cherche depuis longtemps l’oiseau bleu. Si on lui dégotte, elle lèvera le maléfice. Sinon…Sinon, Hjotra vous préférez quelle pièce du Karak ? C’est pour savoir où je vous mettrai en déco une fois en statue.
- Aux écuries, marmonna Elenwë en répondant à Brandir avec une grimace. L’oiseau bleu repose au fond du donjon de Digov le Fêlé. Jamais ces deux abrutis ne l’atteindront vivants.
- Ils arrivent à se paumer en allant de leurs cavernes à la salle du banquet, je sais bien ! Je vais les confier à Ségodin. Il est moins débile que la moyenne de mes sujets, ça devrait aider.
- Ça ne va pas être possible, déclara Elenwë dans un sourire pincé. Il est parti tuer un clan d’ogres comme preuve de son amour pour moi.
- Quoi, tout seul ?! Je retire ce que j’ai dit sur son niveau de débilité. Ecoutez, ma douce planche à pain, on était d’accords pour que je vous prête mon humain, mais n’allez pas me le casser en faisant n’importe quoi avec ! Un qui est amoureux de vous, c’est déjà exceptionnel ! On n’en trouve pas sous les cailloux vous savez !
- Je sais, murmura l’elfe avec une moue boudeuse. J’ai déjà regardé…
- Bon, Casse-pompes et Casse-Nouilles, débrouillez-vous pour convaincre Svorn de vous escorter. Prenez aussi l’éclaireur sinon la prochaine lune sera passée que vous n’aurez pas encore trouvé la sortie du Karak. Barrez-vous, du vent, allez, ouste ! Ne vous en faites pas pour nous, hein. Si l’ennemi se pointe, je lui demanderai de revenir dans deux mois parce que mon état major est à la recherche d’un oiseau bleu !
- Les latrines, je crois bien, dit Hjotra d’un ton solennel.
- Quoi ?
- La pièce que je voudrais décorer. Les latrines, c’est bien, y a du passage et c’est joli comme endroit.
- Cassez-vous, grommela Arzhiel en montrant ses dents et le bout de sa hache.


Une semaine plus tard, Brandir et Hjotra se présentèrent devant leur seigneur pour narrer le récit de leurs aventures. Elenwë et Ségodin, ce dernier couvert de bandages des pieds à la tête, s’étaient joints à Arzhiel pour ne pas rater une miette de leur histoire.

- Toujours la tête dure, mais pas en pierre, commenta Arzhiel. J’en déduis que vous avez réussi à rompre le charme ?
- Ah ça, aucune idée, répondit Brandir. Mais on n’est plus malédictionnés.
- Vous avez trouvé l’oiseau bleu ?
- Non, on a galérés trois jours dans le donjon et on a dû fuir quand Digov a capturé Svorn.
- Quoi ?! Et vous avez fui ?!
- Oui, on est retournés voir la vioque pour lui demander de nous excuser. Mais poliment, attention !
- Ça a marché ?!
- Non plus, elle voulait nous changer en goules de compagnie. Mais quand elle a vu l’éclaireur, elle a voulu négocier. La malédiction contre le vieux. Et nous voilà !
- Je me demande bien ce qu’elle voulait faire avec lui ? s’interrogea Hjotra tandis que tout le monde avait le même rictus de dégoût.
- Ça ne s’est pas trop mal passé, conclut Brandir. Et puis, ça nous a fait prendre l’air.
- J’espère que vous en avez profité parce que celui que vous allez respirer pour le mois à venir sentira beaucoup plus la sueur et le moisi. Allez, hop, au cachot les lourdauds !

Sachant que ça finirait forcément de cette manière, Arzhiel avait préparé deux gardes qui encadrèrent les lieutenants pour les mener en prison. Hjotra se retourna avant de quitter la pièce, son habituel sourire niais sur les lèvres.

- Digov le Fêlé a un message pour vous, seigneur. Il dit qu’il libèrera Svorn à une seule condition : il veut l’échanger contre le renard mauve !

Arzhiel poussa un long soupir las tandis qu’Elenwë étouffait mal un ricanement. Ségodin se promit de rire également, dès que ses os brisés et ses muscles meurtris le lui permettraient de nouveau, à la prochaine saison.
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MessageSujet: Re: La Saison 1   La Saison 1 Icon_minitimeVen 30 Nov - 12:22

A la rescousse

- Monseigneur, c’est encore loin ? demanda Hjotra pour la douzième fois de l’heure.
- Mais comment voulez-vous que je le sache, banane, c’est vous qui êtes censés nous guider !
- C’est quoi « censé » ?
- C’est une grosse larve des marais qui suce le sang, répondit Brandir d’un air professoral.
- Ah, d’accord, acquiesça Hjotra. N’empêche, je vois pas le rapport. Comment vous voulez qu’on pige vos ordres, seigneur, si vous racontez n’importe quoi !

