Karak Vanne, signé Arzhiel
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Karak Vanne, signé Arzhiel

Forum de l'oeuvre littéraire d'Arzhiel.
 
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 La Saison 4

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Skalli
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Skalli


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MessageSujet: La Saison 4   La Saison 4 Icon_minitimeLun 3 Déc - 0:17

Episode 91 – Another world

Arzhiel s’engagea sur le sentier escarpé à flanc de falaise, battu par les vents et aux pierres roulant sous ses pas tout en lançant un juron sur la déplorable attitude effrontée et peu farouche qu’entretenait la mère de celui qui avait taillé ce passage. Il put enfin souffler une fois parvenu sur un terrain plus plat, une petite aire de rapaces surplombant tout le Karak. Le seigneur nain savoura la vue magnifique des régions environnantes de cette hauteur et fêta ça en urinant dans le vide. Puis il s’approcha de la caverne taillée dans la paroi dont l’entrée était surplombée par un accueillant message de bienvenue : « Y a plus pourri qu’ici, mais votre caverne était déjà prise. Retournez-y ! »

- "Qui c’est encore ?!" aboya une voix agressive depuis le fond de la grotte. "Si vous venez vous suicider, j’en ai rien à carrer de vos dernières volontés ! Et prenez de l’élan en sautant ! Après ça éclabousse sur la paroi et ça attire ces fichus vautours !"

Svorn, la barbe immonde, le regard fou et revêtu d’une sorte de serpillière trouée, jaillit de la caverne armé d’un bâton et d’une fourchette et se figea en reconnaissant Arzhiel.

- "Seigneur, c’est vous ? C’est aimable de venir me rendre une petite visite. Cassez-vous !"
- "Ouais moi aussi, je suis transporté à l’idée de vous revoir," répondit le nain sans masquer ni son ironie, ni son ennui. "Dites, si c’était pour vivre loin du reste des habitants du Karak, pourquoi avoir choisi cette corniche quasi inatteignable au lieu de vous barrer tout simplement à cent lieues ?"
- "Vous êtes au courant que si j’avais eu une porte, je vous l’aurais déjà flanqué dans le pif ? Non, n’entrez pas, je viens de faire le ménage !"

Arzhiel écrasa une carcasse de vautour décomposée sous son talon, voulut se rattraper au mur et referma sa main sur une toile d’araignée encore plus grosse que lui dans lequel était pris un rat décapité.

- "Retirez les pognes de mon garde-manger !" rouspéta Svorn avec véhémence.
- "C’est charmant ici, identique à ce qu’on m’en avait dit. Svorn, nous sommes de vieux am…enfin, on se supporte depuis un moment. Je perçois que quelque chose ne va pas très bien et puisque tout le monde s’inquiète pour vous au karak, je viens aux nouvelles. Je suis là pour vous aider."

Par réflexe, tout en parlant, Arzhiel fit prudemment glisser ses doigts jusqu’au manche de sa hache passée à sa ceinture.

- "On s’inquiète de moi ? Donc ça leur suffit pas d’envoyer leurs marmots pour me jeter des pierres, ils envoient direct leur seigneur se foutre de ma pomme ! Moi je dis attention ! Attention ! Va pas falloir s’étonner si certains retrouvent leur porte un peu souillée le matin !"
- "Je me doutais bien que c’était vous qui veniez pisser sur les cavernes durant la nuit…Enfin, puisque mon épouse m’attend pour une promenade, j’ai encore une bonne heure à me planquer. Allons dehors pour papoter."
- "L’odeur de ma caverne vous dérange ?!"
- "La vôtre aussi," répondit Arzhiel en haussant les épaules. "Je vous ferai monter un tonneau pour récupérer l’eau de pluie. On ne voit carrément plus votre peau sous la couche de crasse."

Les deux nains se jaugèrent avec un mépris mutuel et marchèrent jusqu’au milieu de l’aire. Svorn s’assit en ronchonnant et commença à lancer des pierres sur les rapaces proches.

- "Je les aime bien," ricana-t-il après avoir touché un aigle en pleine tête. "Lui c’est Kipouic et l’autre, le borgne, c’est Rustine parce qu’il se dégonfle quand j’essaie de le crever."
- "J’imagine que je ne dois pas vous tourner le dos mais vous êtes vraiment devenu siphonné ou c’est un genre pour faire plus jeune ? Parce que si vous cherchez quelqu’un pour vous buter, on est des pot…euh des connaissances et je peux vous régler ça proprement ici !"
- "J’aime pas ce nouveau monde…"marmonna Svorn en posant ses projectiles pour bouder. "C’est tout moisi ici. Je pense qu’on est morts en passant ce maudit portail et qu’on est en enfer à présent."
- "Mais chut voyons !" s’exclama fébrilement Arzhiel en regardant autour de lui si personne n’avait entendu. "Je vous ai dis à tous mille fois de ne pas parler d’un « autre monde » ! Bon sang ! Les gens d’ici ne savent pas qu’on vient d’ailleurs et si on leur dit c’est un coup à finir gesticulant à la potence ou châtié par les prêtres de ce pays ! J’ai eu affaire à eux, ils sont aussi lourds que tendus, comme des puces toutes excitées et assoiffées de sang ! Un peu comme ma femme au final."
- "Oui je sais," souffla Svorn. "Le monde parallèle, presque identique au nôtre, le bobard que vous avez raconté aux nains du bled comme quoi on était des nobles exilés, le serment de jamais parler du passé et tout le reste. Mais seigneur, c’est pas chez nous ici ! Ici les nains et les elfes sont amis ! Le pays n’est plus le même ! Les guerres sont finies et oh mon dieu…c’est la paix !"
- "Reprenez-vous mon vieux ! M’obligez pas à vous baffer, je viens de me laver les mains. Le pays, on s’en fout, vous comptiez pas partir en classe verte, si ? La paix, c’est relatif. Y a des drows et des humains ici, aussi fourbes et couards que « chez nous » donc la guerre on devrait vite la prendre sur la mouille. Et puis les elfes, contentez-vous de ne pas leur parler, ça ne changera pas grand-chose, vous ne pouviez déjà pas les sentir. Toute l’équipe s’est intégrée, même les boulets. Vous ne pouvez pas faire un effort ?! Les notables et les bourges qui financent la construction de mon Karak ont tous entendu parler du vieux branquignol qui vit sur la corniche et qui crache sur ses visiteurs ! Vous allez faire sauter notre couverture !"
- "J’ai craché qu’une fois," marmonna Svorn en se renfrognant.
- "Ouais, sur le maître de la guilde des marchands qui voulait vous serrer la main. Je vous ferai monter aussi des racines elfes de nettoyage buccal. Même la magie d’Elenwë n’a pas pu ravoir sa tunique que vous avez touchée. C’est quoi votre problème ? Vous ne pouvez pas continuer à jouer au clodo timbré ! Ressaisissez-vous !"
- "Ce monde n’est pas le mien…"insista le haut-prêtre. "Vous ne comprenez pas. Gazul n’existe pas ici ! Il n’a jamais existé ! Je suis un haut-prêtre de Gazul, le dieu nain de la mort et je le sers avec respect et fanatisme depuis plus d’un siècle ! Comment voulez-vous que je m’intègre alors que personne n’en a jamais entendu parlé ?!"
- "Vous baissez d’un ton ou je vous envoie prendre l’air avec Rustine ?! Les dieux sont différents dans ce monde. Y a pas de Gazul, oust ! Fini ! Terminé ! Les nains vénèrent Murang, le dieu des défenseurs ou Trar-kos le conquérant. Recyclez-vous. Le conquérant est pas mal orienté bourrin, ça devrait vous plaire ça."
- "Ben tiens ! Et je fais un stage de réinsertion pour ça ?! Je suis lanceur de runes, de runes de Gazul ! Ça ne marche pas ici, on n’a pas le même alphabet. Et puis je ne peux pas me détourner de mon dieu pour un autre aussi facilement que votre épouse d’un amant pour un autre… Si j’ai pas la foi, j’aurais beau balancer une brouette entière de runes sur l’ennemi, si le cœur n’y est pas, ça n’explose pas !"
- "Joli dicton," reconnut Arzhiel en le comparant à celui de l’entrée de la grotte. "Et votre solution, c’est de finir taré sur votre piton, les miches au vent à occuper vos journées à essayer de toucher les aigles avec votre urine ?"
- "Vous avez essayé ? C’est dur, hein ?"
- "Oui, c’est assez véloce comme animal."
- "J’ai plus de dignité, plus de raison, plus de but…même plus de froc," soupira Svorn en montrant sa liquette sale. "Finir hérétique en hurlant le nom de Gazul sur le bûcher me parait de plus en plus séduisant."
- "Je vous propose demain soir !" rebondit aussitôt Arzhiel. "J’ai rien de prévu ce soir-là, à part faire l’amour à mon elfe d’épouse, mais ça me fera une excuse si le spectacle est beau. Ah non, laissez tomber ! J’oubliais pourquoi j’étais venu !"
- "Pour me remonter le moral ?"
- "HAHA ! Quel déconneur vous faîtes. Non, sérieux. Je venais parce que mon haut-prêtre de Trar-kos est mort ce matin, étranglé par un bolet trop cuit, et que la place se libérait. En fait, ça urgeait trop donc j’ai tapé dans la facilité. Alors, on est d’accord ? Formation rapide dès demain à l’aube au Karak. Etape 1 : l’école. Mission : apprendre ce nouvel alphabet. Y a juste huit mille deux cent trente-trois runes, ça devrait être jouable pour un vieux roublard comme vous. Ah, et si dans une semaine vous n’êtes pas opérationnel pour le poste, je vous jette aux loups. Vous allez adorer votre nouvelle vie, vous verrez !"
- "Soyez maudits !" hurla Svorn en bavant de colère.
- "Mais je vous en prie," rétorqua Arzhiel en souriant. "Après tout, dans ce monde ou un autre, nous sommes camarad…connaissances pour la vie, mon brave !"
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MessageSujet: Re: La Saison 4   La Saison 4 Icon_minitimeMar 4 Déc - 13:06

Episode 92 – Les Lettres de Noblesse

Assis à même le sol couvert de tapis et de coussins, Arzhiel observait silencieusement son fils qui jouait avec son couffin en gazouillant gaiement. Le petit Vorshek était adorable avec ses traits fins, ses petites oreilles pointues et ses longs cheveux clairs parsemés de quelques boucles éparses. Il agitait son jouet dans tous les sens puis le serrait affectueusement contre lui et lorsqu’il en eut marre, le lança au loin sans le moindre scrupule avant de lui décocher une boulette de feu qui réduisit le pantin en flammes.

- "Déjà, on est certain que c’est bien votre enfant", commenta le nain tandis qu’une nourrice affolée, mais visiblement rodée à l’exercice, éteignait le début d’incendie dans la chambre. "Par contre, j’arrive pas à me décider pour le père…Ce serait pas cette femmelette de barde que vous faisiez entrer en douce dans le Karak ?"
- "C’est vous le père," répéta machinalement Elenwë dans son coin, de plus en plus lassée par cette conversation récurrente. "Il tripote les nourrices et me vomit dessus si je le nourris au sein. Cela ne vous rappelle personne ?"
- "C’est qu’il a quasiment un an et qu’il n’a toujours pas de moustache, même pas un duvet, je m’inquiète ! Si c’est le rejeton d’un cueilleur de fleurs, mes ancêtres ne me le pardonneront jamais."
- "C’est votre fils !" insista Elenwë en posant sa broderie, irritée. "Mais si vous voulez être sûr de votre descendance, on peut lui faire un petit frère, là, ici, maintenant."
- "Oulà ! Déjà si tard ? Je dois y aller, je dois…enfin, je vais…J’ai du boulot urgent. Ne m’attendez pas, je rentrerai tard…ou pas. Bonne journée !"

Arzhiel sortit précipitamment et ne ralentit le pas que trois couloirs plus loin. Il regagna sa salle du trône et se fit porter le registre des tâches requerrant sa présence. Il hésitait sur l’arbitrage du concours hebdomadaire de lancer de fléchettes à la taverne et superviser la construction du nouveau haut-fourneau quand un clopinement régulier l’interrompit. Garfyon, le haut prêtre de Murang, nouveau serviteur engagé peu après leur arrivée sur ces nouvelles terres, s’approchait, appuyé sur son éternelle canne, accompagné d’un nain qu’Arzhiel ne connaissait pas. Garfyon était un vieux nain de la même génération que Svorn. Il avait connu de nombreux seigneurs et avait participé à beaucoup de batailles. Une blessure à la jambe le faisait boiter à présent et il s’était converti au culte du Protecteur. Arzhiel connaissait assez son influence sur le peuple pour éviter soigneusement de l’envoyer paître trop souvent. Quoique.

- "Seigneur, mes salutations !" lança le haut prêtre en s’inclinant respectueusement.
- "Salut !" marmonna Arzhiel sans lever les yeux de son grimoire.
- "Hum…Pourrais-je escompter un accueil moins froid de votre part ?"
- "Quoi ? Vous voulez que je vous claque la bise ?"
- "Euh, non, ça ira. Je viens vous trouver car sans doute…"

Le vieux nain n’eut pas le temps de finir sa phrase qu’une corde fine et discrètement enroulée autour de sa canne se tendit brusquement, la faisant voler en arrière et précipitant violemment le sage sur le fondement. Aussitôt, une voix familière se mit à chanter, couvert par les rires de jeunes nains.

- "Garfyon, si t’enlèves la béquille, ça fait Gare Fion ! Gare au fion, mon fils ! Gare au fion, gare aux fions qui perdent leur béquille ! Lalala lalala lala lalalala !"

Hjotra éclata d’un rire stupide et lâcha la corde avant de s’enfuir avec sa troupe.

- "Laissez-moi deviner," fit Arzhiel en regardant la veine du front de Garfyon se tendre tandis qu’il se relevait. "Vous voulez que je vire Hjotra de votre cours de religion et vous venez me présenter le nouveau bourreau."
- "Que nenni, seigneur ! Les cours de religion doivent être suivis par tous, même les brebis les plus égarées…dans leur tête. Par contre, vous pouvez le pendre ?!"
- "Bof, non, il est l’un des seuls à connaître les plans des machines de guerre dont nous manquons. Il faut l’excuser, il est un peu déboussolé depuis que son meilleur ami, Brandir, s’est lancé dans la quête du Grâas, cette relique paumée. Ils étaient inséparables et là il se retrouve tout seul. Mais s’il s’acharne sur vous, c’est qu’il vous aime bien, à mon avis."

Garfyon frictionna ses fesses endolories en foudroyant son seigneur du regard.

- "Comment vous faîtes pour le supporter ?!"
- "Bah, je ne peux pas. Vous comprendrez donc que je ne trouve pas plus mal qu’il traîne dans les pattes d’un autre. Vous vouliez autre chose ? J’ai un concours très important à arbitrer."
- "En fait je venais vous voir suite à notre conversation l’autre jour à la muraille."
- "Laquelle ? Je ne m’en souviens pas."
- "Celle où vous n’écoutiez pas."
- "Vous pouvez être plus précis ? C’est trop vague comme indice."
- "Celle concernant vos lettres de noblesse et surtout leur affligeante absence. Comme vous le savez, un seigneur nain ne peut se hisser à la tête d’un Karak sans des documents officiels attestant de ses origines nobles grâce notamment à l’arbre généalogique de sa famille. Il serait malvenu qu’un roturier sans titre accède ainsi au pouvoir et comme aucun de mes amis n’a jamais entendu parler de votre nom dans la région, je me suis permis d’inviter un spécialiste juriste, ici présent, qui mettra fin à ce terrible malentendu en régularisant votre statut. Je doute que mon seigneur ait le temps de s’occuper de tâches aussi ingrates et indignes de lui que le règlement de la paperasse de droit, donc votre serviteur a pris les devants. Puis-je voir vos lettres de noblesse, je vous prie ?"

Arzhiel, un sourire parfaitement factice sur le visage, acquiesça lentement, et se leva sans hâte, surveillant la béquille du haut prêtre qu’il se retenait à peine d’envoyer valser d’un large coup de pied. Le nain quitta la salle du trône à pas lents, referma la porte derrière lui et sprinta comme un malade jusqu’à sa chambre, renversant une servante et piétinant un garde assoupi au passage.

- "On a changé d’avis ?" l’interrogea Elenwë en le voyant écarlate et essoufflé. "Et on s’est motivé, visiblement. Ma foi, ce n’est pas pour me déplaire. Allez-vous me violenter et abuser de moi, vilain guerrier ?"

Arzhiel vomit dans le pot de chambre quand Elenwë releva lascivement sa robe et une fois la crise d’insultes réciproques passée, put expliquer la situation.

- "Je le savais bien qu’il finirait pas venir me fendre les pruneaux, ce vieux singe décrépi !" ronchonna Arzhiel en se brossant les dents. "Mes lettres de noblesse font référence à des noms, des régions et des Karaks de « notre » monde ! Si je les lui montre, je vais être traité d’imposteur ou d’hérétique ! Je l’ai dans l’os !"
- "Veinard…"soupira Elenwë, toujours déçue. "Pourquoi vous ne le faîtes pas buter comme d’habitude ? Demandez à Svorn. Après tout, c’est un culte concurrent du sien et une petite guerre civile de religion animerait un peu ce Karak si morne."
- "Svorn ? Il ne voudra jamais m’aider, vous rigolez ! Je crois qu’il m’en veut encore depuis que je l’ai placé à la cantine à la table des rebuts avec celui qui vend ses sculptures sur crottin au marché et l’autre, le taré qui parle à son ami volaille imaginaire."
- "Vous ne pouvez pas le zigouiller ni lui dire la vérité. Voyons…Mentez-lui. Je ne vois pas d’autre solution pour abuser un mâle. Fabriquez un faux. Il y a bien un faussaire dans votre bande de dégénérés."
- "Un nain faussaire ?! Vous vivez dans un conte, vous ?! Les nains n’aiment rien que l’or et les métaux. Qui serait assez vicelard et tordu pour être faussaire ?...Oh, non, je sais…Rugfid, le cousin ! Je m’étais juré de ne plus le contacter depuis qu’il est parti du Karak. Mais c’est évident. Il est devenu riche avec son invention du papier latrine en pure peau d’agneau si doux et agréable. Il vit dans un manoir maintenant et élève des moutons. J’aurais préféré me trancher un bras que lui demander un service, mais je n’ai plus le choix. Oh, quelle horreur ! J’ai…j’ai besoin de lui, mon dieu !"
- "Vous savez, mon tendre," fit Elenwë tandis qu’Arzhiel vomissait une seconde fois. "Si vous vous montrez un peu tendre et affectueux avec moi, je peux user de ma magie pour falsifier vos lettres de noblesses actuelles. Qu’est-ce que vous en dites ?"
- "Je vais voir Rugfid même si ça me coûte ma dignité et une blinde en thunes," répondit le nain après réflexion. "De deux maux, choisis le moins pire ! Oh, et je vous emprunte votre pot de chambre. Je crois que j’en aurais besoin…"
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MessageSujet: Re: La Saison 4   La Saison 4 Icon_minitimeLun 10 Déc - 12:19

Episode 93 – Le Collier d’Ocre Lune

On frappa à la porte juste au moment où Arzhiel s’étendait sur sa couche auprès de son épouse endormie, enfin libéré de ses obligations seigneuriales de cette interminable journée. Il vissa son bonnet de nuit sur sa tête et alla ouvrir en ronchonnant, espérant secrètement que ce serait Hjotra pour qu’il puisse le renvoyer avec pertes et surtout fracas. A sa grande surprise, les frères Njall, les célèbres maîtres bijoutiers du Karak, se tenaient tous les trois alignés sur son seuil. La surprise fut visiblement réciproque.

