Karak Vanne, signé Arzhiel
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Karak Vanne, signé Arzhiel

Forum de l'oeuvre littéraire d'Arzhiel.
 
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 La Saison 2

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Skalli
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MessageSujet: La Saison 2   La Saison 2 Icon_minitimeVen 30 Nov - 12:58

Episode XXXI - Le duel

Hjotra promenait gaiement son chevreau en laisse dans un couloir du Karak lorsqu’il reçut un gland sur la tête. Perplexe, l’ingénieur fixa le plafond en pierre sans comprendre avant qu’une main ne le tire brusquement en arrière, à l’abri dans une salle isolée.

- Dame Elenwë ? Faîtes gaffe, ça pleut des glands dans le couloir.
- C’est vous le gland, pauvre quiche !
murmura l’elfe en parlant très vite. C’est moi qui vous l’ai lancé dessus pour attirer votre attention.
- Ah ?
fit le nain en fixant le plafond de la salle. Il en pleut ici aussi ? C’est quoi comme saison quand ça flotte des fruits ?
- Chuuuuut ! Parlez moins fort ! Mon époux attend dans la salle à côté. J’ai besoin de votre aide. Il faut absolument que vous me prêtiez main forte !
- Je connais un pied-bot si vous voulez dans les défenseurs mais pas de main fo…
- Oui, alors, bon, déjà faut que vous vous taisiez. Fixez mes lèvres quand je vous parle. J’ai organisé un duel avec mon époux pour régler un différend qui nous oppose. Chacun amène un champion et ils se tapent sur la gueule en notre nom. Celui qui gagne donne raison à celui qu’il représente. Vous suivez ? Ouais, d’accord, je m’y attendais…Pourquoi a-t-il fallu que le premier nabot qui passe dans ce couloir soit la pire flèche du Karak ?! Je suis maudite décidément avec cette race.
- Vous savez que j’arrive à bouger mes oreilles toutes seules ? Et même séparément ?
- Vous allez vous battre pour moi contre Brandir, le champion de mon mari,
soupira la sorcière. J’avais prévu d’invoquer un élémentaire de plante avec une graine enchantée mais l’une de vos stupides bestioles m’a bouffé mon stock. Vous allez boire cette potion que je gardais pour un usage…personnelle. Ça va vous donner l’apparence de quelqu’un d’autre, peut-être même d’une créature singulière. Une fois la fiole vidée, vous nous rejoignez à côté, vous bourrez la tronche à l’autre débile, j’ai maudit sa hache, ça devrait être du gâteau. Vous gagnez, donc je gagne et hop, on en parle plus.
- Pourquoi je ferai un truc pareil ?
interrogea Hjotra en observant la mixture verdâtre tendue par l’enchanteresse.
- D’abord par révérence envers ma noble personne, ensuite parce que sinon je vous pulvérise.
- Et Ségodin ?
Il adorerait se faire avoiner pour vous.
- Je sais, mais il n’était pas dispo. Je l’ai envoyé prélever des moustaches de manticore avant-hier pour une de mes incantations et il ne sortira du coma que dans deux semaines. Maintenant, buvez !
- Le mot magique ?
ronchonna l’ingénieur.
- MAGNEZ ! gronda l’elfe avant de sortir de la salle.
- Ça va être quoi cette fois comme saloperie forestière ? demanda Arzhiel en voyant son épouse revenir. Un feu follet ? Un ent ? Un lièvre mutant ? Ségodin en béquilles ?
- Gardez vos sarcasmes pour cette nuit,
rétorqua Elenwë d’un air dédaigneux. Ils combleront mieux le silence suivant notre fabuleuse minute d’ébats mensuels que vos piteuses excuses habituelles.
- Une minute par mois ?
réfléchit Arzhiel. Mince alors, ça fait presque un quart d’heure par an avec une elfe… ! Bon sang, je deviens pervers ou quoi ?

Sa réflexion fut interrompue par un orc massif et charpenté qui passa timidement la tête par l’entrebâillement de la porte.

- C’est ici pipi ? demanda-t-il de sa voix gutturale.
- Ah, un comique ! commenta Arzhiel. Ça tombe bien, on en manquait dernièrement. Vas-y entre, mon brave. Tu iras pipi après t’être fait pourrir, d’accord ? Hum, sympa la tenue débraillée en loques aux taches douteuses et giclures assorties. Je sens que ça va être encore intense. Filez-lui une arme qu’on en termine. Y en a qui sont à une minute près ici.

Elenwë afficha une grimace en observant son « champion » dans la peau d’un orc, torturée par l’idée que cet idiot de Hjotra risquait de tout flanquer par terre à chaque instant avec ses remarques toujours pertinentes.

- Il encore temps de céder avant que ce duel absurde ne vous humilie, ricana Arzhiel à l’oreille de son épouse.
- Votre guerrier va vous claquer entre les pattes comme vous claquerez entre les miennes ce soir ! répondit l’elfe d’une voix sensuelle qui fit battre en retraire le seigneur de guerre.
- J’ai rien contre toi à part ta race, ta tronche, ton haleine et ta seule vue qui me colle la coulante donc je vais plier ça vite fait, lança Brandir à l’orc. Y a un membre que t’aimes moins qu’un autre ?
- J’ai faim, grogna son adversaire en se grattant le ventre d’un air ahuri. Je mangerais un nain.
- Han ! T’aurais jamais dû dire ça ! Là c’est presto auprès de Guzal, mon p’tit pote !
- Gazul,
corrigea Arzhiel d’un air blasé. Allez les danseuses, faîtes saigner la viande.

Brandir se précipita sur l’orc, fou furieux, mais sa hache décrivit une courbe étrange et alla se planter trois mètres derrière. Le nain déploya des efforts colossaux pour diriger correctement son arme maudite, en vain. Lorsque l’orc fut lassé de voir le berserker s’agiter devant lui, il lui asséna un coup de masse sur le crâne.

- Seigneur ! gémit Brandir. Je suis atteint ! Je suis blessé !!!
- C’est rien, c’est la tête, c’est pas un point vital chez vous ! Retournez-y ! Vous vous êtes entraîné, non ? Vous allez vous le faire !
- C’est vrai, monseigneur. J’ai fait des abdos même ! Tâtez ! J’ai perdu un bourrelet là. Attendez…Ah non il est là, il s’était glissé entre deux autres.
- Tiens, c’est marrant, mon bon,
déclara Elenwë d’un ton détaché. Votre vilaine grosse veine à la tempe est revenue.
- Brandir ! Eclatez- moi ce peau-verte et je vous dis où j’ai planqué votre grimoire sur les cent pieds de naines les plus sexy !


Le champion se figea, hébété par cette fabuleuse perspective puis ses traits se déformèrent en un horrible rictus et sa hache décolla la tête de l’orc dans un sifflement aigu et une gerbe peu ragoûtante. Arzhiel sauta à pieds joints sur son trône pour fêter sa victoire tandis qu’Elenwë, livide, regardait le cadavre étêté du vaincu s’écrouler à terre et trembloter, agité de spasmes. Elle n’eut pas le temps d’ouvrir la bouche pour crier le nom de Hjotra que Svorn, alerté par le vacarme, rentra dans la pièce et fixa le corps à son tour.

- Non, mais c’est pas vrai ! s’écria-t-il en regardant Brandir qui enlevait déjà les bottes du mort pour récupérer ses orteils. Un esclave de première fraîcheur ! Je l’envoie pisser deux secondes et vous me le buter à la sauvage ?! Et je sacrifie qui alors pour la fête du houblon, maintenant ?! Hein ? Hein ?

Furieux, le haut prêtre assomma Brandir d’un violent coup de bâton avant de traîner le cadavre encore tremblotant tout en blâmant vertement l’impolitesse de ceux qui abîmaient les biens d’autrui. Hjotra le croisa et pénétra à son tour dans la salle, sa chèvre près de lui, la fiole magique encore pleine à la main.

- Je crois pas que je vais le faire, dit-il à Elenwë en agitant ses oreilles. Je vous aime pas et en plus, j’ai pas fini la promenade de biquette.
- Qu’est-ce qu’il raconte lui ?
fit Arzhiel. Il picole de bon matin, maintenant ?
- C’est rien,
répondit Elenwë avec un sourire malicieux. Dites, mon tendre, vous avez vu ? Mon champion tressaillait encore pendant que le vôtre était inconscient et inerte. Ça veut dire que j’ai gagné !
- Ah mais oui, mais non !
protesta Arzhiel, pris de panique. Techniquement ça va pas être possible ! Vous pensez pas que je suis pas déjà assez mal vu par les dieux pour aller les chatouiller avec un truc pareil ?! On va discuter, hein ?

L’elfe le fit taire en posant un index sur ses lèvres puis lui prit la main et la posa sur son propre ventre.

- Alors, mon aimé, murmura-t-elle en agrandissant son sourire espiègle. Vous préfèreriez un garçon ou fille ?
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MessageSujet: Re: La Saison 2   La Saison 2 Icon_minitimeVen 30 Nov - 12:58

Episode XXXII - La nouvelle rune

Hjotra fit un large geste d’invitation pour inciter son seigneur à observer son atelier. Ce dernier fixa avec une attention et un désarroi mêlés non dissimulés le coin de la caverne aménagé en enclos à moutons et vaches habilement installé entre les béliers et les catapultes, la montagne de détritus au centre qui servait de toboggan aux rongeurs, une collection de statues à l’effigie de naines fabriquées avec des pièces de rechanges et des munitions, ainsi que le circuit pour courses de chiens et de putois sinuant entre les allées de bric à brac divers.

- Est-ce que le terme « rangement » a la même signification pour vous que celle dans ma langue natale ? interrogea Arzhiel avec curiosité.
- Vous dîtes ça à cause des cages renversées là-bas ? Oh, c’est rien, c’est juste mes mygales et mon couple de scorpions qui sont partis se dégourdir les pattes. Ils font ça tout le temps. Soyez sans crainte pour eux, ils reviennent toujours après leur troisième victime.

Arzhiel n’écoutait pas, occupé à essayer de libérer sa botte collée à une flaque de vomi séché particulièrement tenace dans laquelle s’étaient déjà empêtrés un écureuil visiblement désabusé, une roue de baliste, un pipo, deux fourchettes et un tibia d’orc dédicacé par Brandir.

- Seigneur ! Seigneur ! SEIGNEUR !
- Non, mais allez-y, gueulez plus fort, j’ai pas bien compris le mot du milieu.
- Seigneur !
cria Svorn en arrivant au pas de course, essoufflé, essuyant la sueur perlant à son crâne dégarni avec sa robe maculée du sang de ses derniers sacrifiés.
- Merde, vous souriez ? fit Arzhiel, soudain nerveux. Il se passe quelque chose de grave ?

Le haut prêtre affichait effectivement un large sourire qui fit frissonner les deux autres nains présents. Svorn n’avait souri que deux fois dans sa vie : le jour de son premier bûcher et quand Brandir était tombé dans sa fosse aux mille poisons en tentant de battre son record de vitesse de tour du Karak à cloche-pied.

- J’ai été béni par les dieux ! clama le lanceur de runes en s’adressant au plafond d’un air mystique. J’ai entendu leurs paroles durant ma transe.
- Qu’est-ce qu’il raconte ?
murmura Arzhiel à Hjotra en suivant le regard oblique du prêtre.
- Il cherche peut-être des glands. Il en tombe souvent à cette saison.
- Suivez-moi, seigneur. Je dois vous montrer mon œuvre ! Mon génie !


Arzhiel lui emboîta le pas, abandonnant sa botte prisonnière derrière lui sans regret. Il se doutait que ce qu’il attendait était bien pire encore. Svorn conduisit le seigneur de guerre jusqu’au milieu de la cour où était rassemblé un groupe de nains. Après un long et soporifique discours enflammé sur les voies impénétrables de la divinité et de son don pour parler aux dieux, le haut prêtre tendit fièrement une pierre gravée à l’assemblée ébahie.

- Et beh quoi ? l’interpella Arzhiel tandis que Hjotra scrutait toujours le ciel à ses côtés.
- J’ai inventé une nouvelle rune, seigneur ! s’écria triomphalement le prêtre.
- Ah ? C’est tout ? Bon dieu, vous m’avez filé les chocottes. Je croyais que c’était un truc important. Et elle sert à quoi votre rune ?
- J’en sais rien,
bougonna Svorn, vexé. J’ai pas testé. Vous vous rendez pas compte de la découverte, mécré…messire ! Le pouvoir qu’elle renferme peut dépasser l’entendement et contenir une puissance insoupçonnée jusque là !
- Du genre ?
fit Arzhiel, à peine intéressé.
- Du genre à déchaîner les enfers ou engendrer un torrent furieux de lave ! Briser les cieux ! Déchirer la terre ! Arracher un millier d’âmes !
- Soigner les cors aux pieds ?
proposa Hjotra. Ce serait bien, j’en ai un salement douloureux.
- A la limite je préfèrerais. Votre caillou version apocalypse c’est pas tip top comme invention vous admettrez.
- Vous crachez sur l’œuvre de votre dieu ?!
hurla Svorn comme un dément.
- Vous avez pas mal à la gorge à la fin de la journée à beugler toutes les deux minutes ? En plus, ça sert à dalle, je suis à un mètre cinquante de vous. Allez, ça y est vous tirez la tronche. Bon, comme vous n’allez pas me lâcher pendant une semaine sinon, allez-y, je vous autorise à tester votre rune. Mais vous nettoyez après !
- Je ferai part de votre…soutien à Gazul
, rétorqua Svorn d’un ton de dédain. Maintenant il me faut un cobaye pour tester. Il serait fort préjudiciable au Karak que le représentant de son dieu soit blessé durant une expérience. Filez-moi Brandir ou l’espion !

Arzhiel hésita un instant puis attrapa par le col son cousin Rugfid qui passait dans le coin tandis que Hjotra s’esquivait en douce dans la foule.

- Je dois faire quoi ? interrogea l’explorateur peu rassuré.
- Eviter de mettre du sang sur ma tunique quand vous exploserez, répondit Arzhiel. Je plaisante, faites pas cette tronche, on dirait ma femme quand elle doit me couper les ongles. Allez là-bas et lisez à voix haute cette rune. Et si vous mourez, faites ça dignement. Sans gicler partout quoi.

Peu rassuré, mais poussé au cul par le bâton insistant de Svorn, Rugfid s’éloigna sous le regard de l’assemblée impatiente. Il revint en trottinant presque aussitôt.

- Ce signe, ça se lit Ulf ou Ulhd ?
- Borg…
répondit Svorn avec un regard assassin. Dites, l’école ça vous rappelle vaguement un souvenir ?
- Ouais, c’est là où je cognais les futurs lanceurs de runes trop maigrichons pour devenir guerriers et trop tapettes pour refuser de porter mes stèles de cours.
- Mouarf !
s’exclama Brandir qui mangeait un reste de sauté de champignons parmi les spectateurs. Comment il vous a séché ! Trop la honte le coup de la tapette !

La seconde suivante, Rugfid partait à l’infirmerie pour blessure causée par un violent coup de bâton sur le crâne et Brandir se retrouvait à sa place, la pierre gravée du nouveau symbole entre les mains.

- C’est par là-bas que ça se passe, mon gros, le targua Svorn.
- Et magnez-vous, ajouta Arzhiel. Je commence à avoir froid à mon pied.
- J’ai une chance de récupérer mon âme avec ce truc ?
demanda placidement Brandir.
- J’en doute fort. Mais au moins vous la paumerez pas si ça vous pète à la gueule. Allez, roulez ! Une double ration si vous parvenez à invoquer un dragon.

Le guerrier gagna son poste à l’écart et y resta un moment sans que rien ne se passe. Finalement, il revint tout penaud et rendit la pierre.

- Ben, alors, rien. C’est de la breloque votre caillasse.
- C’est bizarre !
ronchonna Svorn, déçu comme la foule par l’absence de flammes et de mort horrible. Vous êtes certain d’avoir bien prononcé la rune ?
- Ah, c’est ça que vous vouliez que je fasse ! J’avais un doute quand vous avez parlé de lecture, mais là c’est sûr. J’y retourne ?
- Dans votre arbre, oui
, grommela Svorn. Un autre sacrifi…volontaire ! Un pas trop débile si possible quoique le challenge soit de taille pour le moment !

Arzhiel choisit l’espion qui essaya de fuir en embarquant la pierre avec lui dans le fol espoir de la revendre jusqu’à ce qu’un éclair de Svorn ne le fauche dans sa course. Les nains s’enchaînèrent alors dans le rôle du testeur durant plusieurs heures sans parvenir à créer la moindre résultat. Tout le monde y passa, même les conseillers qui s’évanouirent dans les bras les uns des autres sous l’émotion et Elenwë qui n’accepta de participer qu’à la condition de chanter une chanson elfique. Une douzaine de nains gagnèrent l’infirmerie pour tentative de suicide le quart d’heure qui suivit. On essaya même avec Ségodin à peine remis de ses dernières blessures pour parvenir à articuler et que Svorn renvoya dans le coma pour une semaine de plus en le frappant de déception. Au final, le haut prêtre et Arzhiel se décidèrent d’abandonner et repartirent, dépités du temps perdu.

- Mais qu’est-ce que c’est que ce foutoir ?! s’égosilla Arzhiel en pénétrant dans l’atelier de Hjotra pour une seconde inspection surprise.
- C’est là où je vis, seigneur, répondit l’ingénieur. C’est l’atelier. Vous vous souvenez ?
- Non, mais ça, là ! pesta le seigneur de guerre en montrant un tas gigantesque de poissons.
- C’est comme les glands ! répondit Hjotra en haussant les épaules. Y a eu une grosse averse de poissons crevés tout à l’heure, il en tombait un régulièrement. Mais là ça s’est arrêté. Quelle saison ! C’est encore la faute des humains ça. Avec leurs villages tout partout qui polluent, ils nous foutent en l’air le climat !

Hjotra n’eut pas le temps de se retourner pour voir la réaction de son chef que celui-ci s’était précipité dehors à toute hâte en ricanant, déjà hilare à l’idée de voir l’expression de Svorn quand il lui annoncerait la nouvelle.
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MessageSujet: Re: La Saison 2   La Saison 2 Icon_minitimeVen 30 Nov - 12:59

Episode XXXIII - Le Choix des Dieux

Arzhiel, réveillé par les éclats de voix et le ton qui montait, se dirigea d’un pas lent en direction du groupe de nains agglutinés au bord du campement. Svorn houspillait Hjotra et Brandir tandis que Ségodin s’évertuait à établir un vain dialogue sous les regards curieux et amusés de nombre de soldats.

- Laissez-moi les interroger à coups de rune de feu, la mémoire va leur revenir ! s’exclamait Svorn, hors de lui. Et si je leur grille la cervelle par accident, ils ne sentiront même pas la différence !
- Svorn, par le ciel, ressaisissez-vous !
protesta Ségodin en le retenant par les épaules. Lâchez ce bâton ! Lâchez-le ! Aie, bon dieu, c’étaient mes dents, ça, bougre de taré !
- J’en connais,
déclara doucement Arzhiel, ce sont les chants des oiseaux ou le bruissement du vent dans les arbres qui les réveillent quand ils partent en campagne…Mais vous pouvez pas la fermer et arrêtez de vous gueuler dessus cinq minutes, non ?! Vous croyez que j’ai laissé mon épouse au Karak pour quoi ?
- Vous ne comprenez pas
, vociféra Svorn. C’est encore la faute de ces deux dégénérés ! Ils sont partis en éclaireur et ne sont même pas capable d’estimer le nombre et la position des ennemis ! Ils sont partis deux jours !
- Mais on vous a ramené des marrons !
lança gaiement Hjotra en tendant un panier plein qui souleva une vague de murmures enjoués auprès de la foule.
- Lâchez-moi, sang impur d’humain ! Lâchez-moi que leur colle le mien de marron !
- Vous avez trouvés les ennemis au moins ?
demanda Arzhiel à Brandir qui acquiesça vivement. Combien ils étaient ?
- Aucune idée, on n’a pas pensé à compter. On s’est planqués dans les buissons, c’est là qu’on est tombés sur un nid de bolets et ensuite sur les marrons. Du coup, on n’a plus pensé aux méchants.
- Vous pouvez les estimer au moins ?
insista le seigneur de guerre tandis que Svorn, retenu par Ségodin, donnait des coups de pieds rageurs vers les deux éclaireurs gourmets. Donnez-nous une fourchette.

Hjotra et Brandir échangèrent un regard perplexe et tendirent chacun à leur chef une fourchette en bois qu’ils conservaient dans leur sacoche.

- Vous nous les rendrez ? demanda Hjotra. On déjeune dans pas longtemps.
- Vous avez demandé une fourchette, aussi
, tenta de les justifier Ségodin lorsque Arzhiel tourna vers lui son regard désabusé.
- Rangez ça avant que je vous les fiche dans le pif. On veut connaître le compte. Donnez-nous le compte !
- Moi je connais Blanc-Flocon et les sept nains
, affirma Brandir.
- Et moi, Peau d’Orc et le conte de la princesse drow Sang-Dryön, ajouta Hjotra. On peut vous les racontez devant la soupe si vous voulez.
- Et je parie qu’ils peuvent continuer comme ça durant des heures,
commenta Arzhiel en se grattant la barbe, partagé entre désarroi et admiration.
- C’est votre faute tout ça ! ronchonna Svorn, boudant dans les bras de Ségodin comme une poupée très laide serrée sur sa poitrine. Vous persistez à garder ces deux débiles dans votre état-major et en plus, vous leur confiez des missions ! Pas étonnant que les dieux nous en mettent plein la tronche ! On les fait passer pour des mickeys !
- Parce que vous croyez que ça m’éclate peut-être ? Je vous rappelle que ce sont vos potos les dieux qui me les ont refourgués Joyeux et Simplet ! J’ai pas le choix, je dois faire avec. D’ailleurs, vous le sauriez si vous bougiez un peu vos miches de vos cachots de torture et de l’arrière-salle très « privée » de la taverne !
- Seigneur, je peux le lâcher, là ?
demanda Ségodin avec peine. Il fait son poids l’animal et en plus il gesticule tout le temps. Et je vous raconte pas l’odeur à cette distance…
- Va renifler les chausses de l’elfe, mécréant blond !
rétorqua Svorn en lui envoyant son talon dans l’entrejambe. J’exige une épreuve pour éprouver la foi et la valeur si bien dissimulée de ces deux corniauds ! Un test devant les dieux pour voir s’ils sont dignes de leur rang ou si on peut les expédier récurer les écuries et graisser les rouages des catapultes, quoique je ne sois même pas certain qu’ils soient qualifiés pour ça !

Le prêtre tendit un index tremblotant vers Hjotra et Brandir qui n’écoutaient pas un mot, trop occupés à jouer à se bombarder de marrons en ricanant bêtement.

- Vous êtes trop intolérant, répondit Arzhiel, agacé. Ils ne sont pas complètement inutiles ! En même temps, c’est un truc que je dis pas tous les jours mais bon…Ils ont réussi à dénicher l’ennemi, même s’ils n’ont pas pu estimer leur nombre, c’est déjà bien, non ?
- En plus, ce ne sera bientôt plus une information importante,
couina Ségodin d’une voix brisée en fixant les arbres au loin. Apparemment, ils ont suivi Hjotra et Brandir et ils débarquent, pas contents. Regardez, il en sort partout et vont droit ici !
- Vous voyez !
râla Brandir à Hjotra pendant que l’alerte était donnée dans la plus grande confusion. Je vous avais bien dit de ne pas jouer avec la nourriture. Voilà ! Les dieux nous punissent !
- La vache ! Un dieu, c’est drôlement suscep…siscep…spesu…
- Susceptible…
lui souffla Ségodin.
- Hé, restez poli ! s’offusqua l’ingénieur. Gros pervers ! Allez faire vos propositions aux écureuils !

Ségodin n’eut pas le temps de se justifier que l’ennemi envahissait le campement. Les nains allaient être submergés et décimés lorsque la tente aux provisions fut incendiée, ce qui déclencha chez eux une fabuleuse furie leur permettant de reprendre le dessus pour finalement terrasser leurs adversaires. Le dernier assaillant s’effondrait à peine dans un râle d’agonie que Svorn traçait déjà le cercle rituel de l’épreuve promise dans la terre maculée de sang.

- Dites, l’interrompit Arzhiel encore essoufflé, ça urge vraiment à la minute votre machin ? Et les prières pour les morts là ? C’est pas votre boulot normalement ?
- Je m’en tamponne le coquillard
, répondit le haut prêtre en écrivant de longues séries de runes sur le cercle. Je veux gicler ces deux nazes avant le déjeuner !
- Puisque je vous répète que le carreau dans votre fesse, c’était un accident ! Brandir se servait d’une arbalète pour la première fois !


Svorn se contenta d’un grommellement hostile et alla chercher sa réserve de runes gravées sur pierre en boitillant méchamment, la main sur sa fesse ensanglantée. Peu après, la plupart des guerriers indemnes intéressés par l’offre de devenir chef dans l’état-major, ainsi que Hjotra et Brandir, se retrouvaient au milieu du cercle d’invocation aux limites bardées de runes entassées par pelletées.

- Vous n’y êtes pas allés de main morte, fit Arzhiel devant les tas impressionnants. C’est vraiment nécessaire tout ça ?
- Indispensable pour évaluer un digne général ! J’ai forcé la dose, mais si vos deux ânes bâtés sont les favoris des dieux, ça va vite se voir !
- Et sinon ?!
- Bah sinon, je referai une séance de prières pour les morts, c’est tout.


Svorn entama son incantation et les runes s’illuminant formèrent une intense lumière aveuglante. Un hurlement bestial retentit et un monstre effroyable, colossal et cauchemardesque apparut auprès des volontaires.

- C’est quoi ça ?! s’écria Arzhiel, aux abois. On dirait Elenwë pas jouasse !
- Euh…c’est un démon du sixième cercle des enfers
, répondit Svorn, un peu gêné. J’y ai mis toute ma réserve de runes aussi ! Fallait pas s’attendre à une invocation de hérissons furax !
- Mais c’est normal que tous mes guerriers se fassent dézinguer ?!
protesta le seigneur nain en voyant ses soldats se faire massacrer par la créature gigantesque.
- Ça doit venir du fait qu’elle peut lire dans les pensées, je dirais, répondit timidement Svorn en toussant. Du coup, elle connaît à l’avance ce que son adversaire mijote. Ça aide un peu.
- Vous voulez dire en plus de ses trois cent kilos, de ses quatre bras griffus et des flammes qu’elle crache par les naseaux ?! Merde, avec la fumée des barbes cramées, je vois plus Brandir et Hjotra !
- Y en a un à terre là, sous le paquet de jambes et de têtes arrachées. Hjotra, euh, ah, il fait face au démon ! On va voir si les dieux veillent sur lui !


L’ingénieur fixait en effet la bête immonde droit dans les yeux, attendant son sort. Mais curieusement, le démon ne bougea pas, visiblement dérangé par ce qu’il lisait dans l’esprit confus du nain. Son expression meurtrière fut bientôt remplacée par un trouble grandissant virant à la détresse jusqu’à ce que Brandir achève ses souffrances en lui plantant sa hache dans le poitrail. Au milieu du cercle encore crépitant de magie ne restaient debout que les deux comparses, l’un s’acharnant sur le cadavre du monstre, furieux d’avoir survécu, et l’autre s’étant endormi debout.

- Pas possible…balbutia Svorn, hébété devant cette scèneL’épreuve…les dieux…
- Les dieux ont parlé,
le consola Arzhiel avec une tape amicale sur l’épaule. Et il va falloir vous y faire, ils sont un féroce sens de l’humour !
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MessageSujet: Re: La Saison 2   La Saison 2 Icon_minitimeVen 30 Nov - 12:59

Episode XXXIV – Silent Ville

Arzhiel s’arrêta en bordure du sentier escarpé et tapota du bout de sa hache la paroi d’un rocher gravé de runes usées indiquant l’entrée de la cité fantôme de Bazhal-al Tûrn. L’importante troupe de nains se déploya dans le silence pesant de ce lieu montagneux retiré et désert. Plus loin, les contours d’une ville détruite et abandonnée se découpaient à travers l’épaisse brume qui nimbait l’horizon. Les bâtiments éventrés et les ruelles parsemées de débris et de couches de cendres gelées étaient livrés à la neige glacée des hauteurs. Il n’y avait pas un signe de vie alentour, pas un bruit, pas même une couleur. Tout était gris, sale, désolé, mort. Les nains eurent l’impression de pénétrer dans des catacombes.