Arzhiel essaya de desceller une stèle antique du mur pour la jeter sur son ingénieur, mais Shalimar Shadow, toute aussi perplexe que lui, parvint à l’en empêcher.

- Trois jours qu’on tourne en rond dans ce fichu donjon avec pour seule compagnie ces deux bourriques ! se lamenta Arzhiel.
- Merci pour moi, ronchonna Ségodin derrière.
- Pardon, trois bourriques ! Je n’aurais jamais dû vous demander un coup de main, Shalimar. Je me doutais bien qu’on aurait besoin d’aide pour explorer l’antre de Digov le Fêlé. Mais je n’aurais jamais cru que mes boulets seraient capables de décimer votre escorte sur le premier piège dans le hall d’entrée.
- Un levier marqué « abaissez-moi pour périr dans un déluge de flammes », ça peut porter à confusion aussi ! se défendit Brandir. Désolé ! C’est pas de bol pour les maîtres lames d’avoir tout pris sur le coin de la tronche.
- C’est pas grave, marmonna Shalimar en retenant Arzhiel par les épaules. Après tout, ce n’était que des mâles, ça se remplace facile, ça pullule partout.
- Pullule ? interrogea Hjotra.
- Le cri de la chouette, répondit Brandir.

Shalimar, Arzhiel et Ségodin observèrent du même air las et abattu les deux nains imiter toute une série de cris d’oiseaux et d’animaux lorsque leur attention fut attirée par un grognement bestial plus loin dans le couloir.

- Brandir, y a une bestiole, allez voir.
- Pourquoi moi, monseigneur ?
- Parce que vous me gonflez ! Magnez ! Hjotra et tiens, vous aussi Ségodin !
- Moi je ne peux pas, j’ai un ongle incarné très douloureux, protesta Hjotra.
- Allez, les garçons, murmura Shalimar d’une voix suave et douce pour les convaincre.
- C’est-à-dire…Non, on n’a pas très envie, en fait. Désolé, m’dame Noiraude.
- TOUT DE SUITE ! hurla la drow dans un rictus de fureur qui déforma ses traits harmonieux.

Les deux nains apeurés se bousculèrent et chargèrent vers les bruits de la bête de plus en plus proches sans en rajouter.

- Et vous, qu’est-ce que vous foutez ? lança Arzhiel à l’attention de Ségodin qui se recueillait en tenant au creux de sa main un long cheveu blond.
- J’adresse une prière à ma bien-aimée Elenwë pour qu’elle m’accorde force et protection pour le terrible combat à venir.
- C’est un de ses cheveux ? interrogea Shalimar en se retenant de ricaner avec peine.
- Bah si vous collectionnez les poils, ajouta Arzhiel, j’en ai plein à vous donner et de plusieurs parties de mon anatomie si vous voulez.

Ségodin, offusqué, tourna les talons et partit rejoindre le combat en haussant les épaules. Il y eut des cris, des grognements, un rire incongru de Hjotra, un fracas épouvantable quand Brandir glissa sur une dalle et renversa une statue de trois mètres sur le monstre pour se rattraper, un hurlement d’agonie puis le silence à peine interrompu des prières de remerciements de Ségodin à son cheveu.
Arzhiel et Shalimar s’approchèrent et découvrirent une araignée gigantesque gisant sous les décombres, Hjotra et Brandir qui entamaient un pique-nique et Ségodin qui essuyait la poussière sur son armure dédicacée à sa demande expresse par Elenwë
.

- Nooooon ! résonna une voix spectrale. Gagarorn ! Maroufles ! Vandales ! Vous avez tué Gagagorn !

Une forme livide et translucide flottant au-dessus du corps de l’araignée apparut, représentant par le biais d’un sortilège un sorcier humain portant un bonnet à grelots.