- "Monseigneur ? C’est vous ?"
- "C’est-à-dire qu’à partir du moment où j’habite cette caverne, il y a de fortes chances que vous tombiez sur moi si vous frappez à cette porte."
- "Oh, on pensait que vous travailliez encore."
- "Je suis sur la brèche depuis deux jours à courir partout comme un dératé pour faire tourner la boutique sans m’arrêter alors si vous n’y voyez pas d’inconvénient, je vais m’autoriser le luxe d’une pause de trois bonnes heures de sommeil. Qu’est-ce que vous voulez ?...Snif ! Snif ?! C’est quoi ce parfum ? C’est vous qui sentez la fleur ?!"
- "On s’est bien lavés tout partout comme promis," répondit le cadet des frères. "C’est pour ça qu’on arrive un peu tard. Et l’odeur, c’est un parfum au coquelicot qu’on a acheté à des marchands elfes. Vous aimez ?"
- "Je vous préviens que si vous me demandez de vous renifler," avertit Arzhiel en saisissant sa masse de poche, "je vous défonce un par un ! Euh… je voulais dire je vous fracasse ! Je me fiche bien de vos mœurs et je vous apprécie, en revanche, j’annonce direct : je ruine la face du premier qui franchit ce seuil !"
- "C’est ennuyeux," songea le benjamin en affichant une mine gênée. "Ça signifie qu’on va devoir escalader la paroi et passer par votre cheminée pour rentrer ?"
- "Alors vous admettez que vous êtes venus pour faire du ramonage dans ma piaule ?!"
- "Hum," commenta l’aîné en réfléchissant intensément. "Ça devient compliqué. Du coup, comme je comprends rien à ce que vous nous dîtes, seigneur, on peut voir Dame Elenwë ?"
- "Elenwë ? Mais pourquoi ?"

Les trois frères échangèrent un regard perplexe, mal à l’aise.

- "Svorn nous avait raconté que vous étiez vicelard et pervers, mais on ne pensait pas que vous voudriez connaître les détails. Enfin bon, c’est vous le seigneur, seigneur. Alors d’abord, mes frères vont commencer votre femme avec une chevauchée du bouquetin pendant que je lui ferai une traite matinale. Après on enchaînera avec un tourniquet orc et…"
- "Mais c’est dégueulasse !!!" hurla Arzhiel avec dégoût quand il comprit de quoi il s’agissait. "Vous êtes sérieux ?! Vous êtes venus faire ça avec mon épouse ?!"
- "C’est ce qui était convenu," répondit le cadet en haussant les épaules. "On a fabriqué le collier de l’Ocre Lune avec le diamant énorme trouvé y a deux mois par hasard dans une mine. Une pierre magnifique. Un joyau unique. Et un travail digne de notre talent. Avec sa monture en or fin et sa chaîne en mithril, c’est un véritable chef-d’œuvre !"
- "Quand elle l’a vu, votre épouse l’a tout de suite désiré," poursuivit le benjamin. "Elle nous a proposé des sommes mirobolantes pour le posséder, mais nous avons refusés. On tripote des trésors à longueur de journée depuis un siècle, c’est pas pour s’en ramener à la maison ! On a donc conclu un marché. Elle passe la nuit avec nous trois et le collier est à elle. On peut pénétrer…enfin rentrer maintenant ?"
- "Vous voulez vous envoyer ma femme ?!" répéta Arzhiel, hébété. "Et c’est moi le pervers ?!"
- "Bah, elle a des gros seins et elle est blonde. Moi je ne demande qu’à découvrir sa personnalité, mais tout de suite là, je vais plutôt m’arrêter à ses atouts-là."
- "Ouais je vois," fit Arzhiel avec un sourire crispé. "Mais ce soir, ça ne va pas être possible. C’est à cause…voyons voir…à cause des coquelicots bien sûr ! Elenwë est allergique, elle gonfle, elle boursoufle, elle suinte quand elle en respire, c’est parfaitement gerbant. Donc, repassez demain !"

Le nain referma la porte au nez des trois bijoutiers avant qu’ils ne puissent répondre, puis retourna auprès de son épouse, la réveillant en appliquant son pied glacé contre le bas de son dos.

- "Je vous laisse une minute d’avance pour fuir après je vous désintègre pour ça," feula la sorcière saisie et furieuse.
- "Désolé, j’ai du déraper. En fait je visais plus bas, mais je manquais d’élan. Dites, le collier d’Ocre Lune, ça vous parle ? Je peux savoir pourquoi j’ai trois tape-gamelles à ma porte, la bave aux lèvres, et qui viennent réclamer leur droit de cuissage sur vous ?"
- "Oh, ne jouez pas aux faux jaloux, je ne suis plus aussi naïve qu’à quatre-vingt ans, ça ne marche plus. Quoi ? Ils ne voulaient pas de mon or, ni du vôtre d’ailleurs. J’ai improvisé. Ne vous inquiétez pas, vous avez vu les bonhommes ? Ils ne risquent pas de me faire bien mal."
- "L’inverse n’est pas sûr ! C’est clair que s’ils savaient quel traumatisme ils viennent d’éviter, leur fichu collier, ils me le livreraient eux-mêmes en prime avec les boucles d’oreilles qui vont avec. Non, mais vous avez craqué, ma grande ! Comment j’assois mon autorité si on apprend que vous couchez avec une fratrie de boutonneux fripés pour une bricole ?! Et cette robe, vous avez défilé cul nu pour l’avoir ?"

Elenwë se recoiffa pompeusement d’un air détaché, écrasa un pli sur sa robe de chambre puis attrapa son époux par la barbe et le tira à elle en plongeant son regard enflammé dans le sien.

- "Cette « bricole » sera mienne !" marmonna-t-elle, les mâchoires serrées par la colère. "La voir au cou d’une autre me contrarierait énormément, mon amour. Et vous ne voulez pas que je sois contrariée, n’est-ce pas ? Pour vous faire plaisir, j’accède à votre requête. Je n’userai pas de mes charmes pour parvenir à mes fins. Par contre, si vous n’êtes pas arrivé à m’obtenir ce collier d’ici demain soir, je vous transforme en moustique affamé et vous lâche dans la caverne de Svorn. Bonne nuit, mon cœur !"

L’elfe relâcha Arzhiel, se recoucha et commença à ronfler doucement une minute après, laissant jusqu’au matin son époux figé d’horreur par la perspective de devoir s’alimenter sur Svorn une fois changé en insecte.

- "Vous avez compris ma question ?" répéta pour la troisième fois Garfyon, le haut prêtre de Murang.
- "Hein ? Moyen…"répondit Arzhiel en se redressant sur son trône. "Pardon, c’est pas que votre rapport est chiant de si bon matin, enfin si quand même mais bon. C’est surtout que je n’ai pas dormi de la nuit. Dès que je ferme les yeux, j’entends le vrombissement d’un moustique. Mais reprenez, je vous écoute."
- "Je disais que les quotas de production de charbon avaient régressé cette semaine à cause de la rumeur de la présence d’un criquet fantôme dans les couloirs de la mine et que…"
- "Vous croyez que j’ai assez de pouvoir pour envoyer qui je désire au cachot et rafler tous ses biens ou ça fait un peu abusé pour un seigneur en place depuis juste quelques mois ?"
- "Si votre seigneurie essaie de me faire comprendre qu’elle me hait et qu’elle tente de me menacer pour ravir ma collection de boutons en cuivre, qu’elle sache…"
- "Mais je m’en secoue le haricot de vous ou de vos boutons ! Je pensais aux frères Njall. Ils veulent se faire ma femme, les malheureux, et j’aimerais leur éviter l’enfer à tout prix, même s’il me faut les jeter en taule avec les voleurs de poules et les violeurs de moutons. Ils seront mieux lotis là qu’au pieu avec Elenwë."
- "Peine perdue, messire. Les frères Njall ne vivent que pour le labeur et la bourre. S’ils convoitent votre épouse, ils n’en démordront pas. De plus, si vous les jetez en prison, c’est notre principale source de richesse que vous annihilez. Je peux finir mon rapport ou je suis obligé de devenir votre confident ?"
- "C’est bon, roulez. Cette fois, je vous écoute. Je garde même les yeux ouverts."
- "A la bonne heure, seigneur. Alors, la défense… Nos sentinelles ont capturé le chef des brigands humains qui venaient piller la brasserie. Ils l’ont mené au donjon en attente de son jugement. Oui un jugement, c’est ce qu’on dit quand la potence n’est pas encore achevée."
- "Un braqueur de bière ?!" bondit Arzhiel. "C’est excellent ça ! Faites lui porter un tonnelet de bière et veillez à ce qu’il soit bien ivre mort d’ici ce soir, puis emmenez-le à l’atelier des frères Njall."
- "De la bière pour un hors-la-loi ? Votre sens de la justice est fort singulier."
- "Mais efficace, croyez-moi !" jubila Arzhiel. "Je sais où mon épouse cache ses potions de transformation. Et je sais que quiconque boira celle où j’ai ajouté un de ses cheveux deviendra son clone pour au moins dix heures. Dommage pour cet humain, mais il va goûter à toute l’affection de trois obsédés bien à cran et ce soir, il va prendre !"
- "Je vois," murmura Garfyon avec une grimace de répulsion. "Pour le bien de tous, je crois que je vais faire accélérer la construction de la potence…"
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MessageSujet: Re: La Saison 4   La Saison 4 Icon_minitimeMar 18 Déc - 21:09

Episode 94 – L’Illuminé

Secoué brutalement dans tous les sens, Hjotra finit par se réveiller en sursaut en serrant fermement son pied droit.

- "Qu’est-ce c’est ?!" marmonna-t-il en ouvrant mollement les yeux.
- "Vous ronflez", le réprimanda Garfyon à ses côtés dans la tranchée qu’ils partageaient. "Passe encore que vous dormiez avant l’embuscade, je doute fort de votre utilité dans une action militaire, mais vous ronflez comme une forge et on risque de se faire repérer par l’ennemi."
- "Je rêvais qu’un géant m’avait attrapé pendant que je courais dans son potager et qu’il voulait me voler ma bottine droite. Il avait des cheveux verts et ses sourcils, c’était des carottes."
- "Qu’est-ce que vous faîtes ?!"
- "J’allume ma pipe pour me réchauffer parce que ça fait froid dans ce trou. Vous avez un peu d’herbe en rab ?"
- "Je viens de vous dire qu’on essayait de ne pas se faire repérer par l’ennemi, bougre d’inconscient et vous voulez faire de la fumée ? Les orcs qui ont attaqué nos troupes sont de fins limiers et ne se laisseront pas surprendre facilement. C’est pour ça qu’on a creusé des trous le long de la falaise pour se laisser recouvrir par la neige et jaillir du sol quand ils passeront. Non, mais vous n’avez qu’à même pas m’écouter en plus ! Arrêtez ! Arrêtez de tripoter votre pied comme ça !"
- "C’était un rêve effrayant", affirma Hjotra en caressant sa botte d’un regard affectueux. "On fait un jeu ?"
- "Non, on ne fait pas de jeu. On se tait et on attend le signal du pisteur."
- "Elle est marrante votre cape. La dernière fois à la taverne, j’ai vu une tapineuse en solde qui avait la même. Vous avez une sœur ? Ou une fille ? Non, pas de coup de canne dans les côtes, ça chatouille, hihihi ! J’ai une idée, puisqu’on parle des orcs, on va faire un portrait elfe ! Je vous pose des questions et selon vos réponses, je peux établir votre profil pisciculteur."
- "Psychologique", soupira le haut prêtre, las. "Un profil psychologique."
- "Si vous étiez un coléoptère, vous seriez plutôt papillon ou taupe ?"
- "Vous ne voulez vraiment pas vous rendormir…"
- "Vous préférez être la main de Svorn ou la fesse d’Elenwë ?"
- "Mon poing sur votre bouche."
- "Trois souris font la course. L’une se perd, l’autre se cache et le chat mange la troisième. Où est le fromage ?"
- "Je suis adepte de la paix et de la tolérance, mais si vous me posez une question de plus, je vous fends le crâne après vous avoir étouffé avec votre chère bottine !"
- "Vous avez raison, on va arrêtez là le jeu", concéda Hjotra. "Vos réponses indiquent clairement une grave déficience affective avec tendances à la tauromachie. Je vais vous changer les idées avec une blague du médecin, elle est terrible ! C’est Popo qui va au marché et…AHHHHHH !"

Arzhiel eut juste le temps de sortir la tête de son trou pour voir Hjotra s’envoler hors du sien d’un magistral coup de pied, passer par-dessus le bord de la falaise et tomber une quinzaine de mètres plus bas sur les rochers couverts de neige.

- "Mais c’est quoi ce boxon ?!" grogna-t-il en accourant vers Garfyon.
- "C’est…c’est lui qui a commencé…"répondit le haut prêtre, nerveusement dévasté. "Il m’a raconté une blague !"

Quelques nains alertés sortirent à leur tour de leur cachette pour rejoindre leur seigneur qui inspectait le contrebas.

- "Il est là-bas !" fit Arzhiel en montrant avec son index. "La chute l’a fait plonger dans la neige mais on voit clairement sa bottine fétiche qui dépasse. Il ne bouge pas, c’est ennuyeux."
- "Vous croyez qu’il est…mort ?" demanda un soldat.
- "Ce serait un désastre. Cet ahuri s’est planté juste au bord du sentier que les orcs doivent emprunter. S’ils le voient, ça va faire capoter la mission ! Qui va descendre pour aller le chercher ? Pas vous Garfyon, avec votre patte folle, vous allez mettre trois jours, pauvre clampin."
- "Moi je ne peux pas, messire", fit un berserker. "J’ai trop les poils de nez qui gèlent avec ce froid."
- "Et moi je ne dispose d’aucune rune protectrice contre les animaux sauvages de la montagne !" lança un milicien.
- "Je te prête mon bâton béni !" intervint son camarade en lui tendant un bâton à la base gravé à l’effigie d’un gros rat. "Avec, tu ne cours aucun danger. Son pouvoir éloigne les marmottes."
- "Laissez tomber, j’y vais", ronchonna Arzhiel en distribuant des coups avec le bâton enchanté. "Je vous jure que si je me rêche sur la neige, je vous colle tous de corvée d’épluchage de champignons pour le mois ! Hein ? Non, je garde le bâton…au cas où…les marmottes ont un regard drôlement agressif dans cette région."

Le seigneur de guerre s’engagea sur le flanc abrupt de la falaise, glissa, tomba, dérapa, retomba, roula sur plusieurs mètres et tomba une troisième fois en arrivant près de Hjotra.

- "Comment va-t-il ?" demanda la troupe par-dessus l’épaule de leur chef quand celui-ci dégagea l’ingénieur.
- "Mais vous êtes là ?!"
- "Oui, on a pris par le petit sentier là, c’est plus prudent."
- "Naturellement…Bon, il lui manque quelques chicots et il s’est fait dessus, mais comme c’est ma journée, il respire encore. Attendez…C’est mes yeux ou…Oulà, reculez ! Non, reculez j’ai dit, crétin ! J’ai pas dit allumez-le d’un grand taquet avec votre marteau, mule de berserker !"
- "Ah désolé, j’ai confondu les ordres. Mais dîtes, seigneur, c’est normal qu’il brille comme ça ?"
- "Hjotra, vous nous entendez ?" interrogea Arzhiel quand ce dernier rouvrit les yeux, un air absent sur le visage. "Ah bravo ! Vous nous l’avez rendu timbré ! C’est sûr qu’il était déjà pas assez sur le fil, c’était mieux de le balancer dans le vide et de lui asmater la poire ! Hjotra ? Où vous allez comme ça ?"
- "Danser", marmonna l’ingénieur en s’éloignant les bras ballants et la bouche ouverte.
- "Oui, je sais", soupira Arzhiel sous le regard des autres. "Je pose la question aussi. Bon, on le suit. C’est mort pour l’embuscade avec tout ce raffut et les traces de trente nains dans la neige."

Hjotra déambula quelques minutes à travers le défilé et entama la montée d’une pente menant à un cercle de pierres levées. L’ingénieur arriva au sommet de la colline, ôta ses chausses, et pénétra dans le cercle où il se lança dans une ronde endiablée avec une horde de lutins jaillis de nulle part.

- "Source, ruisseau, lac, torrent, fleuve, estuaire !" chantaient à tue-tête les petites créatures en chœur avec Hjotra avant de reprendre leur chanson au début du couplet.
- "D’accord, je sais", commenta Arzhiel, hébété. "Je suis tombé moi aussi durant la descente et là je délire. Y a Hjotra qui brille comme la lune, dansant pieds nus avec des lutins en chantant une comptine."
- "Techniquement", corrigea Garfyon, "ce sont des korrigans, des gens du Petit Peuple appartenant à la nation sidhe. C’est très rare d’en voir, en pleine journée de surcroît."
- "Vous connaissez ces bestioles ?"
- "Je suis un sage, votre seigneurie. Les korrigans doivent habiter ces montagnes. S’ils repèrent un voyageur isolé, ils l’attirent avec leur chant, ce qu’il fait que la victime s’illumine. Une fois franchies les limites de leur cercle enchanté, il n’est possible de se libérer du sort qu’en achevant leur chanson. Mais gare à ne pas se tromper, sinon, les korrigans vous maudissent. Et pour leur prisonnier, il sera condamné à danser avec eux jusqu’à épuisement total."
- "Vous saviez que c’était un piège quand Hjotra a commencé à briller et vous n’avez rien dit ?"
- "Votre seigneurie n’a sans doute pas prêtée toute son attention à l’aversion plus que cinglante que je porte envers son ingénieur", bouda le haut prêtre.
- "Répondez à ça avant que je vous expédie à votre tour danser la gigue avec votre meilleur pote : les korrigans se barrent si je trouve la bonne fin de leur comptine ?"
- "Tout à fait et en récompense, vous pouvez les interroger sur l’avenir proche. Leur sens de la prophétie est miraculeux."
- "Bon, Source, ruisseau, lac, torrent, fleuve, estuaire, ça a un rapport avec la flotte. Des idées, bande de mous du bulbe ?"
- "Une barrique ?"
- "Les poissons ?"
- "Le dieu de la mort !"
- "Je ne sais pas si votre présence à tous ne me prend pas plus la tête que leur chanson débile…Voyons voir. Ça suit le cheminement de l’eau donc la suite logique devrait être l’océan !"