- Charmant patelin, commenta Arzhiel en se grattant les aisselles. On se croirait dans la cervelle de Brandir.
- Vous croyez qu’ils ont une taverne ?
interrogea ce dernier. Ah, mais non, je suis bête. Ça doit être fermé à cette heure-ci !
- Bazhal-al Tûrn,
annonça Svorn en désignant les premières ruines. Une ancienne colonie complètement détruite par Frostrol l’Archimage. C’est maudit tout partout, ça pèle et c’est vraiment un trou paumé. Mais qu’est-ce qu’on fout là ?!
- On est là, rigolo,
répondit Arzhiel du tac au tac, parce que depuis votre dernière visite où Hjotra a ramené la poupée dans laquelle est enfermée l’âme de Frostrol, y a pas moyen de passer une nuit peinard au Karak. Cet abruti est possédé et vas-y que ça gueule comme un dément pendant ses cauchemars. Et je vous raconte pas la trouille quand je l’ai trouvé à poil au pied de mon lit à me mater avec des yeux tout rouges, deux heures avant l’aube. Donc on rend la poupée et on se casse illico ! Bon, Hjotra, vous l’avez trouvée où cette saloperie de poupée ?
- Euh, m’en rappelle plus trop,
bafouilla l’ingénieur en surveillant les trois nains armés de masses dans son dos et chargés de l’assommer au moindre signe suspect de possession. Près des ruines, je crois. Ou dans une rue déserte. En tout cas, c’est certain que c’est dans un endroit où y avait rien.
- Paye ton sens de l’observation !
clama Arzhiel. On n’a pas le choix, c’est parti pour la visite ! Mais si je me fais buter par une bestiole bien crade, je vous jure que je me relève rien que pour vous taper.

Le groupe des vaillants nains s’engagea dans l’enceinte de la cité rasée, balayant d’un même regard plein d’appréhension chaque recoin des fortifications abattues ou des murs calcinés, sursautant d’un même réflexe au cri lointain d’un corbeau. La brume dense s’épaissit encore davantage à mesure qu’ils avançaient, se refermant sur eux comme un étau. Seul l’écho de leurs pas venait rompre le silence suffocant qui les cernait.

- On aurait du emmener l’elfe, ronchonna Svorn.
- Oui, c’est brillant, fit Arzhiel. J’aurais adoré entendre ses critiques assassines à chaque mètre parcouru sur le bien-fondé de l’expédition, le froid, le brouillard, l’ambiance, le danger ou la forme inesthétique de ce rocher-là !
- Non, mais on aurait eu quelque chose de sympa à sacrifier. Au cas où.
- Au cas où quoi ? Même un monstre bien vicieux se suiciderait d’angoisse à vivre ici !
- Ben, au cas où ça…
répondit le haut prêtre en montrant les formes éthérées s’arrachant de la brume pour glisser vers eux.

Les nains resserrèrent les rangs en brandissant leurs armes tandis que des dizaines de fantômes décharnés surgissaient des pans de brouillard pour traverser apathiquement leurs rangs. Peu réagissaient à la présence des intrus, la plupart se contentant d’errer sans but.

- Ça y est, déclara Brandir d’un ton étrangement détaché. Va falloir que j’utilise ma culotte de rechange.
- C’est bon,
tenta de les rassurer Arzhiel, c’est juste des spectres ! C’est rien que des mort-vivants venus pour nous hanter et sûrement bien aigris d’avoir été massacrés cruellement et maudits pour l’éternité. On risque rien donc.
- N’empêche qu’ils nous regardent bizarrement,
dit Rugfid en vidant sa troisième gourde de bière. Quoi ?! Vous avez jamais vu de personnes vivantes ou bien ?
- Moi, je les trouve mignons,
fit Hjotra en ricanant, jouant avec des fantômes de petites tailles couinants dès qu’il essayait de les attraper.
- Ce sont les fantômes d’enfants, lui murmura Svorn à l’oreille.

Le cri de terreur intense de Hjotra déclancha une sorte d’hystérie collective dans le groupe. Des nains tentèrent de frapper les mort-vivants, d’autres poussaient des plaintes pathétiques et d’autres encore avaient déballés leur casse-croûte pour se redonner du courage.

- Arrêtez de faire vos elfes, bon dieu ! râla Arzhiel. Si Gazul nous voit avoir la pétoche, il va nous refiler la chaude-pisse…encore. On est des Faucheurs d’Âmes, on va pas jouer aux pucelles devant trois fantômes tout miteux. Arrêtez d’avoir peur, j’ai dit !
- Monseigneur, je crois qu’un nombre important de zombies nous encercle et nous surpasse par le nombre,
l’informa l’espion d’une voix tremblante. Si messire n’y voit aucune objection, je souhaiterais lui faire part de mon intense désir de chialer, voire de m’évanouir.
- Bon, d’accord,
murmura Arzhiel en apercevant la masse grouillante de zombies. Là, vous pouvez avoir peur.

Les mort-vivants arrachés de la terre gelée dans laquelle ils croupissaient depuis des décennies fondirent sur les nains avec une avidité n’ayant d’égale que leur rage envers ces intrus. Le combat débuta avec violence, mais rien ne semblait enrayer la progression morbide des gardiens de ce lieu maudit. Alentour, les fantômes joignirent leurs lamentations à celles des nains les plus effrayés.

- C’est sans fin ! pesta Svorn en foudroyant une rangée d’adversaires. Je n’ai jamais vu de monstre avec une telle ardeur à revenir à l’assaut malgré ce que je leur mets dans la tronche !
- Moi, si !
répondit Arzhiel. Je suis même marié avec !
- Seigneur !
hurla Brandir. C’est foutu ! La plupart n’ont plus d’orteil, c’est la dèche !
- Quelles immondes créatures !
lança Rugfid. Ils deviennent grognons si on leur donne du pâté en croûte.
- Mais pourquoi vous leur filez de la bouffe ?!
- C’est parce qu’ils n’ont pas voulu votre bourse
, cousin. Je cherche des solutions !
- Bonne nouvelle !
s’exclama l’espion, caché sous un cadavre. Ils ont aussi des démons inférieurs avec eux !
- Taille et tranche ! hurla Brandir en pleine frénésie meurtrière. Taille et tranche ! Taille et…merde, c’est quoi la suite déjà ?
- Hjotra, faîtes quelque chose avec cette foutue poupée !
s’écria Arzhiel.
- Quoi donc ? Changer ses vêtements ?
- Moi j’ai appris la ventriloquie dans le temps
, proposa l’espion, feignant d’être mort. Vous voulez que j’essaye ?
- Rendez-la leur, bon sang !
fit Arzhiel en marchant sur la tête de l’espion. Vous voyez bien que c’est à cause de ça qu’ils veulent nous pourrir !
- Ah, vous pensez ? Je la donne à qui alors ?
- Je ne sais pas. Essayez peut-être le démon qui ressemble à une petite fille là-bas et qui commande à tout le peloton !!!
- Non, ça va pas être possible, seigneur. C’est une enfant. Vous voulez pas y aller vous ?
- Ecoutez, je vais y réfléchir dès que les quatre mort-vivants qui me mâchent les miches font un break, d’accord ? Bougez-vous ou je vous recycle en engrais pour champignons !


Plus effrayé par l’aboiement vociféré par son chef que par la menace d’alimenter la moisissure qui nourrissait ses frères, Hjotra trottina entre les rangs des fantômes geignards et des zombies putréfiés qui s’écartaient de sa route pour rejoindre la fillette cornue à l’écart. L’enfant le fusilla du regard, les lèvres pincées et la mine boudeuse. Hjotra fut saisi de son habituelle peur panique devant les enfants, mais se ressaisit en recevant la botte lancée par Arzhiel sur le sommet du crâne.

- Tiens, elle s’appelle Frostrol, balbutia le nain en tendant la poupée au démon.

Cette dernière la saisit et son air bougon s’évanouit. L’instant suivant, mort-vivants et démons disparaissaient dans la brume, laissant les nains survivants moribonds enfin souffler.

- Quelle boucherie ! fit Svorn en contemplant les pertes. On a pris cher, les gars.
- Tu m’étonnes, ma mignonne,
répondit Arzhiel, ensanglanté.
- Hé, vous avez vu ?! lança joyeusement Hjotra. Elle m’a fait la bise, je crois qu’on va être amis ! Dites, on pourra revenir pour que je la revoie ?
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MessageSujet: Re: La Saison 2   La Saison 2 Icon_minitimeVen 30 Nov - 12:59

Episode XXXV – Promesse due

Arzhiel rentra d’un pas emporté dans la salle du trône et claqua la porte deux fois, jugeant que son premier essai n’avait pas été suffisamment bruyant. Les trois conseillers lui jetèrent un regard interloqué tandis qu’il reprenait sa place en bougonnant dan sa barbe drue.

- Monseigneur me semble d’une humeur massacrante, avança le premier ministre.
- Hum hum, réfléchit le second. C’est étrange. Brandir et Hjotra ne peuvent en être à l’origine, ils sont en geôle depuis qu’ils ont encore incendiés la salle d’armes avec leur barbecue improvisé et ça remonte à quinze jours.
- Ségodin est dans le coma, Svorn parti donner une conférence d’exorcisme « Si ça ne peut brûler, butez-le » à la cour du baron de la vallée
, énuméra le dernier. Et Rugfid est à l’infirmerie. Les médecins analysent son cas. Il était tellement imbibé d’alcool que ses coupures se désinfectaient automatiquement hier au soir. Ils cherchent à créer une potion de soins avec son sang.
- Si ce ne sont ses boul…ses lieutenants
, reprit le premier conseiller. A cause de qui tire-t-il la tronche ?
- Par déduction, il ne reste plus que…
- Je la déteste, je la hais, je l’honnis,
ronchonna Arzhiel dans son coin.
- Messire rencontrerait-il quelque contrariété avec sa chère moitié ?
- Si c’était ma moitié, ça ferait longtemps que je me serai tranché en deux à la hachette ! Non, mais vous ne pouvez pas imaginer ce qu’elle me fait subir. Même les bêtes fauves assoiffées de sang se lassent de se repaître de leurs proies désossées, mais ça fait cinquante ans qu’elle me court sur le haricot ! Vous connaissez sa dernière lubie ?! Elle veut…Gazul ait pitié de moi pour ces mots…elle veut que je lui fasse un enfant !


Le ton larmoyant, la voix déchirée et l’expression empreinte de la plus intense détresse arrachèrent une grimace de compassion affectée aux trois ministres.

- Non, mais c’est pas possible, c’est un cauchemar, poursuivit Arzhiel en triturant sa barbe nerveusement. Déjà la conception, rien que l’idée, je suis constipé. Ensuite, si ça marche, je vous raconte pas le retour de bâton des dieux ! Mon karma va en prendre un sacré coup, je suis bon pour me réincarner en blatte ou pire, en elfe. Et puis le pauvre gamin, ça va pas être une vie. S’il a mon pif et ses oreilles en flèche, mon bide et sa chevelure plus épaisse que du lierre, mon caractère et…
- …et son caractère,
achevèrent les ministres, désespérés.
- Sûr qu’il va se faire taper à l’école et que les dieux vont lui pourrir la destinée. J’suis mal, j’suis dans la panade. J’ai tenté de lui offrir un clébard pour faire diversion, ça a foiré. Bon il était un peu galeux et n’avait que trois pattes, mais c’était l’intention ! Rhaaa, galère ! Et la conception ! Bon dieu, faut que j’arrête d’y penser. Ecartez-vous, j’ai la nausée !

Un éclair illumina la pénombre de la pièce, changeant les conseillers en belettes tandis que Elenwë faisait irruption, l’œil pétillant.

- Contemplez la pureté de ma magie aujourd’hui, mon tendre, clama-t-elle avec fougue. C’est signe que je suis en période idéale de floraison. J’ai la patate ! Il vous reste plus qu’à ensemencer et bien arroser tout ça et la nature fera éclore la plus belle fleur de cette montagne !
- Je ne suis pas trop d’humeur à jardiner
, répondit Arzhiel d’un ton boudeur.
- Pas de faux-fuyant. Vous avez promis, mon bon. Je ne vous demande même pas de vous appliquer ou d’y prendre plaisir…
- Manquerait plus que ça !
-...mais ne me forcez pas à prendre les choses en main moi-même ! Je dispose d’outils bien plus persuasifs que la cisaille ou le sécateur pour vous faire entendre raison.


La sorcière elfe imita un ciseau avec ses doigts en fixant d’un œil sadique son époux terrifié.

- Vous n’y couperez pas ! A la besogne !
- Bon, alors, c’est pas que je veux pas, hein. Moi, ça me botterait vachement, planter la graine et bêcher et tout ça…Oups, pardon, j’ai eu un renvoi un peu violent. Frottez au sang de licorne, la tâche partira. Mais enfin, voilà. Vous êtes elfe et moi nain. Si, si, regardez vos miches toutes plates que je touche pas les mains levées. Les dieux ne laisseront pas passer un truc pareil. Un métis ! Plutôt être foudroyé que vous faire un enfant ! Les dieux ne sont pas d’accord et je suis très pieux !


Un éclair s’abattit brusquement sur le trône d’Arzhiel, réduisant le siège royal en poussières et jetant le nain apeuré aux pieds de son épouse triomphante.

- Je crois que c’est un signe de consentement de vos dieux, mon cher ami. Vous voulez aller consulter l’oracle ou qu’on demande l’autorisation à vos parents aussi ?
- Arrêtez !
couina Arzhiel, traîné par sa femme et qui se défendait en la frappant avec l’une des belettes saisie au passage. A l’aide ! Au viol ! N’éprouvez-vous donc aucune pitié ?!
- Si je n’appréciais pas tant vos petites insultes excitantes durant nos ébats, je vous jetterai bien un sort de Silence.
- Lâchez-moi ! Je me rends ! Ok ! Je vous autorise à faire « ça » avec Ségodin si vous y tenez tant, espèce de dépravée blonde !
- Vous pensez bien que j’y ai déjà songé. Un vulgaire humain, tsss. Et aussi pathétique en plus. Enfin, je lui ai proposé mais la stupeur fut si grande pour lui qu’il n’a pas vu choir la tonne de roche que vos ouvriers balançaient au-dessus. Pas de bol pour lui de passer à ce moment précis sous le chantier des nouvelles cavernes ! On dira que c’est un signe.
- Mais il vit encore ! Hier, les médecins l’ont vu baver dans son coma et bouger un orteil ! Si vous faîtes pas d’effort aussi !
- Vous savez que dans ma jeunesse, un seigneur de haut rang a proposé à mon père la moitié de son domaine sylvestre pour simplement danser avec moi ?
- Ne vous vengez pas sur moi si votre peuple est dégénéré et aveugle ! J’y suis pour rien !
- AU BOULOT !
rugit Elenwë en jetant son époux au travers de leur chambre, une fois arrivés. Et mettez-y un peu de conviction cette fois ! Ce qui veut dire ne pas s’endormir avant ou pendant, ne pas casser la croûte durant et ne pas supplier. Vous pouvez mordre cependant, ce n’est pas forcément désagréable.
- Vous êtes le démon,
pleurnicha le nain recroquevillé sur lui-même.
- Cessez donc de geindre, on dirait un nain, fit l’enchanteresse en mirant son reflet dans un miroir. Suis-je si repoussante ? Regardez cette taille fine. Sincèrement, vous me donnez cent ans ?
- Je vous ai déjà donné cinquante ans, voyez le résultat ! Des larmes, des menaces et du sexe !


Elenwë ôta sa robe et s’avança nue d’une démarche sexy en jouant avec sa longue chevelure magnifique. Elle s’assit sur le lit et caressa tendrement la joue de son époux livide comme un mort, prostré en position fœtale et chantonnant une comptine de son enfance pour ne pas s’évanouir.

- Ne sentez-vous pas votre cœur s’emballer quand je suis près de vous ? lui susurra-t-elle.
- C’est-à-dire que là, je sens plutôt que je l’ai au bord des lèvres. C’est sans espoir, n’est-ce pas ? Faites ce que vous voulez, mais ne me forcez pas à regarder.
- Bonjour l’ambiance romantique
, soupira la sorcière. Il faut vraiment que je balaye cette distance entre nous, cette appréhension du corps d’une race étrangère, cette angoisse futile…
- En nain, on appelle ça du dégoût
, murmura Arzhiel, cramponné fébrilement aux draps.
- Cela me gêne quelque peu pour le principe, mais je vais devoir user de ma magie de métamorphose pour jouir, comme la vieille légende urbaine du même nom, d’un minimum de participation de votre part.
- Vous allez vous changer en naine ? !
bondit Arzhiel.
- Si la perspective de voir mon corps mesurer la moitié de ma taille et le triple de son poids ne m’était pas si désagréable, c’est ce que je ferai. Disons que je vais adapter la méthode.

Arzhiel fronça les sourcils tandis que la sorcière entamait ses enchantements. Il ne saisit pas la nature du changement au début, voyant le superbe corps de son épouse identique, jusqu’à ce qu’il aperçoive pour la première fois depuis trente ans la pointe de ses pieds, loin, très loin. Le nain tâtonna sa taille effilée, son buste svelte et athlétique puis son visage fin, imberbe. Il ne hurla vraiment que lorsque ses doigts se refermèrent sur ses oreilles pointues d’elfe tandis que ceux de sa femme l’empoignaient avec avidité.

- Ah ? fit Brandir, enfermé dans sa geôle deux étages plus bas, reconnaissant le timbre caractéristique de son seigneur. On est déjà le dernier jour du mois ?
- Saleté d’elfe, commenta Hjotra dans la cellule à côté, occupé à jouer avec une belette apparemment égarée.
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MessageSujet: Re: La Saison 2   La Saison 2 Icon_minitimeVen 30 Nov - 13:00

Episode XXXVI – La Montagne Gelée

Attiré par la fumée s’échappant de l’entrée, Arzhiel repéra la grotte escarpée et y pénétra en boitant. Brandir, Rugfid et Ségodin se trouvaient à l’intérieur, réunis autour d’un feu douillet et discutaient tout en faisant griller des saucisses. Ils n’accordèrent que quelques secondes de surprise à leur seigneur avant de retourner à leur grillade. Arzhiel, couvert de morsures et de griffures, la barbe souillée, maculé de sang et de neige boueuse, traîna son corps meurtri un peu plus près, une autre chaleur que celle du feu montant en lui.

- Vous me voyez ravi de constater que ma diversion avec cette meute de loups vous a épargné quelque tracas, marmonna-t-il en serrant les dents. Naïvement, à me retrouver seul face à cette horde, j’avais imaginé le motif de votre absence à mes côtés comme grave, voire mortel.
- Non, non,
répondit Rugfid, la bouche pleine de saucisses et de champignons. On va bien.
- Mais, bande de charlots, vous n’avez pas l’impression que votre rôle en tant qu’escorte est de protéger votre chef ?!
- On le sait bien,
fit Brandir en haussant les épaules, agacé. On pensait justement partir à votre secours dès que la dernière tournée de bidoche était pliée. Vous voulez du cidre ?
- Si je n’avais pas perdu autant de sang, c’est la vôtre de bidoche que je plierai, ahuri ! Eh, ho ! J’ai pas dit non pour le cidre, envoyez ! Ségodin, au rapport et j’espère pour vous que les nouvelles sont…Hé, y a des lardons aussi ?! Terrible !
- Il semblerait que nous ayons trouvé l’entrée du réseau de galeries servant de tanière au « monstre » qui terrorise les villageois,
l’informa le chevalier en buvant une tasse de thé, le petit doigt en l’air. Il ne nous reste plus qu’à le traquer, rendre justice et rapporter sa tête aux bonnes gens.
- Ceux-là aussi !
protesta Arzhiel en luttant à la fourchette avec Brandir pour la dernière saucisse. Faut vraiment être humain pour nous tirer de l’hibernation à cause d’un feu follet ou d’un troll caractériel ! Pourquoi c’est à nous de nous farcir le boulot de garde-chasse déjà ?
- Hormis le serment de protection que vous avez passé avec eux, vous voulez dire ? Ben, parce que c’est notre devoir de protéger l’innocent et le faible de la vilenie de…
- Ce sont nos principaux fournisseurs de marmelade aux myrtilles et de sauce aux airelles,
le coupa Brandir la larme à l’œil devant sa saucisse perdue.
- Vrai ?! s’exclama Rugfid en bondissant sur ses pieds. Alors, en route ! Pour la justice et les airelles !
- Non, mais attendez !
gémit Arzhiel. Je commence à peine ! J’ai la dalle moi !
- Fallait pas traîner dehors à jouer aussi,
rétorqua sèchement Brandir en ramassant son paquetage.

Le groupe de héros quitta le réconfort du bivouac improvisé pour s’enfoncer dans les tunnels sombres et glacés à la recherche du mystérieux monstre. Ils marchèrent longtemps dans les ténèbres opaques qui les engloutissaient, les menant toujours plus profondément vers le cœur même de la montagne. Mais ni l’oppressante sensation d’abandon, la cuisante fatigue ou l’incurable appréhension ne vinrent entamer leur inflexible détermination à traquer le monstre mettant en péril leur précieux approvisionnement de confiture.


- Brandir ? murmura Arzhiel après des heures de marche silencieuses. Vous avez retiré vos pompes ? Ça sent le rat malade étouffé dans son vomi et mort depuis une semaine.
- Non, seigneur. La puanteur vient du mur de glace poilu devant.
- Le quoi de quoi ? Allez, c’est bon. J’ai pigé. C’est moi qui porte le cidre maintenant !
- Je ne vous souhaite point la bienvenue dans mon antre,
fit une voix rocailleuse et inconnue. Voulez-vous cessez de vous frotter contre mes jambes, nabot ?

Les nains levèrent leurs lanternes et firent face à un géant des glaces assis à l’intersection de plusieurs tunnels. Du givre recouvrait sa peau pâle et sa longue chevelure argentée. Ses yeux d’un bleu délavé étaient posés sur les quatre aventuriers tandis que ses énormes mains jouaient avec une massue de glace de la taille d’un arbre.

- Ça va être tendu d’obtenir ses orteils, commenta Brandir.
- Ça va le faire, lança Arzhiel pour se rassurer. Il est seul, on est quatre et…Par la barbe de ma grand-mère, Rugfid revenez ! On est quatre, j’ai dit !
- Salutations, brave géant !
lança Ségodin d’un ton diplomate. Pardonnez cette intrusion et ce tripotage intempestif de vos jambes par mon camarade visiblement aussi myope que débile, mais nous sommes à la recherche du monstre sévissant sur les terres des gens de la vallée et se cachant en cette montagne. Détiendriez-vous des informations à son sujet ?
- Non, mais c’est moi qui suis myope et débile, hein,
marmonna Brandir.
- Pauvre cloche ! grogna Arzhiel. Faut-il être aussi demeuré pour ne pas comprendre que le monstre c’est l…
- C’est lui,
répondit aimablement le géant en montrant une épaisse fourrure passée à sa taille. Un loup-garou particulièrement belliqueux que je n’ai su résonner lorsqu’il a fui dans ma montagne. Un ami à vous ?
- Ah ? Hein, euh ouais ! C’était un pote. Mais là ça va, on est rassurés, il va bien donc on repart. Navré du dérangement et pour…les besoins dont on a sillonné les tunnels. C’était les saucisses.
- Et puis c’est pas comme si l’odeur le gênait,
ajouta Rugfid en se pinçant le nez.
- Ahem, merci pour tout ! Prenez pas froid ! Sympa d’avoir brisé la glace. Gardons le contact pour ne pas geler nos rapports. On se taille, j’ai plus de jeux de mots et sa massue me regarde méchamment.
- Attendez !
tonna la voix puissante du géant tandis que le groupe s’esquivait. Vous me voyez bien embarrassé, mais en tant que gardien de cette montagne, je me dois de jauger les intrus. N’ayez crainte, ce n’est qu’une énigme. Si vous répondez juste, vous pourrez repartir. Sinon…Dites, vos barbes, ça vous tient bien chaud ?
- Une énigme, messire !
s’exclama Ségodin. Laissez-moi m’illustrer auprès de vous ! Mon érudition et ma sagesse vont enfin pouvoir servir !
- Bon, ben, allez-y envoyez. Une épreuve d’intelligence à mes boulets. Les dieux me haïssent
.

Le géant de glace adopta une pose affectée, s’éclaircit la gorge et bomba le torse, puis parla d’un ton lyrique de conséquence.

- Je suis le fil de…
- La montagne !
s’écria vivement Brandir devant ses compagnons et le géant hébétés.
- Comment, la montagne, crâne de piaf ?! implosa Arzhiel. Mais il a pas aligné trois mots ! Comment vous pouvez savoir que c’est la montagne ?!
- L’intuition !
lâcha le guerrier avec émotion. Sûr que c’est la montagne. Il a parlé de fil. Le fil, c’est la corde, la corde c’est la chaîne, la chaîne montagneuse, voilà. Ahhhhhhh !
- Monseigneur ! Monseigneur, lâchez-le, vous allez abîmer sa barbe si vous l’étranglez et il semblerait que notre ami des glaces en ait bientôt l’usage. Et puis, sait-on jamais. Peut-être était-ce la bonne réponse.
- C’était ça ?
questionna le seigneur de guerre en desserrant une seconde son étreinte sur le cou de son champion.
- Bah non, répondit le géant tout penaud. C’était la destinée. Il m’a pourri ma chute !
- Du coup,
dit Rugfid en regardant Brandir étouffer, on va tous caner ?
- Ben ouais ! Deux mois que je la bûchais mon énigme ! C’est vexant ! En plus, vous avez faux donc il faut que je vous tue. La tradition, quoi.
- Commencez par moi !
supplia Arzhiel en laissant Brandir ramper au loin. Ou par cette espèce de débris spatial !

Le géant se leva lentement et arma son coup lorsqu’une silhouette se détacha dans son dos. Le vieil explorateur, anciennement captif et amant de la sorcière des marais, fit son apparition en saluant l’assemblée.

- C’est bon, mon grand, laisse, c’est des amis à moi. Vous êtes venus me chercher, c’est ça ?
- Qu’est-ce que vous foutez là, vous ?!
lâcha Arzhiel, ébahi. Et le géant, c’est votre copain ?
- Oui, je me suis planqué ici quand j’ai rompu avec Zézette, la sorcière. On a fait connaissance et il m’a épargné et caché. En échange, je lui lime sa couche du givre du matin. Il a du mal à démarrer le matin sinon.
- Vous avez quitté la vieille ?!
- Oui, on s’engueulait tout le temps. La magie du début s’était évanouie et même au lit, il n’y avait plus l’étincelle. Elle était trop possessive et j’avoue avoir regardé ses amies au cercle des sorcières. Danser la valse du diable une fois avec une autre et je vous raconte pas…
- Non, mais on s’en fout. Enfin, je veux pas dire que ça nous intéresse pas ou qu’on n’a pas envie de gerber en sachant les détails de votre couple, même si quand même, mais là, on vit ou on y passe ?
- Allez,
soupira le géant, vous m’êtes sympathiques. Je vous laisse tous repartir saufs. Filez !
- Filez,
répéta Brandir en se relevant. Ça a un rapport avec l’énigme de la montagne ?
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MessageSujet: Re: La Saison 2   La Saison 2 Icon_minitimeVen 30 Nov - 13:00

Episode XXXVII – L’Enfer c’est les autres

- Non, mais allez-y, je suis toujours ravi d’être interrompu en plein milieu du grand conseil d’état-major par une discussion théologique. Hein ? Non, ça c’est rien, c’est juste de affaires en cours, guerre, gestion des ressources, pactes d’alliances, que de la paperasse vitale et urgente, mais ça attendra. Je suis franchement transporté à l’idée d’aborder une question futile sur la religion durant les réunions de travail !

Une ombre de contrariété passa sur le visage grognon de Svorn, éclairé en cet instant d’un air solennel et hautain. Le haut prêtre, debout devant ses pairs lieutenants et son seigneur qui venait de parler, se racla la gorge et reprit son explication.