- Digov le Fêlé ? demanda Arzhiel. Rendez-moi mon haut prêtre Svorn ou mes terribles guerriers continueront à massacrer tous les monstres gardiens de votre donjon !
- Ainsi que le décor et les ornements, rajouta Ségodin à voix basse.
- Vous êtes sûrs que c’est bien Digov ? interrogea Shalimar, méfiante. Ou son sort est raté ou il a raison de se planquer au fond d’un donjon. Il a l’air taré et laid comme une fesse d’orc.
- Bande de mécréants ! Hérétiques !
- Oui, c’est bien lui, assurèrent les nains. On sent l’influence de Svorn dans son vocabulaire…
- Jamais je ne vous restituerez votre lanceur de runes, salopiots ! Je veux le renard mauve en échange ou il périra !
- Le nain jaune, fit Shalimar en pouffant, pointant Arzhiel du doigt, ça fera l’affaire ?
- Ah, c’est malin ! grogna le seigneur de guerre.
- Ça y est, il fait sa boudeuse ! se moqua Brandir.
- Ouah, la honte ! rit Hjotra. Vanné par une drow. Bouh !
- Le péril vous guette, Digov le Fêlé, vous avez déclenché la colère d’un puissant chef nain de presque un mètre cinquante de haut ! lança Shalimar d’un ton de défi en montrant Arzhiel qui étranglait Brandir et écrasait Hjotra sous son pied. Retrouvez donc vos esprits et revenez à la raison avant qu’il n’abatte sa fureur légendaire sur votre donjon. Il pillera, il tuera et il n’aura de cesse de vous pourrir avec ses loyaux sujets jusqu’à ce que son honneur soit lavé !
- Non, mais j’ai rien fait moi, bredouilla le sorcier. C’est le petit gros à crête qui a dit…
- Il suffit, fils de chamelle borgne ! tonna l’elfe noire. Veux-tu à ce point voir ce groupe de boulets hanter les couloirs de ton chez toi durant les cinquante ans à venir ?! Ils feront fuir les aventuriers de passage et tu pourras mettre la clé sous la porte !
- Et on videra ton garde-manger ! lança Brandir à moitié étranglé.
- Et on pissera partout aussi ! s’exclama Hjotra, le nez dans la poussière.
- C’est bon ! fit Digov, affolé. On peut discuter, non ? Je vous rends le prêtre, de toute façon il est invivable et il râle même en dormant, mais je l’échange contre la femelle elfe noire !
- Sur mon honneur et mon nom, vous n’en ferez rien, vil laquais des ténèbres ! intervint Ségodin.
- Psst, l’appela Shalimar. Nous aussi on bosse pour les ténèbres, hein ?
- Vous ne toucherez point à cette femme tant qu’il me restera un souffle de vie.
- Ou qu’elle portera sa mini-jupette en cuir sous ses yeux, ouais, marmonna Arzhiel. Bon, Digov, vous rendez Svorn sinon on pourrit tout. On ne fait pas les rats, on vous laisse deux piécettes de cuivre pour le dérangement.

Arzhiel posa deux pièces tordues et sales par terre et fit signe au groupe de repartir. Le nain attendit que l’image du sorcier se soit évanouie puis revint discrètement sur ses pas pour récupérer l’une des pièces.

- Bah quoi ? fit-il pour répondre au regard réprobateur de Shalimar. Y a pas de petit profit ! Manquerait plus que je file des ronds pour sauver Svorn, tiens ! Comme si je manquais de boulets !
- Qui se ressemble… chuchota la drow en levant les yeux au ciel.
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MessageSujet: Re: La Saison 1   La Saison 1 Icon_minitimeVen 30 Nov - 12:23

La visite

Arzhiel remercia le messager drow et se tourna vers ses lieutenants lorsqu’il fut sorti.

- Bon, les enfants, Lorendil sera là dans un moment. Je vous le rappelle, c’est une visite officielle entre Archanges de la Mort. Ce sont nos alliés et frères d’armes alors essayons de limiter les bévues, je vous prie. On a bûché dur, vous avez mes consignes donc avant de tout faire foirer avec une mauvaise vanne ou un commentaire déplacé, oui Brandir c’est vous que je regarde quand je dis ça, récapitulons ! Svorn !

Le haut prêtre s’avança, d’une humeur encore plus massacrante que d’habitude et leva les bras en l’air en grommelant tandis que Arzhiel le fouillait. Il ne trouva qu’une demi-douzaine de runes offensives cachée ça et là et les jeta, satisfait, dans un grand sac.

- Quels sont les mots interdits, je vous écoute ? demanda-t-il.
- Hérésie, Peau-Mauve, Mécréant, Brûlez tous en enfer, saloperie de drows…
- Bien ! Hjotra ? Quels sont les seuls mots que vous aurez le droit de prononcer ?
- Oui, non, j’aime les drows.
- Parfait. Tout autre son qui sort de votre bouche et c’est les travaux forcés. Brandir, à vous.

Le guerrier fixa le plafond dans un intense effort de réflexion, puis soupira et releva sa manche pour lire les anti-sèches inscrites sur son avant-bras.

- Les drows sont nos amis, lit-il. Je ne les tape pas, ne les insulte pas et euh…bouquetin.
- Bouquetin ? interrogea Arzhiel dans une grimace.
- Ah non, c’est juste une trace de gras. Je croyais que j’avais mal écrit une rune.
- Mouais, concéda Arzhiel en s’éloignant. Ségodin, est-ce que Lorendil a demandé quelque chose de particulier quand vous l’avez vue ? Tiens, c’est quoi ce bandage sur votre main ?
- Ah…euh…non, rien, un accident absurde. C’est…euh…ma main qui a malencontreusement glissé sur sa cuisse quand elle lisait votre invitation et elle a réagi un peu intempestivement avec sa dague…Mais je suis certain que je pourrai de nouveau tenir une cuillère dans une semaine !
- Vous tripotez une matriarche drow à la tête de plusieurs centaines de soldats fanatiques pendant une visite amicale ?! Mais vous avez un grain ! Vous aviez qu’à lui pincer les fesses aussi ! Ça devient vraiment malsain votre fixette sur les anorexiques à grandes oreilles, mon vieux. Trouvez-vous une chèvre ou pire, ma femme !
- Mais c’est sa jupette aussi ! protesta Ségodin, honteux. Et la tunique en cuir aussi ! Ça vous fouette le sang son corps moulé qui s’offre à la vue de tous !
- Je m’en vais vous fouetter le vôtre de sang, ahuri ! beugla Arzhiel. Si vous me créez un incident diplomatique parce qu’une drow hideuse et répugnante s’agite devant vous comme un boudin dans sa peau, je vous…
- Salutations, Arzhiel ! lança une voix féminine rauque et autoritaire dans son dos.