A ce mot, les korrigans se figèrent et firent volte-face vers les nains, de larges sourires remplaçant leur fugace étonnement. Hjotra se réveilla, regarda autour de lui les créatures et ses compagnons d’un air perplexe durant une seconde, puis s’éloigna en courant pour aller faire un bonhomme de neige un peu plus loin.

- "Ils attendent", informa Garfyon. "Posez votre question."
- "Puissants korrigans… !"
- "Ce n’est pas la peine non plus de leur faire de la lèche, ils sont liés par serment à vous répondre."
- "D’accord. Bon, les ptits gars, dites-moi où sont les orcs, nos ennemis, en ce moment et magnez-vous !"
- "Les orcs, vos ennemis, sont actuellement en train d’assiéger votre Karak", répondit un korrigan avant de s’évanouir dans les airs avec les siens.

La mine déconfite, Arzhiel demeura stoïque quelques instants, ôta ses bottes qu’il rangea près de celles de Hjotra et se mit à danser frénétiquement au milieu du cercle de pierres.

- "C’est rien, c’est les nerfs", fit Garfyon aux soldats mal à l’aise. "Montez le campement. Vu ses yeux torves et injectés de sang, je crois que la crise va durer."
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MessageSujet: Re: La Saison 4   La Saison 4 Icon_minitimeDim 30 Déc - 18:38

Episode 95 – Le Nouveau Conseil

Les nains rentrèrent dans la caverne de réunion d’un pas traînant et allèrent se placer sur les tabourets installés à leur attention. Arzhiel referma la porte derrière eux, ôta le coussin péteur en vessie de troll posé sur le siège de Garfyon par Hjotra, le lança au visage de ce dernier, puis alla à son tour s’asseoir en face d’eux.

- "Svorn et Hjotra, vous êtes tout ce qui reste de mon ancien état-major depuis le départ pour quête de Brandir, la retraite de mon cousin Rugfid et depuis qu’on a oublié Ségodin au grand marché aux truffes de la région, il y a deux mois. Je ne dirai pas que je suis plutôt fier d’avoir dégagé plus de la moitié de mes boulets, mais pas loin. Vous connaissez Garfyon, le haut prêtre de Murang. En attendant mieux, on va dire que vous formez dorénavant mon Conseil. Des questions ? Hjotra ?"
- "Est-ce que je peux partir ?"
- "Tout à fait. Alors, au choix : sur un brancard ou défenestré."

L’ingénieur acquiesça et consigna la réponse en notes, à moins qu’il ne fasse un dessin.

- "Pour commencer, je voudrais évoquer la défense. Nous sommes depuis peu victimes de raids et de pillages de bandes de pires manganes des steppes qui commencent sérieusement à me casser les you-yous. Nous avons établis des patrouilles et les premiers affrontements nous ont révélé ceci, oui Svorn ?"
- "On est des grosses tanches en combat !"
- "Parfaitement exact", applaudit Arzhiel. "On a pris que des déculottées. Hjotra, pouvez-vous illustrer le terme déculottée au Conseil afin de bien partager la notion qu’il incarne, je vous prie ?"

Les nains poussèrent le même cri d’horreur et de dégoût quand l’ingénieur abaissa son pantalon.

- "Fort bien, vous avez tous compris. Par contre, Hjotra, comme on a dit, hein. N’hésitez pas à changer votre pagne de temps en temps. Résultat des courses, on est des brêles et…Oui, c’est quoi ?"
- "Un message important, messire", fit le garde à la porte en tendant un parchemin.
- "Svorn, si c’est encore vous qui me collez un procès, je vous préviens que…Ah non, c’est bon, c’est rien. C’est encore une demande de rançon des gars qui retiennent Brandir en otage."
- "Ne ferez-vous rien pour le délivrer ?" interrogea Garfyon, inquiet.
- "Quand ils vont voir ce que va leur coûter l’engin en nourriture", répondit Arzhiel en roulant le parchemin en boule avant de le jeter sur Hjotra, "croyez-moi qu’ils vont nous le rendre avec un ruban cadeau autour de la tête. Mais je suis content de voir que sa quête progresse dans le bon sens…Reprenons. Après mûres réflexions, j’ai décidé de changer de tactique de défense. Puisque les protecteurs sont nullos et hypers mous, on monte d’un cran. On va ouvrir une école runique pour former des lanceurs de runes bien vicieux et sadiques. Seigneur Svorn ici présent, rassemblant ces qualités et même moins, en sera le haut prêtre. On applaudit bien fort notre futur meilleur génocidaire. Voilà, merci pour lui. Maintenant, tout le monde le hue parce que cette vieille chèvre est incapable de fabriquer la moindre rune."
- "N’empêche que moi je ne porte pas mes sous-vêtements à l’envers", grommela Svorn à l’attention de Hjotra qui le sifflait avec ferveur.
- "Cet état, lamentable et pathétique, nous amène donc au point suivant : la magie. Une petite leçon s’impose. Ce sont les elfes qui ont créé la magie. En mourant ou s’ils le souhaitent d’eux-mêmes vers la fin de leur vie, ils transforment leur essence vitale en magie ambiante. Car les elfes n’ont pas d’âme…"
- "Je le savais !" s’exclama Svorn, triomphant. "Ce sont des bêtes sans conscience, ni raison !"
- "Ce qui vous fait pas mal de points communs", le reprit Arzhiel. "Donc quand les elfes passent l’arc à gauche…"
- "C’est vraiment passionnant comme cours", jubila Svorn tout excité.
- "Quand les elfes claquent", poursuivit Arzhiel, "ils deviennent à part entière une parcelle de magie que tout arcaniste peut utiliser pour invoquer un sort. Les nains ont chopé l’astuce à leur sauce. Quand un nain meurt, son essence peut être puisée pour graver un pouvoir dans la pierre, c’est ce qu’on appelle une rune. Grossièrement, ça marche comme ça. C’est plus clair pour tout le monde ?"

Arzhiel regarda Hjotra qui somnolait, Svorn qui gravait en gloussant sur ses tablettes un elfe agonisant et Garfyon qui s’occupait avec un combat de pouces. Un vigoureux coup de corne de guerre permit de centraliser de nouveau l’attention collective.

- "Comment vous savez tout ça, seigneur ?" demanda Hjotra.
- "Qu’est-ce que vous croyez que je tricote à être tout le temps fourré à la bibliothèque ?"
- "Vous fuyez votre femme et vos responsabilités de chef du Karak ?" proposa Svorn.
- "Ma femme au moins n’est pas en sac de jute bourrée de pailles avec un visage peint à la main, si vous voyez ce que je veux dire. Allez, levez vos miches avant de roupiller ! On fait un exercice. On va tester le lancer de runes. Svorn, voici des pierres et un burin. Gravez une rune mineure dessus. Pour vous aider, Hjotra fera la cible. Hjotra, imitez un orc belliqueux."
- "Et moi, je fais quoi ?" interrogea Garfyon.
- "Allez lustrer mon armure ou faites-nous monter un casse-dalle. Allez, Hjotra, vous êtes un orc ! Grognez ! Griffez ! Feulez ! De la bave ! Encore plus de bave et des insultes !"
- "Cette scène me rappelle étrangement notre nuit de noces", déclara Elenwë en rentrant au moment où Hjotra s’agrippait au mollet de Svorn pour le mordre.
- "Hé !" protesta Arzhiel. "C’est un Conseil de mâles ! Vous n’avez rien à faire ici, on bosse !"
- "Qu’est-ce qui vous arrive à me parler sur ce ton, vous ?" persifla Elenwë avec un regard acéré. "Vous avez changé de traitement ou quoi ?"
- "Dîtes, pourquoi vous portez des peintures de guerre sur le visage aujourd’hui ?" rétorqua le nain d’un air sardonique. "Oh, pardon, c’est pas du maquillage, c’est votre maladie de peau, c’est vrai."
- "Je venais aimablement vous avertir que j’avais achevé votre décoction pour la repousse des cheveux, mais si vous le prenez comme ça, mon petit bonhomme, je pense que vous allez finir la journée changé en porcelet."
- "Lâchez-moi, espèce de benêt !" hurlait Svorn derrière en frappant Hjotra qui lui rognait la cheville. "Je n’arrive pas à graver droit ! On va rater notre exercice et ça compte dans la moyenne !"
- "Je ne peux pas", protesta l’ingénieur. "Je suis un orc belvédère qui bave !"
- "Je n’aurais pas besoin de potion pour les tifs si vous ne vous amusiez pas à me les arracher pendant mon sommeil, détraquée !"
- "C’est le seul moyen de vous empêcher de chanter vos chansons paillardes en dormant ! J’en viens à siffloter « la gigue du cul » inconsciemment dans la rue ! J’ai eu trois propositions de mariage depuis ce matin !"
- "Parfait ! Ça me fera un motif supplémentaire de prendre maîtresse puisque vous voulez prendre mes tresses !"

Garfyon, les bras chargés d’un plateau de charcuterie, rentra dans la salle du Conseil au moment où Elenwë lança son premier sortilège de métamorphose animale. La magie changea Hjotra en cabri qui renversa tout le mobilier en sautillant partout et projeta Arzhiel contre le mur, puis contre sa femme. L’impact renversa cette dernière et fit dévier son second sortilège sur Svorn. Le haut prêtre changé en crapaud conserva sa fureur et se lança à la poursuite du cabri. La scène rappelant une antique prophétie maléfique à Elenwë, la sorcière elfe affolée jeta son époux sur Hjotra pour l’abattre et tenta d’écraser Svorn le crapaud. Le batracien chercha refuge dans son corsage, ce qui déclencha une nouvelle salve de sorts et de nouveaux hurlements hystériques.

- "Que se passe-t-il ?!" s’écrièrent les gardes alertés par le raffut.
- "Rien, rien", répondit calmement Garfyon en fermant la porte. "Le nouveau Conseil délibère, le débat semble juste un peu houleux. Quelqu’un veut du saucisson aux trois herbes ?"
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MessageSujet: Re: La Saison 4   La Saison 4 Icon_minitimeJeu 3 Jan - 12:08

Episode 96 – Haunted

Arzhiel s’étira en baillant, gratta sa chevelure hirsute, sa barbe broussailleuse, sa bedaine pansue, puis son bas-ventre avant de caresser la chevelure d’Elenwë encore assoupie afin qu’elle relâche sa terrible étreinte sur lui. Le nain put alors se libérer du bras qui le maintenait contre son épouse et roula jusqu’au bord du lit. Il commença à s’habiller dans la pénombre mais échoua à trouver sa seconde chaussette.

- "Derrière la tête de troll empaillée", indiqua une voix qu’il attribua à Elenwë
- "Merci", répondit Arzhiel encore vaporeux.
- "Huuuum ?" fit Elenwë en émergeant. "Mais de rien. C’était pas mal pour moi non plus."
- "Non, mais merci pour la chaussette. Faut arrêter la sniffette sur le pollen, ma vieille ! Je ne vais pas vous remercier non plus pour cette nuit. Je pisse encore le sang et j’ai des crampes à tous mes orteils!"
- "Quoi ?" marmonna l’elfe, la tête dans l’oreiller. "Quelle chaussette ? Faut arrêter de siffler des mousses au lever, mon gros."
- "C’est pas vous qui m’avez…"songea Arzhiel. "Mais alors c’est qui ?"
- "C’est moi", fit soudain un spectre de nain en apparaissant sous le nez d’Arzhiel.
- "AAAHHHH !" bondit le seigneur de guerre. "Mais…mais c’est vous Thoric ?! Vous êtes le vieux Thoric, n’est-ce pas ? Le vieux fantôme qui hantait mon ancienne bibliothèque !"
- "Oh !" se plaignit Elenwë. "Y a des elfes charmantes à la peau très fragile face au manque de sommeil qui dorment ici ! Allez répéter votre discours dehors…En plus, le début est naze."
- "Elle ne peut ni me voir ni m’entendre", expliqua Thoric en lévitant devant Arzhiel. "Je n’existe que pour vous."
- "Mais qu’est-ce que vous foutez là ?!" s’exclama Arzhiel encore sous le choc.

Elenwë, enfouie sous les draps, leva juste une main qui s’enflamma et précipita une flamme vigoureuse vers Arzhiel, l’invitant à quitter la pièce dans les plus brefs délais. Le nain acheva de s’habiller dans le couloir, sous les yeux de deux serviteurs qui passait, un air perplexe devant leur seigneur le pantalon sur les chevilles, parlant au mur.

- "Je croyais que vous étiez lié pour l’éternité à la bibliothèque de « l’autre monde » ! Comment vous avez atterri dans ma piaule ? Et comment saviez-vous pour ma chaussette ?"

Le spectre, par politesse, choisit d’ignorer la dernière question.

- "Quand vous êtes partis, j’ai compris que le Karak était perdu alors j’ai choisi un autre lien physique avec le monde des vivants."
- "Ma chaussette ?!"
- "Euh, sauf votre respect, vous devenez lourd avec votre chaussette, seigneur. J’ai choisi votre hache, héritage de votre famille."
- "Quoi ?! Mais je ne m’en sépare jamais !"
- "Voilà", acquiesça le fantôme. "Vous avez vaguement compris le truc. J’en ai ma claque d’hanter le même lieu depuis des lustres avec cette malédiction. Je veux le repos. J’ai donc décidé de vous hanter jusqu’à ce que vous trouviez la blague sacrée qui me ferait rire et briserait ma malédiction. J’ai pensé que vous seriez passionné par l’accomplissement d’une quête aussi prestigieuse, seigneur."
- "Ah grave ! La quête de la blague qui tue ! C’est clair que c’est classe comme projet ! En plus, j’ai rien d’autre à glander, pas de Karak à gérer, d’armée à former, de populace à diriger ! Soyez un gentil fantôme, allez hanter un autre cake que moi."
- "Impossible. Je ne peux pas choisir un autre lien avant un siècle."
- "En conclusion, jusqu’à ce que je dégotte la boutade qui vous libérera, je vais devoir me coltiner un ami invisible encore plus chiant que ceux de Hjotra ?!"
- "J’ai foi en vous, messire. Un héros aussi atypique qui passe son temps à faire le pitre ne peut que se réjouir du défi humoristique que je lui impose…Que faîtes-vous ?! Vous êtes en train d’entamer un rituel de danse chamanique pour chasser les esprits, c’est ça ?!"
- "Non, j’ai juste trop envie de pisser. Bougez pas, je vais aux latrines, après je m’occupe de vous dégager dans l’au-delà d’un bon coup de botte dans vos miches transparentes. Où vous allez là ?! Vous me suivez ?!"
- "Là et partout ailleurs, seigneur. On est liés."
- "Je ne sais pas ce que j’ai foutu dans ma vie antérieure pour être pourri par les boulets dans celle-là, mais ça ne devait pas être joli-joli ! En route, fantômette. On va voir un spécialiste de la boutade, un pointu de la vanne, un pro de la déconnade. Avant ça, tournez-vous, je ne peux pas si on me regarde."

Une fois sorti des latrines, Arzhiel se dirigea vers l’infirmerie et alla trouver son vieux médecin qui jouait aux osselets avec des vertèbres de drows. Celui-ci écouta avec attention la requête d’Arzhiel jusqu’au bout, sans un mot.

- "Allez-y, faîtes péter la blague ! Et votre meilleure, j’ai un boulot monstre aujourd’hui."

Le médecin silencieux observa son seigneur, sa hache, puis de nouveau Arzhiel.

- "Vous voulez que je raconte une blague…à votre hache, c’est ça ? C’est cela, oui. Parlez-moi de votre enfance."
- "C’est quoi, ça ? Votre intro ? Magnez, je vous dis ! Une vanne, allez !"
- "Soit. Quel est le comble pour un maître brasseur ?...Etre imbuvable ! HAHA ! Poilant, non ?"

Thoric et Arzhiel échangèrent un regard navré qui n’échappa pas au médecin.

- "A bien sûr avec une hache comme public, c’est pas évident non plus. Ne partez pas, j’en ai une autre. Le point commun entre un voleur et un boucher ? Hein ? Aucun ! Ils maîtrisent tous les deux l’art du faufiler ! Faux-filet et faut filet ! OHOHOH ! Mort de rire, non ? Revenez !"

Deux jours et deux nuit sans sommeil plus tard

- "Tout va bien, seigneur ?" s’enquit Garfyon lors du Conseil. "Vous avez une mine de déterré."
- "Hé !" s’exclama Arzhiel en se tournant vers Thoric. "Pas mal, celle-là ! Déterré. Bon, mais faîtes un effort aussi ! Toujours à tirer la gueule, on dirait ma femme avec une barbe !"
- "Votre femme avec une barbe… ?" répéta le haut prêtre inquiet en reculant prudemment. "Que mon seigneur me pardonne, mais au vue de l’état avancé de démence qui vous habite, j’ai pris la liberté de faire venir de l’aide extérieure. Le médecin m’a rapporté que vous le harceliez pour obtenir des blagues afin de satisfaire un esprit malin vous hantant aussi ai-je engagé un humain, un chasseur de monstres, de démons et d’esprits. Faites-le entrer vous autres !"

Un humain vêtu d’une veste rapiécée en cuir, d’un long manteau usé et d’un chapeau sombre fit son entrée dans la caverne, son regard vif inspectant les recoins de la salle. Il s’arrêta devant Arzhiel et l’observa sous toutes les coutures, soulevant sa paupière, tâtonnant son abdomen, prenant son pouls et mesurant son oreille gauche.

- "Il est possédé, c’est évident", conclut-il après quelques minutes. "Un démon du huitième cercle à moins qu’il n’ait été attaqué par une belette-garou. Il porte beaucoup de traces de morsures."
- "N’hésitez pas à me parler directement pendant que je suis devant vous, parce que ça va rapidement me gercer les groseilles, sinon", prévient Arzhiel. "Les morsures, laissez tomber, c’est ma femme."
- "Il jure et bave. Il est possédé. Ça fera huit cent pièces d’or, seigneur Garfyon."
- "Huit cents ?!" s’étrangla Arzhiel. "Il veut me déposséder ! Aïe ! Qu’est-ce que vous foutez ?!"
- "Il réagit au sel, un esprit puissant l’habite !"
- "Bien sûr que je réagis si vous me balancez du sel sur les plaies, mon beau corniaud !"
- "Avale ceci, possédé !" clama le chasseur en tendant un chardon entier saupoudré d’une fleur découpé en morceaux, tige comprise, ainsi que de poudre d’argent. "Avale !"
- "Je refuse ! Vous délirez si vous pensez que je vais porter ça à ma bouche. Y a encore les épines !"
- "C’est un cas assez préoccupant", confia l’humain. "Il refuse mon bouquet de purification. Cela prouve qu’il est possédé."
- "Non, ça prouve que c’est juste dégueu votre truc et que j’ai un minimum de raison."
- "Arrière, créature du malin !" hurla le chasseur d’un ton ampoulé. "Embrasse ma croix de Palar, le Puissant, Le Juste, Le Purificateur et fuis ce corps ventru et laid !"

La hache d’Arzhiel vola et frappa le chasseur en plein front, l’envoyant bouler avec sa croix et ses fleurs au milieu de la salle dans une gerbe de sang.