- Je disais donc que les humains de la vallée m’ont présenté une toute nouvelle théorie à propos de l’enfer.
- Ça n’a aucun rapport avec le minerai, c’est bien ça ?
chuchota Hjotra à l’oreille de Brandir.
- L’enfer, pas le fer, espèce de larve inculte, grommela Svorn pendant que Arzhiel étouffait un bâillement. Hé ! Mais dites-le si ce que je raconte vous fait chier !
- Ça me fait chier,
admit le seigneur de guerre avec sincérité. Mais je vous vois venir. Je lis en vous comme dans un parchemin déroulé ! Vous allez encore nous bricoler un truc comme quoi si on se rend pas au temple trois fois par jour en y laissant la moitié de notre pognon, on va se manger des calamités, des catastrophes, des maléfices et des elfes.
- Sérieux, des elfes ?!
s’exclama Rugfid, affolé. Saloperie ! J’ai dilapidé toute ma solde à la taverne avec les gueuses.
- De suite la méfiance et les accusations !
rouspéta Svorn, vexé. Puisque je me pèle à vous dire que c’est un concept humain ! Ça vient pas de moi, c’est des potes à l’autre blonde là !
- J’suis pas blond, je suis châtain clair,
répondit Ségodin en caressant sa chevelure brillante d’un air précieux.
- Tout de suite, ça fait carrément plus viril, c’est vrai, lança Brandir. Respect.
- Dîtes, Svorn ?
interrogea Hjotra pendant que Ségodin échangeait une passe de gestes injurieux et obscènes avec Brandir. Est-il vrai qu’on va plus vite en enfer à cheval ? « Fer à cheval » ! Haha ! Vous avez compris ?
- Est-ce qu’on peut se recentrer sur le sujet, je vous prie ?
soupira le prêtre.
- Quoi, l’enfer ? commenta Arzhiel en jouant avec ses rapports d’éclaireur et ses comptes urgents. Je sais pas pour vous, mais moi, je nage en plein dedans…
- Donc les humains pensent qu’on risque la damnation…


Svorn s’interrompit en croisant les yeux écarquillés comme des soucoupes de Rugfid, Hjotra et Brandir.

- On risque d’aller en enfer après sa mort, se corrigea-t-il un peu plus crispé, si on pêche…si on commet des actes inspirés de sept pêchés capitaux…de sept traits de caractère très blâmables. Laissez-moi deviner, vous pigez rien au vocabulaire, c’est ça ?
- Pourquoi poser la question si vous connaissez la réponse,
fit Arzhiel d’un air absent en construisant un château avec ses parchemins. C’est quoi la finalité ? Je veux dire, à part tous nous endormir ?
- J’ai la liste des sept pêchés capitaux des humains. On va faire le tour pour voir si nous, braves nains élus des dieux et tout et tout, on risque de servir de casse-dalle aux démons à notre mort. Alors, j’ai tout d’abord la luxure.
- Me regardez pas,
souffla Brandir, je saurai même pas l’écrire…
- C’est Ségodin qu’il regarde, crétin,
dit Arzhiel. Allez, la blonde, en enfer. Oh, faîtes pas l’effarouché, vous avez le trou de serrure de la porte de ma chambre tatoué sur l’œil droit. Même Elenwë, aussi tordue que vous là-dessus, a sa dose de vous savoir sur le palier pendant nos pirouettes. Moi, je m’en fiche. Ça me donne un prétexte valable pour pas la toucher.
- L’orgueil,
lut Svorn.
- Aucun risque, déclara Rugfid. Pas facile de faire le paon en mesurant un mètre trente !

Les nains acquiescèrent d’un semblable mouvement de tête piteux.

- Euh, ensuite la paresse.
- La paresse ?
répéta Arzhiel. Pioncer en hibernation une saison sur trois, ça compte ?
- On va dire que non,
trancha Svorn. C’est des critères humains, ça doit pas nous concerner sur ce point. Si toutes les bestioles qui hibernent se retrouvent en enfer, ça doit être pire que la piaule de Hjotra le zoo là-dessous. Après, j’ai la gourmandise.
- Ah !
ricana Arzhiel en regardant Brandir. On a un gagnant ! Brandir, vous nous raconterez comment ça se passe en bas ! Ça m’étonnerait qu’ils aient des soufflets aux cèpes, mon gars !
- M’en fous,
ronchonna le guerrier que tout le monde raillait, j’ai plus d’âme…et je suis pas blond.
- Qu’est-ce que ma superbe chevelure vient faire là-dedans ?
tiqua Ségodin. Je serai large, pas autant que votre tour de taille tout de même, mais je pardonne à votre jalousie. Je serai aussi aigri si j’avais votre tignasse en fourrure de rat sur le crâne à la place de ma magnifique crinière !
- L’orgueil !
s’écrièrent les nains en chœur en désignant le chevalier.
- L’orgueil, c’est pas un instrument de musique ? demanda discrètement Hjotra.
- La colère, poursuivit Svorn.
- Cette fois c’est vous, mon vieux. Et double tarif pour Brandir avec ses furies sanguinaires. Au final, ça vous fera de la compagnie un visage familier pendant que vous rôtirez à la broche au pique-nique des démons.
- La colère, un pêché ?
grimaça le prêtre. C’est n’importe quoi. Je ne vois pas le mal à passer ses nerfs sur une vieillarde esclave parce qu’elle a mal retouché votre robe de cérémonie à cause de son arthrite ! Ils sont vraiment bizarres ces humains.
- Y a pas la mauvaise foi dans la liste ?
lança Ségodin.
- Ou la débilité mentale ? ajouta Arzhiel en observant Rugfid et Hjotra faire un duel de pouce.
- Tiens, celui-là, je le cerne pas, fit Svorn en se grattant la joue. L’envie. C’est bidon comme pêché. Vous avez envie de quoi, vous ?
- De faire pipi,
répondit Hjotra.
- De manger des gencives de worg, dit Brandir.
- D’essayer la position de la brouette drow avec Dame Elenwë, avoua Ségodin sans détour.
- De me torcher à la bière jusqu’à en oublier mon nom, songea Rugfid.
- D’une rupture d’anévrisme qui mettrait fin à cette réunion…marmonna Arzhiel, la tête enfouie sous un tas de papiers confidentiels.
- Mouais, réfléchit Svorn, je ne vois rien de bien méchant dans tout ça. Je le barre aussi celui-ci, il n’est pas raisonnable. Et le dernier…l’avarice !

Les nains échangèrent un regard perplexe qui n’échappa pas à Ségodin. Ce dernier tira de sa bourse un écu d’or qu’il lança au milieu de la table. La pièce n’avait pas fini de tourner sur elle-même que cinq nains se battaient violemment pour l’avoir. Le chevalier croisa les bras sur sa poitrine et savoura le spectacle d’un air comblé.
Peu après, Elenwë pénétra dans la salle du conseil, intriguée par le raffut de tous les diables. Constatant qu’il ne s’agissait que d’une banale bataille avec armes improvisées et piétinements des vaincus, elle alla rejoindre Ségodin qui jetait du mobilier dans la mêlée à intervalles réguliers pour encourager l’ardeur de ses compagnons.


- Oh, regardez, ma dame ! D’ici, en se penchant un peu, on peut voir l’os du crâne de votre époux étalé là-bas !
- Zut ! fit l’elfe déçue. Ça veut dire qu’il ne sera pas en forme pour notre nuit de « jardinage ».
- Qu’à cela ne tienne !
lança gaiement Ségodin. Je suis disponible et motivé pour le remplacer. En plus j’adore le jardinage avec les elfes blondes. Dites, vous connaissez la brouette drow ?
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MessageSujet: Re: La Saison 2   La Saison 2 Icon_minitimeVen 30 Nov - 13:01

Episode XXXVIII – La Flamme

Ségodin se racla la gorge plusieurs fois mais le bruit de la cascade sous laquelle Arzhiel se lavait en sifflotant couvrit ceux du chevalier. Ce dernier, impatient, finit par s’avancer jusqu’à entrer dans le champ de vision de son seigneur. Le nain sursauta, lâcha son savon taillé en forme de chopine, glissa dessus et tomba dans le lac souterrain à côté. Ségodin s’empressa de le sortir de l’eau, non sans lui arracher quelques bouts de barbe en le tirant.

- Ça ne vous suffit pas de venir me mater pendant que je me lave, il faut encore que vous me balanciez à la baille ?! hurla Arzhiel en se débattant. C’est quoi votre problème, grand taré ? C’est personnel, hein ?!
- Que monseigneur me pardonne, mais je ne pouvais contenir davantage mon excitation ! Non, posez ce rocher, ce n’est pas ce que vous croyez ! Je suis à bout, messire ! Je ne parviens plus à brider mon ardent désir pour Dame Elenwë ! Je dois atteindre son cœur !
- C’est bien ce que je dis, vous êtes vraiment à la ramasse, mon pauvre. Et d’un, je me secoue de vos états d’âme comme de mon premier poil. Et de deux, vous pensez vraiment que venir pleurer auprès de son mari est le meilleur moyen de séduire Elenwë ?
- Ouais, mais non,
couina Ségodin. Les autres se fichent de moi quand j’aborde la question et ils me jètent des cailloux. Hjotra m’a même menacé avec son putois hier. Ce ne sont que des rustres insensibles, mais vous, je vous sais familier avec les choses de l’amour.
- Vous saviez, si j’avais le choix, je préfèrerai une malédiction. Le résultat est souvent le même : la chaude-pisse…
- Non, mais sérieusement. Comment séduit-on chez les nains ?
- Avec nos tronches ?! On paye, on enivre, on ment. Pourquoi, y a d’autres moyens chez les humains ?
- Il me semble, oui,
répondit le chevalier en s’efforçant de conserver un sourire ne trahissant pas trop sa stupeur. Vous, personnellement, comment vous y prenez-vous ?
- J’ai une phrase magique infaillible. Ecoutez bien : « bonjour, je suis le seigneur du Karak. Ma chambre est là. T’es partie et magne-toi avant que ça refroidisse. »


Arzhiel souligna son affirmation d’un fier hochement de tête et regarda avec délectation Ségodin tourner les talons en ronchonnant, les poings dans les poches. Marchant d’un pas vif à travers les tunnels, le jeune chevalier tomba dans les bras d’Elenwë au détour d’un couloir.

- Ma dame, mes honneurs, dit-il en s’inclinant comme s’il était cassé en deux.
- Tiens, vous venez du lac aux ablutions ? D’habitude, ce sont les servantes encore bien roulées et de moins de soixante ans qui en sortent quand mon époux s’y rend…
- Euh…Je venais quérir auprès de lui un conseil…militaire.
- Il y est encore ? Baste, ça veut dire qu’il ne pourra pas admirer avec moi mon nouveau parterre de fleurs. Les morceaux de cadavres d’orcs ont tellement bien fertilisé le sol !
- Puis-je me proposer de vous y escorter ?
fit Ségodin, bondissant sur l’occasion.
- Vous comptez me sauter dessus dès que nous serons seuls et isolés ? questionna-t-elle subitement.
- Loin de moi l’idée même de…
- Pffff,
souffla l’elfe, visiblement déçue. Si en plus vous rotez à en faire faner mes pâquerettes et que vous ramenez un tonnelet de bière de gnome, je ne serais pas dépaysée de mon époux ! Allons-y.

Ségodin, frétillant de bonheur, accompagna la sorcière hautaine à travers les profondeurs de la montagne, fébrile à l’idée de lui déclarer son amour brûlant. Il l’arrêta donc près de stalagmites luisant de minerais brillants et se lança.

- Dame Elenwë ! Je dois vous confier un terrible secret !
- Vraiment ?!
s’exclama vivement l’elfe, l’œil pétillant. Et bien, moi, j’ai appris que le tenancier de la taverne léchait tous les matins une pierre gravée par Svorn, persuadé que ça stopperait sa calvitie ! Et la femme du maître-baliste, celui qui pousse un cri de canard à la fin de ses phrases, elle joue aux dès avec les gardes de la tour sud. Il parait qu’elle a perdu toute sa dot et qu’elle a donné deux de ses gamins en gage. Remarquez, elle a pu se débarrasser de son aîné, le petit roux qui ressemble à un gobelin et qui mange ses crottes de nez quand…On parlait de quoi déjà ?
- Euh…de secret, je crois,
murmura le chevalier, troublé.
- Gardez-le pour vous alors ! Je déteste les commérages, jeune homme !

Elenwë reprit sa route et Ségodin dut courir pour la rattraper. Parvenu aux pieds d’escaliers majestueux gravés dans la roche et décorés de piliers et de fresques immenses, il tenta un nouvel essai.

- Ma dame, je dois vous dire quelque chose ! C’est important ! C’est à propos de…
- Hé, Séraphin !
beugla Rugfid en l’apercevant au loin. Hé ho !
- Mon nom est Ségodin, bougre de courtes-pattes !
grogna le chevalier quand l’explorateur les eut rejoint, traînant par le bras Brandir apparemment soul comme cochon.
- Regardez ça ! fit le nain tout heureux en montrant Brandir qui ne tenait même plus debout. Je me suis découvert un don génial ! Demandez-lui ce qu’il a fait hier soir. Allez-y !

Ségodin s’exécuta, comprenant que l’explorateur ne le lâcherait pas autrement.

- Hier, bafouilla Brandir en titubant, empestant l’alcool. Je me suis pelotonné la gueule avec les filles de foi qui faisaient le tapis à la banque du plouc et on a tissé devant la taverne de Svorn. C’tait ‘achement fendard !
- Déjà qu’on ne percute pas grand-chose à ce qu’il raconte quand il est sobre,
commenta Elenwë, là c’est du haut de gamme.
- Exactement !
ricana Rugfid. Mon don, c’est que j’arrive à le comprendre ! Je comprends le nain bourré ! Il a dit : je me suis pochtronné la gueule avec les filles de joie qui font le tapin à la planque du bouc (c’est une nouvelle taverne, je vous montrerai) et on a pissé devant la caverne de Svorn. C’était très divertissant ». C’est énorme ! Il faut absolument que je montre ça au cousin Arzhiel ! C’est un truc à finir dans l’état-major, ça !
- Vous y êtes déjà dans l’état-major, bourrique
, dit Ségodin, blasé.

Mais le nain ne l’écoutait plus, courant au loin sans se rendre compte que Brandir vomissait ses tripes sur son sillage, tiré en avant par le poignet. Ségodin tenta de reprendre sa prime conversation mais il céda, désespéré, en écoutant Elenwë, fascinée par le don de Rugfid qu’elle trouvait indispensable pour vivre dans une communauté de nains. Le chevalier reprit son chemin et essaya une dernière fois d’ouvrir le cœur de son aimée avant d’arriver à destination.


- Douce Elenwë ! Je dois absolument savoir si vous nourrissez pour moi quelque sentiment !
- Qu’est-ce qu’il vous prend ? Vous tremblotez comme devant l’ennemi. Vous êtes bizarre aujourd’hui. Vous n’avez même pas essayé de mater mon décolleté comme d’habitude, c’est inquiétant. C’est la nourriture naine qui vous fait ça ? Moi aussi au début, j’ai eu du mal, les flatulences, l’odeur, les champignons marinant au petit déjeuner, les…
- Répondez à ma question, ma dame ! C’est vital pour moi !
- C’était quoi déjà ? Le truc avec les sentiments ? Bien sûr que j’ai des sentiments pour vous.
- Vraiment ?! C’est formidable !
- Vous les voulez dans l’ordre ? Alors, le mépris, la pitié, la répugnance…Mais vous pleurez aussi ? Vous avez des remontées gastriques, c’est ça ? J’ai une décoction d’herbes sur moi. On se connaît bien, je vous ferai un prix d’ami à cent pièces d’or, d’accord ?
- Mais je vous aime moi !
s’exclama Ségodin avec passion.
- Ah, c’est ça ! Mais il fallait le dire plus tôt, mon brave ! Moi aussi, je vous aime ! Vous m’êtes si distrayant quand vous tombez de cheval à la charge, quand les nains déversent toute une fourmilière dans votre couche et que vous courez partout parce que vous êtes allergique, quand ivre, vous dansez sur les tables nu ou quand vous acceptez d’affronter un monstre qui vous expédie pour deux mois à l’infirmerie, juste pour que l’anecdote me tire de mon ennui.

Vous m’êtes précieux, mon bon. Toujours d’accord pour partir en mission des jours entiers dans des domaines maudits ou périlleux chercher un ingrédient alchimique pour moi alors que je découvre le lendemain de votre départ que j’en ai une caisse en réserve. Le litre de sang que je vous ponctionne toutes les deux nuits dans votre sommeil m’est indispensable pour le philtre d’amour que je prépare pour Arzhiel. Et votre inflexible besoin de vous infiltrer dans mes quartiers, juste parce que vous savez que c’est sur les intrus que je réussis le mieux mes sorts de métamorphose animale ou de feu. Mon fidèle Ségodin, pour tout cela, je vous adore !
Tiens, vous aviez emmené une corde avec vous ? Oh, vous faîtes fort bien les nœuds coulants. Et comme c’est original de la porter autour du cou. Mais ? Où allez-vous ? Ségodin ? Il est parti…J’espère qu’il n’est pas déçu, ça pourrait altérer la qualité de son sang pour cette nuit !
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MessageSujet: Re: La Saison 2   La Saison 2 Icon_minitimeVen 30 Nov - 21:08

Episode XXXIX – L’Oracle

Un valet octogénaire, mais qui paraissait plus jeune, d’au moins dix minutes selon Ségodin, mena le trio de visiteurs jusqu’à leur chambre avant de repartir en caquetant des politesses obséquieuses. Arzhiel et Brandir inspectèrent la pièce humaine d’un œil critique, soupirant de détresse devant la piètre qualité de la pierre et la grossièreté de la taille. Quand ils eurent terminé de mesurer chaque dalle sous l’œil perplexe de Ségodin, ils posèrent enfin leurs paquetages.

- Le voyage m’a vidé ! lâcha Arzhiel en se vautrant sur sa couche. Je me demande si les humains ont inventé la bière ? Je leur taperai bien…Hé ! Où vous allez comme ça ?!
- Au tripot,
répondit Brandir d'un ton désinvolte. J’en ai repéré un au bas de la rue.
- Moi je vais au bordel
, fit Ségodin.
- Mais certainement pas ! On n’est pas venus faire la tournée des bouges ! On est une délégation diplomatique ! Brandir, vous êtes mon garde du corps, vous êtes censés me suivre comme mon…Oooooh, mais ne changez pas de futal pendant que je vous parle, vous voulez qu’on finisse aveugle ?!
- Dites,
demanda Ségodin. Pourquoi je devais venir déjà ?
- Parce que j’apprécie votre compagnie. Non, je déconne. C’est juste que ça en jette d’avoir son humain domestique en voyage.


Le bruit de coups à la porte étouffa les râlements vexés de Ségodin. Un humain en robe de cérémonie, chauve, décrépi, mais au regard vif et perçant, salua le trio en entrant.

- Je vous souhaite la bienvenue chez moi, messires. C’est un honneur. Je serai votre hôte durant votre séjour. Puis-je connaître le motif de votre venue ?
- Ben, vous nous avez invité pour le truc là…le grand conseil, la réunion des seigneurs de la région à propos du machin avec la Fin du Monde et tout et tout.
- L’apparition de l’Oracle,
chuchota Ségodin, écarlate de gêne.
- Mais la cession s’est achevée la semaine dernière, affirma le vieil homme surpris. Qu’est-ce qui vous a mis en retard comme cela ?
- Qui sait ?
lança Ségodin en sifflotant. Peut-être le rythme de marche à cinq kilomètres maxi par jour, en pente et le vent dans le dos.
- C’est sûr que les nains ne sont pas faits pour la course
, intervint Brandir en haussant les épaules. Ça se voit direct au physique comme on voit que les humains ne sont pas faits pour la guerre.
- Ou le sexe,
ajouta Arzhiel en fixant Ségodin du coin de l’œil.
- Hum, je comprends, reprit l’hôte. Ce n’est pas si grave. Je peux vous entretenir personnellement de l’Oracle, même si le conseil est dispersé. Dès demain si vous le voulez.
- Maintenant qu’on est là, allons-y gaiement
, acquiesça Arzhiel. Va pour demain. Et oubliez pas les bières, surtout. J’ai déjà eu des entretiens avec Ségodin et parfois (souvent) c’est chiant. Donc en prévision.

Le nain referma la porte sur le visage surpris de son hôte. Le temps qu’il se retourne, Brandir et Ségodin s’étaient échappés par la fenêtre.
Le lendemain, le vieillard installa ses invités dans une riche et vaste pièce où il les fit asseoir dans de vaporeux poufs et une chaise, Brandir ayant écharpé son pouf à la hache en manquant se noyer dedans. Patiemment, l’hôte expliqua la venue de l’Oracle, être divin venu déclarer une guerre générale en vue de massacrer les seigneurs indignes de leur rang, vils, lâches et comploteurs. Les batailles à venir sèmeraient la mort et la destruction afin qu’un monde meilleur puisse renaître et s’épanouir, abreuvé du sang des vaincus pour nourrir les descendants des braves vainqueurs
.

- Quelque détail semble vous chiffonner, seigneur Arzhiel ? demanda-t-il une fois son discours achevé. Vous paraissez troublé.
- C’est votre déjeuner, c’était vraiment infâme. C’était quoi ? Du cygne au miel ? C’est sûr que vous allez rester tout osseux si vous bouffez que des piafs ! A part ça, votre histoire me travaille. Je ne me souviens pas que Gazul nous ait parlé d’une apocalypse à venir…
- Vous pouvez parler à votre dieu ?!
- Il répond pas souvent,
répondit Brandir. Arzhiel dit qu’il a honte de nous, mais je ne suis pas aussi pessimiste. Je crois qu’il s’en fout simplement.
- En tout cas, il avait prévenu pour l’épidémie de variole, le tremblement de terre et le jour où Elenwë voulait un marmot. Les pires catastrophes quoi. Il est certain de son coup votre pote Horace ?
- Oracle,
rectifia Ségodin en toussotant.
- Attendez ! sursauta le vieillard. Il est d’essence divine quand même. Il fait de la lumière, il parle sans faire de faute, même pas les accents et il sait tout de nous !
- C’est drôle quand même…Enfin bref. Et cette guerre, ça se passe comment ?
- Les incroyants crèvent. On massacre leur famille, leurs amis, leurs villes et leurs chiens.
- Les chiens aussi ?
fit Brandir, étonné. On a bien fait de pas emmener Hjotra. Il aurait pleuré.
- Et si on n’écoute pas ses « divines » paroles ?
- On crève. Notre famille, nos amis, nos villes, tout y passe. L’Oracle crame tout.
- Bien, bien…Admettons, une alliance pacifique ou neutre refuse le combat mais ne s’oppose pas à votre oracle.
- C’est chaud pour elle
, répondit franchement le vieillard, un peu excité. On la crève avec sa famille, ses amis…
- Oui, c’est bon, j’ai saisi le concept.
- …Les fidèles seront récompensés à chaque fois qu’ils buttero…qu’ils terrasseront un vil ennemi maléfique ! Et y a un bonus si on les torture en place publique en plus !
- C’est quoi comme récompense ?
interrogea Arzhiel, curieux mais méfiant.
- Il gagne le droit de vivre un jour de plus. Allez raser un bourg de cent méprisables incroyants demain, vous gagnerez cinquante jours de vie. C’est intéressant non ? Là, on fait une offre exceptionnelle pour les premiers jours de lancement de la grande guerre, on vous donne un jour supplémentaire pour chaque tête de femme ou d’enfant ramenée ! Honnêtement, ça vaut le coup !

Le vieil homme trépignait sur son fauteuil, la bave aux commissures des lèvres et un rictus dément qui se voulait sourire amical. L’exultation rendait son crâne si brillant de sueur que Brandir pouvait voir son reflet dedans et se faisait des grimaces dans son coin.

- Vous nous rejoignez, grand seigneur ? proposa fébrilement l’homme. Ça tombe bien, j’avais justement préparé les papiers d’adhésion et de fidélité sur trois siècles pour votre clan, que je sais impérieusement puissant, la semaine dernière.
- Mais l’encre n’est pas encore sèche…
remarqua Ségodin.
- Tamponnez là, là et là. Je vous donnerai une carte vous octroyant une réduction sur les piloris et les vierges de fer achetés dans cette ville.
- J’hésite quand même un peu pour rien vous cacher
, marmonna Arzhiel en reculant discrètement son pouf. Juste une question. Mettons que je sois une divinité qui ai bûché des millénaires pour concevoir la vie, la voir s’épanouir, la guider, l’aimer et qu’au bout du compte, elle me tape sur les nerfs, un peu comme mon épouse pour illustrer l’exemple. Je décide de l’annihiler pour faire un monde plus beau et tout le bastringue. Pourquoi j’aurais besoin de demander à mes peuples de s’entretuer ? Pourquoi pas faire le boulot soi-même, ce serait plus propre, plus net, plus marrant et certainement mieux fait ? Je sais qui doit survivre ou mourir, je suis un dieu !
- Je ne comprends pas votre question,
fit le vieillard en tiquant nerveusement.
- Le berger qui doit se débarrasser des moutons galeux de son troupeau ne demande pas aux sains de leur coller des bourre-pifs. Il s’en charge lui-même ou les livre aux loups.
- Où voulez-vous en venir ?
- Juste une pensée anodine. Si j’étais mal intentionné et puissant, mais pas autant qu’un dieu qui peut tout raser d’un claquement de doigt, je trouverai astucieux de monter les seigneurs les uns contre les autres pour ensuite achever les survivants affaiblis.
- Ça signifie que vous ne comptez pas rejoindre nos rangs, n’est-ce pas ?!
tonna le vieil homme, visiblement furieux. Le doute n’est pas permis. Seule la totale coopération est tolérable. Si vous n’êtes pas avec nous, vous êtes contre nous !
- Il bosse pour la paix et la liberté votre bonhomme lumineux, c’est bien ça ?
fit Arzhiel en se levant avec un sourire amusé.
- Vous brûlerez dans les flammes de l’enfer que deviendra ce monde, impies, blasphémateurs, infidèles ! hurla le vieillard en les chassant à coups de coussins.
- Svorn, sortez de ce corps ! cria Ségodin en riant comme un fou.

Les nains quittèrent la pièce et regagnèrent vite leurs quartiers avant que la plaisanterie ne tourne court
.

- Sérieux, monseigneur, demanda Brandir. Vous pensez vraiment que son attrape-couillons va marcher avec certains ?
- La réponse est dans la question,
répondit Arzhiel en fourrant quelques décorations dans un sac, juste pour ramener des souvenirs.
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MessageSujet: Re: La Saison 2   La Saison 2 Icon_minitimeVen 30 Nov - 21:08

Episode XXXX – La Pierre Enchantée

Le groupe des lieutenants du Karak pénétra dans la salle du banquet où Arzhiel, seul à table, achevait de s’empiffrer de plats de champignons empuantissant l’air. Il ne reposa son auge qu’après quelques minutes, se redressa pour libérer un rot assourdissant et daigna enfin se tourner vers ses champions, les jaugeant d’un air impassible.