Arzhiel se figea dans un rictus d’horreur puis fit volte-face en imitant le sourire le plus débile de Hjotra. Lorendil se dressait là, dans une posture noble et hautaine, entourée de son ambassade de serviteurs mâles aux mines peu engageantes.

- J’aime les drows, déclara Hjotra tandis qu’Arzhiel saluait poliment son invitée.
- Pas moi…marmonna Svorn entre ses dents.
- Hum, hum, toussota Arzhiel en foudroyant du regard ses sujets. Soyez les bienvenus au Karak, chers amis et alliés ! Le voyage a dû vous épuiser, vous semblez fourbus…
- Des orcs stupides ont égayé notre trajet en attaquant notre caravane, trancha Lorendil d’un ton dédaigneux en faisant claquer ses talons contre le sol. Les rapaces se repaissent de leurs entrailles et nous torturons actuellement les survivants.

Les drows échangèrent le même ricanement sinistre qui laissa les nains perplexes.

- Vous avez ramené quelques orteils ?! s’exclama Brandir.
- J’aime les gros, ajouta Hjotra en hochant la tête d’un air assuré.
- Bien, bien ! intervint rapidement Arzhiel. Vous devez être affamés ! La vue des tripes et la torture, ça aiguise l’appétit ! On vous a préparé tout un tas de salades, de racines et d’herbes dans la salle du banquet. Vous buvez quoi, sinon ? De l’eau, de la bière, du vin ?
- Du sang ? murmura Svorn.
- Nous ne nous sustentons que de la chair des bêtes mortes que nos chasseurs abattent ! Nous alimenter avec des herbes reviendrait à nous rabaisser au rang d’elfes, ignares et inférieurs !

Lorendil fit claquer son fouet à plusieurs reprises, ce qui décida les mâles dociles qui l’entouraient de s’activer en se dispersant en tous sens. Certains partirent lui ouvrir la route tandis que d’autres déchargeaient ses affaires en lançant le même regard vicieux vers leur maîtresse que celui de Ségodin épiant Elenwë dans son bain.

- Nous voilà encore un point en commun, chère amie ! lança Arzhiel bousculé par les maîtres lames. Nous haïssons les elfes ! Magnez-vous le train à planquer Elenwë dans un placard avant qu’il ne la serve au repas de ce soir, s’empressa-t-il de murmurer à Svorn. Lorendil, laissez-moi vous guider !
- Que le mollusque d’humain qui vous sert de héraut s’empresse de mettre mille pas entre lui et moi. Je ne voudrais pas vous ôter l’un de vos sujets en le décapitant accidentellement s’il était une fois encore tenté de poser un doigt sur ma personne.
- Une sage recommandation ! Coquin comme il est, il ne s’arrêterait sûrement pas au doigt ! C’est très échancré comme tunique. C’est une mode drow ou vous manquez de cuir dans votre cité noire ? Hum, enfin bref, Ségodin, cassez-vous. Allez guider les bestioles de nos invités dans l’atelier de Hjotra. Elles y trouveront à bouffer.
- J’aime les veaux, lança ce dernier.
- Où se trouve votre épouse ? interrogea Lorendil en remontant le long d’un corridor que ses serviteurs astiquaient de leurs capes avant son passage. J’ai hâte de rencontrer une malheureuse femelle soumise au joug de mâles abrutis !
- Ah, vous vous entendriez bien avec elle, vous semblez partager ses opinions, son humeur joviale…et sa politesse, mais elle n’est pas disponible. Elle est…elle est en pleine méditation. Elle essait de remonter dans une vie antérieure ou une futilité du style et elle déteste qu’on l’interrompe. Elle bave, elle feule et il arrive qu’elle griffe aussi. J’ai déjà perdu deux serviteurs entre ses pattes. Bref, vaut mieux la laisser moisir dans son coin, hein ?

Arzhiel acquiesça d’un air peu convaincant, osant à peine penser au massacre si Lorendil s’apercevait qu’il était marié à une elfe.

- Qu’allons-nous visiter ? interrogea la matrone en caressant affectueusement la tête d’un chef orc empaillée accrochée au mur.
- La mine de charbon, marmonna Brandir à Hjotra. Vu leur bronzage, c’est pas la suie qui va les salir !