- "Il a réussi", fit le nain. "Il m’a gercé."
- "Qu’avez-vous fait, seigneur ?" hurla Thoric.
- "J’ai buté un brise-rondelles. Et ça soulage."
- "Certes, mais vous avez utilisé votre hache…mon lien…"
- "J’aurais pu l’étrangler, mais c’est moins jouissif que la hache dans la tronche."
- "Vous ne comprenez pas. Le lien est chargé de mon énergie surnaturelle. A chaque fois que vous tuerez quelqu’un avec, son âme sera attirée et contenue dans la hache !"
- "Une seconde. Vous voulez dire que…"
- "Ventrebleu !" gémit le fantôme du chasseur en apparaissant auprès de Thoric. "Vaincu par le diable, me voici à vos côtés, fiers compagnons ! Ensemble, luttons pour purifier cette terre ! Pardon ? Non, je ne connais pas de blague, pourquoi ?"

Les yeux ronds comme des soucoupes, Arzhiel regarda le nouvel esprit avant de glisser de son trône. L’instant suivant, il dévorait le chardon aux fleurs en riant comme un dément tandis que Garfyon, épouvanté, le recouvrait frénétiquement de sel.
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MessageSujet: Re: La Saison 4   La Saison 4 Icon_minitimeDim 13 Jan - 12:05

Episode 97 – Le Vase de la Discorde

Tirant une fouine en laisse, Hjotra aperçut Arzhiel, un vase à la main, accompagné de son épouse au détour d’un couloir et trottina vers eux d’un air satisfait.

- "Ah, Seigneur ! Je vous cherchais !"
- "C’est vrai que j’attire les catastrophes."
- "C’est quoi cette cruche ?" demanda l’ingénieur.
- "Ben, c’est Elenwë, vous devriez la reconnaître depuis le temps. Aïe ! C’était pour plaisanter, ça va ! C’est pas obligé de lâcher un éclair à chaque blague. En plus, ça picote."

Le nain massa son épaule endolorie en grimaçant tandis qu’Elenwë soufflait la fumée du bout de ses doigts d’un œil sombre.

- "C’est un cadeau de bienvenue", expliqua le nain. "Le chef d’un Karak voisin vient nous rendre visite et comme la salle du trésor a déjà cramé deux fois à cause des barbecues improvisés des gardes, on n’a plus une relique à offrir. Du coup, j’ai tapé dans une vieille remise. J’ai rien trouvé de moins moisi que ce vase."
- "Vous allez donner ce pot pourrav en cadeau ?"
- "Il n’est pas complètement pourrav, d’abord !" se défendit Arzhiel. "Regardez les incrustations là, c’est du précieux !"

Hjotra observa de plus près, lécha, puis renifla les liserés brillants.

- "C’est pas précieux du tout, ça pue. L’argent, lui, n’a pas d’odeur."
- "C’est moi ou ça a l’air de vous réjouir ?" interrogea Elenwë.
- "Mais carrément !" fit l’ingénieur tout excité. "J’ai aperçu le chef quand il est arrivé tout à l’heure. Et c’est une naine vachement bien roulée. Je voulais vous demander un coup de main pour la draguer, seigneur. Mais avec un cadeau aussi nul, ça me laisse toutes mes chances ! En plus, j’ai mis mes bretelles fétiches !"
- "Et la fouine, c’est pour quoi faire ?" fit l’elfe, curieuse.
- "C’est Kekette. Je lui apprends à courir sur elle-même en se mordant la queue et là, c’est sa pause."
- "Terrible", commenta Arzhiel. "Par contre, on s’en fout. Vous avez dit que l’invitée est une naine ? Une femme pour parlementer, tout se perd franchement ! A moins que ce soit un gage aussi. On me l’envoie pour faire ma lessive ou comme maîtresse. J’espère qu’elle sait danser sur les tables et…Aïeeeuhhh ! Quoi ? Qu’est-ce que j’ai dit encore ?!"

Hjotra escorta le couple jusqu’à la salle où attendait l’invitée et y retrouvèrent Garfyon, chargé des relations diplomatiques. Il s’agissait effectivement d’une naine au regard sévère et aux nattes longues étrangement enroulées autour de sa tête, comme une couronne. Elle portait armure complète et armes et c’est d’un bruyant salut militaire avec cri de guerre qui effraya Kekette qu’elle accueillit ses hôtes.

- "Ne criez pas, je vous prie", marmonna Hjotra en caressant sa fouine apeurée. "Ma Kekette tremble et est toute ébouriffée, maintenant."
- "Je suis Myfanwy Forgairain, fille de Fjotli Forgairain, seigneur de Karak Thorkel !" l’ignora la naine en saluant Arzhiel d’un claquement sec des talons. "Pardonnez l’absence de mon père mais le bon Patriarche est parti chasser le gobelin et l’orc pour rompre l’ennui de ce lassant hiver."
- "Si le Patriarche cherchait mieux", marmonna Elenwë, "les orcs ne viendraient pas dans notre grenier quasiment tous les trois jours."
- "Je vous souhaite la bienvenue", intervint rapidement Arzhiel en poussant son épouse. "En gage de notre future amitié, voici une…cruche de très grande valeur."
- "Une cruche ?" répéta Garfyon, stupéfait en voyant le vase abîmé.
- "C’est…original", déclara Myfanwy. "Je crains de ne pas avoir de gage aussi prestigieux. Naïvement, j’ai apporté une vingtaine de lingots de mithril."
- "Ne soyez pas si dure avec vous-même", lança Elenwë. "Il est rare de conserver une naïveté d’enfant à votre âge avancé, mais c’est tellement charmant. Nous allons faire l’effort d’accepter ce cadeau."

L’elfe et la naine échangèrent un regard froid tandis qu’un court et pesant silence s’instaura. Mal à l’aise, Arzhiel lança son pied dans la chaise de Hjotra qui fut projeté vers Myfanwy afin de la distraire.

- "Qu’est-ce qui vous prend ?!" maugréa pendant ce répit le seigneur de guerre à son épouse. "Vous voulez nous coller une guerre avec un Karak surpuissant ?"
- "Elle vous dévore de yeux", se justifia la sorcière en boudant. "Je défends mon bifteck."
- "Détendez-vous ma vieille ou vous allez rester végétarienne un moment !"
- "Alors comme ça, vous habitez chez votre père ?" minaudait Hjotra avant qu’un second coup de pied l’éloigne aussi vite qu’il était arrivé.
- "Bien !" clama Arzhiel en souriant de toutes ses dents. "Dans votre missive, vous abordiez l’éventualité d’un pacte d’échanges commerciaux pouvant aboutir à un protectorat militaire. Débattons-en, voulez-vous ?"
- "Ecoutez, nous possédons quelques ressources que nous serions ravis de commercer avec de braves voisins nains et justement, je constate que votre seigneurie apprécie la compagnie de suivantes elfes. Le fait est que suite à un conflit avec un hameau elfe proche, nous sommes en mesure de lui fournir des femelles elfes entre deux âges tout aussi vulgaires mais douées pour délasser les mâles que votre amie ici présente."
- "Et je ne doute pas une seconde qu’une naine vêtue comme un guerrier et aux manières et à l’allure si masculines ne peut que juger d’un œil avisé la qualité de beauté de ma race", rétorqua Elenwë avec le même sourire tendu que Myfanwy.

Profitant d’un nouvel écrasant silence, Hjotra tenta une seconde approche.

- "Vous savez que vous possédez une délicieuse petite paire de hachettes ? Elles sont d’origine où vous les avez faites refaire ?"
- "À ce propos", toussa Garfyon tandis que les deux femmes ne se quittaient pas des yeux, "la réputation de vos forgeurs d’armes est naturellement parvenue jusqu’à nous. Nous ne vous cachons pas que nous serions excessivement intéressés par une collaboration entre nos deux Karaks. Nos cottes en mithril sont, je peux le dire modestement, de vrais chef-d’œuvres."
- "Moi j’aime bien les couchers de soleil, les promenades dans les cavernes et la musique du corps des trompettes de guerre", enchaînait Hjotra, collée à Myfanwy. "Et vous ?"
- "Pareil", répondit la naine d’un ton sec. "J’aime les couchers de soleil sur les champs de batailles remportées sur les elfes, les promenades dans les forêts brûlées elfes et la musique des tambours de guerre avant la charge sur les armées elfes."
- "Dites", murmura Elenwë à l’oreille de son époux, la magie crépitante entre ses doigts. "Je peux lui casser les dents ?"
- "Vous me demandez l’autorisation, maintenant ?" répondit le nain, surpris.
- "Non, c’était une question rhétorique."
- "Y a-t-il un…souci ?" demanda Garfyon, très nerveux.
- "Je suis en effet incommodée par la présence de certaines personnes à cette rencontre diplomatique", déclara froidement Myfanwy.
- "Je me demande si le roux est votre couleur naturelle", lui souffla Hjotra en montrant ses tresses. "Je peux voir vos aisselles ?"
- "Je suis d’accord avec le fils du seigneur Forgairain", rebondit Elenwë. "Je crains que son attitude déplacée envers mon époux ne risque de dégénérer en empoignade et que ce dernier ne se batte jusqu’à la mort pour défendre mon honneur."
- "Quoi ?!" s’exclama Arzhiel. "Qui va se battre à mort ?"
- "Allons, allons, mes dames, je vous prie", supplia Garfyon. "Calmez-vous ! Je propose de marquer une pause le temps que tout le monde recouvre son sang-froid."
- "Ton époux je l’éclate d’une main, ma pauvre elfette !" se lâcha Myfanwy. "Tu crois qu’il suffit de t’afficher à moitié à poil à côté d’un noble de basse extraction pour devenir une vraie dame ?! Des arrivistes comme toi, il y en a trois dans chaque lit de chaque chef de mon Karak !"
- "Et sûrement pas dans le tien, triste truie ! C’est peut-être là ton problème !"
- "Loin de moi l’idée d’envenimer les choses", fit Garfyon en souriant. "Je m’avance sans doute, mais je pense que tout cela va finir en dispute sous peu !"
- "Je suis une truie dans ton lit quand tu le veux !" proposa Hjotra en saisissant la main de Myfanwy.
- "Et vous ne dites rien, vous ?!" cria Elenwë après son époux, caché sous la table en train de manger calmement.
- "Ça changera quoi ?" fit-il, blasé. "Tout va être de ma faute, vous allez voir."
- "Et puis d’abord, ceci n’est pas un cadeau à offrir à une invitée de marque !" craqua Myfanwy en soulevant le vase offert.
- "Qu’est-ce que je disais…"
- "Ce n’est pas un ornement, bande d’ignares ! C’est un piège à élémentaire ! Si je lis les inscriptions, là, ça le libérera !"

Furieuse et vexée, la naine récita la formule antique et aussitôt, une violente bourrasque s’échappa de la cruche, balayant nains et elfe et expédiant Hjotra à travers le couloir lorsque l’élémentaire se précipita vers la sortie. Myfanwy, en sang et recouverte de débris de mobilier, boita à sa suite et disparut à son tour en marchant sur Hjotra étalé au sol.

- "Hjotra ?" appela Arzhiel, cul par-dessus tête dans un coin. "Le mot de la fin, je vous prie ?"
- "Je me suis pris un vent", répondit l’ingénieur pendant que sa fouine mordait son oreille.
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MessageSujet: Re: La Saison 4   La Saison 4 Icon_minitimeJeu 17 Jan - 14:58

Episode 98 – A la Bataille !

Perché au sommet de la plus haute tour de guet battue par les vents glacés qui hurlaient avec rage en recouvrant les créneaux de givre, Arzhiel scrutait inlassablement l’horizon, transi de froid mais bouillonnant intérieurement. Hjotra apparut alors dans les escaliers, s’empiffrant d’une assiette de viande en sauce.

- "Mais par les fesses flasques et pâles de ma femme", fulmina Arzhiel, "qu’est-ce qu’ils glandent ?!"
- "Qui donc ?" demanda Hjotra en curant un os.
- "Le Nain Noël et sa clique d’elfes ! Mes espions, voyons ! Ils devaient rentrer hier, ça fait des heures que je me pèle les miches et le reste à guetter leur retour !"
- "Ah, eux ? Ils sont rentrés ce matin. Ils ont pris un peu de retard parce qu’ils se sont arrêtés à l’auberge du Croûton Mâché au retour. Pour une nuit achetée, ils en ont eu une offerte. C’est votre épouse qui a lancé l’opération pour promouvoir le tourisme dans la région et…"
- "Ils sont rentrés ?!" sursauta Arzhiel. "Et personne ne me prévient, logique. En revanche, vous qui êtes censés rester enfermé dans votre atelier, vous êtes au courant ! Alors ? Quelles nouvelles ? Comment s’est passée la bataille contre les humains ?!"
- "On a perdu. Mais rassurez-vous, tous nos guerriers sont bien morts. L’honneur est sauf."
- "Tous claqués ?!" pâlit Arzhiel, pris de vertiges. "Pas un survivant ?!"
- "Ah non, pas un. Ils se sont fait topés en pleine nuit et d’après les espions, ils ont sacrément pris chers."
- "Mes berserkers…" marmonna Arzhiel en titubant, blafard. "Mes troupes de choc…Ma légion ! Six mois pour la mettre sur pieds…"
- "Deux pieds gauches visiblement", commenta Hjotra en engloutissant sa viande. "Vous devriez descendre au Karak, les festivités pour honorer les morts ont commencés. Svorn est tout excité ! Il s’est déguisé en faucheur et il a fait sa célèbre soupe de gobelins. Vous en voulez un peu ?" L’ingénieur tendit son assiette à son seigneur en s’essuyant la moustache. "Je vous ai laissé les boyaux et les carottes."

Arzhiel l’ignora et dévala les escaliers. Il pila néanmoins en cours de route, revint sur ses pas pour enfoncer le visage de Hjotra dans son assiette puis repartit aussi vite. Après quelques échauffourées dans la rue avec la populace mécontente et plusieurs bordées d’insultes, le seigneur de guerre avisé décida de convoquer le Conseil pour une réunion d’urgence à la taverne.

- "Question", fit Hjotra en s’asseyant. "Est-ce que le fait que la réunion se tienne à la taverne a un rapport avec la centaine de manifestants furieux armés de pioches qui vous attend devant la salle du Conseil ?"
- "Aucun rapport", répondit sèchement Arzhiel en épongeant son nez ensanglanté. "Je ne vois même pas de quoi vous voulez parler. Nous sommes ici pour accueillir notre nouveau conseiller militaire en l’absence de Brandir, maudit aux furoncles soit ce dernier pour nous avoir lâché. Voici Leigfid Brise-Rotules, ancien soldat, gladiateur et mercenaire de passage dans notre cité."
- "Serrurier", déclara le nain robuste à la mine patibulaire. "J’ai aussi passé deux saisons dans une échoppe de serrurier mais ça n’a pas marché parce que j’ai étranglé le chien du patron sans faire exprès, un matin."
- "On peut donc affirmer que vous êtes le nain de la situation !" s’exclama Arzhiel devant le Conseil penaud. "On commande à grailler ? Vous prendrez quoi ?"
- "Un quatre-quart et deux demis. J’aime les chiffres ronds."
- "Pour moi, ce sera une cuisse de bouc et un gratin de champignons avec sauce, je n’ai pas très faim…Elenwë ? Qu’est-ce que vous fichez ici ?! Je croyais vous avoir semée après vous avoir lancé sur nos poursuivants tout à l’heure !"
- "C’est un Conseil, c’est ça ?" lança l’elfe suspicieuse. "Donc, je reste. Je dois absolument vous entretenir du marché aux fleurs qui aura lieu ce printemps, c’est hyper important !"
- "On va juste aborder le sujet de la guerre d’abord, si vous voulez bien", soupira Arzhiel. "Mais asseyez-vous. Non pas là. Là je vous ai en face et comme je vais manger, je vous verrais. Bref ! Leigfid ! Aidez-nous à préparer notre riposte contre les humains qui nous ont tatannés la face !"
- "Vous voulez lancer une contre-offensive ?!" s’écria Garfyon, outré. "Après pareille débandade ?! Ne voulez-vous pas plutôt parlementer avec l’ennemi ?"
- "Bon, Garfyon, si c’est pour sortir des conneries, ce n’est pas la peine, on a déjà Hjotra. Passez-moi plutôt la charcuterie. Leigfid, on vous écoute."
- "Temps un, on espionne l’ennemi. Temps deux, on attend qu’il baisse sa garde. Temps trois, on le cerne pour le piéger. Temps quatre, on attaque durant son sommeil, sa visite aux latrines ou son décuvage."
- "C’est pas top glorieux l’attaque en fourbe", marmonna Arzhiel. "Le but de la riposte, c’est plutôt de restaurer notre honneur bafoué."
- "L’honneur ? C’est-à-dire ? Je ne vois pas le rapport. Je croyais qu’on parlait de guerre."
- "Et si on leur offrait une brassée de fleurs ?" proposa Elenwë.
- "Pour quoi faire ?" demanda Arzhiel. "Vous voulez les mettre encore plus en rogne contre nous ? Dans ce cas-là, j’ai mieux : je vous offre, vous, au chef de ces pignoufs."
- "Donc temps un, il nous faut des soldats sans foi ni loi, sans pitié, des bêtes cruelles et avides de sang. Temps deux, on les fouette avant l’assaut pour exciter leur rage. Temps trois, on les lâche sur l’ennemi pour les occuper pendant que dans un temps quatre, on les allume depuis les hauteurs avec des machines de guerre."
- "Non mais personne ne déteste assez les humains et est aussi décalqué pour faire ça, voyons ! Attendez ! J’ai peut-être quelqu’un…En revanche, il va falloir décrocher Svorn du toit du temple où on l’a attaché plus tôt pour faire diversion de nos poursuivants. Il est le seul capable de convaincre son clan de dégénérés de lanceurs de runes."
- "Temps un, on repère les humains. Temps deux, on attend qu’ils aillent pioncer. Temps trois, on leur lâche Svorn et ses petits copains sur le dos. Temps quatre, on rase tout à la baliste et on fout le feu. Quelqu’un voit un autre temps nécessaire ?"
- "Temps…pète", répondit Hjotra.
- "Temps…touze", ajouta Elenwë avec aplomb.
- "Temps…bourrin", grogna Garfyon.
- "Temps…pis", soupira Arzhiel en haussant les épaules.

Une semaine plus tard, après de pénibles préparatifs, une difficile excursion à travers les montagnes et un sournois assaut de nuit pour restaurer l’honneur.