- Alors, cette bataille ? Vous vous êtes bien dégourdis les pattes ?
- Nous avons vaillamment affronté l’ennemi drow et arraché une victoire historique, monseigneur !
clama Ségodin.
- Sans doute parce que la cité était déserte et que leurs troupes avaient foutu le camp depuis une semaine, c’est-à-dire le temps qu’il vous a fallu pour réduire la distance de vingt bornes qui nous sépare d’eux.
- Le chemin était en pente
, expliqua Svorn. Et on a du faire demi-tour en cours de route en s’apercevant qu’on avait oublié nos armes.
- Oui, oui, je connais les détails, l’espion que je vous avais collé aux miches m’a tout raconté
, soupira Arzhiel. Passons les âneries et les boulettes usuelles, juste une question. Pourquoi les armes de siège sont revenues deux jours avant le reste des troupes ?
- Moi je sais !
s’exclama Hjotra en levant bien haut le doigt pour répondre, trépignant d’excitation à l’idée de livrer la bonne réponse. C’est parce qu’elles n’ont pas participé à l’assaut.
- Et pourquoi donc ?
interrogea Arzhiel avec un sourire enjoué, le poing tremblant.
- La faute aux drows. Ils avaient quelques magos dans leur taudis. Ils nous ont envoyé un terrible sortilège, j’ai du ordonner aux béliers de partir.
- Un sort ? Lequel ? Calamité des Ténèbres ? Nuage de Mort ? Incendie Supérieur ?
- Vol de moineaux,
déclara Svorn.
- Une horde impitoyable de piafs atteints de diarrhée ! lança Hjotra avec terreur. Impossible d’avancer sans qu’ils me pourrissent les engins. Je leur ai fais faire demi-tour. Ça me coûte bonbon à l’Oliphant Bleu après le nettoyage !
- Je…je ne peux rien répondre à ça
, murmura Arzhiel, désabusé.
- Ah, vous voyez ! lança Hjotra aux autres. Je vous l’avais dit qu’il comprendrait. Tout de suite « ouais, tu vas te faire salader et gniagniagnia ». Mauvaises langues !
- Non, je ne vais pas vous engueuler,
rit Arzhiel. Par contre, vous irez voir le bourreau, je crois qu’il a un nouveau fouet à tester, d’accord ? Sinon, pour le butin ?
- Regardez ça !
lança fièrement Ségodin. On en a braqué deux cent comme ça !
- C’est quoi ? Des tabliers de cuisine ? Des laids napperons ?
- Euh, des cuirasses, seigneur. Ils avaient du les commander à des orques et…Ce sont des armures…
- Attendez, attendez, laissez-moi percuter. Nous fabriquons des cottes de mithril plus résistante que l’acier et vous me ramenez des vestes de cuir miteuses ? C’est de la provocation ? Allez, zou, au bourreau vous aussi. Je m’en vais vous le faire tanner le vôtre de cuir ! Vous avez ramené autre chose ?
- Un artefact magique, monseigneur,
s’empressa d’intervenir Svorn. Je l’ai moi-même choisi parmi les trésors pour vous l’offrir. C’était écrit en drow « pierre enchantée ». Le truc, c’est qu’on sait pas encore à quoi ça sert et comment la faire fonctionner. Mais monseigneur saura apprécier ma loyauté et ma sagesse au milieu de cette débilité ambiante.
- Un caillou magique inutilisable ? Vous avez raison. Si je devais punir tous les débiles du Karak, on ne s’en sortirait pas. Bon, barrez-vous que je digère. Tiens, au fait. Où sont Rugfid, Brandir et l’éclaireur ?
- Les drows les ont capturés,
répondit Hjotra en se curant le nez. L’éclaireur s’est vautré en fuyant à cause de sa jambe de bois, entraînant Brandir. Rugfid, je crois qu’il était fin plein. Il n’a pas suivi le mouvement. Les gardes les ont expédiés aux mines de charbon.

La pierre enchantée s’envola des mains d’Arzhiel et assomma rudement l’ingénieur.

- Je pense avoir trouvé une utilité pour le caillou, fit le seigneur de guerre tandis que Hjotra titubait, la langue tirée, le front en sang. Tant pis pour la sieste. On retourne chez les drows chercher les trois autres patates !
- Une telle solidarité est si poignante !
s’enflamma Ségodin. Nous volons à leur secours.
- Exactement. Je ne laisserai personne d’autre châtier mes boulets avant moi !


L’armée naine se remit en marche après une rapide préparation et une installation improvisée de parapluies sur les engins de guerre. Arzhiel prit la tête de l’expédition de secours et opta pour un assaut furtif en apercevant les légions drows de retour dans leur cité ravagée. Avec quelques soldats, le seigneur nain s’engagea dans des tunnels à l’écart menant aux mines des elfes noirs.

- J’ai fait un rêve bizarre, déclara Hjotra en marchant aux côtés de son chef.
- Moins fort, ils vous nous entendre. C’était plus bizarre que celui où vous étiez une statuette en plâtre dans un jardin humain à pousser une brouette ?
- Oui. Cette fois, je pouvais nous voir tous, tout le Karak, comme les pièces d’un jeu d’échec. Y avait une divinité un peu glauque qui nous dirigeait et décidait de nos batailles, de nos alliances. Il m’expliquait qu’on ne vivait pas vraiment, juste dans une grande illusion d’univers dont on n’avait pas conscience, juste pour que d’autres dieux aussi étranges que lui puissent s’amuser. Et il portait le même nom que vous, sauf qu’en vérité, ce n’était pas son vrai nom non plus. J’ai pas tout pigé…
- Moi je pige surtout qu’il va falloir ralentir sur la consommation d’herbes à pipe, mon vieux. Baissez d’un ton avant qu’on se fasse repérer, on approche là.
- J’ai quand même appris quelque chose, une vérité éclatante et universelle.
- Chuuuut ! C’était quoi ?
- Les petites cuillères n’existent pas. Vous pensez que je deviens fou ?
- Non, c’est plus de la folie à ce niveau, c’est de la démence. Ecoutez, si je vous donne mon idée sur votre rêve, vous promettez de faire moins de bruit ? Bon, alors déjà, le coup de l’illusion de notre monde, c’est pas facile à avaler, mais bon, les dieux sont sacrément torchés parfois. Admettons. Par contre, je ne peux pas croire qu’il y est un pauvre gars qui prenne plaisir à m’avoir comme avatar et à diriger une pareille troupe de bras cassés. Vous imaginez l’espèce de malade sinon ? Sûrement un pervers.
- C’est vrai qu’il était louche à ricaner tout seul tout le temps,
réfléchit l’ingénieur. Mais c’était tellement réel…
- Fermez-la !
grogna Arzhiel. On est arrivés. Regardez ! Ils sont là ! Rugfid et Brandir se tapent sur la gueule pour un quignon de pain ! Allons-y pendant que les gardes ne nous voient pas, trop occupés qu’ils sont à parier sur le gagnant ! En avant !
- « …Un jour, la p’tite Lucette, tripote-moi la pioche avec les doigts. S’en allait à la fête, tripote-moi la pelle avec émoi… »
- Qu’est-ce que c’est que ce bordel ?! s’écria Arzhiel en se retournant.
- C’est la pierre enchantée ! s’exclama Svorn en la sortant de son paquetage.
- « …Les trois gars dans les buissons, commencèrent par les tétons, Et sous la jupe de Lucette, ils y plongèrent la tête… »

Le vacarme assourdissant et la musique perçante attirèrent l’attention des gardes qui firent volte-face en voyant les intrus cachés dans le tunnel. Aussitôt, ils sonnèrent l’alerte.

- J’ai une bonne et une mauvaise nouvelle, annonça Arzhiel en prenant Svorn par l’épaule. La bonne, c’est qu’on connaît le pouvoir du caillou magique : il chante des chansons paillardes. Soit dit en passant, l’inscription drow devait se lire « pierre à chanter » et non « pierre enchantée », bougre d’arriéré mental ! La mauvaise nouvelle, c’est que vous n’assisterez pas à la bataille puisque je vais vous aplatir le crâne de suite avec cette FICHUE CAILLASSE !
- « …la culotte bientôt vola, Quand Lucette se décroisa, les guibolles que ses amants, se mirent alors sous les dents… »

La dernière chose que Svorn aperçut avant de sombrer et après qu’Arzhiel l’ait massacré à coups de pierre chantante fut le visage de Hjotra en gros plan, l’index sur les lèvres, l’intimant au silence alors qu’il agonisait en geignant.

- Finalement, c’est pas si tordu que ça comme jeu, soupira l’ingénieur en voyant le haut prêtre gisant dans son sang à ses pieds. Y a des trucs marrants aussi.

Hjotra lança discrètement son pied dans les côtes de Svorn inconscient et s’empressa de rejoindre le combat en ricanant comme un dément.
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MessageSujet: Re: La Saison 2   La Saison 2 Icon_minitimeVen 30 Nov - 21:08

Episode XXXXI – L’allié orque

Arzhiel touilla son épais brouet avec sa louche en bois, cherchant à reconnaître les aliments bouillis et inconnus qui le composaient. Le nain jeta un coup d’œil circulaire pour inspecter l’auberge humaine dans laquelle il avait échoué la veille tout en repoussant son bol qu’il soupçonnait contenir au moins deux légumes, peut-être mêmes verts. Il était le seul nain de ce bouge crasseux de bord de route et malgré sa pèlerine et toute sa discrétion, il sentait les bouseux de la région nerveux en sa présence. Il quitterait ce rade dès que la pluie cesserait, déçu de n’avoir même pas eu de décorations à voler dans sa chambrée misérable.

- Y a votre poche qui clignote, mon grand, déclara son voisin de table d’une voix traînante.

Arzhiel sursauta en sentant son flanc vibrer à intervalles réguliers et se précipita dehors pour se mettre à l’écart. Il sortit de son sac la boule de cristal prêtée par un allié et tapota dessus pour l’actionner, maudissant la magie étrangère.


- Oui ? Qu’est-ce que c’est ? murmura-t-il d’un ton agacé tandis qu’une forme apparaissait au centre du globe de communication. Saleté de camelote ! Ça marche pas, je vois dalle ! C’est quoi cette grosse tâche verte ? Sum Groor, c’est vous ?
- Arzhiel ?
répondit la voix caverneuse de l’orque tandis que son visage se dessinait dans le cristal. Je vous reçois mal.
- Ah ! L’eau !
rouspéta le nain tandis que la pluie tombait sur l’artefact.
- Allo ? répéta Sum Groor sans comprendre. Arzhiel ? C’est pas vrai que cet arriéré de nain ne sache même pas se servir d’un cristal de communication…
- Hé, je vous entends, le Peau-Verte ! Pourquoi vous appelez de bon matin ?! Les péquenots du coin me regardent bizarrement.
- Tout va bien, messire ?
s’enquit le tavernier en passant le nez dehors. Vous parlez tout seul ?!
- Euh…non, bien sûr, non ! Vous me prenez pour un taré ? Je parle à…mon ami imaginaire !


L’humain fronça les sourcils et s’éloigna prudemment sans ajouter un mot.

- Génial, si je ne finis pas ma journée au bout d’une corde pour sorcellerie, ces culs terreux vont me prendre pour un vrai dément. Bon, vous voulez quoi vous ? Eloignez votre groin, je l’ai en gros plan, c’est pire que les fesses de ma femme.
- Ce qui est bien avec vous
, commenta l’orque d’une voix calme, c’est qu’on n’a pas besoin d’un mot de passe, on vous reconnaît tout de suite à votre bonne humeur naturelle. Je vous appelle pour vous signaler que l’assaut nocturne est terminé. Comme promis, j’ai mené vos troupes au combat, en fidèle allié, pendant que vous baladez je ne sais où !
- Je balade ?! Les campagnes ravagées par la peste et peuplées de brigands et de gueux décérébrés, c’est vrai que c’est un lieu idéal de promenade ! Je ne balade pas, j’enquête discrétos sur l’ennemi. Je voulais que ça donne quelque chose, j’ai donc laissé mon espion à la maison pour tout faire moi-même. Sinon, cet assaut nocturne alors ?
- Victoire totale !
clama Sum Groor avec un grognement fier. Nous avons assailli la forteresse ennemie et massacré sa garde restreinte. Là on est sur le chemin du retour.
- Félicitations. Et…euh…les boulets ? Vous avez pu les gérer ?
- Puisque vous abordez le sujet
, fit l’orque d’un air chagriné en baissant le ton. Bon, ce sont des nains, ils ont mis leur temps pour m’accepter comme commandant, je peux comprendre. J’ai bien laissé sa muselière à Brandir comme vous l’avez dit, là ça passait. Les brimades, les insultes, le verre pilé dans mes bottes, le poison dans ma viande et les trente-deux mygales dans mon armure, on s’habitue. J’ai survécu aux elfes noirs c’est pas pour me faire trucider par trois nains hostiles.
- Et puis, c’est pas comme s’ils étaient doués et malins non plus,
concéda Arzhiel d’un ton désolé.
- Le plus pénible, c’était Torm.
- Torm ? Qui c’est ça ? Vous avez recruté ?
- Non, j’ai du mal avec les noms, pardon. Le chauve hystérique avec son bâton qui voulait me mettre au bûcher huit fois par jour. Il m’appelle « le démon », « la bête » ou « face d’olive ».
- Svorn, le haut prêtre. Faut pas vous vexer. Un jour il a fait un procès d’inquisition à un ver de terre qui lui coupait la route. Il disait que c’était un signe démoniaque. Faut prendre ça à la rigolade, comme quand il a choisi comme châtiment du ver d’être dévoré par Hjotra. On sait se marrer aussi, nous les nains !
- …, si vous le dîtes,
dit l’orque en se grattant les cicatrices. Bref, dans l’ensemble, ils ont bien suivi. A leur rythme, mais ils ont suivi. Je me suis endormi deux fois debout en essayant de marcher à leur vitesse. Quand je raconterai ça à mes quarante-huit gamins, on va bien rire. Les orques aussi se marrent.
- Il parait même qu’ils ont une âme, dingue, non ? Au final, tout s’est bien déroulé alors ?
- C’est ce que je croyais. J’ai réussi à les bouger, à les mettre en ordre de bataille, à leur faire viser juste avec leurs machines et même à être efficace. Que des exploits quoi. On a remporté la bataille, on a pillé, brûlé, tué. Du pur bonheur. Par contre, là, je les calcule pas. Ils font tous la gueule et même Jo le Tas avec qui j’avais sympathisé en lui prêtant mon serpent refuse de m’adresser la parole.
- C’est Hjotra…
corrigea Arzhiel. Si je l’ignorais, jamais je ne devinerai que vous avez appris à lire y a deux mois. Mais sérieux, ils boudent tous ?
- Tous au complet. Je ne comprends pas.
- Comment ça tous au complet ?
- Ah oui, je vous ai pas dit. Mais je n’ai pas eu une seule perte ! Y en a bien un qui s’est intoxiqué en lavant mon pagne, deux ou trois comas éthyliques et une chute grave de cinquante centimètre de haut. Mais pas un mort au combat !
- PAS UN SEUL ?!
hurla Arzhiel, furieux. Je vous prête mes nains pour aller à la castagne et vous êtes même pas capables d’en faire claquer une dizaine ?! Je le savais ! C’est ma faute aussi. Confier mes troupes à un orque. C’est bien parce que tous les autres ont refusé et que vous étiez le tout dernier allié de la bande fraîchement débarqué !
- Y a un détail que je devrais savoir, gras double barbu ?
grommela Sum Groor.
- La plus grande fierté d’un nain est de mourir au combat ! Voyons, c’est l’évidence même pourtant ! On va batailler avec l’ardent désir de se prendre un coup d’épée dans la tronche ou une flèche dans le bide ! Sinon c’est la honte et après c’est galère pour être reconnu des dieux comme un brave. Mais vous apprenez quoi à la guerre ?!
- Naïvement, on essaie de survivre, nous.
- Bah cherchez pas si mêmes les humains se moquent de vous alors. Tsss, survivre à la guerre. Y a vraiment des gens bizarres sur cette terre !
- Je comprends pourquoi ça râle dans les rangs
, fit Sum Groor en jonglant avec un crâne d’elfe noir. Je vais tout arranger. Je connais l’antre d’une bestiole géante bien dégueu sur le trajet. Aucune chance d’en réchapper, carnage assuré et parfaitement inutile. Ça vous tente ?
- Vous feriez ça pour nous ?!
s’exclama Arzhiel, ému aux larmes. Vous êtes un ami, face d’olive ! Je retire ce que j’ai dit sur vous, vous n’êtes pas complètement débile. Promis, un vrai massacre, hein ?
- Ce sera un vrai plaisir
, sourit l’orque de tous ses crocs. Je vous raconterai tout. J’avais enlevé un scribe pour mon quatre heures, mais il va servir à tout noter. A ce soir !

La boule de cristal s’éteignit, laissant Arzhiel tout rêveur. D’un pas léger, il regagna l’intérieur de l’auberge sans remarquer les hommes réunis brandissant des pelles, des bêches et une corde à nœud coulissant.

- Fais tourner les godets, tavernier ! lança vivement Arzhiel. Tournée générale en l’honneur de mes garçons et des orcs sympatoches ! Tiens, vous aussi, vous fêtez quelque chose ? Un cadeau ? Une corde, c’est bidon comme cadeau mais ce doit être une de vos coutumes avec les étrangers. Dites ? Pourquoi vous me regardez comme ça ?
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MessageSujet: Re: La Saison 2   La Saison 2 Icon_minitimeVen 30 Nov - 21:09

Episode XXXXII – Le Philtre de Félicité – Partie 1

Elenwë entrebâilla avec appréhension la porte de la chambre et y jeta un coup d’œil timide. Un chemin de roses répandues sur le sol menait du seuil jusqu’au lit décoré de fougères et de feuillages pour l’occasion où trônait Arzhiel, nu comme ver, un ruban rose noué autour de sa bedaine.

- Joyeux anniversaire de mariage, mon anorexique princesse ! lança-t-il en prenant une pose aguichante.

L’elfe applaudit frénétiquement, transportée de joie et gloussant comme une gamine tandis que son époux s’efforçait de conserver son repas du soir au fond de son estomac. Elenwë avança au milieu des roses, son excitation s’évaporant à chaque pas.


- Vous auriez pu penser à enlever les épines, grogna-t-elle en soignant ses pieds ensanglantés. Tiens, le lit gratte et irrite ma peau délicate ! Mon tendre ahuri, ne me dites pas que vous avez décoré le lit avec des orties ?!
- C’est ça qui gratte et qui démange ? Je croyais que je devenais vraiment allergique à votre pomme, ma vieille. Mais aussi qu’est-ce que j’en sais, moi ? Vous avez exigé des plantes en déco, j’ai pris le premier feuillage venu. J’ai une tronche d’expert en salade et herbage ?
- Par la grâce des nymphes ! Si je ne vous savais pas aussi rustre, j’aurais pensé que vous l’auriez fait exprès !
- Par les grasses nymphos ! Vous vouliez une soirée romantique et ça critique ! J’ai une guerre sur les bras, moi ! J’ai du batailler avec mon planning pour vous caser alors commencez pas à chouiner !
- Je chouine, môssieur le seigneur de guerre, parce qu’il faut vous menacer d’une malédiction pour obtenir un quart d’heure en amoureux et…Snif…Snif ? C’est quoi cette puanteur ? Vous avez quatre secondes pour me jurer que votre appareil digestif n’y est pour rien ou je vous change en pourceau que j’offre à Hjotra pour ses rodéos !
- Quoi ? Snif ? C’est pas mon odeur, ça. La mienne attaque moins la gorge. Mais ?! Mais ça vient d’en dessous le lit !


Le couple se pencha et sursauta en trouvant l’espion allongé sous le lit, les doigts de pieds en éventail. Celui-ci ne sortit de sa cachette qu’au second sortilège de foudre.

- Navré pour l’odeur, je voulais me mettre à l’aise. Maintenant ça sent le poil cramé, mais là c’est votre faute, fallait pas viser les parties intimes. Joli votre ruban sur le bide, patron.
- Un de vos tarés de soldats sous notre lit conjugal !
hurla Elenwë en grattant férocement ses irritations dues aux orties. C’en est trop ! Il me faut quelqu’un à rosser pour me calmer ! Où est Ségodin ?
- Vous avez une raison valable de vous planquer sous mon lit ou c’est simplement pour me rendre dingue ?
demanda Arzhiel en regardant sa femme partir, une cravache à la main.
- Il me fallait une cachette, monseigneur, expliqua l’espion mal à l’aise. Je me disais que je serai peinard sous votre lit puisque vous vous y rendez jamais quand Dame Elenwë est là.
- Mais une cachette pour quoi ?! Non…Vous, vous avez fait une boulette !
- Pardon, seigneur. C’est le philtre de Félicité rapporté de votre dernière campagne et que vous m’aviez chargé de garder. Rugfid pensait que c’était de la liqueur de dryade et que je ne voulais pas lui en donner. Il a fait diversion en imitant le hennissement du cheval blessé dans le couloir, il l’imite drôlement bien, vous savez. D’un autre côté, j’aurais pas du me faire avoir. Un cheval au trentième sous-sol dans une galerie d’un mètre sur deux, c’était louche. J’ai été voir quand même, au cas où, et quand je suis revenu à mon poste, Rugfid avait vidé la jarre…
- La jarre entière ?! Retenez-moi par le ruban, je vais tourner de l’œil. Vous savez combien il faut de décennies à un alchimiste pour fabriquer un verre de cette potion ?! Elle rend veinard comme cocu, insensible aux sorts, aux maladies, aux blessures, aux malédictions et elle soigne les quintes de toux ! Je la gardais sous le coude pour la guerre ! Par les bourses de Gazul, c’était trop de bol de tomber sur pareil trésor aussi !
- Pas un bol, messire, une jarre.
- Vous essayez de faire de l’humour ?
- Euh…oui, désolé. Posez ce fléau d’armes, je vais me rendre tout de suite aux oubliettes. Puis-je récupérer mes bottes ?
- Non, il reste encore plein de roses à piétiner, mon vieux. Vous voulez des draps aux orties ? Ca caille dans les oubliettes ?
- Allégerez-vous ma peine si je vous révèle l’endroit où se terre votre infâme cousin alcoolique ?
- À la taverne du Bouc, c’est ça ?


L’espion baissa tristement la tête en ramassant les draps et s’éloigna sur la pointe des pieds au milieu des épines de roses, escorté par Arzhiel et son lourd fléau.

- Si monseigneur veut mon avis, fit l’espion parvenu dans le couloir en boitillant, je lui déconseille de se rendre dans les bas quartiers vêtu d’un seul ruban et le sifflet à l’air. Je crains que votre autorité n’en pâtisse quelque peu et que la milice ne vous ramasse pour tapinage. La grosse Lulu risque également de croire que vous faîtes de la concurrence à ses filles sur son territoire et peut se montrer belliqueuse.

Arzhiel, perdu dans ses réflexions, fit taire son agent en lui fourrant machinalement son ruban dans la bouche avant de lui claquer la porte au nez. C’est quand il aperçut son tas de vêtements changé en cendres par le dernier jet intempestif de foudre de son épouse qu’il commença amèrement à regretter son geste.
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MessageSujet: Re: La Saison 2   La Saison 2 Icon_minitimeVen 30 Nov - 21:09

Episode XXXXIII – Le Philtre de Félicité – Partie 2

Ségodin, réveillé en hâte, parvint à la galerie sud du sanctuaire située sous le Karak pour y retrouver son seigneur accompagné de Hjotra, Brandir et Rugfid. Les trois lieutenants semblaient fort désappointés d’avoir été dérangés durant leur partie de « Pose-Raoul » à la taverne, mais Arzhiel balayait leurs protestations de sa voix autoritaire et de quelques baffes savamment administrées.

- Je suis venu dès que j’ai pu, monseigneur, haleta le jeune chevalier, sa poupée à l’effigie d’Elenwë mal dissimulée sous son pantalon de nuit.
- Vous boitez ? Vous vous êtes blessé ?
- Ah, non, c’est rien. C’est votre épouse…et sa cravache. Bref, que se passe-t-il ?
- Rugfid s’est enfilé la jarre de Félicité par accident ou débilité, allez savoir. Avant de le bannir pour trois mois, je vais tenter une expérience. Vous voyez ce tunnel ? Il mène à une zone protégée de la montagne censée renfermer un grand trésor. C’est plein de pièges et ça fait vingt ans que j’essaie de la pill…de l’explorer. J’ai paumé pas mal de soldats là-dedans, c’est assez tendu. Donc je vais envoyer Rugfid. Avec les effets de la potion, il ne peut rien lui arriver. Si je me plante…ben, on n’aura plus besoin de le bannir.
- C’est astucieux, messire. Mais Brandir et Hjotra ? Vous vous collez un handicap ?


L’humain désigna les deux nains en train de mesurer la taille du dernier vomi, une chope à la main, afin de déterminer le vainqueur du soir.

- Détrompez-vous, ricana Arzhiel. Ce sont mes jokers. Ça fait six mois que je les entraîne comme des forcenés pour ce donjon. J’ai réaménagé le chemin vers les cuisines comme dans ce fichu tunnel de la mort. A force de tenter l’infiltration nocturne du garde-manger tous les soirs, même ces deux bourriquets ont appris à éviter les pièges. Vous allez voir.
- C’est drôlement tordu comme stratagème
, commenta Ségodin tandis qu’Arzhiel poussait le trio d’ivrognes dans la grotte. Ils ont vraiment une chance ?
- Pas une, mais « la » chance ! Avec une jarre de philtre de félicité dans l’estomac, il peut rien arriver à cet abruti. Il a réussi à trouver dix pièces d’or et une cuisse de poulet en venant ici. Les deux autres, c’est que du bonus !


Les yeux rendus pétillants par l’avarice, Arzhiel se frotta les mains et indiqua un miroir enchanté qui montrait la progression des nains dans la zone piégée. En reconnaissant une configuration familière de tunnel, Brandir et Hjotra, titubant et braillant une seconde avant, se plaquèrent contre les murs, agiles et silencieux. Rugfid avança tout droit en sifflotant et passa miraculeusement au milieu des piques qui jaillirent du sol tandis que ses acolytes bondissaient en tous sens, rampaient, roulaient et s’appuyaient l’un sur l’autre pour esquiver les pièges, tels deux danseurs de guerre.

- C’est un miroir farceur, c’est ça ? demanda Ségodin, hébété par le spectacle. Une fois, j’ai vu Brandir s’entraver trois fois de suite sur une marche et c’était celle de sa propre chambre depuis trente-deux ans.
- Fermez-la et observez ! Ce sont des warriors mes petits ! Je leur mettais des jambons et des saucissons suspendus à ce niveau. La charcuterie, ça vous transforme un nain.


Le tunnel fit un coude et une énorme hache en balancier s’arracha du plafond pour fondre sur Rugfid qui se pencha juste avant afin de resserrer son lacet, évitant une mort brutale. Brandir et Hjotra glissèrent le long des murs sur la pointe des pieds, comptant machinalement jusqu’à cinq avant de changer de position et d’éviter les flammes jaillies des côtés. Tandis que les deux comparses virevoltaient à un rythme frénétique au milieu de l’incendie, Rugfid avait trouvé le seul espace épargné par les jets de feu et urinait en chantant gaiement, parfaitement inconscient de ce qui se passait autour de lui.

- C’est un montage, c’est pas possible, balbutia Ségodin en suivant les cabrioles des boulets qui se faisaient à présent la courte échelle pour atteindre le levier annulant les pièges de feu.
- Le pouvoir du pâté en croûte et de la marmelade aux myrtilles est trop souvent mésestimé, marmonna Arzhiel à ses côtés, pleurnichant d’émotion. Ce sont de si braves gars !

Le trio poursuivit sa route à travers les galeries parsemées des ossements de leurs prédécesseurs moins chanceux, traversant les chausse-trappes, les chutes de pierres, les gaz empoisonnés et les jets de projectiles divers avec panache, deux dansant un ballet parfait et connaissant les traquenards sur le bout des doigts, le dernier faisant preuve d’une chance insolente. Rugfid découvrit même un passage secret en jetant nonchalamment l’os de la cuisse de poulet dévorée en cours de route sur le bouton d’ouverture cachée sous la poussière.
Ce n’est qu’au bout d’une heure de péripéties diverses que le trio arriva finalement à la dernière épreuve. Arzhiel essuya ses larmes, se moucha dans la robe de chambre de Ségodin et agrippa le miroir à deux mains sous le coup de l’angoisse
.

- L’ultime gardien ! s’écria-t-il avec vigueur. C’est un visage géant gravé dans la pierre et qui protége l’accès au trésor. Il pose une énigme et n’ouvre qu’à la bonne réponse. On n’a jamais pu le passer. Rugfid est notre seul espoir !
- Donc, on peut retourner se coucher…
- Silence ou je vous envoie les rejoindre ! Il faut qu’ils se hâtent, les effets du philtre de félicité vont bientôt s’estomper.
- C’est quoi comme énigme ?
interrogea le chevalier en bâillant.
- Aucune idée. C’est en runique ancien. Ce cave de visage ne connaît que ce langage. A l’époque, c’était pas encore une langue morte. On avait plein de bouquins pour traduire, mais ils ont cramé quand Svorn a mis le feu à sa barbe dans la bibliothèque. Regardez ! Le visage s’ouvre et va parler !