Les deux nains ricanèrent bruyamment tandis qu’Arzhiel devenait écarlate de fureur. Lorendil renifla d’un air méprisant et se tourna vers son hôte en passant la main dans sa longue chevelure blanchâtre, accaparant tous les regards des drows autour d’eux.

- Vous savez que dans ma cité noire, mes mines sont réputées pour enseigner l’humilité et la servitude aux esclaves les plus récalcitrants, même aux nains…
- Vous accepteriez de prendre mes boulets en apprentissage ?! s’exclama Arzhiel, plein d’espoir.
- J’aime les fardeaux, commenta Hjotra.

Un hurlement effroyable rompit le silence dubitatif de Lorendil, suivi par un vacarme épouvantable. Un combat faisait rage non loin et lorsque le groupe arriva, il découvrit Elenwë auréolée de crépitements magiques et de fumée, encerclée par une dizaine de drows. Il y en avait presque autant à ses pieds, fauchés par ses éclairs et ses boules de feu. Sur le côté, Svorn distribuait discrètement des coups de pieds aux blessés à terre.

- Qu’est-ce ? demanda Lorendil d’un ton calme et impérieux. Une elfe ?
- Oh, c’est…c’est mon esclave personnelle ! tenta Arzhiel avec anxiété. Même pas c’est mon épouse ! Non, non ! C’est mon esclave, voilà.

Le nain fixa son invitée, redoutant sa réaction. La haine entre elfes et drows risquait de compromettre l’alliance mais Arzhiel ne pouvait laisser son épouse se faire massacrer sans rien dire, même si l’idée paraissait séduisante. Lorendil resta une seconde impassible. Son regard glissa sur Elenwë, sur sa chevelure blonde ébouriffée par le combat, sur sa robe déchirée ça et là laissant apparaître sa peau nacrée et sur les mâles tombés qu’elle écrasait sous ses talons.

- Euh, si vous la butez, faudra me la rembourser, dit Arzhiel. Elle jure un peu dans le Karak, mais elle est très efficace pour éliminer les mauvaises herbes. Vous en dites quoi ?
- Elle est…délicieuse, soupira la drow en passant sa langue sur ses lèvres. Finalement, je crois que j’ai trouvé une distraction pour cette nuit…

Quand Arzhiel suivit le fil de sa pensée et comprit, la subite nausée qui le prit le fit vaciller.

- J’aime les porn…commença Hjotra.

Arzhiel l’assomma avant qu’il n’ait eu le temps de terminer sa phrase et avant que lui-même ne vomisse pour de bon.
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MessageSujet: Re: La Saison 1   La Saison 1 Icon_minitimeVen 30 Nov - 12:23

La Forêt des Rêves Bleus

Arzhiel tendit la main pour saisir un flocon de neige qui s’évapora entre ses doigts. Son haleine glacée s’éleva doucement en volutes à travers l’air gelé des montagnes. Le seigneur de guerre ajusta son casque et caressa le flanc de l’imposant bouc de combat qu’il chevauchait. Il ne lui suffit que d’un geste pour que résonnent les cris furieux des centaines de ses soldats autour de lui. L’écho des cornes brisa le silence de la tempête de neige. Drapeaux et oriflammes se dressèrent fièrement vers le ciel tourmenté. La terre givrée crissa sous le pas de l’armée qui se mit en branle en hurlant prières et promesses de mort à l’ennemi.

Les troupes orcs positionnées plus bas s’élancèrent à leur tour. Les premiers rangs furent sauvagement fauchés par les terribles armes de guerres naines qui déversèrent des torrents de flammes depuis les hauteurs. Les lignes se brisèrent et le vacarme des cris explosa au moment où les armées entrèrent en contact. Arzhiel dirigeait l’assaut depuis un pic élevé, adressant des ordres de simples gestes, automatiquement relayés à ses fidèles lieutenants. Hjotra, l’ingénieur en chef, balaya le flanc droit des peaux-vertes de ses tirs redoutablement précis de balistes et de catapultes. Plus loin, les lanceurs de runes, enhardis par la présence du haut prêtre Svorn l’impitoyable, s’acharnaient à foudroyer le flanc gauche des orcs de leurs éclairs dévastateurs. Ségodin, l’allié humain mena ses chevaliers au cœur de la mêlée avec bravoure et efficacité, appuyant de son audacieux assaut les puissants guerriers nains conduits par Brandir le berserker connu pour ne jamais céder un pouce de terrain à l’adversaire.