- "Allez-y, avouez", l’accueillit Elenwë quand son époux revint dans leurs appartements. "Mes fleurs leur ont fait plaisir, n’est-ce pas ?"
- "Grave", répondit le nain en montrant son bras blessé et bandé. "Mais au moins, ils ne viendront plus nous casser les noisettes. Si ça pouvait être le cas de tout le monde…"
- "Vous avez vaincus ?!" fit l’elfe étonnée.
- "Bof, vaincu, c’est vite dit. L’attaque de nuit, c’était ingénieux mais charger les écuries à griffons et les casernes en premier, ça, ça le fut moins. Vous saviez qu’un griffon adulte pouvait avaler un lanceur de rune en armure de mithril d’une seule bouchée ? Et puis, bon courage pour abattre une bestiole d’un poids équivalent à celui d’un bœuf ou du vôtre et qui vole, juste avec des cailloux gravés de runes. Les lanceurs les jetaient en l’air et en reprenaient la moitié sur le pif. Leurs cadavres en flammes ont non seulement donné l’alerte chez les humains mais leur ont aussi permis de nous repérer dans le noir."
- "Svorn est mort, j’espère ?"
- "Ce boulet cosmique ! Il a chargé seul une légion de paladins, furax. Ses copains ne devaient pas l’apprécier tant que ça pour refuser de le suivre, mais je ne vais pas leur lancer la rune, non plus. Quand les humains ont en eu marre de jouer à se lancer comme un sac de patates, ils se sont retournés sur ceux que les griffons n’avaient pas becquettés. C’était affligeant. Dans la nuit, on aurait dit une bande de dégénérés mentaux qui jouaient à colin-maillard."
- "Et votre héros ? Le briseur de rotules ?"
- "Temps un, il a supervisé. Temps deux, il a mené la charge. Temps trois, il s’est rendu compte trop tard que mes miliciens se battent comme des vieilles femmes boiteuses et enrhumées. Temps quatre, il a fini sa brillante carrière en popo de griffons."
- "Comment vous avez survécu ? Encore une blague du destin lancé sur sa course ?"
- "Faut croire. Mais le destin n’a aucune emprise sur Hjotra. Ce crétin stellaire a aligné toutes les balistes et catapultes sur la même colline. Le poids a provoqué un glissement de terrain qui a ravagé la cité humaine, chevaliers, archers et habitants compris. Hjotra est indemne puisque c’est mon bras qui l’a réceptionné. Par contre, les humains ont été légèrement désappointés. Ils se sont soumis, persuadés que notre colère avait déclenché le pouvoir de la terre ou une ânerie du style. Pour ne pas les contrarier, on a un peu pillé leurs greniers et on a fait la paix."
- "Si c’est comme ça que vous comptez remporter toutes vos batailles, il vaudrait mieux que je commence à prospecter pour trouver et séduire le futur seigneur de ce Karak. Comment allez-vous faire la prochaine fois ?"
- "Temps un, on se planque. Temps deux, on fait les morts. Temps trois, on se fait oublier et temps quatre, on adhère à une alliance de balèzes derrière lesquels on pourra se cacher et provoquer à tout-va. J’ai l’habitude. Je l’ai déjà fait et il doit bien exister une bande de puissants à pigeonner aussi sur ce monde !"
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MessageSujet: Re: La Saison 4   La Saison 4 Icon_minitimeMar 5 Fév - 16:40

Episode 99 – Le Maître du Donjon

Le guide humain abaissa un levier rouillé et tout un pan de mur pivota, révélant un large corridor poussiéreux. Sa torche illuminant un instant son horrible sourire édenté, il invita ensuite Arzhiel à lui emboîter le pas dans le nouveau passage.

- « Quatrième sous-sol, partie nord-est », énonça machinalement l’homme. « Vipères géantes, tribu gobeline des corps cloutés, rivière souterraine de l’Indicible Folie et antre de l’Abomination vénérable des ténèbres. Sur votre droite, vous pouvez apercevoir le chemin menant à la grotte des frères drows Volchya, chasseurs de têtes et confectionneurs de ravissantes broderies disponibles à l’échoppe de souvenirs de l’entrée. Dans une quinzaine de mètres, veillez à bien fermer les yeux, nous longerons le domaine de la gorgone collectionneuse de ses victimes changées en pierre. »
- « On va jusqu’où exactement ? »
- « Vous avez pris la formule exploration de luxe ou tarif standard ? »
- « Euh, c’est écrit VIP sur mon ticket. »
- « Oh ! Un Visiteur Impatient Payant ! » fit le guide, agréablement surpris. « Monseigneur n’a pas de temps à gaspiller en périlleuses errances dans le donjon et a les moyens de satisfaire son impétuosité. Bien, bien ! Je vous guiderai donc jusqu’aux Marches Sanguinaires. Le maître du Donjon occupe la dernière salle, juste après. »
- « Ça a quand même drôlement changé les donjons depuis mon époque », commenta le nain.
- « L’établissement n’était pas suffisamment rentable et notre affaire menaçait de faire faillite, aussi le nouveau Maître a engagé quelques changements afin de rentabiliser chaque visite et de promouvoir notre donjon dans un marché particulièrement concurrentiel. Attention, ne posez pas le pied sur cette dalle, vous seriez aussitôt criblé de dards venimeux et dissous par de l’acide en quelques minutes. Un rafraîchissement ? »
- « Non, merci », répondit le nain en repoussant la gourde tendue. « Tout de même, je suis peut-être vieux jeu, mais les crieurs de rue qui vous font de la réclame en ville et le spectacle de danseuses nues à l’auberge de l’Ours qui Poque que vous sponsorisez, je trouve ça un peu malsain. C’est quoi la prochaine étape ? Inventer votre propre marque de bière vendue exclusivement dans vos tavernes ? »
- « Notre bière pétillante et mousseuse est déjà distribuée à L’Ours qui Poque », répondit fièrement l’humain en levant sa gourde. « C’est d’ailleurs une filiale du Bouc qui Daube. Puis-je demander à votre seigneurie l’objet de sa visite à notre Maître ? »
- « C’est une quête perso, maugréa le nain en jetant un coup d’œil à sa hache soigneusement emballée dans un épais tissu, passé à son flanc. « J’ai commencé l’exploration en simple visiteur, mais ça urgeait trop et je me suis vite rendu compte que ça prendrait des plombes alors je me suis rabattu sur le ticket VIP. J’aurais pu écumer ce donjon de fond en combles sans problème sinon, hein ! »
- « Naturellement », dit le guide d’un ton narquois. « Ils disent tous ça. Sur votre gauche, le Hall des Astres Perfides et l’Impasse du Golem Fulminant. Ne me perdez pas de vue ou vous y perdrez la vie ! »
- « C’est pas la peine de me sortir votre phrase d’accroche, mon grand. Elle est écrite sur votre gilet. Quand je pense que vous ne pratiquez aucune ristourne pour les anciens combattants et les héros de guerre, je me dis…Que les miches me pèlent ! Attendez ! Arrêtez-vous ! C’est quoi ça là-bas ?! »
- « Rien d’important. Un visiteur moins chanceux et surtout moins riche que vous qui n’aura réussi à traîner sa carcasse à travers quatre niveaux que pour finir captif de la toile d’une arachnide mutante majeure. Et vu la bedaine de celui-ci, il est plus à craindre pour la bête qui va devoir le digérer que pour ce triste sire. Que faîtes-vous ?! Article huit ! Article huit ! Tout contact avec le personnel est formellement interdit ! Lâchez-moi ! Le second niveau possède un excellent service d’hôtesses dans un salon intime mais raffiné pour ce genre d’élan de la part de la clientèle ! »
- « Rassure-toi, mon mignon, je suis insensible à ton charme de pitre constipé et ta charmante houppette de tapette blonde me laisse de marbre. Je veux juste ta gourde ! »

Arzhiel s’empara de la gourde et la dévissa rapidement avant de répandre un peu de son contenu au sol tandis que le guide réajustait sa chevelure d’une grimace pincée. L’alcool coula sur les dalles, ce qui sembla faire aussitôt réagir le captif de l’araignée. Inconscient et empêtré dans la toile une seconde plus tôt, le prisonnier arracha vigoureusement ses liens et trottina, la langue pendante, jusqu’au nain.

- « Brandir ! » lança Arzhiel pendant que ce dernier léchait la bière en ronronnant. « Je savais bien que c’était vous ! J’ai reconnu le tatouage de rapace que Hjotra vous avait fait sur le bide. »
- « C’est pas un rapace, c’est un cœur avec la rune de ma maman au milieu. Je peux avoir le reste de bière ? »
- « Bon, ben faîtes péter la mousse vous au lieu de vous recoiffer ! Ce nain a soif ! »
- « Vous connaissez cet individu à moitié défroqué et qui véhicule cette odeur nauséabonde qui me saisit à la gorge ? »
- « C’est mon marteau de guerre qui va pas tarder à la saisir ta gorge si tu n’actives pas le mouvement, boudin ! » gronda Brandir en arrachant la gourde des mains du guide.
- « C’est mon champion », expliqua Arzhiel tandis que Brandir déversait la bière sur sa tête en piaffant de joie comme un cheval. « Non mais sans la crasse d’une semaine, avec un habit propre dissimulant ses parties intimes et débarrassé de ses puces, il présente mieux je vous assure. Dites ! Vous n’étiez pas aux mains d’un gang de kidnappeurs aux dernières nouvelles ? »
- « Si, mais je les ai perdu ».
- « Hein ? »
- « C’est à cause de l’incendie. Je ne sais pas comment c’est arrivé, mais je soupçonne sérieusement la plâtrée de haricots qu’ils m’avaient servi au souper. Le feu a pris dans ma geôle et la paille a fait flamber toute leur bâtisse. Je les ai paumés en échappant aux flammes. J’ai pas eu le temps de les chercher qu’un griffon m’a attrapé pour me becqueter. Mais il s’est étouffé en vol avec mon ceinturon. Je suis tombé dans un lac, près d’un village de pêcheurs où j’ai bossé quelques temps. La veille de mon mariage avec une pécore, une armée a rasé le hameau. Ensuite, je suis devenu colporteur en article de vaisselle d’argile mais j’ai perdu mon stock, mon âne et ma charrette à un tournoi de joutes à cloche-pied. Pour me payer un nouveau veston, j’ai décidé d’explorer ce donjon pour m’emparer des richesses. J’ai fait équipe avec un elfe borgne et un prêtre allergique à la pluie qui est mort dans la salle de l’Infini Printemps. Je me suis engueulé avec le borgne à propos de la couleur turquoise qu’il affirmait être davantage verte que bleue et après je suis tombé dans la toile. Voilà. »

Le guerrier reposa la gourde vidée et fixa d’un air interrogateur ses deux auditeurs médusés.

- « C’est…hallucinant », souffla le guide, estomaqué et surtout très troublé par ce rapport.
- « Y a une gueuse qui a failli vous épouser, c’est clair c’est dingue ! » s’exclama Arzhiel. « Mais vous n’étiez pas parti en quête du Graas au départ ? »
- « Ah oui, mais ça, c’est bon. C’est réglé. »
- « Comment ça, c’est réglé ? Vous avez réussi votre quête ? »
- « Oui, j’ai trouvé le sage qui connaissait l’emplacement du Graas à la foire aux lardons et aux clafoutis de Bourg-La-Motte. »
- « Et alors ?! Qu’est-ce qu’il vous a dit ?! »
- « Il a dit que ma quête était vaine et que je possédais déjà la vérité : le Graas est en moi. J’ai pas compris, ça m’a énervé alors je l’ai éclaté. Qu’est-ce que vous croyez qu’il voulait dire ? »

Arzhiel suivit le regard du guide fixé sur la bedaine ventrue et cerclée de bourrelets du berserker mais l’un comme l’autre haussèrent les épaules d’un air ignorant.

- « Alors et vous, seigneur ? Qu’est-ce que vous fichez tout seul ici ? »
- « J’ai un léger souci avec ma hache », reconnut le nain d’un air gêné. « Y a un pèquenot de fantôme qui est venu me hanter la hache et chaque fois que je veux l’utiliser, j’ai ce boulet sur le dos jusqu’à la prochaine nuit sans lune. En plus, il a invité des potes à lui et dès que je mets un camphre à un guignol avec ma lame, ça me colle un parasite de plus. Et naturellement, à la veille d’un conflit avec les voisins, aucun de mes soldats n’accepte de partir au combat si je ne brandis pas mon arme héritage de ma lignée, symbole de mon autorité de seigneur de guerre. Je suis sûr que c’est Svorn qui est derrière cette soudaine ferveur. Dans le doute, je lui mets un fauchage en rentrant. »
- « Et vous croyez que le Maître du Donjon pourra exorciser votre arme ? » demanda le guide.
- « Non, j’ai lâché une blinde en or et je me suis tapé votre conversation sur quatre niveaux juste pour lui demander une dédicace. Bien sûr qu’il va me l’exorciser cette foutue hache ! Pour mettre sur pieds un donjon pareil, c’est forcément un mago caractériel mais très puissant. D’ailleurs, on repart. Vous venez Brandir ou je vous laisse picher ici ? »
- « Je vous accompagne, seigneur. Ça fait longtemps que je n’ai pas vécu un peu d’aventure. »
- « Que ces messires me pardonnent », intervint l’humain. « Mais selon l’article trente-deux, je ne suis plus en mesure de vous servir de guide si une tierce personne dénuée d’un ticket VIP, tournée des grands ducs ou forfait demi-journée, se joint à nous. »
- « Qu’est-ce qu’il bave, lui ? » s’ombragea Brandir. « Il nous a insulté, c’est ça ? »
- « Non, c’est un brave homme. Il a dit qu’il se proposait d’échanger sa place avec la vôtre et qu’il irait volontiers voir l’arachnide et sa toile de plus près. »
- « C’est-à-dire… » balbutia le guide en reculant. « Je crois qu’il serait de bon ton de vous laisser maintenant entre nains. Adieu donc ! »

L’homme tourna les talons pour s’enfuir, mais Arzhiel anticipa sa fuite et lui allongea une terrible torgnole à la nuque avant de l’expédier dans les toiles d’araignées.

- « Magnifique passe, seigneur ! » s’enthousiasma Brandir. « Quel est son nom ? »
- « Son nom ? Voyons…Le bon taquet derrière les oreilles. On peut dire que c’est Hjotra qui me l’a enseigné à force de calottes sur sa tête d’ahuri fini. Allons-y, roulons. D’après le plan que ce crétin gardait sur lui, la salle du Maître se trouve un peu plus loin. Il faudra se montrer prudent. Selon le rapport de mon espion, c’est un puissant sorcier qui crache une magie bien dégueu. On va donc éviter de le vexer dès le début. On attendra plutôt qu’il tourne la tête ou le dos et on lui saute dessus comme ma femme après deux jours d’abstinence. Vous avez bien com… ? Brandir ? Brandir ! Où êtes-vous ? »
- « Ici ! » répondit le berserker en jaillissant devant Arzhiel, couvert de sang. « Je vous ai perdu de vue et je suis tombé sur un monstre vraiment crade. J’avais pourtant juré de ne plus crever les yeux des bestioles entre mes dents pourtant mais là…pffff ! »
- « Comment vous avez réussi à vous perdre et à débarquer devant moi ?! Vous étiez derrière moi y a encore une minute et on n’a pas encore fait vingt pas ! »
- « Saloperie de griffon ! » pesta le guerrier. « Si j’avais encore mon ceinturon pour m’encorder à vous, tout ça n’arriverait pas. C’est pénible ! »
- « Ok, on va se magner à plier cette quête parce que je sens que je vais encore faire monter ma tension. Voyons ce plan. A droite se trouve le Gouffre de la Cohorte Maudite au panorama très bucolique et à gauche, l’Arène de la Lame Déchiqueteuse où la mort rivalise d’ingéniosité pour faucher les visiteurs de mille et une manières pittoresques. Venez y éprouver votre curiosité. C’est vraiment n’importe quoi ce donjon à but lucratif. Je me demande bien quelle espèce de taré à pu monter un projet aussi loufoque ! »
- « Ouais, c’est pourri », renchérit Brandir, penché sur le plan-prospectus. « L’Arène de la Lame Déchiqueteuse n’ouvre qu’au printemps prochain. »
- « Voilà la dernière salle, celle du maître des lieux. Qu’est-ce que vous foutez avec cette statue de dragon ? Un souvenir pour Hjotra ? Oui, ben prenez un morceau si vous voulez, je m’en secoue. Quoique…Prenez aussi la tête. Je la planquerai dans mon lit pour foutre les jetons à Elenwë, on va se marrer. On est bon ? Allez, j’ouvre ! Préparez-vous à rencontrer le cinglé derrière tout ce bazar. Pourvu que ce ne soit pas une buse, c’est mon dernier espoir d’exorciser mon arme ! »

La porte à double battant finement ouvragée s’ouvrit en grinçant, jetant un halo de lumière flamboyante sur les deux nains. Une pièce somptueuse, décorée de tentures, de piliers, de fontaines et de riches ornements s’offrit à leur vue. Au beau milieu, vautrée sur un divan et entourée de naines en tenue légère se redressa une silhouette familière.

- « Cousin ?! » lança Rugfid avec pour écho le râle de désespoir d’Arzhiel. "Vous êtes venus visiter mon nouveau donjon ? »
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MessageSujet: Re: La Saison 4   La Saison 4 Icon_minitimeMar 5 Fév - 16:41

Episode 100 - Origines


Le poing d’Arzhiel se desserra, laissant tomber une poignée de runes gravées qui roulèrent sur le bureau du sage attablé, perdu dans la lecture d’un antique manuscrit. L’humain leva ses yeux mi-clos sur le jeune et vigoureux nain qui se tenait face à lui, relevant au passage ses attributs de noble visibles sur les inscriptions de son armure, avant d’observer les trois pierres.