En effet, un visage géant apparut sur le mur du fond et récita un long chapelet de mots étranges et inconnus avant de se taire, semblant attendre une réponse de ses visiteurs. Arzhiel tremblait sous le suspense, mais Brandir, Hjotra et Rugfid restaient impassibles, ahuris. Les trois baroudeurs formèrent alors un rapide conciliabule discret, puis sortirent leurs gourdes, ôtèrent les bouchons en liège et les passèrent au feu de la lanterne.

- Par les aisselles de Gazul, mais qu’est-ce qu’ils font ?! gémit Arzhiel.
- Ce qu’ils savent faire le mieux : n’importe quoi.

Les trois explorateurs se tournèrent vers le visage et, armés de leurs bouchons noircis, commencèrent à recouvrir la paroi de dessins grotesques et d’inscriptions ridicules. Le visage dépité se retrouva bientôt affublé d’une cicatrice de pirate, d’oreilles d’elfes, d’une moustache à bouclettes, de verrues d’orques et de dents cassées.

- Mais ils sont débiles ?! fit Arzhiel, désespéré. Et « va te faire encorner » ne s’écrit pas comme ça, idiot de Brandir !
- Euh…Ce n’est pas « encorner » qu’il vient d’écrire…


Lorsque le gardien perdit à son tour patience, il pesta de longues et curieuses insultes avant de disparaître et de s’ouvrir pour mettre fin à cette séance d’humiliation. Les trois nains, fiers de leur exploit, se ruèrent sur le coffre à trésor et firent demi-tour.

- Vous êtes des héros ! les accueillit Arzhielà leur sortie. Irrécupérables, mais des héros !
- C’était l’idée de Rugfid, le coup des bouchons,
déclara humblement Hjotra. Moi je voulais lui mettre le doigt dans l’œil, mais son idée était meilleure.
- C’est le philtre ça ! D’ailleurs c’était juste, les effets vont disparaître d’un moment à l’autre maintenant. C’est quoi le trésor au fait ?


Un bruit de verre brisé attira l’attention générale sur Rugfid qui venait de lâcher maladroitement la fiole découverte dans le sanctuaire.

- Je crois que le philtre ne fait plus effet, commenta Ségodin devant Arzhiel figé face au trésor détruit. Hé, vous allez rire. Le trésor, c’était une potion de Félicité, petit format !
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MessageSujet: Re: La Saison 2   La Saison 2 Icon_minitimeVen 30 Nov - 21:09

Episode XXXXIV – Le Héros Moribond

- Alors vous, vous voyez une poule attachée au milieu du sentier et non seulement, vous vous doutez de rien, mais en plus vous vous précipitez dessus ? En territoire ennemi, à une lieue du champ de bataille, y a rien qui vous parait louche ?
- En vérité,
réfléchit intensément Rugfid, on a commencé à avoir des soupçons quand le filet est tombé du ciel et qu’une vingtaine d’orcs a jailli des fourrés. Mais avant, que dalle. C’était salement subtil comme piège.
- Et la poule avait les yeux jaunes,
ajouta Hjotra. On a bondi dessus.
- Quoi ?
s’exclama Arzhiel. Mais quel rapport ? A part votre incurable débilité, bien sûr ?
- Ben, les yeux jaunes, voyons ! On a cru à la poule aux yeux d’or.
- Non, c’est la poule aux œufs d’or, celle de la légende,
rectifia Ségodin. Les œufs, pas les yeux.
- Tiens, je la connais pas celle-là de légende. Mais avec une poule aux yeux d’or, on peut devenir riche, c’est forcément mieux que votre pondeuse.
- Et il sort ses âneries avec un tel aplomb…
marmonna Arzhiel. N’empêche que vous avez eu du bol qu’on passe pas loin en poursuivant les fuyards du combat. Sans nous pour vous sauver la peau, les orques vous servaient ce soir au banquet rôtis avec la poule ! D’ailleurs, vous foutiez quoi à l’opposé de la bataille, tous les deux ?
- On se promenait,
admit Hjotra. On pensait pas que la bataille aurait lieu si tôt. Vous aviez dit à la nouvelle lune, ça nous a embrouillé. On a rien pigé, on croyait que c’était le nom d’une région. Sérieux, toutes les nuits, c’est une autre lune que celle d’avant ?
- C’est vrai, cousin,
renchérit Rugfid. Vous pourriez être plus précis aussi. On a failli y passer à cause de vous ! Maintenant que j’y pense, c’est pour ça alors que les soldats se préparaient tout à l’heure ?
- Mais on ne vous en veut pas !
lança gaiement Hjotra. On a sauvé la poule, on va être riches !
- La nature peut décidément se montrer bien cruelle parfois,
murmura Ségodin en regardant les deux nains ricaner en se lançant la poule délivrée.
- Allez dire ça aux quiches d’en face qui ont eu des engins comme ces deux-là en adversaires et qu’on pas été foutu de remporter le combat. Quelle bande de chèvres ces orques !
- Seigneur !
héla un protecteur au loin, lancé en pleine course, à un kilomètre et demi à l’heure. Un message important vient d’être transmis par les runes. Il faut que vous veniez !
- Pourquoi je dois me déplacer ? C’est pas Svorn qui est chargé des transferts de renseignements par runes ?
- Si, monseigneur. Mais il ne veut pas vous parler. Il vous en veut parce qu’il croit que vous avez organisé exprès cette bataille le jour de son anniversaire pour que personne ne pense à le lui souhaiter. Il boude dans son coin et n’est même pas venu allumer les bûchers d’anniversaire qu’on lui a préparé avec les copains. Dire qu’on a galéré pour garder des orcs en vie pour la cérémonie du supplice !
- Ah, mince alors !
ironisa Arzhiel. J’ai oublié de suspendre une guerre impliquant une centaine de seigneurs divers pour ce jour bien précis ! Je suis impardonnable. Espérons qu’il fasse moins la tronche en apprenant qu’on a trouvé une poule magique !
- Hé, euh non !
protesta Hjotra. C’est la mienne. Il a qu’à s’en trouver une !

L’ingénieur s’éloigna en courant après avoir été mis en fuite à coup de gravier par Arzhiel à la patience un soupçon émoussée. Le seigneur nain suivit son soldat à travers la plaine parsemée de cadavres jusqu’à rejoindre un prêtre agenouillé, les yeux clos, en pleine concentration, un marteau et un burin en main.

- Ah ? fit Ségodin. C’est Graf, le maître messager qui remplace Svorn ?
- Bouh !
s’écria Rugfid en reconnaissant un de ses amis de beuverie. T’es laid, Graf !

Arzhiel frappait son cousin lorsque Graf entra subitement en transe et se mit à graver machinalement et frénétiquement toute une suite de runes sur une longue pierre plate. Son assistant ramassa la roche et la lut quand il eut terminé.

- Ça vient du second bataillon, seigneur. Ils disent que Brandir a été gravement blessé et qu’il risque de mourir à tout moment. Ils voudraient que vous vous dépêchiez de venir le voir pour qu’ils jètent vite son cadavre. Apparemment, l’odeur de la blessure refoule méchamment.
- Brandir mourant ?! Harnachez mon bouquetin, je veux le pourrir avant qu’il claque. Je voudrais bien savoir comment ce boulet a réussi à se faire fumer alors que je l’avais collé de corvée de polissage d’armures au campement
.

Arzhiel galopa à travers la plaine pour rejoindre la seconde partie de son armée scindée en deux. Les guerriers lui indiquèrent un coin à l’écart du campement où Brandir gisait, à demi-enterré, dégageant une puanteur de pied frelaté intenable.

- Seigneur ?! bredouilla le berserker, livide et ensanglanté. Je vais y passer ?
- C’est-à-dire que si vous aviez prévu une course en canoë demain, c’est plutôt mal engagé,
répondit Arzhiel en examinant les profondes plaies. Qu’est-ce qui vous est arrivé ?!
- Un troll…Je m’étais endormi au campement et il fouillait le chariot à boustifaille. Son odeur m’a réveillé…Je croyais que les gars me faisaient une blague…Ça sentait un peu comme les draps de Svorn, en moins rance…On s’est frités et j’ai pris cher.
- Un troll perdu ?
fit le nain en se pinçant le nez. Ça vient de là l’odeur ?
- Non…J’ai visé ses noix…Le coup l’a fait vomir…j’étais dessous…Les autres m’ont enterré pour étouffer la puanteur…Ils tombaient tous dans les pommes…Seigneur ! Je vais claquer, je le sais, j’arrive plus à bouger ma main droite.
- Oups, désolé, c’est parce que je marche dessus, ça doit jouer un peu.
- Dites à ma mère que je l’aime, monseigneur !
- Votre mère ? Le troll vous a cogné le crâne ? Votre mère est morte au siècle dernier et vous ne pouviez pas la saquer. Vous étiez à un concours de fléchettes le jour de ses funérailles !
- J’ai fini second,
marmonna Brandir en crachant du sang. J’ai gagné un cache-oreilles en taupe. C’était vraiment une super journée…
- Pouah, c’est quoi cette odeur ?
lança Hjotra en s’approchant. Svorn a dormi dans le coin ?
- Vous m’avez suivi vous ?
l’apostropha Arzhiel.
- C’est Ségodin qui vous a suivi. Je l’ai accompagné pour le faire chier, j’avais rien à faire. Il est là-bas, il vomit à cause de l’odeur et il arrive. Bigre, Brandir, vous avez une pire mine. C’est l’alcool de lutin ?
- Vous ne voyez pas ses tripes dépasser, abruti ?
fit Ségodin, un linge sur le nez. Il va mourir !
- Ah bravo le tact !
applaudit Arzhiel. C’est pas parce que cet idiot n’a pas de cervelle qu’il n’a pas de cœur ! C’est son meilleur ami quand même. Regardez le boulot, il pleure à présent ! Reprenez-vous Hjotra, c’est une mort noble au combat.
- Snif, vous ne comprenez pas ! Il ne peut pas mourir ! Comment on va faire pour notre duo de claquettes à la fête du houblon le mois prochain ?!
- C’est…affligeant,
déclara Arzhiel d’une voix piteuse.
- En parlant d’affligeant, enchaîna Ségodin tout en rajoutant un peu de terre sur le nain agonisant. Comment ça va se passer s’il meurt sans son âme ?
- C’est pas très jouasse comme avenir. Il va errer en spectre dans les limbes de l’au-delà sans pouvoir goûter à la paix et avec la chance qu’on se traîne, il va venir nous hanter tous les quatre matins.
- Y aura des brioches fourrées dans les limbes ?
questionna l’intéressé.
- Je demanderai aux démons dévoreurs d’âmes qui crèchent là-bas à ma prochaine méditation, répondit Svorn en arrivant à son tour.
- Tiens ! Vous faisiez pas la gueule vous ? interrogea Arzhiel.
- Je viens juste porter un message au mort…enfin, à Brandir, l’ignora le prêtre. Le tavernier vous fait dire qu’il vous interdit de mourir avant d’avoir réglé votre ardoise. Et il demande s’il pourra récupérer votre collection d’orteils.
- Dites, seigneur,
confia Ségodin à l’oreille d’Arzhiel. C’est pas que je me réjouis pas de me voir débarrasser d’un de vos boulets, mais ça craint pas un peu le coup des limbes ? J’ai pas trop envie de voir ce crétin en fantôme hanter les cuisines ou les latrines.
- Vous inquiétez pas, il n’a pas encore fini de nous les briser. Il est recouvert de fiel de troll. C’est en train de cautériser et de soigner ses blessures. Il va s’en tirer. Ce charlot a réussi à se faire poutrer par la seule créature au pouvoir de régénération absolu de ce monde.
- On fait quoi alors ? On leur dit ?


Le chevalier et le seigneur de guerre jetèrent un œil au mourant qui suppliait pour avoir un dernier câlin, Svorn qui lui faisait les poches, Hjotra qui répétait tout seul son numéro de claquettes dans son coin et la poule « magique » picorant le nez du blessé.

- On va le laisser comme ça, finalement, décida Arzhiel. Au moins son odeur éloignera les bêtes cette nuit, on sera peinards.
- Z’avez raison,
acquiesça Ségodin. On va manger ? Les émotions, ça creuse.
- Creuse une tombe !
éclata de rire Arzhiel en s’éloignant.
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MessageSujet: Re: La Saison 2   La Saison 2 Icon_minitimeVen 30 Nov - 21:10

Episode XXXXV – Le Cœur des Nains

Le groupe de nains se rua à l’intérieur de la salle, apeurés, essoufflés, à bout de forces et d’espoirs. Arzhiel s’empressa de refermer la lourde porte derrière eux, leur offrant un bref répit.

- Tout le monde est là ? interrogea-t-il, les traits tirés et tendus.
- Brandir s’est fait avoir, déclara Ségodin d’un air affecté. Il est retourné sur ses pas pour récupérer un morceau de fromage perdu dans sa course et elles lui sont tombées dessus…Il n’a rien pu faire…C’était horrible !
- Non, c’est pas possible !
hurla Hjotra, terrifié. On a paumé le fromage ?!
- Nous sommes condamnés,
déclara Svorn d’un ton tranchant. En deux jours de lutte acharnée, nous ne sommes plus qu’une poignée et le Karak est tombé entre leurs mains avides et perfides. Notre défaite cinglante est la volonté des dieux. Il faut les honorer avec un sacrifice. Ça tombe bien, j’ai justement ma mallette à instruments de torture portable sur moi. Que pensez-vous de Ségodin ? On lui fait la complète, fouet, brûlures, sévices et pendaison ? C’est pas un nain, c’est que du bonus, ça ne mange pas de pain.
- C’est si bon le pain avec du fromage…
pleurnichait Hjotra.
- Moi je pense qu’il vaut mieux interroger direct les dieux, se défendit Ségodin, vexé. On livre Svorn, c’est le plus qualifié et on est peinards.
- Non, mais vous ne trouvez pas que ça part déjà assez en sucette ?
intervint Arzhiel. On a une sale invasion sur les bras, restons solidaires. Attention ! Elles enfoncent la porte !

Des dizaines de mains griffues repoussèrent la porte tandis qu’un concert de soupirs et de petits cris aigus retentit soudain. Avant d’être submergés, les nains s’enfuirent à toute vitesse. Arzhiel fit diversion en jetant Rugfid en arrière. Le malheureux fut happé par la masse des poursuivantes et disparut en jappant.

- Si c’est ça votre esprit de solidarité, commenta Ségodin, je n’ai pas hâte de vous voir céder à la panique !
- Ne soyez pas désobligeant, le grand, hein. Vous avez vu les engins qu’on a aux miches ?! Passez-moi une potion de soins. Y en a une de ces dégénérées qui m’a mordu le mollet.
- Nous n’avons plus de potion,
répondit timidement le chevalier. J’ai utilisé la dernière après m’être cassé l’ongle du petit doigt. C’était excessivement douloureux !
- Passez-moi la mallette à torture, Svorn…
- Loin de moi l’idée de vous soustraire à votre divertissement religieux sur notre ami blondinet,
lança l’espion, mais ne pensez-vous pas que nous investirions mieux notre peu d’avance sur elles en filant à l’elfe ? Aie ! Mais pourquoi vous me frappez, le nigaud ?
- Je comprends pas quand vous parlez,
grommela Hjotra. Du coup, ça m’énerve, je tape.
- Il suggérait juste qu’on décroche d’ici avant de se faire tous déchirer par ces montres !
- On est perdus si on fuit,
fit Arzhiel, songeur. Vu leur nombre et leur frénésie, elles nous auraient tôt ou tard. Il faut riposter.
- Comment ?
interrogea Ségodin. On envoie le chauve parlementer ?
- On frappe au cœur ! On débusque leur reine, celle qui dirige la meute et on la pourrit. Pour cela, nous devons pénétrer son domaine et je vous avertis que le péril est à la hauteur du nain qui le tente dans cet antre !
- Ouille ! Mais pourquoi vous me frappez, vous, encore ?!
- J’ai rien pigé au plan et je peux pas le taper, c’est mon seigneur.


Le groupe de courageux nain s’enfonça dans un réseau isolé peu visité des habitants du Karak. Bientôt, l’horreur s’infiltra dans leur cœur quand ils traversèrent des tunnels couverts de mousse, des grottes emplies de végétations, d’arbres, de plantes et même parfois de fleurs.

- On y est ! annonça finalement Arzhiel. Où est Hjotra ?
- C’est la vue des fleurs et tout ça,
répondit piteusement l’espion. Il ne se sent pas bien du tout. Il est là-bas avec sa pioche de poche. Il mine un peu de caillasse pour se détendre.
- On fera sans lui, comme d’hab’ ! Gare, voilà l’ennemie !
- L’équipe des bras-cassés dans mes jardins ?
s’étonna Elenwë en approchant. Que me vaut l’honneur de vous voir dégobiller sur mes plates-bandes ?
- Désolé,
fit Hjotra en s’essuyant la bouche.
- Ne faites pas l’innocente, harpie ! C’est quoi ce foutoir ? Elles nous poursuivent depuis deux jours entiers, c’est le chaos au Karak ! Je suis sûr que vous y êtes pour quelque chose ! Qu’est-ce que vous avez foutu ?!
- On s’en fout, on la crame !
lança Svorn. Attrapez-la !
- Il me faut obéir, ma dame !
gémit Ségodin en s’avançant. Et tant pis si par accident, je vous arrache votre robe et que mes mains tripotent malencontreusement vos…

Un double éclair lumineux changea le prêtre en perruche et le chevalier en chat maigrelet. Il ne fallut qu’une seconde à l’un pour prendre l’autre en chasse dans un déluge de plumes.

- Vous disiez, mon tendre ? reprit la sorcière en soufflant la fumée de ses doigts fins.
- Euh…c’est au sujet des naines du Karak, balbutia Arzhiel en utilisant l’espion comme bouclier. On rentre de bataille, y a une semaine et là, paf ! Elles nous tombent sur le poil, chaudes comme la braise. C’est l’orgie durant des jours dans tous les coins. Même Ségodin avait du succès. Mais elles sont devenues insatiables. Elles en veulent toujours plus. Ça nous a un peu surpris surtout que d’habitude, on prend que des vestes. Maintenant elles nous chassent comme du gibier ! Ce sont des bêtes sauvages ! Mes gars vont crever au labeur pour les satisfaire si ça continue.
- On se demandait, si par hasard, vous ne seriez pas à l’origine du…foutoir.
- Naturellement, c’est moi. Un petit charme pour débrider vos copines. Vous râliez parce que la populace diminuait avec la guerre. J’ai un peu « décoincé » vos femelles pour faire grimper la natalité. Vous êtes venus pour m’en remercier, n’est-ce pas ?
- Non, mais ça dépasse les borgnes !
grogna Hjotra.
- Et les aveugles, rajouta l’espion avec ironie.
- On peut même plus faire un pas dans ce Karak sans se faire déchirer les guenilles par des boudins encore plus en manque que Ségodin ! rouspéta l’ingénieur. Nous ne sommes pas que de la viande ! On a aussi des sentiments ! Vous vous rendez compte ? Elles sont tellement excitées qu’elles refusent même qu’on les recouvre de sauce aux lamelles de champignons et de miel comme avant ! C’est l’amour que vous assassinez, madame Oreilles Pointues !
- Taré, mais pas dénué de vérité,
commenta Arzhiel. Ma douce planche à pain, je vous prie de mettre fin à votre charme magique. C’est vrai que c’était fiesta durant quelques temps, mais là c’est plus vivable. Elles nous traquent pour notre froc. On va pas aller batailler cul nu avec la peau sur les os et des cernes comme les vôtres au réveil, quoi !
- Il ne fallait pas s’attendre à de la gratitude, aussi,
marmonna Elenwë en donnant un coup de pied au chat qui se frottait contre sa jambe. J’accepte de rompre l’enchantement si vous me faîtes un compliment, mon amoureux plein de poils. Prouvez-moi que vous avez un cœur.
- C’est notre chance, seigneur ! Allez-y !
- C’est-à-dire…un compliment…Comment vous voulez dire ?
- Dites-moi une chose gentille. Sincère si possible, mais faut pas croire aux fées, non plus.
- Euh…Alors…une chose gentille…Voyons….Mais arrêtez de me regarder tous, vous me fichez la pression ! Laissez-moi réfléchir…Un compliment…
- On sent tout de suite la force d’une affection spontanée et naturelle,
déclara l’espion, dépité.
- La ferme ! Si vous croyez que c’est facile aussi ! C’est une elfe, je vous signale.
- Dites-lui qu’elle est belle comme le premier rayon de l’aurore.
- Ma langue va pourrir si je sors une connerie pareille !
- « On a aussi des sentiments »,
se moqua Elenwë dans son coin.
- Euh, bon… Ma pudeur m’empêche de dévoiler mes sentiments devant des étrangers.
- Vous avez rien trouvé, c’est ça ?
chuchota l’espion.
- Quelle surprise, soupira l’elfe. Les bras m’en tombent. Arzhiel, venez m’embrasser ou je vous change en fleur sur le parterre que votre ingénieur est en train « d’arroser ».
- Haha !
s’écria Arzhiel. On la tient. Elle n’a pas exigé que je sois conscient pour ça ! Vous, assommez-moi et frottez ensuite ma pomme sur la sienne. Et c’est gagné !
- Tiens,
s’étonna Hjotra une seconde après qu’un sort de transformation ait éclairé la caverne. Elle est bien laide cette fleur-là avec ses poils partout. Hum…Je suis sûr qu’elle doit avoir soif, hihihi !
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MessageSujet: Re: La Saison 2   La Saison 2 Icon_minitimeVen 30 Nov - 21:10

Episode XXXXVI – Le Mystérieux Soupirant

Arzhiel intima le silence à ses conseillers et leva le nez de ses recueils. La porte venait de s’entrouvrir. Une silhouette sombre en émergea, effectua une maladroite roulade et se plaqua contre le mur en se noyant dans les ombres. Arzhiel fixa son espion vêtu de noir, le visage peinturluré au cirage et se planta devant lui.

- Qu’est-ce que vous venez faire le clown ici, vous ? Vous voyez pas qu’on bosse ?
- Chuuuuut !
soupira l’espion immobile. Je suis un mur.

Arzhiel lui donna un coup de pied dans le tibia et l’espion s’écroula en couinant.

- Vous êtes digne de votre réputation, monseigneur ! Votre œil expert a su me percer à jour malgré tout mon talent de furtivité !
- Bigre, il est drôlement impressionnant votre talent ! Sinon, vous veniez pour la pause détente ou vous aviez une vraie raison de nous interrompre ?
- Je viens au rapport, seigneur ! Ma filature sur Damoiselle Glenys a porté ses fruits !
- Vous avez fait espionner notre invitée d’honneur ?!
s’offusqua un conseiller. La fille du seigneur Fjorvar Sombrécu ?! Elle est l’égérie du peuple nain de la région !
- C’est vrai qu’avec ses mensurations idéales, 100-100-100 et son titre de noblesse, c’est une véritable muse pour nos nains,
renchérit le second. Elle ne manque d’ailleurs ni de courtisans, ni de succès !
- Ce ne serait pas par rancune après qu’elle ait repoussé vos avances, seigneur, que vous avez mis en place cette filature ?


Arzhiel devint écarlate et plaqua sa main contre celle de son conseiller en montrant en même temps Elenwë qui somnolait dans un coin et son poing volumineux.

- Hum, hum, mais pas du tout ! lança-t-il d’un ton mal détaché. C’est…pour sa sécurité !
- Je croyais que je devais découvrir qui était son amant secret ?
fit l’espion, surpris.
- Son amant ?! s’écrièrent les conseillers. La rumeur disait vraie ?!
- Un peu mon neveu ! Elle est partie le rejoindre là. Je venais avertir notre seigneur.
- L’amant de Glénys, c’est tentant. Mais j’ai une tonne de rapports à bûcher et…Oh et zut ! Hé, Pic, Poc et Puc ! Justifiez votre solde avec tout ça, je vais en balade !


Arzhiel sortit en poussant son espion, échappant ainsi aux jérémiades de ses ministres.

- Quand je pense que cette garce a éconduit la moitié des nains du pays et moi avec ! Je me demande de qui elle est allée s’amouracher ! Sûrement un prince, un tueur de géants ou mieux, un cuisinier. Sinon je vois pas !
- Regardez, seigneur !
dit l’espion en montrant la jeune naine assise à l’écart d’une grotte. Elle est là, elle attend son fiancé ! Allons rejoindre les autres pour mater !
- Quels autres ?!
demanda Arzhiel avant de découvrir Ségodin, Svorn et Rugfid tapis non loin.
- Je les ai invité, se justifia l’espion. Je leur devais à tous du pognon, vous comprenez.
- Oui, tandis qu’avec moi, c’est juste histoire d’obéir aux ordres hein. Je vous préviens les boulets, le premier qui nous fait repérer, je l’envoie en pension chez un allié orque !
- Je suis vachement excité,
ricana Rugfid. Je suis curieux de savoir comment un nain a réussi à la séduire, la Glénys. Moi je lui ai offert un mille-pattes, un burin tout neuf et un fond de pichet de vinasse, elle m’a tout envoyé en travers de la tronche.
- C’est ça l’odeur de pinard ?
grimaça Ségodin en reculant.
- Fermez-la ! Voilà quelqu’un ! C’est…Non, c’est bon, c’est que Hjotra. Ce benêt a encore du se perdre dans les galeries en cherchant les latrines.
- Vous lui aviez pas donné un pot de chambre portable à cause de ça ?
- Si. Il l’a paumé aussi.
- Non, c’est moi qui le lui ai braqué,
avoua Rugfid. Il le gardait serré contre lui, je croyais que c’était précieux. C’est marrant, mon receleur me l’a aussi jeté sur la tronche.
- Ouais, je savais bien que c’était pas une banale odeur de vin,
commenta Ségodin.
- Dîtes, les interrompit Svorn, je ne suis pas expert en subtilités féminines, mais quand une naine roule une pelle à un nain, elle essaye pas de lui faire passer un message ?
- Par les cages à miel de Gazul !
s’étrangla Arzhiel. C’est ce bougre d’atrophié du bulbe de Hjotra son fiancé !
- Je croyais qu’il sortait avec l’une des bergères humaines de la vallée ?
- Ils ont rompu,
le renseigna Ségodin. Elle s’était rendue compte qu’il ne la fréquentait que pour ses bêtes. Me regardez pas comme ça, les seuls nains qui acceptent de me parler à la taverne, c’est les poivrots plein de ragots et trop souls pour me reconnaître.
- Je suis vert comme un orc,
balbutia Arzhiel en voyant les amants s’enlacer. Rapprochons-nous, je ne sais pas ce qu’il peut lui raconter, mais ça doit valoir le détour.

Le groupe trottina discrètement vers le couple et trouva une cachette plus proche sans se faire remarquer, même quand l’espion voulut tenter la double roulade et heurta la paroi avec fracas. De leur position, ils purent tendre l’oreille, se bousculant les uns les autres.

- Vous êtes si spirituel, messire Hjotra, gloussait Glénys.
- Spirituel, ça a un rapport avec les vins, non ? Vous dîtes ça à cause de mon haleine ?
- Hihi, grand sot, vous êtes impayable. Si censé et plein d’humour !
- Mes aïeux,
marmonna Arzhiel. La malheureuse a complètement perdu la raison.
- Et le sens de la vue,
ajouta Ségodin pendant que Hjotra fourrait son doigt dans son nez.
- Dîtes-moi, mon bon, fit la jeune naine timide. Quel est votre signe zodiacal ?
- Euh, mouette ou castor, je sais plus. En tout cas, c’est une bestiole volante.
- Arrêtez de prendre des notes, Rugfid ! Il débite les mêmes âneries que d’habitude, c’est Glénys qui doit être sous traitement !
- Je ne suis pas d’accord,
chuchota Svorn. Sa débilité est carrément plus inspirée qu’à l’accoutumée. Il donne tout ce qu’il a, visiblement.
- J’aime beaucoup votre prénom, m’dame,
déclara Hjotra en pinçant la bedaine de sa bonne amie. Glénys, ça ressemble à génisse, c’est marrant.
- Quel boute-en-train !
rit la jeune naine rougissante. Je suis au fait de votre passion pour les animaux. C’est tellement…sexy, un nain tendre qui aime les bêtes.
- A ce propos, vous saviez que le cri du canard n’a pas d’écho ? J’ai fait l’expérience cette nuit avec mon ami Brandir.
- Mais c’est pas cette nuit que je les avais envoyés en patrouille ?!
râla Arzhiel.
- C’est édifiant, soupira Ségodin. L’amour rend aveugle, sourd et entièrement dégénéré. Heureusement que je ne me comporte pas comme un crétin avec Dame Elenwë.