Emu par tant de loyauté et de courage de la part de ses irremplaçables seconds, Arzhiel s’engagea à son tour dans la bataille, escorté par sa superbe et légendaire épouse elfe, sorcière dotée d’effroyables sortilèges et maléfices. Le nain se rua à l’assaut des orcs, entamant une sanglante danse de la mort en les fauchant de sa hache et de son marteau. La magie de ses runes protectrices déviait les coups ennemis qui ripaient sur sa cotte de mithril étincelante. Le seigneur de guerre se savait invulnérable car à ses côtés luttaient ses irréductibles fiers sujets. Le devoir envers le sang nain pour lequel ils guerroyaient n’égalait en rien la fierté et l’honneur qu’il éprouvait à les guider ainsi sur les voies de la victoire et de l’éternité. Car les dieux les observaient risquer ainsi leurs vies et Arzhiel savait qu’il ne ressentirait jamais aucune honte le jour où il devrait se présenter à eux, car il connaissait la valeur inestimable de ses lieutenants. Que valait la mort face à la gloire offerte par ses sujets et…


Arzhiel rouvrit brusquement les yeux en sentant douloureusement croustiller ses côtes sous le poids d’un talon. Ses sens lui revinrent complètement quand Elenwë commença à le tripoter de ses doigts glacés en lui assénant de rapides gifles
.

- Kessecé ?! marmonna le nain, arrêtant son poing juste avant qu’il n’étale son épouse penchée sur lui.
- Reprenez vos esprits, mon grassouillet amant. L’illusion a cessé.
- L’illusion ? questionna Arzhiel en regardant son état-major réuni autour de lui.
- Cette saloperie de forêt est enchantée, éructa Svorn. Je vous avais bien dit de ne pas y foutre les pieds !
- Les arbres sécrètent un parfum qui vous plonge dans un sommeil peuplé des rêveries incarnant vos plus chers désirs, expliqua Elenwë. Les victimes ainsi prisonnières de doucereuses illusions meurent sans se débattre et leurs cadavres pourrissent aux pieds des arbres, alimentant leurs racines. C’est une vieille astuce de défense elfe, un peu obsolète, mais très efficace.
- C’est pas rien de le dire, on y a tous eu droit ! pesta Svorn. La forêt des rêves bleus, mes fesses ouais ! Si ça ne tenait qu’à moi, demain, je lancerai la construction d’une chaîne de scieries dans le patelin !
- C’est l’espion qui nous a sauvé la peau, poursuivit Rugfid pendant que Svorn gravait « forêt pourrie » sur les arbres les plus proches. Le parfum n’a pas fait effet sur lui, il a perdu l’odorat, enfant, en respirant les aisselles d’un orc. Il a pu nous réveiller avant qu’on soit aussi moisis que les pieds de Brandir.

Arzhiel se redressa et contempla les sous-bois paisibles autour d’eux. Il se souvint alors de leur expédition et de la fameuse idée du détour à travers la forêt.

- C’est quand même vachement vicieux comme piège ! râla Hjotra. On va tout cramer, tiens ! Avec du bol, y aura même un village elfe planqué dans les bois !
- Hé ! protesta Elenwë tandis que Ségodin époussetait docilement sa robe.
- Un rêve…marmonna Arzhiel, songeur. Ça m’aurait étonné…
- Seigneur ! appela Brandir. Vous avez fait quel rêve ? Moi, j’étais seigneur de guerre et je régnais sur le Karak !
- Oh, l’autre ! protesta Hjotra en le frappant derrière le crâne. C’était mon rêve, ça. Seigneur ! Brandir, il m’a volé mon rêve !
- Aïeuu ! Seigneur, Hjotra, il m’a frappé ! Il tape dans le dos, il se bat comme un elfe !
- Plait-il ?! s’exclama Elenwë d’un ton courroucé. Il suffit ces insultes raciales ! J’exige réparation ! Arzhiel, vengez mon honneur !
- Rien à carrer.
- Ségodin ! Vengez mon honneur !

Le chevalier acquiesça et s’empressa de cogner les deux nains qui se bousculaient en s’engueulant. Le combat s’engagea et empira quand une motte de terre alla tâcher la robe d’Elenwë. La sorcière elfe embrasa ses doigts fourchus et arrosa les trois bagarreurs de ses flammes.

- Par la barbe de Dumathoïn ! s’écria Svorn. Hérésie ! Cette mécréante d’elfe brûle du frère nain ! Tu n’es pas la seule à savoir lancer le feu, garce d’Oreilles Pointues !

Le haut prêtre jeta frénétiquement ses runes sur la sorcière mais visa tellement mal qu’il ne réussit qu’à toucher Rugfid et à abattre une dizaine d’arbres alentour. L’explorateur bondit au cou de Svorn dès qu’il réussit à éteindre les flammes qui léchaient ses bottes. Autour du groupe de nains, l’incendie s’étendait dangereusement.