- « Arzhel », lut l’humain à voix basse. « L’ours, le guerrier et le prince ».
- « Arzhiel est mon nom », annonça fièrement le jeune noble nain. « Ceci sont les pierres de ma destinée, gravées par les haut-prêtres en transe à ma naissance. Pour l’honneur de mon clan et de ma maison, je viens en ce jour de ma majorité quérir la quête qui me permettra d’endosser le nom glorieux de ma famille dont je suis pour le moment indigne. Sage ! Je viens à toi seul, fort et ivre d’espoir. La quête que tu m’imposeras me rendra digne de mes ancêtres et de mes parents. Alors, à mon tour, je pourrais devenir seigneur de Karak ! »
- « Ton cinquantième hiver », marmonna l’ermite en se redressant lentement. « L’ambition de ton illustre père se reflète dans ton regard. Si tu te targues de mériter son nom et sa reconnaissance, alors je t’imposerai une quête peu ordinaire. Suis le sentier qui quitte cette tour et rends-toi jusqu’à la forêt de l’est. Trouve le sorcier qui en corrompt l’âme, il te mènera au trésor qui déterminera ta destinée. Ha ! Ton sourire parle pour toi mais le protocole exige que tu énonces ta réponse. Parle ! »

- « Mais j’espère bien que l’expression « taré congénital » vous vexe, mon gros ! Lâcher un rotas comme un pire goret à l’entrée de la caverne qu’on s’apprête à investir en douce, ça me donne envie de vous baffer jusqu’à la crampe ! L’écho a du s’entendre à l’autre bout du réseau ! »
- « Vous avez interrompu mon déjeuner avec votre mission surprise, seigneur », gémit Brandir. « J’ai à peine eu le temps d’avaler une dizaine de brochettes et deux bols de potée. Avec la marche forcée, c’est gagné, je digère mal. »
- « Et pendu par les pieds au milieu de la clairière des loups, vous pensez digérer mieux ? » rouspéta Arzhiel. « On est en petit groupe, je veux de la discrétion. »
- « C’est pas gagné », commenta Svorn en foudroyant du regard Hjotra qui chantait une berceuse à son couffin.
- « Le rot l’a réveillée », expliqua l’ingénieur en berçant le bébé. « Mais ne vous inquiétez pas, j’ai son doudou Gabby le gobelin. Elle lui arrache la tête et s’endort aussitôt après. »
- « Rappelez-moi pourquoi vous avez emmené votre petite nièce en mission déjà ? » interrogea Garfyon, dépité.
- « C’est mon jour de la garder pendant que ma sœur et son époux vont parier aux courses de lièvres. Vous m’avertissez au dernier moment aussi ! »
- « Même s’il donne envie d’être savaté pour son inconscience », remarqua le prêtre, « il n’a pas tout à fait tort, seigneur. C’était notre jour de repos à tous. »
- « C’est ça ! Et ça justifie que Svorn soit en pantoufles ?! »
- « Il a dit qu’il ne viendrait pas autrement », répondit Garfyon, gêné.
- « Vous avez de la chance d’avoir du bol et surtout que je n’ai pas le temps de vous coller à tous les quatre une trempe, bande de crétins ! » rugit Arzhiel. « On rentre, on inspecte et surtout on la ferme. Vous avez plutôt intérêt à arrêter votre cirque ou je vous y vends à notre retour. En piste, débiles ! »

Arzhiel écarta les branchages du bout de sa hache et pénétra dans la clairière aux aguets, tous les sens en alerte. L’atmosphère était oppressante. Les bois, silencieux comme une crypte, semblaient se refermer sur lui. L’air était chargé, la pénombre, omniprésente et le froid, curieusement transperçant. Les nains n’étaient jamais à leur aise en forêt et en redoutaient les ombres, mais celle-ci était autrement plus angoissante. Anormale. Hostile. Arzhiel se sentait épié mais la menace restait diffuse. En guerrier aguerri malgré son jeune âge, il savait que le péril fondrait sur lui au moindre signe de relâchement de sa part. Faisant craquer les jointures de ses doigts pour se détendre, il avança lentement.
Un détail attira son attention. Au sol, l’herbe était brûlée et morte. Mais nulle trace d’incendie. Le bois était sec et craquant, le sol, craquelé, éventré. La forêt se montrait belliqueuse car sa vie lui était arrachée. Un mouvement, une silhouette. Un loup passa à une dizaine de mètres d’Arzhiel, famélique, les crocs luisants, le regard dément. La bête estima ses chances, contempla son reflet sur l’armure de mithril brillante du visiteur, puis glissa hors de vue, dans les ténèbres. Arzhiel étouffa un juron, puis repartit.

- « Ce lieu me parait familier », lança Brandir à travers le tunnel.
- « C’est-à-dire qu’on est déjà venus », répondit Garfyon d’une voix lasse. « Il y a trois jours. L’assaut contre l’avant-poste drow, ça ne vous dit rien ? »
- « Trois jours ?...Voyons…Euh…Ah ! Attendez !...Ah, non, je me rappelle pas. »
- « Heureusement que j’ai dit de garder le silence ! » grommela Arzhiel. « Il reste peut-être encore des ennemis, alors taisez-vous, même les attardés et les amnésiques. Hjotra ! Qu’est-ce que vous fichez ? Ne restez pas collé à Brandir, écartez-vous ! »
- « J’aime bien quand il est là et ma petite nièce aussi, ça sent le pâté, » répondit l’ingénieur avec un franc sourire.
- « Vous voulez que je vous casse le pif pour remédier à ça ?! Avec un coup dans le nez, vous serez plus lucide. Attention, on arrive ! Ouvrez l’œil tous ! Quoi ? Non, pas votre nièce, ahuri ! Mais oui, elle peut dormir, bougre de boulet ! »
- « Il y a eu un affrontement sanglant par ici », fit Brandir d’un air songeur.
- « Sans blague ? » rétorqua Svorn en évitant les dizaines de cadavres qui jonchaient le sol. « Qu’est-ce qui vous fait dire ça ? »
- « Regardez ! » s’exclama Hjotra. « Le hallebardier drow qui s’est pris mon épieu en pleine poire est encore épinglé au mur ! Quand je pense que j’ai tiré avec la baliste sans faire exprès, juste en trébuchant sur un caillou, je me dis que je suis quand même sacrément bon en artillerie. »
- « Fermez-la ! » supplia Arzhiel. « Svorn ! Vieille rosse ! Vous allez vous décider à ôter vos mains de vos poches ou il faut que je me déplace ?! »
- « Je fais ce que je veux, c’est mon jour de repos. On sait même pas ce qu’on fout là, y a pas un pèlerin et mes prêtres ont déjà récupéré tous les intestins et les yeux des drows pour notre collec’. »
- « Ça y est ! » s’écria soudainement Brandir. « Je me souviens ! Y a trois jours, j’ai mangé des rognons en sauce avec des girolles poêlées ! Alors c’est qui l’attardé amnistique maintenant ?! »

De sa main gantée, Arzhiel essuya l’épaisse couche de poussière mêlée de terre qui souillait la plaque usée. Il sut que son instinct ne l’avait pas trompé lorsqu’il reconnut l’écriture naine sur la pierre, comme lorsqu’il avait repéré l’entrée de ce souterrain dissimulée dans le sol de la clairière. La taille de l’escalier s’enfonçant sous terre, les ornements des arches et la facture des couloirs, tout indiquait qu’il se trouvait dans un ancien temple nain abandonné et oublié comme le prouvèrent les runes inscrites sur la paroi. Arzhiel remonta le tunnel, suivant inexorablement la pâle lueur lointaine croissant dans la nuit qui l’attirait plus profondément. La lumière se fit plus forte jusqu’à devenir aveuglante. Arme au poing, le jeune nain déboucha dans une salle circulaire sans autre issue. En son centre, lévitant et immobile, un ange de feu se consumait. Arzhiel baissa sa hache sans s’en rendre compte, bouche bée devant pareille vision. Il s’agissait d’une elfe sans connaissance, assoupie, en transe ou morte. Sa longue chevelure blonde ondoyait par vagues autour de son fin visage aux traits harmonieux. Sa beauté froide contrastait avec la fureur de flammes multicolores qui s’agitaient et virevoltaient autour d’elle. De la magie, celle dont les nains se méfiaient et se détournaient. De la magie à l’œuvre au cœur de la forêt moribonde. De la magie dans les yeux d’un nain rude et abrupt comme la roche, dans son esprit, dans son âme.

- « La gardienne de la forêt », fit une voix amusée dans son dos. « Enfin, l’ancienne gardienne. Je doute que la forêt l’accepte encore comme son guide à présent qu’elle l’a trahie. »

Arzhiel fit volte-face et aperçut un homme au regard carnassier et à l’allure peu engageante, remontant le couloir sur ses pas. De ses mains ouvertes et tendues, il montrait qu’il ne représentait aucun danger.

- « Les elfes désignent toujours l’un de leurs enfants comme gardien sacré de leurs bois », poursuivit le sorcier. « Une comme celle-ci. Fougueuse, dotée de grands pouvoirs, bénie par la nature. Mais capturez-la, soumettez-la par un sort de magie noire dont elle ignore tout puis puisez dans sa force vitale pour vous accaparer un plus grand pouvoir. Alors avec elle se meurt la forêt. Mais qu’importe ! Je n’en suis que plus puissant et les affaires de bois, de mages et d’elfes n’intéressent que peu les nains, n’est-ce pas, jeune maître des montagnes ? Pourquoi vous dis-je tout cela au lieu de vous tuer ? Disons qu’il serait préférable de ne point mêler votre clan à tout ceci. Dans une heure, l’elfe mourra et je disparaîtrai. Aussi, mon bon ami…Marchandons ! »

- « Si vous sentez une petite résistance sous votre pied, surtout ne vous affolez pas, ce ne sont que mes doigts ! » ironisa Arzhiel, écarlate.
- « Je l’ai ! » claironna Hjotra avant de descendre sans douceur de la courte échelle que lui prodiguait son seigneur. « Vilain ! Vilain bébé ! »
- « Comment diable cette enfant a-t-elle pu grimper en haut de ce pilier ? » demanda Garfyon, stupéfait.
- « Je l’ai posée un instant pour ramasser ce marrant caillou en forme de casserole et elle avait filé ! Sacrée…Ah mince, comment elle s’appelle déjà ? J’avais trouvé un moyen mnemotectonique pour me souvenir de son nom, mais je l’ai aussi oublié. Y aurait pas un sortilège d’Oubli dans le coin par hasard ? »
- « Affligeant », lança Svorn dans son coin, assis sur un cadavre de troll à bourrer sa pipe.
- « Non, non, ce n’est pas ça, je ne crois pas. »
- « Maintenant que la récré est finie, on peut se remettre au boulot ? » grogna Arzhiel en soufflant sur ses doigts bleuis.
- « On fait quoi ? C’est désert, c’est pillé et ça pue la charogne ! »
- « On inspecte ! Mais ne cherchez pas à réfléchir, obéissez, bande de tanches ! Quadrillez la zone et fouillez les lieux ! Le prochain qui la ramène devra parler à ma hache ! »
- « Monseigneur me semble particulièrement grognon », déclara Garfyon d’un ton diplomate. « Ses dernières querelles répétées avec Dame Elenwë et la menace de cette dernière de quitter le Karak ont-elles un rapport quelconque avec ces sautes d’humeur ? »

La hache d’Arzhiel se planta avec violence entre les jambes du haut prêtre qui s’effaça discrètement dans la direction opposée.

- « Je l’ai trouvé ! » hurla Brandir, en s’acharnant sur un cadavre d’elfe noir. « C’est lui ! Je le reconnais ! C’est cette saloperie d’épéiste qui m’a attaqué lors de l’assaut ! Cet incapable a ricoché sur mon armure et sa lame déviée a buté le berserker à côté de moi. Salaud ! Fumier ! Ordure ! Pourquoi tu m’as raté ?! »

- « Le choix est simple », expliqua le sorcier. « Je crains de ne point disposer du talent de négociateur des nains aussi serais-je direct. Passez votre chemin, maître nain, oubliez ce souterrain sordide, mon visage et cette forêt maudite. Et gagnez ce médaillon enchanté, ma plus puissante relique. Elle fera de vous un grand chef, un seigneur de guerre redouté et redoutable, flanqué des meilleurs et plus glorieux combattants. Jamais vous ne connaitrez la défaite et votre clan prospérera. Quel plus grand honneur pourriez-vous faire aux vôtres, à vos aïeuls et à vos proches, que de revenir en possession d’un si inestimable trésor ?! »
- « Et si je désire sauver l’elfe ? »
- « A quoi bon ?! » s’offusqua le sorcier. « Ce serait déplacé et déraisonnable. Ce n’est qu’une vulgaire elfe inconnue et je vous offre une relique, non pas pour la tuer, mais pour la laisser suivre sa destinée. »
- « Je risque le déshonneur et même le bannissement si je sauve cette gardienne. Mon clan n’apprécie guère les elfes. »
- « Bien moins que les trésors vous promettant la gloire », acquiesça le mage noir.
- « C’est exact. J’ai pourtant compris quelque chose. Si un sorcier comme vous, capable de soumettre une elfe gardienne, tient tant à acheter mon silence, c’est pour la même raison qu’il œuvre son sortilège maléfique si puissant dans un ancien sanctuaire de mon peuple : votre magie ne fonctionne pas sur les nains.

Arzhiel frappa d’un coup vif et habile, jetant le sorcier surpris à terre dans une gerbe de sang. Aussitôt, la lumière auréolant l’elfe palpita au rythme effréné du cœur de l’homme blessé et avec sa vie qui s’écoulait sur les dalles antiques, la magie du sortilège s’estompait.

- « Sot ! » jura le sorcier en haletant. « Imbécile ! Tu gâches tout ! Sois maudit, oui maudit ! Puisque tu tiens tant que cela à cette elfe, qu’elle soit à toi ! Mon médaillon sera le garant de ce pacte avec mon ultime sort ! Conserve-le et jamais tu ne seras un seigneur respecté, efficace et entouré de héros vaillants. Tes suivants seront incapables et toi, la première victime de leur faiblesse. Egare ou détruis ce médaillon et ta chère elfe se changera en furie…elle te haïra sur la seconde…et n’aspirera plus…qu’à t’ériger comme…le symbole de tout ce qu’elle…honnit ! »

Le sorcier s’effondra dans un rictus avant qu’Arzhiel ne le frappe de nouveau. Perplexe, le nain ramassa le pendentif maudit. Un soupir derrière lui l’arracha à ses pensées. L’elfe, libérée de la magie et de nouveau consciente, observait la scène de ses grands yeux brillants.

- « Je me nomme Elenwë », déclara-t-elle, encore tremblante. « Que s’est-il passé ? »

Arzhiel ne dit rien, se contentant d’un léger sourire pour toute réponse.

- « Sur la tête de l’oncle de ma nièce », s’exclama Hjotra, « je vous promets que cette ribaude m’a montré son tatouage secret si près que j’ai louché les trois jours suivants ! Rugfid vous le dira, il s’était caché sous la descente de lit en peau d’ours pour mater. »
- « Alors ?! » s’écria Brandir sur le même ton excité. « C’est une truie avec des ailes de griffon ou une chopine ébréchée ?! »
- « Je m’en vais vous ébrécher la vôtre de chopine si vous ne vous sortez pas les doigts tous les deux ! » intervint Arzhiel, furibond. « Déranger les fouilles pour une discussion de poivrots ! En plus, c’est carrément pas une truie ou une chope ce tatouage… »
- « Seigneur ! » appela Garfyon. « Puis-je poser cette enfant à présent ? J’en ai assez de la bercer et les prières du Protecteur lui donnent des haut-le-cœur. »
- « Faites donc comme Hjotra. Posez nièce X sur le ventre de Svorn pendant qu’il dort. Avec de la chance, elle va encore rendre sa bouillie. Des boulets, je vous jure ! Pas un meilleur que l’autre, de vraies truffes doublées de frappés du ciboulot et…OH ! C’est ça ! Il était ici ! Je savais bien que je l’avais paumé en mettant sa race à cette prêtresse drow ! Allez, les enfants, on rentre. Ne faites pas de bruit, ne risquons pas de réveiller Svorn. Je l’ai bien observé à l’aller, il suivait que dalle, il sera incapable de retrouver le chemin du retour. Direction la taverne ! Je paye ma tournée, j’ai ramassé la bourse de Svorn aussi ! »

Garfyon, Hjotra et Brandir mimèrent des applaudissements pour remercier leur chef et s’éloignèrent sur la pointe des pieds en épiant les ronflements réguliers de Svorn. Arzhiel essuya la saleté sur son vieux et fidèle médaillon retrouvé, puis le passa autour de son cou avant de se hâter de rejoindre ses héros, un vieux sourire trop rare sur les lèvres.
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MessageSujet: Re: La Saison 4   La Saison 4 Icon_minitimeMar 5 Fév - 16:42

Episode 101 – Un Jour Ordinaire

Souple et silencieux comme un serpent, Arzhiel, complètement aux abois, rampa jusqu’au bord du lit en tâchant de ne pas réveiller son épouse. D’une main, il alla agripper le gobelin enchaîné et bâillonné, caché la veille sous le lit, le souleva et lui versa le contenu de la fiole de métamorphose planquée sous son oreiller, direct dans les narines. Le captif se démena et résista, mais Elenwë ne se réveilla pas. La magie du philtre dérobé par Arzhiel à sa sorcière d’épouse mit peu de temps à agir. En quelques secondes, le malheureux gobelin prit l’apparence du seigneur nain et hérita bientôt de la place de ce dernier dans le lit conjugal sous les gloussements machiavéliques du sournois fomenteur. Son forfait commis, Arzhiel s’éloigna sur la pointe des pieds. Il s’immobilisa et revint sur ses pas. Le gobelin lui décocha un regard suppliant et apeuré. Arzhiel vérifia juste qu’il s’agissait bien de l’eunuque acheté à Svorn quelques jours plus tôt puis, rassuré, s’éclipsa en lui souhaitant une bonne journée.

- « Elle ne risque pas de se montrer de mauvaise humeur quand elle s’apercevra que vous l’avez dupée avec un vulgaire gobelin ? » demanda l’une de ses maîtresses au seigneur de guerre tandis qu’ils se déshabillaient dans la caverne aux sources chaudes, peu après.
- « De mauvaise humeur ? Vous manquez encore d’imagination. Le péon va se faire déchiqueter et ce ne sera rien en comparaison de ce qu’elle va me faire subir. Mais je m’en fiche, ça a marché. Elenwë est excitée comme un cheval au galop au réveil et je n’ai pas envie d’un rodéo qui me laisserait moribond toute la journée. J’ai du boulot aujourd’hui ! D’ailleurs, vous aussi. Au taf, ma belle ! »

Le nain appuya sur la tête de son amante pour la couler puis s’étendit pour mieux profiter. Son plaisir fut de courte durée puisqu’une violente douleur lui arracha un cri vigoureux se mêlant à celui, d’épouvante, de sa compagne qui surgit de l’eau, horrifiée.

- « Mais par la barbe de votre mère, bon dieu, vous ne pouvez pas être plus douce ! Vous m’avez ruiné l’engin ! Je suis sûr qu’il est foulé ! Qu’est-ce qui vous prend, espèce de pintade ?! »
- « Des spectres ! » hurla la jeune naine avant de perdre conscience et de retomber en arrière dans une gerbe d’eau.
- « Salutations, seigneur Arzhiel ! » lança Thoric le fantôme nain depuis l’autre bout de la caverne.
- « Mes hommages, seigneur de la montagne ! » ajouta le fantôme du chasseur de démons.
- « Gruxxxzxxk ! » siffla un fantôme troglodyte près d’eux.
- « Il vous dit bonjour », traduisit le chasseur.
- « Et moi je vous dis au revoir ! » s’exclama Arzhiel. « Mais vous foutez quoi ici ? La prochaine lune pleine est dans huit jours. Vous n’avez pas à jaillir comme ça sans autorisation ! »
- « C’est le jour des Morts, seigneur », informa Thoric en s’approchant pour mieux mater la maîtresse évanouie flottant sur le dos. « On a quartier libre jusqu’à minuit. On fait quoi aujourd’hui ? »
- « Quoi ?! Je vais me coltiner vos faces de déterrés toute la journée ?! Vous ne pouvez pas allez pourrir la vie d’un autre charlot ? »
- « Impossible. Notre lien, c’est votre hache. »
- « Oh, ça ferait un fort attrayant slogan pour étoffer les rangs de notre charmante compagnie ! » s’enflamma le chasseur humain.
- « Quuuuuuuuuuyxxx ! » l’approuva le troglodyte tandis qu’Arzhiel se laissait glisser au fond du bassin d’un air dépité.