Les nains se retournèrent vers l’humain, la même expression compatissante sur le visage. Plus loin, les deux amoureux s’enlaçaient avec ferveur.

- Qu’est-ce qu’on fait ? demanda Svorn. On s’en va. Parce que là, j’avertis, je suis à deux doigts de leur jeter une rune de tonnerre et de me trancher les veines avec une cuillère dans la foulée.
- Ouais, on file,
acquiesça Rugfid, désolé. Faut que je m’enivre sinon je vais faire des cauchemars. Quelqu’un a un litron sur lui ? Je l’échange contre un scarabée.
- Je suis au bord de la dépression là,
admit Arzhiel. Je me sens tellement désespéré que je crois que je vais aller faire l’amour à mon hideuse nelfette, là.
- Reprenez-vous, monseigneur !
fit l’espion. Le choc est terrible mais ne cédez pas à la folie !
- Quand je pense que le cri du canard ne produit pas d’écho…
marmonna Ségodin. C’est tout de même particulièrement étrange !
- Arzhiel !
hurla une voix perçante précédant l’apparition d’Elenwë furieuse. Une heure que je vous cherche partout ! Vos pitres de conseillers m’apprennent que vous voulez baisser mon budget « plantes vertes » de 0,2% ?! Etes-vous devenu fou ou stupide ?! Je me suis vue dans l’obligation d’ordonner au forgeron de fondre la masse d’armes héritée de votre père pour réparer cet outrage !
- Dites, l’osseuse,
répondit placidement le nain tandis que les siens reculaient prudemment. C’est quoi votre signe zodiacal ?
- Comment ?! Mon signe ? Hé bien, c’est harpie pourquoi ?
- J’aime beaucoup les harpies. Je trouve leur plumage merveilleux et leurs crocs pourrissants particulièrement fascinants…


Elenwë fronça les sourcils, surprise, puis ses traits révulsés par la colère se détendirent et se radoucirent lentement. L’elfe finit par glousser comme une enfant et rougit en se tordant les doigts.

- Désolée d’avoir crié, mon bon, souffla-t-elle. Votre masse n’a rien, bien sûr. Mais j’ai fait lapider deux de vos maîtresses. Je suis si facétieuse et impétueuse quand je suis stressée !
- Compagnons !
lança Arzhiel en se tournant vers son groupe stupéfait de ce revirement. Nous venons d’apprendre une grande leçon grâce à Hjotra. L’amour, c’est comme un fléau d’armes. Si on s’en sert comme un nœud, on prend tout dans la tronche. Si on sait comment l’utiliser, ça craint du boudin pour les autres ! Allez méditez là-dessus, j’ai du boulot. Faut que j’aille me trouver deux autres maîtresses…
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MessageSujet: Re: La Saison 2   La Saison 2 Icon_minitimeVen 30 Nov - 21:10

Episode XXXXVII – L’Embuscade

- Non, soupira Arzhiel en repoussant une branche. Franchement, je le sens pas.
- Qu’est-ce que vous voulez dire, seigneur ?
interrogea Ségodin, derrière lui.
- Il parle de l’odeur, répondit Hjotra, après lui. Moi je la sens, monseigneur. Ça nous suit depuis un moment. Ça pue la marée. Vérifiez vos chausses. Y en a un qui a du marcher sur un poisson.
- Bon, alors déjà "ça" je le sens pas,
reprit Arzhiel en indiquant la troupe de nains en file indienne dans la forêt occupée à vérifier leurs semelles. Fourrer trente nains dans un bois à la tombée de la nuit pour traquer un hypothétique ennemi, c’est déjà pas très futé, mais en plus, laisser l’autre relique déglinguée d’éclaireur nous guider, c’est carrément du suicide.
- Vous vous faîtes des idées. Tout se passe très bien jusqu’à maintenant. Et votre éclaireur, malgré ses deux maladies, son âge avancé et son instinct de belette aveugle, est le plus compétent pour cette tâche
.

Le chevalier, tout sourire, désigna l’éclaireur séculaire, borgne et estropié, reniflant une mousse, l’œil perçant, avant de se rendre compte qu’il s’agissait d’un tissu usagé ayant servi de mouchoir à son voisin un instant plus tôt.

- On se dit qu’il nous arrive souvent des coups durs plus débiles les uns que les autres, mais je me demande si on ne les chercherait pas un peu aussi.
- Votre manque de confiance en vos soldats risque d’affecter leur efficacité, seigneur.
- Leur efficacité ? Bon dieu, je savais même pas qu’ils en avaient une ! Regardez voir. Brandir ! Oh, psst ! Brandir ! Non, devant vous, crétin ! Je ne vous appelle pas depuis la cime des arbres, ahuri ! Pourquoi vous regardez en haut, je culmine à un mètre cinquante !
- Ce sont les esprits maudits de la forêt,
répondit le guerrier peu rassuré par son environnement. J’entends leurs voix. Ils me menacent de me changer en baie sauvage si je ne leur obéis pas. Ils voulaient que je dépose ma bourse, ma gourde de liqueur et ma barrette à barbe en os d’orque par terre. Tenez, Rugfid a la même. Et la même bourse. Et la même gourde…À une place près dans la file, ça tombait sur lui !
- C’est pour ça que vous tirez cette tronche ? On dirait Svorn quand il n’a pas charcuté un captif depuis la veille.
- C’est parce que je suis victime d’un maléfice, seigneur !
gémit le berserker. J’avais spécialement fait coudre une braguette sur mon armure, histoire de pas avoir à enlever tout le matos à chaque envie pressante. Et là ! Paf ! La braguette a disparu !
- Retournez-vous. Matez les deux jambons qui vous servent de miches.
- Han ! La braguette est dans mon dos ! Quel puissant maléfice !
- Ou alors vous êtes assez nullos pour enfiler votre armure à l’envers. Disposez avant que je mette votre tête de piaf à l’envers pour l’assortir à votre braguette !
- Je vois de quoi vous voulez parler,
souffla Ségodin quand Brandir partit en insultant les esprits d’un ton triomphant.
- Non, mais là, c’est pas méchant. Par contre quand ça va nous tomber sur le coin de la pomme, faudra pas se poser de questions ! C’est un coup à finir direct au milieu du campement ennemi ou dans l’antre d’un ogre associable !
- Vous voulez que j’ordonne la retraite ?
- Non, c’est bon…Je suis curieux de voir comment tout va partir en couille. Et puis y a Elenwë au Karak et je préfère l’ogre à choisir. Lui au moins n’exige pas un câlin après vous avoir mis minable !
- Monseigneur !
l’interrompit un protecteur joufflu. L’éclaireur a repéré quelque chose dans la pénombre. Il est à l’arrêt, la truffe au vent.
- Comment sont ses oreilles ?
- Rabattues en arrière et sa jambe de bois frétille.
- Merde,
pesta Arzhiel. Il a flairé un truc ! Avec le pot qu’on a, c’est un dragon en rut, vous allez voir ! Il me faut quelqu’un pour aller vérifier, une perte acceptable, quelqu’un qui ne nous fera pas forcément défaut si ça tourne mal et qui ne manquera à personne, un type sans attache, ni famille…Rugfid, amenez-vous !
- Oui, cher cousin ?
- Rien qu’à vous regarder dans les yeux, j’ai le taux d’alcool qui grimpe en flèche. Êtes-vous fin plein ou avez-vous encore de la marge ?
- À ce stade,
réfléchit l’explorateur passablement éméché. Dans une gourde, je commence à chanter, dans deux, je montre mon c…
- Ouais, c’est bon, ça ira. Passez devant ! Il doit y avoir un monstre pas tip top ou un traquenard plutôt vicelard. Essayez de le déjouer ou mieux, avertissez-nous de sa nature avant de claquer. D’accord ?
- Euh…c’est-à-dire que l’exercice me parait assez périlleux. Je crois que je vais décliner l’offre, en fait. Hein ? Oulà, oui, vous avez un joli poignard, cousin. Ah…oui, il pique mais éloignez-le de mon nez je vous prie…J’ai changé d’avis, j’y vais.


Le nain fit deux pas hésitants puis s’arrêta et fit volte-face, une fois assuré qu’il était hors de portée du couteau.

- Êtes-vous certain que je ferai vraiment l’affaire pour cette mission ? demanda-t-il. Tout à l’heure, j’ai glissé et je crois que je me suis brisé l’utérus en tombant.
- Cet os, c’est l’humérus,
rectifia Ségodin.
- L’utérus, c’est chez les femmes, tocard ! Magnez-vous au lieu de nous jouer du pipo !
- Ah bon, les femmes ont des os différents des nôtres ? Comme vous êtes savant, cousin !
- Ce doit être un trait de famille,
marmonna le seigneur de guerre en regardant Rugfid déboucher, soulever et avaler une rasade de la gourde de Brandir juste avec les dents.
- Bon alors j’y vais ?
- Et protégez bien votre gorge !
l’encouragea Ségodin. Faudrait pas que la flèche qui va vous abattre vous empêche de parler et de nous avertir.
- Le soleil se couche. On voit déjà plus cet ivrogne. On parle d’ennemis et de Rugfid buté, mais on ne se fait pas une fausse joie ? Je veux dire, c’est sûr le renseignement des partisans de l’oracle planqués dans la forêt ?
- L’espion est formel, messire !
- Non, mais sérieux. On n’a pas une autre source qui fasse moins rire que l’espion ?
- C’est-à-dire que l’ennemi nous a un peu aiguillé en lui envoyant ce parchemin.
- Ça dit quoi ? C’est peut-être du flan.
- « On vous attend dans la forêt. Venez ou on dit partout que vous êtes des fiottes. Signé : les fidèles de l’oracle. PS : Crevez tous en enfer, chiens d’incroyants. »
- De suite, c’est plus clair,
reconnut Arzhiel. Regardez le petit dessin injurieux dans le coin pour illustrer, c’est bien eux, c’est leur style. J’espère qu’ils ne vont pas être trop déçus en voyant se pointer Rugfid rond comme une queue de pelle…

Trente pas devant, luttant au milieu des branchages obscurs, le pas mal assuré et l’œil vitreux, Rugfid chantonnait la gigue des nains braillards en cherchant sa route. Il s’arrêta un instant pour réfléchir intensément à la raison de sa présence ici puis repartit en enchaînant le second couplet. Il esquiva deux flèches en trébuchant contre une racine, un piège à loups en se rattrapant à un arbre et fit fondre un projectile de glace enchanté en rotant bruyamment.

Rugfid se gratta la barbe et reprit son chemin avant de déraper sur une pierre humide. Emporté par son élan, il cracha au loin le bouchon coincé entre ses dents qu’un mage ennemi prit dans l’œil avant d’accidentellement dévier son sort de brasier sur ses congénères. Vacillant, l’explorateur ivre lâcha sa gourde de liqueur qui explosa et se propagea au contact du feu sur un nouveau rang d’ennemis embusqués. Finalement, le nain tomba lourdement sur le postérieur et la pierre plate sous son pied déclencha un éboulement emportant une douzaine d’adversaires en contrebas s’apprêtant à le charger.

- C’est vous qui foutez tout ce barouf ?! cria Arzhiel en le rejoignant. Chapeau la discrétion ! Et en plus vous êtes encore vivant !
- De toute manière, y a pas d’ennemi ici,
avisa Ségodin en épiant le soudain silence alentour. Ils se sont foutus de nous.
- Pfff, quelles tafiolles, je vous jure !
grogna Arzhiel en marchant sur le bras d’un ennemi carbonisé. On se casse. En plus, Hjotra avait raison. Ça pue le cramé dans cette forêt !
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MessageSujet: Re: La Saison 2   La Saison 2 Icon_minitimeVen 30 Nov - 21:12

Episode XXXXVIII – La Fête du Houblon

Rendez-vous incontournable des nombreux clans de la région, la Fête du Houblon donnée chaque décennie au bourg humain de la vallée était l’évènement auquel tout bon fêtard se devait d’assister. En ces temps troublés de fanatisme et de guerre, les festivités offraient un répit et un moment inestimable de détente à tous ses visiteurs. Grands fidèles des célébrations, Arzhiel et ses compagnons comptèrent parmi les premiers arrivés.

- Et vous savez pas ce qu’elle me sort, la ribaude ? s’exclama Arzhiel, de fort bonne humeur. Que les mers existent et que ce seraient de vastes étendues d’eau qui se perdraient à l’horizon ! Qu’est-ce qu’ils peuvent sortir comme conneries les elfes !
- On est arrivés !
s’écria Rugfid en trépignant sur place. A la taverne ! Allez !
- Attendez ! Je donne les consignes et après vous irez vous mettre la tête en dedans, déclencher des bagarres, courtiser de la tapineuse ou ce que vous voulez, c’est quartier libre. Hum, Hjotra ? Oui, faire un tour de poney aussi, je m’en secoue. Je vous fais le topo. Je vous lâche la grappe pendant une semaine, c’est mes vacances aussi. Je ne paye aucune de vos amendes. Pour ceux qui se feront chopper par la milice, vous attendrez qu’on vienne vous récupérez aux geôles le jour du départ, comme d’habitude. Des questions ?
- Pourquoi j’ai un ballon noué à la taille ?
interrogea Hjotra en fixant la boule en peau de brebis peinte gonflée au pet d’orque flottant au-dessus de sa tête et attachée par une corde à sa ceinture.
- C’est pour vous situer dans la foule parce que vous vous paumez à chaque fois. L’an passé, vous avez échoué à la Muraille de la Perdition et c’est à trente lieues d’ici.
- Un frelon énorme m’avait pris en chasse,
ronchonna l’ingénieur pour se défendre.
- Où est-ce que je pose les bagages ? marmonna Ségodin caché sous une pile de malles.
- A l’auberge du Hibou Guilleret, j’ai réservé trois piaules. C’est au quatrième étage, je vous aiderai bien à porter tout ça, mais en fait j’ai pas envie. Ah, et magnez-vous.
- Le Hibou Guilleret ? !
s’exclama Hjotra, le bras déjà coincé, enroulé dans son cordage. Mais ça va vous coûter la peau des yeux de la tête !
- Clair, cousin, c’est pour les bourges là-bas,
fit Rugfid. J’y allais des fois piller quelques chambres avant, quand j’étais un peu raide.
- C’est certain que la note comptera encore plus de zéros que tous vos QI mélangés, mais c’est paisible. J’ai parié sur l’issue du concours de beuverie auquel vous allez participer tous les trois.
- Mais monseigneur !
protesta Brandir, c’est notre récompense ! On s’est entraînés dur en vue de remporter ce prix !
- Je vous prierai d’être moins familier quand vous parlez de « mon » prix, les enfants ! C’est-à-dire qu’il me faudra en prélever une partie pour dédommager le seigneur Sombrécu pour la perte « accidentelle » de la virginité de sa fille Glénys durant son séjour chez nous…

Les regards se portèrent sur Hjotra qui remplissait ses poches de cailloux de peur que son ballon ne l’emporte à la prochaine brise.

- J’ai aussi diverses cautions à régler aux prisons du comté pour vos arrestations de l’année, Rugfid et vous Brandir, je vous ai sauvé trente-sept fois la vie ce trimestre, lit Arzhiel sur son carnet de bord. Pour finir, c’est ma pauvre pomme qui s’est coltiné les marchandages avec Svorn pour vous obtenir votre matériel. Vous ne l’avez pas oublié, j’espère ?!
- J’ai le mien !
lança joyeusement Rugfid en sortant son urinoir de voyage magique sans fond.
- Moi j’ai les parchemins, ajouta Hjotra en montrant une liasse de sorts de dissipation d’ivresse.
- Moi, j’ai mon porte-bonheur, dit Brandir en tendant un morceau sec et sombre à Arzhiel.
- C’est quoi ce truc ? Berk, mais c’est la gerbe ! Ça porte chance, ça ?!
- Oui, c’est Ségodin qui me l’a prêté
, répondit le guerrier. Il y tient beaucoup. C’est sacré, c’est une réplique.
- Une relique, on dit. Mais c’est pas des moucherons dessus ? C’est quoi à la fin ?!
- Une bouchée de champignons recrachée par Dame Elenwë sur un serviteur qui lui avait servi un glaçon trop froid. Le grouillot l’a vendu pour dix pièces d’or à Ségodin. Si c’est pas de la chance pareille somme !


Arzhiel eut un geste de dégoût et lança vivement la bouchée immonde dans la foule. La relique atteint un géant en plein sur le nez mais heureusement, la chance de l’objet parut fonctionner puisque lorsque le monstre irrité chercha le responsable du jet, il ne trouva que Ségodin revenant de l’auberge. La technique de dispersion précipitée issue de l’art de guerre nain avait éparpillé Hjotra, Brandir, Arzhiel et Rugfid, bien à l’abri.

- Quand je pense que Ségodin va passer toute la fête en convalescence sur son lit, se lamenta Hjotra le lendemain de l’incident.
- C’est-à-dire que traiter un géant de raclure abjecte voleuse de bouchée sacrée, ça n’a pas été sa répartie la plus pertinente, remarqua Rugfid. Au moins, ça a fait un spectacle. J’ai gagné trois piécettes en pariant sur son nombre d’os brisés. J’ai eu du flair !
- Je ne savais pas que les humains pouvaient rebondir autant de fois au sol après avoir été jeté contre un mur,
fit Brandir. Il manque d’humour, il rate toujours ses chutes, hihihi !
- Bon, allez, ça suffit la récréation !
les interrompit Arzhiel. Le concours va commencer, on se concentre ! Inutile de vous rappeler que si vous perdez, pour me renflouer je vends votre sperme, votre sang et vos organes au marché noir, vos chicots et votre carcasse aux nécromanciens et que je me sers du reste pour décorer le boudoir d’Elenwë.
- Non, pitié, seigneur !
gémit Hjotra. Pas son boudoir ! C’est là qu’elle se déshabille !
- Non, mais c’est bon, on aura plus nos yeux,
le rassura Brandir.
- C’est ça, faîtes les marioles. N’empêche que si vous vous écroulez avant l’équipe orc des Joyeux Carnassiers ou les bûcherons humains des Amis de la Chopine, vous nous mettez tous dans la purée ! Et je préfère perdre vos vies que la cordelette qui ferme ma bourse. Allez les gars, courage, je vous aime ! On fait le cri de guerre.
- Donne-moi un B comme gros benêts !
chantèrent les nains en cercle. Donne-moi un S comme herpès ! On est des B, touche-toi la raie ! On est des S, touche-toi la fesse ! B ! S ! Ohhhhhhhhhh ! Boulets Sacrés ! Ouaiiiiiis !
- C’est un chant tellement émouvant,
pleurnicha Hjotra en rentrant en piste avec les autres sous les yeux de la foule hébétée.

Une semaine plus tard, de retour au Karak…


- Voilà, ce sont les dernières pour ce régiment !
déclara Arzhiel tandis qu’un serviteur déposait un chariot plein d’armures de mithril près de Brandir. Après, on passe à celles des lanceurs de runes. Ça avance ?
- Au poil, sauf que je me crame les miens,
répondit le guerrier en reposant la tenaille tenant la pierre incandescente qui lui servait à repasser les armures de tout le Karak depuis leur retour de la fête. Comment ça se passe pour les autres ?
- Rugfid en est à sa vingtième brouette de crottins de poneys. Il attaque demain les écuries principales et il lui restera plus qu’à porter tout ça hors de la montagne. Hjotra a pris un peu de retard. Il a failli se noyer en tombant dans l’évier. Après la vaisselle des couverts et assiettes du huitième banquet, il commençait à s’endormir. Je lui ai mis Touffou, mon cerbère, aux miches pour éviter qu’il ne perde sa concentration de nouveau.
- Entre nous, monseigneur, j’ai eu peur que vous soyez fâchés après notre défaite et puis quand vos bookmakers sont venus se saisir du mobilier, mais en fait, vous êtes un chic chef. Vous nous aimez bien.
- Qu’est-ce qui vous fait dire ça ?
- Bah, les corvées, c’est pas le pied, mais à côté de nous dépecer pour vendre nos organes, c’est de la rigolade ! Vous ne comptiez pas vraiment le faire hein ? Nous découper ?
- Hum ?
fit Arzhiel en lisant la proposition d’achat de trois squelettes de nains qu’il avait reçu aujourd’hui de la secte des nécromanciens des Buveurs d’âmes. Non, c’était pour déconner, bien sûr. Au fait, faîtes gaffe à rien vous casser.
- Je le savais, sourit Brandir. Dans le fond, vous nous a-do-rez !
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MessageSujet: Re: La Saison 2   La Saison 2 Icon_minitimeVen 30 Nov - 21:12

Episode IL – Le Hall des Héros

- Le Hall des Héros !
s’exclama fébrilement Ségodin. Je reconnais être assez nerveux, mais ce n’est rien à côté de l’honneur que vous me faites en m’autorisant à affronter cette épreuve épique !
- Le Hall des Héros ?
répondit Arzhiel en le conduisant à travers un couloir sombre. Vous avez mal compris, mon vieux. Si je vous envoie dans le Hall des Héros, vous allez éclabousser les murs. Vu votre niveau, c’est au Hall des Zéros qu’on va. C’est un peu le même type, mais pour les débutants, les novices et les nullards.
- Mon niveau ?! Qu’est-ce qu’il a mon niveau ?!
- Il est bidon,
fit Hjotra en le dépassant.
- Techniquement, le terme militaire c’est minable avec option affligeant.
- Je ne vois pas ce que vous me reprochez, seigneur,
s’offusqua le chevalier.
- Peut-être le fait d’être une bille en combat, répondit Hjotra.
- Mais qui vous a demandé votre avis, le machiniste déboulonné ?! Et, d’abord, qu’est-ce que vous faites là, vous ?!
- C’est moi qui lui ai ordonné de venir,
dit Arzhiel. Il est aussi pathétique que vous sur le champ de bataille. Je me suis dit qu’une figure familière, ça vous ferait de la compagnie durant l’épreuve. Et puis d’emblée, ça vous donne une excuse si jamais vous échouez…
- Je suis outré !
se plaignit Ségodin, écarlate. Que vous osiez comparer mes faits d’armes à ceux d’un…
- Blaireau,
proposa Hjotra d’un air débonnaire.
- …apprenti, c’est inadmissible ! J’ai toujours fait preuve de vaillance, de volonté et de fidélité en vous appuyant durant tous vos combats ! Moi au moins, je reconnais ma droite de ma gauche !
- Mais ne voyez pas ça comme une forme de punition ou d’humiliation, même si toute la cour a déjà pris place pour venir vous voir. Je ne remets pas en cause votre loyauté. C’est juste que vous vous battez comme un vieillard grabataire et débile.
- Mais je suis chevalier adoubé tout de même !
- Je croyais que c’était chevalier Ségodin votre titre ?
commenta Hjotra, troublé.
- Adoubé sûrement, mais c’est une technique de chevalerie de se mettre à quatre pattes pendant que trois gobelins vous lattent les côtes et dansent sur votre nuque ?
- Ces trois-là faisaient preuve d’une vivacité n’ayant d’égale que leur cruauté, monseigneur ! L’un d’eux m’avait piqué les fesses et en tombant en avant, j’ai accidentellement frappé un autre avec mon genou. Ils ont vu rouge et la colère a décuplé leur force.
- D’autant que c’est vachement réputé pour sa force le gobelin…Allez, faites pas votre gonzesse. Entrez dans le rang avec les autres apprentis. Je garde un œil sur vous depuis les gradins.
- Ma honte ne pourrait être pire…
larmoya l’humain en suivant Hjotra.
- Ah, au fait, lui lança Arzhiel. Elenwë est là aussi. Elle vous passe le bonjour !

Mortifié, Ségodin prit place dans la queue avec les autres nains adolescents encore imberbes désirant faire leurs preuves au combat. Attendant son tour, il tâcha de se concentrer avant d’entrer dans le hall alors que Hjotra avait entamé une holà dans la file et poussait les jeunes à chanter un chant d’ivrogne pour se donner du courage.

- Ça vous fait rien de voir votre honneur souillé et remis en question par votre seigneur ?! l’interrogea le chevalier, blasé par l’insouciance de son compagnon.
- Non, ça fait cinq fois qu’il m’y envoit. C’est très récréatif vous verrez. Dites, messire Adoubé, vous voulez qu’on le fasse ensemble ? Il parait qu’ils ont changé les épreuves cette année.
- Vous avez peur de vous paumer, c’est ça ? Au diable mon prestige ! Je vous suis…Que peut-il m’arriver de pire ?

- Messire Adoubé ?!
s’exclama Hjotra dix minutes après leur entrée dans le donjon d’entraînement. Ça va ? Je suis vraiment désolé. D’habitude je mets du miel sur mon manche pour pas lâcher mon arme mais là je crois que j’ai confondu avec le savon de Glénys. C’est vraiment pas de bol de vous être trouvé pilepoil dans la trajectoire !
- Ne vous inquiétez pas !
marmonna le chevalier blessé. Je ne ressens plus la douleur depuis que vous avez fait tomber cette fiole de gaz paralysant tout à l’heure. D’ailleurs je ne ressens plus grand-chose. Poursuivons, voulez-vous ? Je ne veux pas donner raison à Arzhiel en abandonnant maintenant. Pourquoi vous ricanez ?
- Parce que j’ai gagné mon pari avec Brandir. Il disait que les humains avaient les os d’une autre couleur, mais pas du tout en fait. Je le vois bien là sur votre blessure, le vôtre dépasse.
- Ravi de vous être utile ! Comme durant le combat contre ces squelettes ou cette redoutable énigme sur le nom des doigts de la main.
- Ouais, mais si ils me changent les attractions, c’est sûr, moi je perds tous mes repères ! Regardez ! On arrive à une grotte. C’est tout noir et ça grogne là-dedans. Passez devant !
- Je finis de m’évanouir et j’y vais !
râla Ségodin. Je pisse le sang et je boîte ! Vous ne voulez pas qu’on tire au sort aussi pour désigner l’éclaireur ?!
- On fait comment ? Pierre-feuille-ciseaux ?
- Donnez-moi un chiffre entre 1 et 10.
- Euh…14 ?
- Perdu, c’est vous qui vous y collez. Et magnez-vous le train !
- Mince, j’ai perdu…C’était quoi la bonne réponse ?
- Ben, un chiffre entre 1 et 10…
- Pas de regret alors, j’aurais jamais trouvé !


L’ingénieur s’avança dans le noir et Ségodin profita du répit pour souffler une seconde avant de perdre le peu de raison qui lui restait.

- C’est bon, l’appela Hjotra, ça risque rien, c’est Touffou le cerbère qui garde la salle.
- Un cerbère ?! C’est pas un peu belliqueux comme bestiole ?!
- Belliqueux ça veut dire quoi ? Ça a un rapport avec son nombre de queues ?
- Hargneux, hostile, vindicatif…Pardon, j’oubliais à qui je parlais, méchant.
- Un cerbère méchant !
ricana le nain. Svorn avait raison. Vous avez un grain par moment ! Touffou n’est pas méchant. Il m’a déjà arraché une moitié de fesse. Je risque plus rien, il sait quel goût j’ai. Maintenant, quand je l’approche, il pleurniche. Là il geint parce qu’ils l’ont blessé. C’est pour le rendre grognon avec les participants à l’épreuve. Mais rassurez-vous, je l’ai soigné avec l’onguent magique.
- Quel onguent ?!
- Celui marqué « onguent guérisseur pour blessures ». Je l’ai ramassé pendant que vous affrontiez le minotaure unijambiste. Vous le vouliez ? Comment je pouvais deviner ? Vous m’avez rien demandé aussi. Mais bon là, le problème est réglé. J’ai mis toute la dose pour Touffou, y en a plus !
- Si ma seule main valide ne me servait pas à tenir la canne de fortune qui me permet de me tenir debout, je crois que je vous étranglerai sur le champ.
- T’entends, Touffou ?
rit Hjotra en caressant le cerbère écumant de bave. Il veut m’étrangler. Il est taquin hein ? Toi tu risques rien avec tes trois têtes, hihihi.
- Où est la sortie ?
supplia Ségodin. Laissez-moi m’enfuir !
- Il faut escalader cette paroi. La porte est en haut
.