Arzhiel, toujours assis par terre, encore léthargique, observa la mêlée de ses sujets d’un air dépité. Il se dirigea à quatre pattes vers l’arbre le plus proche et se frotta contre l’écorce. Il pria pour parvenir à se rendormir avant que les flammes ne viennent le dévorer
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MessageSujet: Re: La Saison 1   La Saison 1 Icon_minitimeVen 30 Nov - 12:23

Le Signe

D’une main tâtonnante, Arzhiel fit taire l’horloge mécanique en bois dont le petit marteau nain écrasait dans un cliquetis régulier une tête d’orc creuse. Le nain se redressa sur son lit en songeant qu’il lui préférait néanmoins l’ancienne version où un pied bottait le cul d’un elfe faisant la grimace, qu’il lui avait fallu cependant remplacer à cause d’Elenwë. Cette dernière, réveillée également par le bruit, se tourna vers son époux. Arzhiel, l’esprit encore ensommeillé, poussa un vif cri d’effroi en voyant la sorcière elfe décoiffée.

- Refaites ça et je suis mort ! marmonna-t-il en sentant son cœur emballé.
- Le jour n’est même pas levé que vous commencez déjà à me les gercer ! ronchonna l’enchanteresse. Si vous vous levez, profitez-en pour me chercher des bandages, je crois que les griffures de vos ongles sur mes jambes m’ont fait perdre un bon litre de sang !
- Utilisez vos pieds glacés pour calmer la douleur. Vous savez ? Ceux que vous collez contre mon dos ?
- C’est simplement pour tenir à distance votre fourrure répugnante, mon bon.
- C’est temporaire ! protesta Arzhiel en s’habillant. Aux beaux jours, je perdrai mon poil d’hiver, c’est naturel ! Ce qui ne l’est pas, par contre, c’est les deux tonnelets de sueur que vous déversez chaque nuitée, ma belle ! Je ne pisse pas autant en une semaine !
- C’est vrai que ce n’est pas aussi élégant et distingué que le concert que vous nous offrez jusqu’à l’aube, ponctué de cette si charmante puanteur à assommer un troll !
- Ouais, c’est le brouet aux bolets, ça, reconnut Arzhiel en se frottant la bedaine. Je le digère toujours mal…Allez, je filoche avant que votre coiffure de harpie ne m’inspire une nouvelle nausée. Doux baisers, ma tendre !
- Doux baisers, mon gros ourson, répondit Elenwë avant de se rendormir.

Arzhiel sillonna les couloirs du Karak et gagna une grotte dont la voûte déchirée laissait filtrer les rayons de lune et le hâle des étoiles de cette nuit encore profonde. Une sorcière hideuse et décatie l’attendait au milieu de la caverne, appuyée sur un bâton noueux.

- Salut, Vieille-Peau ! lança le nain en s’approchant. Toujours en vie ? L’âme chevillée au corps, hein ? Comment va mon éclaireur ?
- C’est un bien piètre amant, caqueta la vieillarde. Mais ses massages font des miracles sur mes verrues et mes rhumatismes. Je le garde donc encore un peu.

Arzhiel afficha un rictus écoeuré, sentant le brouet remonter. Le nain fouilla dans ses poches et en sortit une idole en pierre à l’effigie de Gazul qu’il déposa aux pieds de la sorcière. Selon cette dernière, l’heure était idéale et la position des étoiles parfaite pour s’adresser aux dieux. Arzhiel lui tendit une bourse joufflue qu’elle empocha avant d’entamer une série d’incantations.

- Les dieux écoutent, déclara-t-elle après un moment. Que souhaites-tu leur demander, nain ?
- Bon, ben, c’est assez personnel et intime comme problème, dit-il avec désarroi. C’est obligé que tu restes, la vioque ? Nan, c’est bon, je déconnais, reviens. En fait, ça concerne mes boulets…mon état-major, pardon. Ça commence à faire un bout de temps qu’on occupe la place et puis voilà, la baraque est encore debout, on a une bonne alliance et les ronds rentrent corrects. Mais c’est des nullards. Y en a pas un pour racheter l’autre, c’est un échantillon privilège de débiles et d’incompétents. Ils pigent rien, ils font n’importe quoi, j’ai du baptiser chaque geôle à leur nom et si je leur tiens pas la main, ils sont capables de se jeter tout seul d’une falaise ! C’est usant et je commence à fatiguer. Je voudrais connaître le point de vue de Gazul sur l’idée. Je me pends tout de suite ou j’ai une chance de m’en sortir avec ces corniauds un jour ou l’autre ?
- C’est une question délicate, marmonna la sorcière. Il te faut attendre le signe des dieux et l’interpréter pour entrevoir l’avenir !
- Un signe ? C’est ça la prédiction ? Bon, c’est nul, je me casse, rends-moi mon flouze.
- Attends le signe ! Il est imminent.
- Mon pied où je pense aussi ! Donne-moi ma…
- Y a quelqu’un ? appela une voix. Je vous préviens, je suis armé de runes et je suis prêt à m’en servir !

Svorn s’approcha en chemise de nuit et regarda Arzhiel et la sorcière d’un œil intrigué.