Trottinant aussi vite que le lui permettait son pied blessé, Arzhiel traversa le Karak pour rejoindre sa salle du trône, créant une véritable panique à cause des trois spectres qu’il traînait dans son sillage. C’est couvert de détritus lancés à la volée, de runes de renvoi et parfois d’insultes dessinées sur son armure par les passants et mordu au bras par un enfant qu’Arzhiel parvint finalement à son but, suivi d’un concert de cris effrayés et de bruits de course de nains détalant.

- « On annule les visites de chantier, les revues de troupes et le souper avec la guilde des tailleurs de pierre », dit le seigneur de guerre à Garfyon qui l’attendait. « J’ai trois lourds sur le dos pour la journée et vu qu’ils paraissent aussi populaires auprès de la populace que votre propre famille, je reste enfermé ici pour bûcher. Ah oui, faîtes dire à Hjotra qu’il doit aller aux sources récupérer sa sœur…Quoi ?! Pourquoi vous faîtes encore plus la tronche que d’habitude ? C’est rien, c’est trois revenants et… »
- « Je trouve honteux et scandaleux qu’un noble de votre rang ose s’abaisser à pareille moquerie mesquine et indigne envers un fier estropié de guerre comme moi ! » pesta le haut prêtre, très vexé.
- « Oh, ça va, c’est pas de moi ! Tout le Karak connaît l’anecdote du tavernier qui a appelé la milice quand vous avez emmené vos gosses boire une mousse et qu’il a cru qu’il s’agissait de mutants drows ! »
- « Vous boitez ! C’est pour vous moquer encore de moi ! »
- « Mais non ! C’est l’autre quiche qui me massait les pieds tout à l’heure et qui me l’a tordu parce qu’elle a eu peur en voyant les fantômes. Si je voulais vraiment me moquer de vous, j’aurais parlé de votre haleine, de votre dégaine générale ou de vos gamins. Quoique, les moutards, c’est peut-être déjà fait, non ? »
- « Bon c’est quoi là ? » s’offusqua le prêtre, tout rouge. « C’est la journée du tacle ? »
- « Non, celle des Morts », le corrigea Thoric.
- « Kkoooooofffbb », rajouta le troglodyte pour appuyer cette information.
- « Tiens, je ne le connais pas celui-là », remarqua Garfyon. « Je me souviens du nain condamné à ne plus jamais rire, le chasseur de mauvais esprits que vous avez étêté la dernière fois. Mais le troglodyte, c’est qui ? »
- « Un souvenir du donjon de mon cousin Rugfid », marmonna Arzhiel. « Il a surgi à un virage, réflexe malheureux, je l’ai latté avec la première arme qui m’est tombée sous la main. Pas de bol, c’était ma hache. Paf ! J’ai hérité d’un nouveau pote dans mon gang de groupies. »
- « Sluuuurps et ouizggg », indiqua la créature en désignant les blessures mortelles sur son corps.
- « Et son déguisement de taupe ? »
- « Non mais en fait, c’était pas un vrai adversaire », avoua Arzhiel, gêné. « C’était un employé avec le costume de la mascotte du donjon qui voulait me vendre des babioles. J’ai mal interprété. »
- « Je vous ai déjà dit que c’était un honneur et une fierté d’être sous vos ordres, seigneur ? »
- « Ah non, je ne crois pas. »
- « C’est normal », répondit le haut prêtre en écrasant le pied de son chef et en quittant la salle après avoir claqué la porte.

- « La voie est libre », indiqua Thoric en flottant vers Arzhiel.

Le seigneur nain se faufila dans le nouveau couloir, tous les sens aux aguets, emprunta un escalier et sprinta dans les ombres jusqu’à l’entrée des ateliers.

- « Quelle aventure ! » rit le chasseur de bon cœur. « Ça me rappelle la fois où j’avais traqué un couple de nargols dans la Forêt des Lames Brisées. »
- « C’est quoi un nargol ? » demanda Thoric. « J’ai hanté une bibliothèque durant des décennies, je n’en ai jamais entendu parler. »
- « Jurrrrl espyyy trobbbb », dit le troglodyte, se rangeant à cet avis.
- « Vous pouvez faire plus de boxon encore ? » les houspilla Arzhiel. « J’essaie d’être discret. Depuis ce matin, Elenwë a déjà ravagé mon bureau, ma salle du trône et la caverne de Svorn. »
- « Entre-nous, la diversion avec la rumeur comme quoi vous vous cachiez chez Svorn était hilarante », commenta le chasseur. « Mais pourquoi Svorn ? »
- « Parce que c’est une pigne. Silence ! Ah, il est là ! Hjotra ! »
- « Bonjour, seigneur ! » fit l’ingénieur en levant son nez de ses plans. « Vous êtes venu avec des amis. Salut les gars ! Oh, seigneur, vous avez fait quelque chose à vos cheveux ? »
- « Euh…non, je les ai lavés. »
- « Ça vous va bien. Vous devriez faire ça plus souvent. Que me vaut le plaisir de votre visite ? »
- « Je viens aux nouvelles », répondit le nain tandis que les trois spectres compulsaient avec doute un calendrier gravé dans le mur pour s’assurer qu’il ne s’agissait pas effectivement de la journée du tacle. « Vous vous souvenez ? Chaque semaine, je viens inspecter votre boulot, vous demander si le travail avance et vous engueuler ensuite parce que vous glandez à cent pièces de cuivre à l’heure. Alors ? Les nouveaux axes des béliers sont prêts ? »
- « Mes castors les ont trop abîmés, j’ai du les vendre à Svorn pour ses bûchers. »
- « Les révisions des catapultes ? »
- « Révisions ! » fit l’ingénieur en se frappant le front. « C’était ce mot que j’ai oublié. Alors, non, je me suis trompé, je les ai toutes démontés. »
- « Avant que je vous colle une volée de tous les diables, vous avez un truc, une invention, une ébauche, une idée à me soumettre ? Ça, par exemple, sous le drap, c’est quoi ? »
- « Un projet bidon, laissez tomber. Je voulais créer un automate pour jouer avec mes ours pendant mon travail, mais ça n’a rien donné. Je me rends direct aux oubliettes ou vous m’escortez ? »
- « Attendez ! Un automate ? »
- « Oui, c’est un golem de deux fois la taille d’un humain, en pierre de taille, aux rouages en mithril et aux poings forgés dans l’acier. Il peut défoncer un mur en quelques coups. Il faudra d’ailleurs s’excuser auprès de Garfyon pour la paroi de sa caverne, je devais tester quelque part. Il est autonome, fonctionne avec du jus de champignons et reconnaît une dizaine d’ordres grâce à son système de reconnaissance bocal. »
- « Vocal, vous voulez dire ? »
- « Non, bocal. On parle dans un bocal situé au niveau de sa jambe. Bref, c’est un fiasco. »
- « C’est votre naissance le fiasco, mon coco. C’est génial ce genre de monstres à nos côtés sur le champ de bataille ! Vous imaginez les possibilités ?! Combien vous pouvez en construire ? »
- « Vous êtes intéressé ? Vous êtes bizarre…Je vais en fabriquer un autre, je vous tiens au courant de mes besoins. Par contre, vous devriez filer. Dame Elenwë doit passer bientôt. Elle veut me passer commande d’un appareil de torture qui arrache les poils de nez un par un, juste à votre taille. Je crois que c’est un cadeau pour vous, mais chut ! Conservons la surprise, hihihi ! »

Arzhiel décampa sans demander son reste, ses trois spectres sur les talons. Habilement caché dans une remise à outils pour travailler sur ses lois et ses comptes, le nain attendit le crépuscule pour regagner ses appartements, espérant qu’une vaine journée de traque ait calmé les ardeurs vengeresses de son épouse. Il aperçut alors Brandir sur les créneaux et le rejoint, intrigué.

- « Vous allez sauter ? » demanda-t-il avec une pointe d’espoir.
- « Non, seigneur. Ce serait une mort déshonorante et je ne vis que pour l’honneur ! »
- « C’est pour l’honneur que vous restez à poil en plein milieu du chemin de ronde ? »
- « Tout à fait ! J’ai parié avec les copains de la caserne que je pouvais rester ici et regarder le soleil se coucher. Vous comprenez pourquoi ils n’osent pas, vous ? »
- « Je crois. Vos copains sont des chèvres. Ici, les nains ne supportent guère le soleil, mais c’est au lever, pas au coucher. Vous allez gagner votre pari parce qu’ils sont encore plus ignares que vous. Par contre, le pourquoi des fesses à l’air, je ne pige pas. »
- « Une touche perso…Oh ! Le soleil disparaît, regardez ! Je vais gagner ! »
- « Pour fêter votre victoire, je vais me barrer, tiens. C’était vraiment une pire journée ! »
- « Qui n’est pas terminée ! » feula la voix tranchante d’Elenwë écarlate. « Je vous tiens enfin, mon gros malin ! Vous savez que vous allez souffrir et payer ! Un commentaire ? »
- « Brandir ose se porter dénudé devant votre auguste personne ! »
- « Réglé ! » fit l’elfe en changeant le guerrier en escargot. « Autre commentaire ? »
- « Ce n’est pas ma faute ! » gémit le nain, pris aux pièges. « C’est la faute aux fantômes qui me hantent et qui me poussent à être mauvais ! Regardez ces monstres hideux, surtout le troglo croisé d’une taupe géante ! »

Arzhiel se retourna et désigna les créneaux déserts. Le soleil acheva de se coucher, achevant le jour des Morts et ayant juste renvoyé les spectres pour quelques jours de plus.

- « Vous pouvez commencer par la narine gauche, » soupira le nain d’un air résigné quand Elenwë se saisit de lui.
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MessageSujet: Re: La Saison 4   La Saison 4 Icon_minitimeLun 31 Mar - 9:55

Episode 102 – Dernier Hommage

Garfyon acheva sa litanie de prières d’usage et s’écarta du pupitre, appelant d’un geste solennelle Brandir pour lui céder sa place. Le guerrier, l’air grave et accablé, fendit la foule nombreuse rassemblée sur la place face au temple. Il marqua un temps d’arrêt en passant près du cadavre de son ami capitaine de la garde qui reposait sur un autel de pierre gravé, réservé aux héros du Karak puis, tête basse et mine affligée, il posa sa tablette sur le pupitre pour faire face à la population venue rendre un dernier hommage à son grand ami.

- « Il a l’air particulièrement triste », commenta discrètement Elenwë.
- « Je l’ai entraîné la moitié de la nuit pour lui apprendre cette expression », répondit Arzhiel en murmurant. « Je ne vous raconte pas la galère pour venir à bout du rire nerveux qu’il a à chaque cérémonie funéraire. »
- « Et vous avez profité de l’autre moitié de la nuit pour l’aider sur son discours ? »
- « …Ah non, crotte ! Vous croyez que j’aurais du ? »
- « Rarement sobre, Hallveig aimait à taquiner les filles de joie des bas quartiers dès le saut du lit, » commença Brandir en écrasant une larme. « C’est avec émotion que je me rappelle la fois où il avait vomi sur la maquerelle de la taverne du Chaud Lapereau avant de l’assommer avec une chaise, trop saoul et persuadé qu’il s’agissait de son épouse. Regarde, ma petite lopette ! La maquerelle est là avec moi aujourd’hui et même Lulu Sans Fond, ta gueuse préférée ! Nous sommes tous là pour te dire adieu ! »
- « Un hommage…poignant », chuchota Elenwë tandis qu’Arzhiel, mort de honte, s’enfonçait dans son trône.
- « Alors ? » fit Brandir à la fin de son discours. « Comment j’étais ? »
- « Fidèle à vous-même », répondit le seigneur de guerre dans une grimace contrite. « La veuve et les enfants ont sans doute appréciés ce…vibrant témoignage. »
- « Oh oui, sans doute aucun », renchérit Elenwë. « Surtout les bruitages et les anecdotes peu glorieuses. »
- « C’est d’ailleurs assez audacieux de votre part de parler de ses frasques extraconjugales, de ses infections intimes et de ses penchants pour la boisson, les préférant à tous ses faits d’armes, à sa brillante carrière militaire, à sa dévotion pour le Karak durant quatre-vingt ans et sa mort héroïque contre dix orcs. Vous êtes sûr que c’était votre ami ? »
- « Un sacré bon pote, seigneur ! Je suis certain qu’il est fier de moi et que là où il est, il m’attend avec impatience. »
- « Ce serait mon cas également à sa place », déclara Elenwë. « Il doit avoir hâte de vous réserver un accueil chaleureux. Et si vous ne voulez pas que ce moment survienne plus tôt que prévu, je vous conseille de vous éclipser prestement avant que ses cousins et frères ne retrouvent votre trace. »
- « Non, pas de suite ! » protesta le berserker, tout excité. « C’est le moment où la veuve va lancer la tête du bélier tranchée à la foule ! »
- « Une tradition naine », renseigna Arzhiel tandis qu’Elenwë, médusée, observait la veuve monter sur l’estrade et, dos tourné à la foule de guerriers se bousculant, s’apprêter à leur lancer la tête du bélier tranchée par Svorn lors d’un rituel, peu avant. « La légende veut que le chanceux qui attrape la tête est promis à une mort glorieuse dans l’année. Ne cherchez pas, c’est une coutume qu’on a piqué aux mariages humains, c’était déjà loufoque à la base. »


- « Non, j’ai dit ! » répéta Arzhiel. « Il faut que je vous le grave pour que ça rentre ? Je ne vais certainement pas me coltiner trois jours de marche avec vous en plein hiver. C’est pas ma faute si votre pote s’est fait trucider par une bande de maraudeurs. La prochaine fois, il fera gaffe ! »
- « Allez, seigneur ! C’est son dernier vœu. Il veut qu’on répande ses cendres sur le lieu de sa première bataille. Si j’y vais seul, je vais encore me paumer et ne retrouver ma route que dans six mois. »
- « C’est un argument pour me convaincre ou une requête pour que je vous donne de l’élan au départ ? Ecoutez, j’ai du boulot de partout, je n’ai pas le temps. Hjotra n’a pas voulu vous accompagner lui ? »
- « Si, j’ai fait comme vous avez dit. J’ai attendu qu’il soit en plein repas à la taverne avec sa nouvelle amie et j’ai débarqué au moment où ils allaient s’embrasser en demandant des nouvelles de ses hémorroïdes et en saluant sa copine avec le prénom de son ex. Comme il n’avait plus de projet pour la semaine à venir, il a accepté de suivre. Mais il est aussi nul que moi en orientalisation. »
- « Orientation, pauvre cloche. Pffff ! Et c’est où le but de la balade ? »
- « La colline aux trolls des neiges. On ne peut pas se tromper. C’est juste au milieu de leur territoire. »
- « Brandir, écoutez-moi. Il n’a pas une raison en ce monde qui me pousserait à seulement envisager l’idée de venir avec deux boulets affronter l’hiver, les loups, les trolls juste… »
- « Arzhiel ! » lança Elenwë en passant avec Vorshek dans les bras. « Le petit vomit et a encore ses coliques. Il devra dormir avec nous pendant au moins quatre jours. »
- « Je vais chercher mon matos… »soupira Arzhiel tandis que Brandir saisissait une suivante d’Elenwë pour danser la gigue de la victoire avant que sa main ne dérape et celle de la servante ne finisse en poing dans ses dents.


- « C’est marrant, vous ne trouvez pas ? » demanda Hjotra d’un air espiègle.
- « Si vous parlez de votre coupe de cheveux, je suis complètement d’accord », répondit Arzhiel, moins enthousiaste en essuyant le sang sur son armure. « Vous êtes devenu l’égérie des mignons transformistes du Chaud Lapereau avec vos bouclettes. »
- « Non, je parlais du fait que l’on soit attaqués par une meute de loups dès le premier jour, à la première halte. »
- « Oui, on se demande pourquoi. »

Arzhiel piétina les cendres encore vives du feu préparé pendant qu’il surveillait les alentours et lança la marmite fumante de viandes en sauce dans les bras de Brandir.

- « En route, piteuses troupes. Le territoire des trolls des neiges commence après ce défilé. Si on a du bol, ils hibernent encore. Arme au poing, derrière moi, on suit et surtout, mais alors surtout, on la ferme. Avec de l’imagination et du silence, je pense pouvoir me persuader que vous n’êtes pas là. Hjotra, couvrez-vous, vous voulez claquer d’une pneumonie ou vous essayez d’effrayer les bêtes qui rôdent avec votre nouvelle coupe de cheveux ? »
- « Pas de bonnet », répondit l’ingénieur. « Ça m’aide à garder la tête froide. »
- « C’est génial de vous avoir avec nous, seigneur ! On va arriver drôlement plus vite que prévu ! »
- « Vous savez qu’on va juste dans la vallée voisine, hein ? »
- « Oui. Vous allez me gronder si je vous dis que la dernière fois que j’ai voulu y aller seul, je me suis perdu et j’ai mis une semaine à rentrer ? »
- « Oui et en plus, je vous taloche. »
- « Alors, je ne vous le raconte pas. Je ne suis pas bête. »
- « Ce serait insultant pour les animaux, en effet. Hum…Brusquement, le vent charrie une forte odeur. Saleté ! C’est limite tenable ! On doit être proche d’une mine de soufre. »
- « Non, seigneur, c’est moi », dit Brandir d’un air gêné. « J’ai des petits dérangements intestinaux. »
- « Baissez-vous ! Vite ! »
- « Parce que l’air chaud remonte ? » avança Hjotra, le nez pincé.

Arzhiel tira ses deux camarades à terre et indiqua au loin la troupe de trolls qui leur barraient l’accès à la colline visée. Arzhiel estima ses chances dans un assaut. Les créatures étaient faméliques et affaiblies après un rude hiver et visiblement exclues du groupe principal. A leurs déplacements lents et leur manque de vigueur évident, il en déduit qu’il s’agissait de malades isolés des autres. Le nain observa les trolls mourants puis Brandir et Hjotra.

- « C’est mort pour un affrontement direct », conclut-il, blasé. « Les polios perdent face aux galeux. On va devoir ruser. »

Le nain entraîna les siens an hauteur jusqu’à surplomber le groupe de trolls. Puis il planta dans la neige une rune explosive et l’activa en s’écartant. L’explosion provoqua un éboulis qui ravagea les monstres en contrebas.