Malgré son état, le chevalier se précipita mais l’ascension encouragée des critiques de Hjotra s’avéra difficile. Ségodin, glissa alors qu’il était presque arrivé et retomba violemment sur Touffou qui lui fondit dessus, fou de rage.

- Qu’est-ce qui s’est passé ? questionna Arzhiel, une heure plus tard, quand Ségodin s’éveilla à moitié mort sur son lit.
- Il a voulu faire un câlin trop familier à Touffou et celui-ci a mal réagi, répondit Hjotra, la couronne des vainqueurs de l’épreuve à l’envers sur la tête.
- Pour les morsures, d’accord, mais mon médecin a parlé de fractures multiples dues à une chute ?
- Ah oui. Il a grimpé une paroi je sais pas pourquoi. Il est tombé de là. C’est bizarre parce que c’était un leurre. La vraie porte s’est ouverte quand Touffou l’a projeté sur le levier d’ouverture dissimulé dans l’ombre. Quel dommage pour lui ! C’était justement la sortie du hall.
- Ça lui fera une occasion d’y revenir,
conclut Arzhiel en se penchant vers le chevalier pour qu’il l’entende bien. Echouer ainsi…Vous êtes décidément un gros nul !
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MessageSujet: Re: La Saison 2   La Saison 2 Icon_minitimeVen 30 Nov - 21:12

Episode L – De bon conseil

Arzhiel se réveilla lentement et s’étira mollement avant de se laisser tomber de sa couche. A la pousse du champignon décoratif sur sa table de chevet, il constata qu’il n’avait hiberné que deux semaines. Le nain tapota son oreiller à motif de tête d’orc avec hache plantée dans le front et quitta sa caverne en baillant.

- Monseigneur ! hurla Brandir avant de lui fondre dessus, écrasant ses pantoufles en cuir de drow sous ses bottes de mithril dans la précipitation. Vous êtes réveillé ! Gazul soit à louer !
- On dit Gazul soit loué, mais reculez, vous gueulez comme un fennec. Et vous en avez l’odeur comme l’haleine…
- L’accès aux cuisines est coupé, c’est la fin du monde !
fit le guerrier paniqué.
- Tant qu’il reste l’accès aux latrines, m’en fiche. Poussez-vous, faut vraiment que j’aille pisser là où je vais finir par avoir votre démarche….et votre odeur.
- Salutations, cousin !
lança Rugfid, les mains dans les poches. Vous ne devriez pas aller dans ce couloir. L’ennemi approche par là.
- Quoi ?! L’ennemi ? Quel ennemi ?! Et c’est quoi ce boucan ? Mais ça bataille là, non ?!
- Oui, c’est l’ennemi, on vous dit !
soupira Brandir. Ils ont pillé les cuisines et ils remontent là. Soyez plus attentif !
- Mais qu’est-ce que c’est que ce bordel ?!
pesta Arzhiel, hébété. On est attaqués ?!
- C’est vrai que vous n’êtes pas très vif au lever…
murmura Rugfid, navré.
- Ah, Arzhiel ! fit Elenwë en arrivant, visiblement contrariée. Vous vous traînez au lit alors que nous subissons un siège, c’est intolérable ! Les hurlements des morts et le bruit de nos murailles qui s’effondrent dérangent ma partie d’échecs avec Svorn. Veuillez intervenir sur le champ ! Honte sur vous ! Vous me mettez dans un tel état d’irritation que mon teint est tout empourpré !
- Bougez pas, je m’en vais vous l’empourprez pour de bon !
grogna le nain en montrant le poing. Et c’est bon pour vous tous ! Magnez-vous le fion à rejoindre le combat au lieu de glander ici pendant que l’ennemi nous refait la déco !
- Vous êtes drôlement moins autoritaire en robe de chambre,
remarqua Brandir.
- Non, mais c’est bon pour l’ennemi. On a tiré au sort durant votre absence. C’est à Hjotra de gérer la défense. Vous croyez qu’on est inconscients ?
- En plus d’être débiles et incompétents, vous voulez dire ?! Oui, bande de tanches ! Hjotra gérer la défense ! Mais filez direct à l’ennemi les clés du Karak aussi ! Je suis certain que ce couillon doit promener son castor en ce moment !
- N’importe quoi !
ricana Rugfid. Le castor c’est le matin qu’il le sort. A cette heure-ci, ce doit être toilettage des renards. Tenez, le voilà. Vous voyez bien !
- Vous allez trouver ma question bête
, dit l’ingénieur en apparaissant avec un renard dans les bras. Mais des orques plein nos couloirs, ce ne serait pas un peu dangereux ?
- Mais vous ne défendez pas ?
l’interrogea Elenwë. C’était votre tour les jours impairs.
- Mince ! J’ai du me trouer dans mes calculs. Je croyais que ça tombait qu’un jour sur deux les jours impairs.
- Keuf ! Keuf !
toussa Arzhiel, blafard.
- Cassos ! s’écria Rugfid, effrayé. Il appelle la milice !
- Restez-là, tête de piaf ! Keuf ! Je m’étrangle ! Keuf, keuf ! Ce sont vos âneries qui me restent en travers de la gorge ! Allez me virer ces orques de mon Karak !!!
- Ou quoi ?
le provoqua Elenwë, les bras croisés au milieu des nains éparpillés.

Deux jours plus tard, en tête à tête avec Svorn…

- Et vous avez répondu quoi ? interrogea le haut prêtre en fixant son seigneur.
- Ben, rien justement. J’ai pas su trouver quoi leur dire. C’est pour ça que je viens vous demander conseil. J’ai plus d’autorité sur ces manches et ça devient le cirque dès que je tourne le dos. Je trouve plus de quoi les menacer. Y a rien qui peut les faire marcher droit. Comme vous êtes plus réputé pour votre cruauté que pour la déconne, je pensais que vous pourriez me refiler des tuyaux.
- Et les orques du coup ? Vous les avez boutés ?
- Comme ils trouvaient personne sur qui taper, ils se sont barrés en râlant. Ils ont déposé plainte au Grand Conseil pour « tafiollerie combative ». On va se prendre une amende, mais on devrait gérer.
- Ouais en fait, vous voulez abdiquez pour me céder le pouvoir, c’est ça ?
- Je préfèrerai embrasser Elenwë sur la bouche de faire ça, mon p’tit père. Je crois que vous ne percutez pas alors je vais vous faire le topo. Vous êtes sélectionnés d’office dans l’équipe des boulets donc si je n’arrive pas à remettre tout le monde dans le rang, je vous vends à des pirates bien glauques mangeurs de légumes. Vaudrait mieux pour vous que vous me lâchiez deux trois conseils avant de vous retrouver à écosser des petits pois sur la côte avec votre nouveau petit ami orc.
- Je saisis vaguement l’idée,
concéda le prêtre, de suite plus humble. Le secret pour se faire respecter, c’est jouer sur la peur.
- La peur ?
fit Arzhiel, curieux.
- Oui, filer les miquettes quoi. Quand je récupère des ennemis pour les sacrifices, y a aussi des durs à cuire. Certains ne font même pas dans leur culotte au moment d’y passer ! C’est pas acceptable. Donc je leur flanque la frousse en les torturant un peu. Une fois écorchés, borgnes et éviscérés, vous en faîtes ce que vous voulez.
- Je vais pas enfermer Brandir dans une vierge en fer, avec son bide, ça passera jamais ! Et puis si je torture mes capitaines, les autres risquent de ne pas être jouasses.
- Ah beh oui aussi, si vous jouez la gonzesse ! Sérieux, pas de torture ? Même pas le fouet ou l’ébouillantage des pieds ? Vous êtes vachement particulier quand même ! Dans ce cas, faut les mater sur le plan psychologique.
- Le plan psychologique avec mes boulets ? Vous vous foutez de moi ?
- La peur je vous dis ! Trouvez ce qui les fait flipper le plus et collez-les en plein dedans.
- Euh…Hjotra a peur des enfants…Attendez ! Ouais ! Je vais le faire bosser à la garderie !
- Pas mal,
admit Svorn. Forcez-le à chanter avec les marmots et il vous mangera dans la main. Pour les autres ?
- Alors, Ségodin…Bon il est toujours à l’infirmerie, ce serait salaud de le balancer dans un puit plein d’aiguilles. Même si ce serait bien fendard. Brandir a les foix de la flotte. Il construit des ponts miniatures pour passer au-dessus des flaques, je l’ai vu faire.
- Jetez quatre piécettes dans un des lacs souterrains et envoyez-le à la recherche du « trésor » caché dans le fond.
- Ça ne marchera jamais, même avec de l’or…Non, je remplace les pièces par du jambon et des bocaux de confiture.
- Vicieux, mais bien trouvé. Il reste qui ? Votre dégénéré de cousin alcoolo ?
- Lui, c’est tout vu. Il passe sa vie à pourrir à l’auberge donc je lui trouve un poste aux hauts-fourneaux, vingt-deux heures par jour à pelleter du charbon dans une chaleur du diable avec que des gourdes d’eau à boire et pas une goutte d’alcool. Si ça veut rire, il pète un câble et se jette dans le feu dans une semaine !
- Je crois que vous avez chopé le truc
, fit le prêtre, ému par ces perspectives de tortures originales. Pour votre épouse, vous avez une idée ?
- Pas compliqué. Je la prive de son plaisir à la source : fini de me déguiser en animal de la forêt ou en fleur lors de nos galipettes mensuelles. Elle ne va pas le digérer…En plus, le costume du lapin me refile des démangeaisons atroces.
- Vous pouvez me prêtez votre hache que je me trépane avec, je vous prie ?
demanda Svorn. Je voudrais bien effacer de ma mémoire les dix dernières secondes, histoire de ne pas faire de cauchemars pour les huit années à venir.
- Je crois qu’on a bien bûché !
lança gaiement Arzhiel. On a fait le tour, c’est bon.
- Vous m’en voyez ravi, monseigneur. Vous pouvez m’ôter les fers et les chaînes maintenant ? Et me libérer de ce cachot infâme ? C’est celui de Hjotra, ça empeste les bestiaux ici.
- Oui, sans problème d’ici un petit mois. Vous voulez quelque chose ? Je vais chercher un accessoire et je reviens dans quelques minutes.
- Quoi comme accessoire ?
- Une broutille. Deux sylphes, une dryade, une fée et trois effrits avec qui partager votre cellule de deux mètres sur un pour le mois à venir. Je sais que vous supportez pas tout le bestiaire surnaturel. Au fait, je vous ai remercié pour l’astuce de la frousse ?
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MessageSujet: Re: La Saison 2   La Saison 2 Icon_minitimeVen 30 Nov - 21:12

Episode LI – Les Aventuriers de la Hache Perdue

- Où est Grelot ?! s’exclama Elenwë en faisant irruption dans la chambre, visiblement passablement irritée. Alors, Arzhiel ? Vous ne répondez pas ?!
- Non, votre phrase veut rien dire, je réponds pas. C’est votre construction grammaticale qui est mauvaise. Essayez avec un sujet, verbe, complément et des mots qui ont un sens entre eux.
- C’est comme fétu de paille,
ajouta Hjotra en levant la tête. Ça veut rien dire non plus. Faut dire « fais-tu de la paille ».

Elenwë écarquilla les yeux en apercevant l’ingénieur agenouillé au bord du lit dans lequel somnolait Arzhiel.

- Assurez-moi que si j’étais arrivée cinq minutes plus tard, je n’aurais pas trouvé la scène la plus traumatisante de l’histoire de cette montagne sur ce lit, dit-elle, effrayée.
- Y aura jamais plus traumatisant que la fois où vous m’avez forcé à vous masser les pieds en récitant un poème, ma douce laideur. Hjotra est juste là pour m’aider à m’endormir. Il vient le soir et il me raconte sa journée. Une fois passées les premières angoisses et envies de suicide, on s’aperçoit que c’est tellement inintéressant et soporifique que c’est comme une berceuse aux paroles débiles. J’ai pas trouvé mieux pour lutter contre mes insomnies.
- J’en étais au moment où j’expliquais à mon canard que vomir des vers dans le lit de Svorn pouvait être mal interprété,
déclara l’ingénieur.
- Voilà, conclut Arzhiel. Une demi-heure de ça et mon instinct de survie me plonge dans le sommeil. Sinon, vous vouliez quoi avec votre clochette ?
- Je…je sais plus trop,
balbutia l’elfe, déboussolée. Ah si ! Grelot ! Où est Grelot ?! Ma fée de compagnie ?! J’ai besoin d’elle pour aller changer le vin de la gourde de Rugfid en boue. Ce malpoli a osé marcher devant moi dans le couloir ce matin. Il m’a dépassé, vous vous rendez compte de l’affront ?!
- Votre fée ? C’est la bestiole qui ressemble à un moucheron tout brillant et qui ricoche sur les murs quand on lui colle une pichenette ? Je l’ai enfermée dans la geôle de Svorn.
- Flammes ou éclairs ?
menaca Elenwë entre ses mâchoires serrées par la colère tout en montrant les deux magies dans chacune de ses mains.
- Blague ou chanson ? rétorqua Arzhiel en présentant Hjotra face à la sorcière courroucée.
- Très bien, céda-t-elle, vaincue par une terreur naissante. Je n’ai pas le temps de régler ça mais vous ne perdez rien pour attendre. Vous avez plutôt intérêt à porter cette tenue drow en cuir ramenée du champ de bataille à mon retour!

Furieuse, l’elfe sortit et claqua la porte en rouspétant dans sa langue cristalline.

- Bon, ben faut que je file aussi, lança Hjotra.
- Vous avez des plans à étudier ou des engins à réviser ? interrogea Arzhiel.
- Non, du tout. Mais c’est soirée déguisée à la taverne ce soir. On gagne une pinte en y allant costumé. Vous direz à M’Dame Oreilles en pointes que Brandir vous rendra la tunique drow dès que possible, mais pour ce soir, c’est mort, il s’en sert. D’ailleurs, vous voulez pas venir ?
- Comme j’ai juste un Karak à gérer demain, avec les réunions, les revues de troupes, l’entraînement des soldats, la diplomatie, les ressources à vendre au marché, les productions minières à surveiller et tout le reste de ces petits plaisirs, je vais essayer d’optimiser mes trois heures de libre de cette nuit en dormant, vous comprenez ? Et puis, je ne voudrais pas que le poids de mes responsabilités empêche mes subordonnés de se divertir si je leur déléguais un peu de ma part de travail donc je fais tout moi-même, hein ?
- Chacun s’amuse comme il peut !
rit Hjotra avant de s’en aller en sifflotant.
- Bonne soirée aussi, patate, ronchonna Arzhiel en remontant ses couvertures.

Le nain venait à peine de trouver le sommeil que le poids d’un regard froid l’éveilla brutalement. Un visage spectral sévère et très laid le fixait à travers la pénombre. La surprise fit faire au seigneur du Karak un bond en arrière qui le projeta sans douceur au sol
.

- Votre souplesse est digne de celle d’un cheval boiteux, malade et soul.
- Thoric ?!
s’exclama Arzhiel en reconnaissant le fantôme qui hantait la bibliothèque de la citadelle. La vache, la frousse ! Mais vous êtes pas bien ! Vous voulez que je vous exorcise pour vous passer l’envie des visites nocturnes ?!
- Attendez, vous n’imaginez pas le risque que j’ai pris. On parle d’une elfe qui vivrait dans cette chambre. Vous croyez que j’ai pas les chocottes moi aussi ?
- Non, mais c’est bon, elle est partie savater Svorn là,
répondit Arzhiel en observant le fantôme apeuré qui inspectait les lieux en tremblant. Dites, vous qui avez l’éternité, vous êtes vraiment obligé de venir me les scier en pleine nuit ?
- Je devais vous prévenir, monseigneur. Je tuais le temps en passant à travers le sol et les murs tout à l’heure quand je suis tombé sur une relique enterrée. Je pensais que ça pouvait vous intéresser mais si je me suis trompé, je m’envole et…
- Nonnonon ! Hop là ! Revenez flotter par ici. Une relique vous avez dit ? Mais vous êtes certain de votre coup ?
- Une hache en mithril entourée d’une aura dorée, c’était pas l’os d’un clébard, pour sûr.
- Une arme enchantée, c’est terrible ! Vous sauriez m’y amener ?
- Je vais vous donner les indications mais c’est pas gratuit. Hé ! Je suis peut-être mort et tout cendreux mais je reste un nain. On marchande !
- Ok, ça va. Je vous enverrai Rugfid deux fois par semaine. Vous pourrez posséder son corps, son esprit sera trop embrumé par l’alcool pour résister et il croira à une mauvaise cuite. Par contre, évitez de le faire courir à poil dans les rues comme avec le dernier. Ça craint quand ça tombe le jour d’une visite officielle d’alliés…


Arzhiel dessina un plan grâce aux indications du fantôme et s’empressa de trouver quelqu’un pour l’aider à découvrir l’arme magique perdue. Il fut finalement obligée de se rabattre sur Rugfid, faute de mieux, et alla le chercher aux hauts-fourneaux où il écopait sa dernière peine. Ravi d’épauler son cher cousin et un peu de quitter son harassant labeur, l’explorateur prit la tête de l’expédition.

- Une heure qu’on crapahute dans les galeries abandonnées du Karak, se plaignit Arzhiel. On progresse ou on est véritablement paumés et vous me jonglez depuis le départ ?
- Non, ça avance, cousin. Mais c’est difficile de lire la carte. On dirait l’écriture d’un gosse ou d’un amputé des doigts…
- Ouais, c’est bon, ça va ! Enchaînez ! En plus, on crève de chaud dans ce tunnel ! J'ai la raie du cul qui fait gouttière ! Y a une rivière de lave pas loin ou quoi ?!
- Je veux bien partager le vin de ma gourde avec vous, cousin. Je suis sûr que même vous ne pouvez pas râler et boire en même temps…
- Euh, nan merci…
répondit Arzhiel en repensant à la menace d’Elenwë. Attendez ! C’est pas un précipice qui coupe le tunnel là ? C’est bon, j’ai une corde et un grappin. Je me le fais, je suis bien chaud.
- Euh, cousin, je crois que…
- Fermez-la. Ma hache m’appelle ! Regardez ce saut majestueux et rêvez-moi. Je prends de l’élan…Je noue la corde à ma taille. Je cours et je sauuuu…AHHHHHHHH ! Ouch ! Aie !
- C’est pas un peu dangereux ce que vous faîtes ?
interrogea Rugfid en regardant son cousin pendu à sa corde rebondir contre les deux parois du trou. Arrêtez de faire le singe et remontez. Vous allez rire, c’est par là en fait ! A l’opposé de la fosse !
- Mais attendez !
cria Arzhiel. Vous barrez pas ! Ne vous sentez surtout pas obligé de me remonter, hein !
- Cousin ! La hache ! Elle est là, venez voir ! Elle dépasse. Je vais la déterrer.
- Virez vos doigts de ma hache !
gémit Arzhiel en sang en se ruant. Mais ! Mais ! Mais c’est la hache que j’avais paumée l’an dernier ça !!! Je croyais qu’on me l’avait braquée !
- Ah ! Ça y est j’ai compris,
fit Rugfid d’un air navré. Je sais pourquoi il fait aussi chaud. On n’est pas loin du puits de feu des forges.
- Comment vous le savez ? On pourrait être dans le fion d’un dragon, ce serait pareil. On voit dalle à un mètre.
- C’est moi qui ai enterré votre hache magique ici l’an passé.
- Quoi ?! Faut que je fasse un vœu. Ça va être le premier nigaud que je bute avec ma hache enchantée depuis un an…Je vais vous apprendre à enterrer mes jouets comme un clebs !
- Certaines tribus elfes font ça pour conclure une guerre,
expliqua Rugfid en souriant. Enterrer la hache de guerre qu’ils disent. Moi j’ai enterré la vôtre. Pour la coutume quoi !
- Le lancer de nain aussi c’est une coutume. Venez, je vais vous faire essayer ! Je connais justement un précipice sympatoche pas loin ! Revenez là ! Abrutiiiiiiiiiiiiii !
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MessageSujet: Re: La Saison 2   La Saison 2 Icon_minitimeVen 30 Nov - 21:13

Episode LII – Le Chevalier du Gué

Arzhiel regarda la position du soleil dans le ciel et soupira longuement. La tête de Hjotra apparut enfin sous le bélier de siège et l’ingénieur se hissa pour se relever. Une expression placide sur le visage, il s’approcha tout en s’essuyant les mains avec un chiffon.

- Bon, alors ? l’interrogea impatiemment Arzhiel. Vous avez réparé ?
- C’est l’injecteur qui est encrassé,
déclara le nain d’un air chagriné. Comme il est couplé au système de propulsion à hélice de l’essieu, ça a endommagé la durite et le mécanisme de roulement à billes.
- C’est vous la bille ! Ça veut dire quoi ce jargon ? J’suis sûr que vous inventez au fur et à mesure !
- Ça veut dire que je ne peux pas réparer. Faut que je commande la pièce. D’ici une semaine, ça vous va ?
- Ah non, ça me va pas ! Mais même pas une heure ! Vous retournez là-dessous et vous me bidouillez mon bélier de siège ! On a une bataille à mener à midi pile et on n’est pas encore arrivés alors vous vous magnez à me bricoler votre fichu…machin à hélice là !
- Oh, mais cessez donc de le houspiller, vous faîtes peur aux petits oiseaux,
soupira Elenwë, éventée par deux suivantes, couchée dans l’herbe. Vous n’aviez qu’à partir plus tôt si vous ne vouliez pas être en retard.
- On ne serait pas en retard si je n’avais pas dû réquisitionner tous mes soldats pour retrouver votre châle tout pourri ! Vous foutez quoi au fait avec nous ? Vous ne venez jamais m’aider dans mes combats d’habitude !
- Ah, mais je vous rassure, je ne vous aiderai pas non plus aujourd’hui. Je voulais juste prendre le frais. Quelle étourdie ! Dire que j’avais ce châle dans ma besace, hihi !
- Oh non !
se lamenta Arzhiel. Regardez l’heure ! Ça va bouchonner sur la grande route, on va se cogner toutes les caravanes des marchands du sud ! Hjotra ! Arrêtez de jouer avec les piafs et au boulot ou je vous tarte !
- Monseigneur !
appela Rugfid en galopant sur un bouquetin de coursier. Nous ne pouvons plus faire progresser les troupes à l’avant ! Un chevalier bloque l’accès du pont.
- Un péquenot tout seul qui bloque mes trois cents guerriers ? Mince, alors ! Bon, ben on fait demi-tour alors…
- C’est dommage, je la sentais bien cette bataille, fit Rugfid, navré. Enfin, tant pis !
- Mais bougre d’andouille, connectez donc votre neurone ! Butez-moi ce corniaud, dégommez-le à la baliste ou pire, racontez-lui une de vos charades, il va pas gêner longtemps !
- Les sorties du Karak sont faites pour se détendre, mon gras amant,
commenta Elenwë en baillant. Calmez-vous une seconde et profitez de la bise !
- La bise, je la savourerai quand elle charriera l’odeur de la chair d’orc carbonisée et la fumée de leurs huttes réduites en cendres ! En route, mauvaises troupes !
- Seigneur !
annonça un nouveau messager. Le chevalier du gué réclame un duel loyal avec notre champion ou le paiement du passage. Il vous souhaite bonne journée aussi !
- Ça y est,
lâcha le nain écarlate, la boutade me monte au nez. Je vais me le faire le duelliste. Il va vite gicler de ma route après avoir pris son bal, je peux vous le dire !

Arzhiel partit d’un air emporté, revint sur ses pas pour attraper par l’oreille Rugfid qui jouait à son tour avec les moineaux et s’éloigna en grommelant. Arrivés en tête du cortège, les deux nains purent en effet constater qu’un humain en armure planté au milieu du pont défiait ceux qui voulaient traverser. Trois protecteurs et deux lanceurs de runes vaincus étaient étalés à ses pieds.

- Ahah ! clama-t-il d’une voix claire. Seigneur Nain, vous ne franchirez point ce gué avant d’avoir livré rude combat ou vous être acquitté d’un droit de passage.
- Houlà moins fort, mon grand, je mouille mon linge là. Brandir, éclatez-moi ce clown
.

Le guerrier s’élança et tomba dans la rivière, battu après seulement deux échanges.

- Il bouge tout le temps, seigneur ! se plaignit Brandir quand il sortit de l’eau, détrempé. Il a voulu m’enduire avec de l’erreur avec ses mouvements chelou !
- Sans commentaire,
lui lança Arzhiel, blasé, en le repoussant dans l’eau.
- Paierez-vous ? demanda le chevalier.
- Même pas deux cuivres pour une passe avec ta maman, répondit Arzhiel.
- Je me charge de ce valeureux ennemi ! s’exclama Ségodin, vibrant d’émotion. N’ayez crainte, seigneur ! Mon bras est à votre service pour pourfendre ce mécréant !
- C’est foutu,
marmonna le nain. On ne passera jamais.
- Un chevalier se présente à moi ?
fit le duelliste. Bien, dans ce cas, si je vaincs, j’exige de passer un quart d’heure avec lui dans les buissons là-bas ! J’adore les jouvenceaux blonds…
- Seigneur, c’est affreux !
s’écria soudain Ségodin en se tenant la jambe. Une blessure mal cicatrisée me lance brusquement et me cause une terrible douleur ! Je crains de ne pouvoir honorer ce combat !
- A mon avis, c’est pas à la jambe que vous risquez de ressentir une terrible douleur s’il vous bat, mon mignon, si vous voyez ce que je veux dire. Passez votre tour.
- Je vous remercie de m’épargner cette humiliation, messire,
fit Ségodin reconnaissant.
- Ouais. J’ai surtout pas un quart d’heure à perdre pour vos galipettes dans les buissons. Bon, comme c’est étonnant, il va falloir que je m’en charge moi-même ! Je vous garantis que la danse ne va pas durer une minute !
- Je confirme,
déclara Elenwë en arrivant près du pont. C’est rare que ses « danses » durent plus que cela, du moins avec moi…
- Oui, et bien, faites comme d’hab : fermez-la et endormez-vous !
- Attention, messire duelliste,
prévint la sorcière elfe. Des fois il bouge, ça peut prendre au dépourvu.
- Un quart de siècle avec une elfe dans les buissons, ça vous tente pas ?
demanda Arzhiel à son adversaire.
- Non, c’est bon, merci bien. J’ai quasiment la même à la maison. Vous croyez que je fais le péager pour le plaisir ? La solde de chevalier ne suffit pas à madame. Faut que je me trouve un petit boulot en plus après les heures de service, pff…Enfin bon, ça me donne une excuse valable pour mettre vingt lieues entre elle et moi.
- Moi, pareil !
s’exclama Arzhiel. Mon dérivatif, c’est la guerre. Si je ne génocide pas deux tribus orcs par semaine, elle me rend marteau.
- Et puis c’est des sermons et des reproches à longueur de temps !
renchérit le chevalier. Et que je ne suis pas assez attentionné, et que je ne tiens pas compte de ses envies, et que je lui manque de respect…Rentrez une seule fois de la taverne, complètement déchiré avec deux morues au bras, dont sa meilleure amie, et elle vous le ressert durant des mois !
- Et cette manie de toujours s’immiscer dans ma vie privée, de chercher à connaître le nom de mes maîtresses ou la somme d’or que je planque dans mon coffre perso ! J’ai aussi droit à un peu d’intimité !
- Elles nous ôtent notre statut de mâle dominant !
clama le duelliste. Vous allez voir que si ça continue, elles vont réclamer l’égalité des sexes !
- Ne parlez pas comme ça, ça me fait mal au cœur…Dites, vous m’êtes sympathique pour un humain. On s’en va raser un village orc avec les copains, ça vous dit de participer pour se marrer ? L’espion nous a prévenu qu’il y avait plein de femelles et de gosses !
- Pourquoi pas ?!
lança vivement le chevalier, ravi. Au diable le péage ! Allons-y. Au fait, quel est votre nom ?
- Arzhiel, du Karak de la montagne qui ressemble à un nibard de trollesse là-bas.
- Arzhiel ?! Sapristi ! J’ai lu votre nom dans l’excellente Gazette du Mage Vert. C’est une joie de faire votre connaissance ! En route, mon cher ? Allons détendre du peau-verte !
- Qu’est-ce qu’ils font ?
interrogea Ségodin, plus loin. Ils rigolent et se font des politesses ?!
- Je crois qu’ils copinent,
répondit Rugfid. Ils ont du se trouver des points communs…
- C’est un peu ça,
marmonna Elenwë qui, ayant entendu la conversation grâce à son ouïe développée, malaxait sa magie d’un air courroucé. Je me demande si leur fraîche amitié va résister à un sort de métamorphose en jouvenceau blond sur Arzhiel…
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MessageSujet: Re: La Saison 2   La Saison 2 Icon_minitimeVen 30 Nov - 21:13

Episode LIII – Conseil de Guerre

Arzhiel s’arrêta devant la lourde porte à double battant pour peigner sa barbe et rentrer sa chemise de mailles proprement dans son pantalon. Il frappa fort trois coups et poussa les panneaux ouvragés, pénétrant dans une longue salle glacée où l’attendaient Shalimar Shadow, la drow chef de son alliance dite « l’impitoyable fouetteuse de fesses » ainsi que Sum Groor, le géant orc chef des armées dit « Face d’Olive », mais seulement par Arzhiel.