- Svorn ? Qu’est-ce que vous glandez là à cette heure ?
- Seigneur ? Je vous ai pris pour de la racaille. C’est à force de cramer les pieds des mendiants et de couper les doigts des voleurs, on manque de prisonniers « complets » pour les sacrifices alors j’écume le Karak la nuit pour choper la vermine en flag’. Il se passe quoi ici ? C’est quoi, ça ? Non pas le zombie tout pourri, la statuette ? Mais c’est une idole de Gazul ! Qu’est-ce que vous fou…Vous parlez aux dieux ?! Alors là, j’y crois pas ! Vous parlez aux dieux en cachette ?! C’est dégueulasse ce que vous faites là, seigneur. C’est moi le haut prêtre ! Y a que moi qui suis habilité à m’adresser aux dieux !
- Mais arrêtez de gueuler, bon sang ! Posez ces runes ! C’est un message perso pour Gazul. Je voulais que ça reste entre lui et moi. Vous n’allez pas me faire tout un foin pour ça !
- Non, c’est bon, lança Svorn, les larmes aux yeux, horriblement vexé. Je ne veux même pas en parler tellement je suis choqué.
- Rhooo, mais écoutez-moi !
- Non, je suis trop énervé là. Je vais aller fouetter des captifs pour me détendre !

Le haut prêtre s’en alla d’un pas emporté en grommelant.

- C’était ça le signe ?! Un bourricot sadique blessé dans son amour-propre de bourreau ?
- Je ne pense pas, fit la vieille. Par contre, je percute mieux l’histoire des boulets.
- Ah non, mais lui, c’est rien ! Vous avez pas vu le reste de la ménagerie ! Ça vaut le coup d’œil. L’éclaireur et le prêtre, c’est juste les échantillons. Bon, alors ce signe ?! Houhou, le signe ! Le signe !!!

Arzhiel n’avait pas fini d’appeler qu’un crissement retentit tandis qu’une dalle pivotait depuis les hauteurs. Trois silhouettes tombèrent depuis le plafond de la grotte aux pieds du seigneur interloqué. Sa surprise se changea en désespoir quand il reconnut Rugfid, Brandir et Hjotra.

- Quoi, c’est vous le signe ?! éructa Arzhiel à ses soldats.
- Le cygne ? demanda Brandir. Non, chef, mais Hjotra a des canards dans son atelier si vous voulez et moi j’ai de la terrine de taupe sur moi. C’est un rapace, mais c’est aussi un oiseau si c’est ça que vous cherchez.
- Mais qu’est-ce que fichez ici, bande de blaireaux ?! Qu’est-ce qu’il a Rugfid ?!

Arzhiel pointa l’explorateur du doigt, ce dernier, complètement ivre, pleura à chaudes larmes dans les bras de la sorcière avant d’entamer une danse du ventre avec elle.

- On vient des cuisines, expliqua Hjotra. Comme y a des pièges plein les couloirs…
- Oui, c’est moi qui les ai installés pour éviter le pillage nocturne.
- Ah, d’accord, on croyait que c’était comme un jeu de piste. On a demandé l’aide de Rugfid pour qu’il trouve un passage secret. On a pris la nourriture et lui, la boisson.
- Je pensais pas qu’un nain pouvait boire deux tonnelets en même temps, commenta Brandir, admiratif en regardant Rugfid qui cherchait à présent à se battre avec la sorcière imperturbable, sautillant autour d’elle en boxant dans le vide.
- Hé bien, on va dire que le jeu est terminé, grogna Arzhiel. Vous avez paumé, direction les geôles. Svorn doit vous y attendre pour poursuivre la partie, ça va vous plaire. Il cherchait justement des compagnons de jeu. Et embarquez-moi l’ivrogne aussi avant que son haleine ne nous enivre tous !

Arzhiel dirigea ses soldats à coups de pieds dans le fondement jusqu’à la sortie de la grotte jusqu’à se faire mal sur les fesses de Rugfid. Celui-ci quitta la caverne en lançant des cris empreints d’émotion à l’attention de la sorcière en lui promettant de rester son ami et en la priant d’être forte dans la vie.

- Alors, soupira Arzhiel, épuisé. Il vient, ce foutu signe ?
- Hum. Les étoiles ont bougé. Le lien est rompu. Si signe il y a eu, nous n’avons pas su le voir ou le comprendre.

Arzhiel, dépité, renvoya la sorcière à son tour et retourna se coucher en pestant.

- Dîtes, ma dinde efflanquée adorée ? interrogea-t-il en retrouvant Elenwë. Trois boulets qui tombent du ciel sur le coin de votre tronche, vous interprétez ça comment comme augure ?
- Que vous avez pas fini de vous la coltiner, votre troupe de comiques, mon tendre goret obèse… Sinon, ça vous dit de copuler, histoire de vous changer les idées ?

Arzhiel se coucha sans répondre autre chose qu’un grognement grave et un long pet désapprobateur.
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