- Seigneur Arzhiel, clama Shalimar. Installez-vous, nous vous attendions…depuis trois jours.
- Salutations les potos ! Euh, ouais, le chemin était en pente avec plein de virages. Mais on a bien avancé. On ne s’est perdus que deux fois.
- L’heure est grave !
tonna Sum Groor en piquant nerveusement un morceau de viande sanguinolent dans son assiette. Nous sommes entrés en guerre contre de terribles…bah non même pas, contre des ennemis. On a besoin de faire le point avec vous. Un peu de cuissot d’humain des collines bouilli aux trois herbes ?
- Alors, non, mais merci de proposer,
répondit Arzhiel en déglutissant, écoeuré.
- Nous désirerions également des éclaircissements sur votre missive en réponse à la nôtre au sujet de vos ordres de bataille, soupira l’elfe noire en griffant la table d’ébène de ses ongles acérés.
- Ne vous faîtes pas de bile pour les âneries qu’il y avait dedans, ricana Arzhiel. C’est mon abruti de cousin qui m’a fait une farce en répondant à ma place. C’était pour déconner.
- Ce qui explique les insultes, les dessins obscènes, les paroles de chansons paillardes et l’écriture lisible cette fois-ci.
- C’est le nain que vous avez expédié à mon village comme stagiaire en punition ?
interrogea l’orque, le groin dans son auge.
- Non, ça c’est mon prêtre. Il a foiré une embuscade de deux nuits en fondant sur nos cibles en gueulant de peur, effrayé par un papillon qu’il croyait possédé par le Malin. Le cousin se balance depuis une semaine dans son gibet à l’entrée de la montagne. Il effraie les mendiants.
- Je trouve que vous avez bien progressé en autorité,
commenta Sum Groor, ironique.
- Bref ! trancha Shalimar en fouettant par réflexe un serviteur passant à portée. Pendant que vous gériez votre crise interne avec votre état-major, nous avons déclarés la guerre à une alliance de seigneurs adorateurs de la lune obscure.
- Ah, c’est sympa ça avec les beaux jours qui reviennent ! J’en avais ma claque d’exterminer du nomade et du brigand tout moisi. C’est quoi le motif de la guerre ?
- Rituels interdits et possession de démons de destruction massive.
- Sérieux ?!
fit le nain, stupéfait. Vous avez pas trouvé mieux ?
- Non, mais ça gonfle aussi toutes ces conventions !
s’emporta Sum Groor. Alors maintenant, il faut justifier sa guerre d’un motif valable si on veut passer pour des gars civilisés ! Raser dix villages pour la déconne et vous êtes un barbare, mais faites-le pour une cause juste et vous êtes un héros. On n’a pas l’habitude, aussi !
- N’empêche, le coup des démons de destruction massive, vous n’avez pas peur que ça se voit ? En plus, je les connais, les rigolos qui se touchent devant la lune, là. C’est qu’un ramassis de loqueteux même pas capables d’invoquer une poule démoniaque !
- C’est légal ça, le poulet démoniaque ?
demanda Sum Groor. Faudrait compulser les archives du Grand Conseil des Nations…
- Blague à part, c’est quoi le motif ? Enfin, la vraie raison quoi.
- Ils spolient le nom des Ténèbres pour mener des carnages et des massacres sur leurs voisins
, répondit Shalimar d’un ton solennel. Ils forcent leurs victimes à adorer leur divinité grotesque et chantent les louanges de leurs victoires sur des clans bien plus faibles qu’eux. Ils ont envahi les terres d’un de nos amis et défient autrui d’égaler leur puissance ridicule en de pathétiques palabres gonflées de vanité et de bravades.
- Bon, ben c’est pas les petits frères des pauvres, c’est clair,
concéda Arzhiel. D’un autre côté, entre les empereurs mégalos, les tyrans sanguinaires, les fanatiques de l’oracle et les voleurs de poules qu’on se farcit à longueur d’année, je ne vois pas en quoi ils sortent du lot.
- Des poules démoniaques encore ?
questionna Sum Groor, troublé.
- Ce sont des blasphémateurs, des impies, vils et fourbes, cruels et lâches ! rugit Shalimar, furieuse, en se levant d’un trait. Ils méritent le juste châtiment que nous leur réservons !
- C’est pas que je veux faire mon pénible, hein. Bon, j’ai bien calculé tous vos arguments, les vilains qui font le mal et tout le cortège, mais va falloir trouver du plus solide pour convaincre le reste des peuplades. Déjà moi, je ne suis pas top convaincu alors que je joue dans votre équipe, alors imaginez les vieilles peaux du sénat ou la clique des lopettes du nord.
- Faut admettre que déclencher une guerre sainte contre un pays minable alors qu’on est une super-puissance et raconter au reste du monde que c’est eux les méchants de l’histoire parce qu’ils possèdent des démons de destruction massive et qu’ils martyrisent leurs voisins,
déclara Sum Groor, ça fait un peu gros. Quelles nations développées se laisseraient avoir par des prétextes aussi débiles ?
- On peut jouer sur la peur, sinon,
avança Arzhiel. On lance deux, trois assauts bien saignants sur des civils au quatre coins du monde et on dit que c’est la faute de fans de la lune. Mais maintenant qu’on est entre-nous là. Allez, faites pas vos timides. C’est quoi la vraie raison ?

Shalimar Shadow, occupée à écraser un serviteur sous son talon aiguille, se retourna et afficha une mine boudeuse et vexée.

- Ils ont dit qu’on était arrogants, avoua-t-elle d’une voix à peine audible.

Arzhiel, mal à l’aise, échangea un regard avec Sum Groor et laissa couler quelques secondes de silence
.

- On va garder le truc avec les démons de destruction machin finalement.
- Cela me semble fort avisé en effet,
le soutint l’orque. Ce point étant éclairci, passons au cas de notre principal belligérant…Un souci, Arzhiel ?
- Non, rien, c’est le mot « belligérant ». Ça me fait bizarre de pas entendre une question débile sur son vrai sens. Mauvaise habitude de mon Karak, je suppose. Reprenez, le vert.
- L’ennemi que nous comptons éliminer est visiblement persuadé d’être incarné par l’esprit supérieur du ver de terre,
expliqua Shalimar, ce qui lui confère une absurde témérité et un irrespect total envers nous.
- Un ver de terre ?!
fit Arzhiel, étonné. Pff, ça va loin là, c’est du lourd…Je pourrais lui faire rencontrer mon ingénieur s’il aime les bêtes.
- C’est lui qui s’est vanté de pratiquer des rituels infernaux,
ajouta Sum Groor. Il prétend même que les siens se baignent dans du sang de nain des montagnes.
- Mais pourquoi tous les tarés font une fixette sur les nains ?! Vas-y que je me moque d’eux, que je leur coupe les pieds et maintenant le sang ! Pourquoi pas les elfes ? Ils font bien plus tapettes pourtant ! Là, c’est sûr, il va prendre cher le lombric !
- Je crains que lui et ses alliés n’aient pris la fuite en apprenant nos intentions. Ses actes se limitent désormais à des provocations et des insultes creuses et maladroites.
- C’est parce qu’ils se fait dessus, c’est tout. Il est aux abois et acculé.
- Il va se faire acculer à sec, oui !
pesta Sum Groor.
- Nous sommes donc bien d’accord, conclut Shalimar d’un coup de fouet. Nous conservons notre ligne de conduite et poursuivons notre action punitive.
- En résumé, on attaque un ramassis de lavettes apeurées et fuyardes bouffies de vanité, amateurs de la lune et du sang de nains, avec à leur tête un ver de terre vantard et malpoli sous prétexte de possession de démons de destruction massive et de viols des traités inter-nations du Grand Conseil ?
demanda Arzhiel. C’est bien ça ?
- Tout à fait,
acquiesça Shalimar Shadow en remontant ses porte-jarretelles en cuir.
- Ça me va ! Vous allez voir qu’avec toutes les mauvaises langues qui traînent, on va encore se voir fustigés dans tous les sens !
- Les gens n’ont aucun respect !
râla Sum Groor. On est quand même les défenseurs du monde libre, quoi !
- Au fait, j’y songe juste par hasard…Ils ont des richesses les lunatiques là ?
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MessageSujet: Re: La Saison 2   La Saison 2 Icon_minitimeVen 30 Nov - 21:13

Episode LIV – Le Gang du Double J

- Seigneur ! cria le soldat affolé. Ah, vous êtes là ! C’est affreux ! Tiens…C’est pas une sœur de Hjotra mal cachée sous vos draps ?
- Tiens,
rétorqua Arzhiel en se rhabillant, furieux, c’est pas le futur préposé aux latrines sur le seuil de ma chambre ?
- Un nouveau larcin vient d’avoir lieu !
se reprit le guerrier en fixant le plafond tandis que la naine sortait discrètement. C’est encore l’infâme gang du Double J.
- Ils commencent à me les briser menu ceux-là ! Ils ont laissé un message ? Faites lire ! « Nain bourru cherche naine bourrée pour ruades et rudes bourrades ». Hein ?! C’est codé ?
- Oups ! Désolé, c’est une annonce de rencontre que j’avais l’intention de faire publier dans la Gazette du Mage Vert, héhé. Vous la trouvez comment ? Hum, pardon…Le vrai message, c’est celui-ci.
- Pas un pour rattraper l’autre, j’vous jure,
grommela Arzhiel en arrachant le parchemin des mains de son soldat. Alors : seigneur de pacotille…gnagnagna…merci pour le pognonvos gardes sont des quiches, merci de l’info, je m’en doutais pas…on reviendra…Signé : le gang des Jumeaux Joufflus. Par les fesses plates de mon épouse, si je les gaule, je les émascule à la petite cuillère ! Montrez-moi le lieu du vol.

Le soldat mena Arzhiel jusqu’aux grottes où était entreposé le dernier butin de guerre en cours de comptage et vulgairement pillé.

- Mais c’est pas possible ! Ils ont même embarqués les poignées de porte ! Et le paillasson ! Elles foutaient quoi les sentinelles postées là ?!
- Elles sont là-bas
, répondit le soldat en désignant quatre nains en armure parfaitement immobiles, comme figés en plein élan.
- Que Gazul me pince les miches ! C’est un sort de pétrification ?! Ils avaient un sorcier ou un basilic avec eux ?! Les gars, vous êtes vivants ? Vous m’entendez ?!
- Oui, seigneur, pas la peine de gueuler, on est en face de vous. On va bien, juste quelques crampes à force de rester sans bouger.
- Mais pourquoi vous restez plantés comme des haches dans le front d’un orc ?!
- La partie de Un, deux, trois soleils n’est pas terminée,
répondit le gardien sans trop remuer les lèvres. Maître Hjotra l’a interrompue pour aller pisser, on attend son retour. D’ailleurs, il faudrait qu’il se dépêche, ça fait des heures. On n’a pas pu s’interposer du coup quand les voleurs sont arrivés.
- Vous voulez dire que vous les avez laissés piller mon flouze sans avoir l’idée de vous agiter la nouille une seconde pour les empêcher ?!
beugla Arzhiel, livide.
- C’était une partie décisive, se justifia l’un des gardes avant d’être étalé d’un direct.
- Ben comme ça c’est réglé, t’as perdu, couillon. Retrouvez-moi ce gang de pouilleux, bande d’ânes bâtés, ou je vous force à goûter la cuisine de Svorn jusqu’à ce que la colique vous paralyse, c’est-à-dire jusqu’à la seconde louche !

Epouvantés par cette odieuse et insupportable perspective, le groupe de soldats s’éparpilla en proie à la panique, laissant Arzhiel seul à mâchouiller ses poings en trépignant.

- Oh non ! fit Hjotra en se pointant, l’air déçu. Ils sont partis les copains ? Zut, j’aurais pas dû faire cette sieste en cours de partie aussi. J’aurais dû revenir pour la faire ici après.
- C’était votre tour de garde, vous ronquez et vous jouez avec les gardiens ?! Mon ami, je crois que je vais vous baffer jusqu’à ce que mort s’ensuive. Si, si. Approchez, venez voir papa.
- Pas la peine de vous énerver
, fit l’ingénieur en souriant. Promis la prochaine fois, on vous invite à jouer aussi. Vous êtes mou mais c’est un jeu facile, vous verrez.
- Et mon marteau sur votre crâne de piaf, il est mou ?!
explosa Arzhiel.
- Seigneur ! appela l’espion tandis qu’Arzhiel mordait le mollet de Hjotra, ce dernier riant aux éclats, amusé par cette soudaine chamaillerie. Ah, mon dieu ! Mais prévenez au moins quand vous tripotez Hjotra comme ça ! Je crois que le choc vient de me faire perdre huit points de vision à chaque oeil !
- Bougez pas, vous !
grogna Arzhiel. Je mets minable ce débile congénital et je viens vous mettre votre danse !
- Euh, je vous sens bien à cran là donc je vais vous laisser. Je voulais juste vous faire mon rapport au sujet de ma mission là…euh…le truc avec le gang des voleurs machin…Mais ça urge pas.
- Votre infiltration ?
questionna Arzhiel en achevant une souplesse arrière sur Hjotra.
- Ouais, c’est ça. Voilà, bon c’est fait. J’ai réussi à me faire engager. Je viendrai chercher ma récompense demain puisque vous êtes occupé là.
- Vous avez infiltré le gang des Jumeaux Joufflus ?!
s’écria le seigneur de guerre en plongeant sur Hjotra étendu, le coude en avant.
- Oui. J’ai du passer un test et tabasser une vieille pour me faire accepter, mais c’était facile, c’était justement la tante de Svorn. Les voleurs m’ont même emmené avec eux ce soir pour le braquage. Le pognon qu’on s’est fait ! Je devrai peut-être me recycler…
- Vous êtes en train de me dire que vous avez participé au pillage de mon or ce soir ?!
- Oui, pourquoi ? Ah, je vois ce qui vous chagrine. Mais je ne peux pas vous rendre ma part, je l’ai dépensé pour acheter un service à vaisselle et une tête d’ours empaillée
.

Arzhiel fulmina en tremblant sur place. A moitié sonné, Hjotra rampa jusqu’à l’espion en lui claqua la main avant de s’effondrer. Arzhiel se rua sur son nouvel adversaire et l’étala d’un coup de pieds joints. Quelques figures acrobatiques plus tard, l’espion rossé menait les siens au repaire caché du gang de braqueurs. Les nains furieux prirent d’assaut la cabane isolée et massacrèrent les voleurs surpris, à l’exception d’un seul qu’Arzhiel lui-même tint à interroger, petite cuillère en main.

- Où est ton chef, tire-laine ?! hurla-t-il sur le prisonnier ligoté.
- Je vais parler, je vais parler, gémit le captif. Mais éloignez-vous ou brossez-vous les dents, je vais tourner de l’œil ! Le chef est déjà passé prendre sa part.
- Combien il manque au butin ?
demanda le seigneur de guerre à Svorn.
- Deux cents pièces d’or, répondit le prêtre en tendant à son chef une poignée de feuilles de menthe à mâcher, le nez pincé.
- Deux cents ?! Ça y est, j’ai des palpitations ! Mène-moi à ton chef !!!
- Impossible ! Je ne connais rien de lui, même pas son visage ou son nom !
- Si tu continues à me jouer du pipo, je donne tes roubignolles à manger à mon cerbère !
- Je ne mens pas ! Il est apparu un jour pour créer le gang en butant l’ancien chef avec sa magie. C’est lui qui préparait nos attaques sur votre Karak. Il restait dans l’ombre, masqué !
- Tu es sûr de ta version, ma mignonne ?!
grogna Arzhiel en s’approchant.
- Certain ! pleurnicha le brigand. Mais vous allez les prendre ces feuilles, bon sang ?!
- Alors tu sais dalle sur ce chef mystérieux ? Pas de regret ?
- Vous voyez bien qu’il sait rien !
pesta Svorn. Foutez-lui la paix ! Si vous me le brutalisez, je ne vais pouvoir effectuer un travail de qualité en le torturant après !
- Dites, si vous m’emmenez pour me torturer, promettez-moi de ne pas me donner la bouffe qui vous refile pareille haleine. Je suis peut-être trancheur de bourses chez les Jumeaux Joufflus, mais j’ai un minimum d’hygiène !

- Les Jumeaux Joufflus ?
répéta Elenwë, plus tard, une fois Arzhiel de retour.
- Spécial le pseudo, hein ? Vu la frousse que les voleurs avaient de leur chef, ça devait être une bestiole bien crade, genre un ogre bicéphale, des mages siamois ou deux frangins orcs obèses…Sinon, je vois pas qui pourrait m’en vouloir à ce point pour s’acharner à me piller trois fois en deux semaines.
- Vous êtes futés, mon gros barbu
, murmura l’elfe, un sourire aux lèvres, en soupesant discrètement sa poitrine généreuse débordante de son décolleté. Vous devinerez sûrement un jour…
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Eidhir
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MessageSujet: Re: La Saison 2   La Saison 2 Icon_minitimeVen 30 Nov - 21:13

Episode LV – Le Nouveau Seigneur

Elenwë était en train de s’épiler grâce à son sort des doigts enflammés lorsque les nains firent irruption dans sa caverne, portant Arzhiel à bout de bras. En voyant l’elfe en petite tenue, l’escorte s’enfuit en hurlant d’effroi et en se bousculant, non sans avoir au préalable jeté leur seigneur par terre.

- J’avais pourtant exigé une vierge blonde en sacrifice, plaisanta la sorcière.
- Ségodin n’était pas dispo, grogna Arzhiel dans un rictus de douleur. Il s’est assommé tout seul avant la bataille en nettoyant son arc. Auriez-vous l’obligeance d’examiner et, accessoirement, de soigner ma blessure au bras avant que je claque sur votre carpette. Ça commence à picoter sévère là !
- Fondamentalement, je n’en ai pas la moindre envie mais si je le fais vous me serez redevable. Alors, jetons un oeil…Ah ! Par les pupilles nacrées de la déesse-mère, mais c’est absolument répugnant ! Vous n’avez pas honte de me montrer un truc pareil ! Je viens juste de déjeuner !
- Bah écoutez, je remballe mes lambeaux de chairs et je reviens à la fin de votre digestion ?
- Comment avez-vous réussi à vous faire saigner comme ça ?! Mais y a déjà des vers ! Je croyais que vous combattiez de simples humains !
- C’est marrant, je me suis posé la même question. Faut croire que la seule bestiole mutante mi-araignée mi-scorpion de trente pieds de haut du pays m’était carrément destinée ! Bon, vous soignez ou je clamse direct en faisant exprès de me répandre partout sur votre tapis ?!
- Ça va, ça va ! Et vos gardes ? Ne sont-ils pas payés pour vous protéger ?
- Ils étaient aux fraises,
grommela le nain.
- Ah, ne faîtes pas votre tête de cochon avec moi ou je vous laisse avec vos larves !
- Non, sérieux. Ils étaient vraiment partis cueillir des fraises ! Et moi je vais pas tarder à aller les sucrer si vous n’êtes pas plus douce ! Aieu !
- Mais quelle chochotte !
soupira Elenwë. Je vous enlève juste un bout d’os moisi et vous chouinez ! C’est ma faute si vos ligaments résistent autant ? Ah, flûte !
- Quoi ?!
fit Arzhiel, affolé. Qu’est-ce qu’il y a ?!
- C’est rien, c’est juste que ça s’infecte. Dîtes, mon bon, vous y tenez vraiment à votre bras ? Parce que sinon, je vais devoir utiliser un sort de guérison sacré niveau IV et je risque d’avoir le teint tout brouillé pour le reste de la journée après. C’est ennuyeux…
- Mais magnez-vous ! Je vois des petites étoiles ! Je crois…que je vais…


Tout devint noir et Arzhiel perdit connaissance. Lorsqu’il rouvrit un œil, réveillé par le contact de doigts fouillant dans sa bourse, il se trouvait dans un lieu froid, humide et obscur.

- Arf, j’ai la tête comme après une pire biture…marmonna-t-il. Où je suis là ? Snif ? A l’odeur, c’est ou la chambre de Svorn ou les égouts.
- Perdu,
répondit Elenwë en empochant discrètement un peu d’or. Ce sont les cachots.
- Qu’est-ce que je fous là ? Mon bras ! C’est atroce cette douleur ! Je ne suis pas guéri ?
- C’est un peu lié. Disons que la blessure est soignée mais que le venin n’est pas encore purgé. Vous risquez de prendre cher pendant quelques jours, nausées, fièvres, agonie, crises de démence, migraines insoutenables et sensations d’exploser. Rien de bien méchant mais je préfère vous isoler pour pas que vos hurlements dérangent tout le monde, vous saisissez ?
- C’est votre tignasse que je vais saisir pour repeindre les murs avec votre…Arghhhhh ! Mais pourquoi je gerbe du pus ?!
- Vous vous excitez pour rien,
fit l’elfe en reculant. Restez au calme et souffrez en silence. Y en a qui essaient de dormir plus haut. Ah, j’allais oublier. Comme vous êtes indisponible pour la semaine, j’ai dit à vos tarés de nains de choisir un remplaçant. Du coup, c’est Svorn qui a pris le pouvoir au Karak. Voilà, bonne nuit ! Je vous apporterai du pain sec demain matin…Enfin si j’y pense… et si j’en trouve. Bises, mon aimé !
- Mais non papa, j’épouse juste une elfe, ça ne peut pas être aussi terrible que ça ?
marmonna Arzhiel, ironique, avant de pleurnicher de dépit.

- Seigneur ? chuchota une voix dans les ténèbres, une semaine plus tard. Vous êtes là ?
- C’est-à-dire qu’après deux fractures en essayant de forcer les barreaux de mon cachot, je me suis dit que finalement j’allais rester. Bien sûr que je suis là ! C’est qui ?
- C’est moi, monseigneur,
répondit Ségodin en s’approchant. Vous allez bien ?
- Huit jours après ma blessure, c’est sympa de vous inquiéter de ma santé, pauvre cloche ! Vous venez me libérer ou vous essayez une thérapie par le rire ?
- Non. Je voulais vous demander si je pouvais rester enfermé ici avec vous.
- Quoi ?! Mais pourquoi ?! Vous êtes cintré !
- C’est devenu invivable pour moi au Karak. Svorn a organisé une série de jeux pour distraire le peuple. Tout le monde course les non-nains pour les bastonner et leur braquer leurs fringues. Trois fois que la même bande de mouflets se barre avec mon armure après m’avoir cassé les dents et une vieille m’a bouffé la moitié de la main ce matin !
- Merde alors ! Et comment elle va ? Ça ne l’a pas rendue trop malade ?
- Arrêtez de vous moquer, seigneur, c’est l’enfer là-haut depuis que Svorn s’est nommé Empereur Suprême Béni de Gazul et Maître Divin du Karak
- Je dors à côté de mes déjections dans la crasse d’une cellule de deux mètres sur un et je me suis réveillé ce matin avec un cafard dans la bouche. Mais parlez-moi de vos soucis, ça m’intéresse…
- D’accord,
fit Ségodin en s’asseyant devant la geôle. Svorn a chopé le melon depuis qu’il est le chef. Il a proclamé la traque aux hérétiques qui refusent de manger des champignons et d’aller huit fois à la prière par jour. Il a tapé dans le trésor pour se faire construire une cathédrale gigantesque à son nom avec une statue de lui nu devant. Cinquante ouvriers sont déjà morts d’horreur sur la statue. Et il veut lancer le commerce de souvenirs et de statuettes identiques dans toute la région. Barbes et toges obligatoires pour tous, même femmes et enfants. Quoi d’autre ?
- Fête de la Saint-Pierre tous les soirs de pleine lune,
murmura l’espion en sortant de l’ombre.
- Ahhhh ! cria Arzhiel. Qu’est-ce que vous fichez là, vous ?! Vous sortez d’où ?
- Svorn m’a engagé pour espionner Ségodin alors je l’ai suivi. Il m’a promis une torture quotidienne plus légère si j’obéissais. Je suis qu’à moitié nain aussi.
- Moi je suis nain de partout, mais il me tape quand même,
ronchonna Hjotra, derrière lui.
- C’est mon captif, expliqua l’espion en montrant les chaînes. Je prévois toujours une excuse au cas où j’échoue. Et Svorn hait plus Hjotra que moi.
- Il est jaloux de mes pectoraux je crois,
confia l’ingénieur.
- C’est quoi la Saint Pierre au fait ? demanda Ségodin.
- On va tous aux villages humains de la vallée avec des pierres et on lapide les bouseux. On fête les pierres, quoi.
- Faut que vous fassiez quelque chose, seigneur !
supplia Ségodin.
- Partez devant, je vous rejoins, rétorqua Arzhiel en se couchant dans la poussière.
- On peut rien faire, messire ! couina l’espion. Svorn a formé une milice de bourrins pour faire régner la terreur avec Brandir à leur tête.
- Le traître…
se lamenta Hjotra. Il le tient en son pouvoir en obligeant tout le monde à faire la queue à la cantine pour avoir sa part. Comme c’est par ordre analphabétique…
- Anal quoi ?!
- La queue par ordre anal machin,
reprit Hjotra. Brandir passe donc dans les premiers et se gave à volonté sur la part des autres. Le sauté de champis a ruiné notre amitié !
- Débrouillez-vous tout seuls !
râla Arzhiel. Fallait pas me laisser moisir ici. En plus, depuis que j’ai plus de responsabilités, je suis serein et reposé. Je fais du « lâcher prise ».
- Le lâcher prise, c’est pas le jeu de Svorn qui consiste à balancer les nourrissons orques depuis la falaise ?
demanda Hjotra.
- Sortez-vous de la purée sans moi. Vous ne venez me voir que pour que je répare vos bêtises et ça me lourde de jouer le papa. Svorn est un peu trop sensible à l’ivresse du pouvoir, ça lui passera sûrement…Il a buté Elenwë au moins ?
- Non, la milice assiège sa chambre mais elle les tient à distance en leur envoyant des baisers volants et en leur jetant ses sous-vêtements. Les gars ne tiennent pas le choc…
- Vous êtes donc certain, seigneur ?
questionna Ségodin. Vous ne venez pas nous libérer du joug de ce fanatique mégalo ? Rien ne vous fera changer d’avis ?
- Vous voir danser le menuet et encore c’est pas sûr.
- Laissons-le en paix, mes amis,
dit l’espion. Allons annoncer au peuple qu’Arzhiel s’est retiré. La chanson de propagande lancée par Svorn où il est fait mention de sa fuite avec un amant orque dans une forêt pour faire du jardinage est fausse. Au moins, nous savons cela à présent.
- Fuite ?
grogna Arzhiel, écarlate. Amant orque ?! Jardinage ?!!! Passez-moi votre hache…Ce soir on mange des brochettes de haut prêtre. Ça tombe bien, je suis le premier par ordre analphabétique !
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