- « Trop fort ! » s’exclama Hjotra, impressionné. « Bien joué, seigneur, j’en ai les paupiettes qui me brûlent tellement j’ai envie de pleurer de joie devant votre exploit ! »
- « On se roulera des galoches plus tard, les filles. L’explosion a du réveiller les autres trolls. On a intérêt à se magner à balancer les cendres avant que la horde ne rapplique. Brandir, envoyez l’urne, vite ! »
- « L’urne pour les cendres ? »
- « Non l’urne pour élire le pire boulet du Karak même si vous mettez un vent à tous malgré la rude concurrence. L’urne contenant les cendres de votre ami Hallveig ! Si vous me dîtes que vous l’avez oublié… »
- « Non, non, rassurez-vous. Je ne l’ai même pas prise. Elle était moche. J’ai mis les cendres dans la poche de mon futal…Ah, mince, je l’ai changé avant de partir. Il est au sale, navré. »
- « Et je suis encore surpris de constater que dans mon insondable naïveté, je croyais qu’un truc comme ça était trop gros pour arriver. Vous venez Bouclettes ? On se casse. Laissons Brandir faire connaissance avec les indigènes carnivores du coin. Alors ?...Mais pourquoi vous pleurez ?! »
- « Je viens de comprendre », renifla Hjotra. « Hallveig est mort !!! »
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MessageSujet: Re: La Saison 4   La Saison 4 Icon_minitimeLun 31 Mar - 9:55

Episode 103 – Champ de Trèfle

Ses mains hésitantes tâtonnant dans le vide ne rencontrant aucun obstacle, Arzhiel fit un nouveau pas en avant, s’écrasant douloureusement le nez contre un fin, mais rude pilier. Le nain jura en se frottant le visage, maudissant le bandeau imposé qui le privait de sa vue.

- « Mais bon dieu, prévenez quand il y a des obstacles ! » grogna-t-il.
- « C’est vous aussi », lui rétorqua Elenwë. « Il y a un pilier dans le couloir, vous vous ruez dessus. »
- « Ah ben oui, c’est carrément ma faute ! On est arrivés ? »
- « Je savais que cette petite surprise attiserait votre impatience », ricana l’elfe.
- « C’est surtout que j’aimerais qu’il me reste quelques dents quand on y sera. »

Le couple dépassa un dernier coude et déboucha face à une haute et lourde porte devant laquelle les accueillit Garfyon. Arzhiel fut enfin délivré de son bandeau qu’il jeta non sans rancœur par terre avant d’observer les lieux.

- « On est où là ? Je ne reconnais pas l’endroit. »
- « C’est normal, seigneur », l’informa le haut prêtre amusé. « C’est une galerie isolée et récente, creusée bien en dessous du Karak. Les ouvriers ont travaillé dur pendant des mois pour que tout soit prêt pour l’anniversaire de votre couronnement. Ouvrez la porte, votre surprise n’attend que vous ! »

Arzhiel observa d’un air soupçonneux son épouse et son prêtre qui gloussaient presque d’excitation, ce qui le renforça un peu plus dans sa méfiance. Avec appréhension, il poussa les portes et jeta un coup d’œil hébété à la large pièce richement ouvragée, décorée de nombreux bas-reliefs ornés de runes, de plusieurs nobles statues de pierre, d’or et de mithril ainsi que d’un imposant sarcophage posé sur un socle en plein milieu.

- « Je répète ma question : on est où là ? »
- « Dans votre tombeau ! » s’exclama vivement Elenwë. « C’est ici que vous reposerez après votre trépas. C’est douillet, non ? »
- « Nous n’avons pas lésiné sur les dépenses ! » renchérit Garfyon.
- « C’est des pierres précieuses, là ?! » balbutia Arzhiel, estomaqué. « Et ça, c’est des dorures ?! »
- « Il est ému, c’est adorable », commenta Elenwë.
- « Mais ça a dû coûter une blinde ! Alors si les caisses sont vides pour bâtir une nouvelle tour de garde… »
- « …C’est que tous les récents investissements étaient exclusivement consacrés à la construction de votre tombeau ! » répondit fièrement Garfyon.
- « Et si les ouvriers n’ont toujours pas terminé la citadelle et le mur ouest… »
- « …C’est parce qu’on a abandonné ces chantiers pour s’occuper en priorité de celui-ci ! » lancèrent en chœur Elenwë et Garfyon, tout sourire.

Livide, le souffle court et pris de vertige, Arzhiel se cramponna à une statue qu’il estima à un demi millier de pièces d’or.

- « Vous fumez tout notre trésor et monopolisez toute notre main-d’œuvre pour m’offrir un tombeau alors qu’il me reste plus d’un siècle à vivre et vous me l’annoncez en souriant ?! Courez…Courez tous les deux. Je suis bon prince, je vous laisse une minute pour fuir avant de me lancer à vos trousses. Après je vous explose, je vous lamine, je vous massacre et je vous empaille chacun avec la tête de l’autre ! »
- « Seigneur ! » hurla un garde en sang, débarquant en toute hâte au moment où Arzhiel dégainait sa hache et qu’Elenwë et Garfyon se bousculaient dans le couloir pour s’enfuir, apeurés. « Trèfle est devenu dément ! Il ravage tout le Karak ! »
- « Hein ? J’ai rien compris. Il est où le sujet dans votre phrase ? »
- « Euh…Il ? »
- « Non la phrase d’avant ! »
- « Trèfle ? »
- « Oui, ça, c’est quoi Trèfle ? Et pourquoi vous pissez le sang ? »
- « C’est ce damné pilier tout fin avant le virage. Je ne l’ai pas vu, je me suis ruiné le pif dessus… »
- « Trèfle, c’est pas la bestiole toute bizarre que les mineurs ont trouvé au fond d’une mine et que Hjotra a adopté le mois dernier ? » fit Garfyon.
- « Le monstre tout dégueu qui ressemble à la mère d’Elenwë et qui bouffe comme quatre Brandir ? » demanda le seigneur de guerre en esquivant instinctivement une flèche de glace lancée par son épouse.
- « Oui, il est devenu énorme ! » s’écria le garde. « Gigantesque ! Haut comme un donjon. Et il a commencé à attaquer le Karak. On a perdu tout le quartier nord et deux bataillons de guerriers ! La ville est menacée ! On vous cherche partout depuis ce matin ! »
- « J’étais parti visiter ma tombe… » répondit Arzhiel d’un ton lourd de reproches. « Tout un quartier vous dîtes ?! Laissez-moi passer ! Je vais étriper Hjotra ! »
- « Ce n’est pas Trèfle le problème ? » murmura Elenwë.
- « Chaque fléau par ordre d’importance, je vous prie ! » lança le nain en passant le coude à toute hâte avant de ricocher contre le pilier dans un chapelet d’insultes.

Le Karak n’était plus qu’un champ de ruines. Les cavernes comme les plus épaisses murailles avaient été éventrées et piétinées tels des murs de sable par Trèfle aussi grand qu’une colline. Le monstre hideux poussait des hurlements furieux tout en rasant une rangée d’ateliers quand Arzhiel et les siens arrivèrent. Un ultime bataillon de guerriers et de gardes s’enfuyait précipitamment, vulgaires insectes face au titan qui les balayait sans même y prendre gare. Le quartier sud et le centre du Karak venaient à leur tour d’être réduits en tas de poussières.

- « Alors vous êtes contents ?! » explosa Arzhiel en montrant le triste spectacle. « Je fais comment maintenant pour payer les réparations de mon Karak avec votre ânerie de tombeau ?! »
- « Je crains que monseigneur n’ait omis un détail de taille », se défendit Garfyon. « Avant de songer à rebâtir, il faudrait pouvoir se débarrasser de cette chose colossale. »
- « Mais c’est bon », le rassura Arzhiel. « Brandir et ses mulets de berserkers vont se réveiller de leur cuite sous peu et lui défoncer sa face d’herbe folle au Trèfle, vous allez voir. Tenez les voilà là-bas qui se mettent en formation. Les nains ont pourri les dragons jusqu’au dernier, je vous rappelle. C’est pas une mante religieuse mutante coupée de grenouille obèse qui va… »

Un sourd tremblement ébranla la montagne quand Trèfle bondit et retomba avec fureur au milieu des rangs des berserkers occupés à chercher leur place dans la formation. Une affreuse purée de nains broyés avec copeaux d’armures en mithril éclaboussa sur plusieurs dizaines de mètres alentour, laissant Arzhiel bouche bée.

- « D’accord, là on est pas bien. Quelqu’un a une idée ? »
- « A part la fuite sur un autre continent vous voulez dire ? » fit Elenwë, terrifiée devant le monstre qui s’approchait.
- « Je vais lui présenter mes excuses. »

Le groupe se retourna d’un même réflexe pour regarder Hjotra qui venait d’apparaître d’un tunnel adjacent. L’ingénieur dévala des escaliers proches pour rejoindre Trèfle, poursuivi par Arzhiel qui le rattrapa in extremis, échangea quelques paroles avec lui, puis revint sur ses pas.

- « Qu’est-ce que vous lui avez dit ? » l’interrogea Elenwë.
- « Je lui ai demandé ce qu’il voulait faire et je devais absolument savoir pourquoi il avait appelé cette créature ignoble Trèfle. Les deux réponses étaient débiles donc j’ai laissé tomber l’idée de le sauver. »
- « C’était quoi ? »
- « Il veut raisonner Trèfle en s’excusant de lui avoir perdu son doudou. Et il l’a appelé Trèfle parce qu’il aime les roches et la géologie. »
- « C’est clair que ça méritait de le laisser », reconnut Elenwë, perplexe.
- « Mince ! » jura Arzhiel. « J’ai oublié de l’étriper ! »
- « Euh trop tard », indiqua Garfyon. « Il vient de se faire gober tout cru… »

Trèfle releva la tête en mâchant son ancien maître puis poussa un horrible hurlement de rage.

- « Ah ben c’est sûr que si on lui donne n’importe quoi à manger, il va être grognon ! »
- « Attendez ! Tout n’est pas perdu ! Svorn aligne ses lanceurs de runes sur les hauteurs ! Ils vont réduire Trèfle en charpie vu leur nombre ! »

Les prêtres jetèrent leurs pierres ensemble à l’appel de Svorn sous les encouragements des survivants présents. De longues et puissantes détonations retentirent durant d’interminables secondes. Une fumée impénétrable s’éleva ainsi qu’un cri d’agonie déchirant de la part de Trèfle. Un instant, le résultat de l’assaut fut incertain puis une patte immense jaillie avec vigueur de la fumée extermina toute la rangée de lanceurs de runes, Svorn en tête. Arzhiel, Elenwë et Garfyon s’enfuirent à toute vitesse.

- « Je m’inquiète pour vous, mon aimé », fit Elenwë à son époux, une fois à l’étage suivant. « Je comprends que le choc de la perte de votre ami Svorn et de vos boulets soit pénibles et… »
- « Je suis hors de moi ! » rugit le seigneur de guerre vociférant. « J’exige des excuses sur-le-champ ! Vous avez dit que Svorn était mon ami, c’est intolérable comme insulte ! »
- « Silence, seigneur ! » le coupa Garfyon. « Ecoutez ce bruit ! On dirait…on dirait le bruit d’une tonne de pierre se fissurant et s’apprêtant à tomber. »

Les trois rescapés eurent juste le temps de lever la tête vers le plafond que celui-ci s’écroula sur eux dans un grondement de tous les diables. Arzhiel poussa un jappement et retomba sur le séant en reculant vivement. Il se trouvait dans sa chambre avec Elenwë. Le silence rassurant régnait sur le Karak et tout semblait en ordre.

- « Verdict ? » demanda l’elfe avec angoisse. « C’est la première fois que j’utilise ce sortilège de prophétie sur une vision aussi lointaine qu’un mois. Est-ce que ça a réussi ? »
- « Seigneur ! » fit la voix enthousiaste de Hjotra qui rentra en trombe dans la pièce, un gros œuf dans les bras. « Les mineurs viennent de découvrir ça dans un tunnel. Je peux le garder s’il vous plait ? Dîtes ! Dîtes ! Dîtes ! »

Arzhiel se releva lentement, saisit son marteau et s’acharna avec colère sur l’œuf géant jusqu’à ce qu’il n’en reste sur le tapis qu’une masse visqueuse dans laquelle il se calma en y noyant la tête de Hjotra. Puis le seigneur de guerre s’épongea le front, troqua son marteau contre sa hache et se dirigea vers la sortie.

- « Mais, par les Astres Ecarlates, où allez-vous ?! » s’écria Elenwë, interdite.
- « Un chantier en cours à visiter au sous-sol », répondit Arzhiel en agitant son arme. « Avec de la chance, j’y trouverai Garfyon ! »
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MessageSujet: Re: La Saison 4   La Saison 4 Icon_minitimeLun 31 Mar - 9:56

Episode 104 – Le Cœur Imprenable

Elenwë faisait les cent pas, soupirant d’impatience en fixant la porte à double battant close du grand hall lorsque celle-ci s’entrebâilla, laissant apparaître la silhouette d’Arzhiel qui s’esquivait visiblement en toute discrétion. Il fut suivi une seconde du brouhaha provenant de la pièce et qui retomba lorsque le seigneur nain referma la porte d’un air las.

- « Alors ?! » s’enquit l’elfe avec une vive excitation.
- « Je me suis barré, ça commençait à m’effriter les noisettes. »
- « Mais je m’en tamponne le fondement de vos noisettes ! Le jugement ?! »
- « Le Thing (tribunal nain) a jugé les trois andouilles coupables. Les sanctions ont été lourdes : deux tresses tranchées et une demie barbe rasée. Svorn a bien défendu ses adeptes mais Garfyon était inflexible. Y a eu un moment où ils ont même faillis se mettre sur la gueule. Svorn a pris la canne de Garfyon dans le pif et a essayé de riposter avec des runes, mais il a trébuché sur le goret domestique de Hjotra et après je ne sais pas, je me suis rendormi. »
- « Attendez », fit la sorcière incrédule et choquée. « Des visites au barbier ?! C’est ça la sentence de votre tribunal sacré pour juger trois fanatiques qui ont sauvagement agressés des jeunes elfes innocentes et pures ?! »
- « Ah, c’est comme ça que vous l’appelez la dernière mode elfe des jupettes ras le terrain de jeu ? Innocence et pureté ? Se faire amputer d’une tresse, c’est très humiliant pour un nain, ça nous diminue. Vous diriez quoi si on vous rasait la vôtre de barbe ? »
- « Franchement, une demie barbe coupée ! » râla Elenwë, exaspérée. « Vous n’avez pas plus naze comme sentence encore ?! »
- « Non, on a arrêté les gages. Le tour du Karak à cloche-pied, ça ne faisait plus marrer personne à force. »
- « Je vous en prie, mon ami ! Admettez que votre Thing est archaïque et obsolète ! Il se base sur des règles d’un autre temps. La preuve, je suis épouse de seigneur et je n’ai pas le droit d’y assister ! »
- « D’où c’est archaïque ? » répondit le nain en fronçant ses épais sourcils. « Et puis vous êtes une femelle aussi. Les dieux vous ont fait impure et pécheresse, on n’y peut rien non plus. Les tablettes saintes sont très claires là-dessus. Vous naissez souillées, c’est pas un drame ! »
- « Vous croyez à ces âneries ? » grommela Elenwë.
- « Non, c’est du vent. C’est Svorn qui a gravé ça la fois où sa mère l’a puni de mise à mort pour une semaine. Mais je touche un pourcentage sur la taxe aux pèlerins qui se rendent au temple pour se recueillir devant les écrits. »
- « Vous êtes le seigneur de ce Karak », rouspéta la sorcière qui n’en démordait pas. « Vous devez agir pour régler la situation. Dans ce monde, les elfes et les nains sont tous alliés et amis. Je ne vois pas pourquoi les elfes que j’invite vivre dans cette communauté se font caillasser par vos bourrins de sujets ! »
- « C’est les jupettes », répondit Arzhiel en haussant les épaules. « Avec le pognon et le mithril, c’est l’origine de tous les conflits, ne cherchez pas. »
- « C’est pas faux », philosopha l’elfe. « C’est clair que si vos naines se mettaient en jupe, le choc engendrerait sûrement l’apocalypse…ou une recrudescence d’yeux crevés. »
- « Je vais faire graver quelques lois et envoyer la secte de Svorn à la bataille bien dans le sud pour quelques mois. Mais je ne peux pas faire plus. Ce sont des mûlasses ! »
- « Je sais ! » s’exclama Elenwë, prise d’une illumination. « J’ai un plan ! »
- « Je me méfie de vos plans comme de ma première femme. »
- « C’est pas moi votre première femme ? »
- « Ben si, justement… »

Tapis dans l’ombre d’une ruelle silencieuse, Arzhiel et Elenwë épiaient sans relâche la place du marché déserte depuis plus d’une heure. Il n’y avait guère eu de passage à cette heure tardive où le Karak somnolait ou se saoulait. Hormis quelques patrouilles de gardes éméchés en quête d’une taverne pour s’achever, de Brandir bien imbibé qui traversa la place en pagne avec son casque et son marteau à la recherche d’adversaire, de Hjotra qui promenait son putois et, plus tard, d’une patrouille de gardes blessés raccompagnant Brandir jusqu’en prison, ce fut le calme plat.

- « Ça ne marchera jamais », commenta Arzhiel en réajustant sa fourrure.
- « Ce n’est pas la première fois que l’on partage une fourrure au cœur de la nuit et que j’entends la même chose », répondit Elenwë.
- « En parlant de fourrure, je peux me joindre à vous ? » demanda la jeune elfe avec eux. « A trois, on se réchauffera mieux. »
- « C’est marrant, c’est vrai cet effet de déjà-vu », ironisa Arzhiel avant qu’Elenwë n’éloigne l’elfe de son mari d’une vive bourrade. « Svorn ne viendra jamais, on perd notre temps. Si vous croyez qu’il suffit d’un poème sur un parchemin et d’un rendez-vous clandestin pour le jongler, j’aurais déjà tenté le coup pour le faire assassiner. Ce n’est pas Hjotra ! »
- « Voilà quelqu’un ! » l’interrompit Elenwë, fébrile. « C’est lui ! C’est bien lui ! »
- « Quoi c’est lui le haut prêtre craint et respecté par tout le Karak ? » demanda l’elfe d’un air déçu et une pointe dégoûtée.
- « Oui, c’est lui », l’encouragea Elenwë. « Allez, il est riche et très influent. Un petit effort, il n’est pas si repoussant que ça quand même ! »
- « C’est-à-dire que là, la pénombre joue pas mal en sa faveur », confia Arzhiel avant d’écoper d’un coup de coude dans les côtes.
- « Comme on a dit, Oilossë ! Vous vous présentez à lui, vous le séduisez et vous faîtes en sorte qu’il s’éprenne de vous. Le bonheur de votre amour lui ouvrira les yeux quant à sa folle et vaine hostilité envers les elfes et son exemple encouragera les autres. Le Karak connaîtra la concorde et la félicité entre nos peuples ! »
- « On peut tenter ça, mouais », fit Arzhiel, bien moins enthousiaste. « On peut aussi le faire chanter plus tard sur sa liaison avec une femelle impure elfe. Mais c’est vous qui voyez. »
- « Dans tous les cas, Oilossë, il faut franchir le premier pas ! Rendez-vous auprès de lui et usez de vos charmes. Si ça ne marche pas, j’ai glissé une fiole de potion de sommeil dans votre besace. Vous lui en collez une bonne rasade et croyez-moi, ce sera plus facile pour…la suite, quoi. Moi je fais ça tout le temps. »
- « Quoi ?! » tilta Arzhiel.
- « Et le foulard avec une tête d’elfe beau gosse dessinée dessus », demanda Oilossë en fouillant sa besace, « c’est pour quoi faire ? »
- « C’est un autre accessoire », répondit la sorcière, gênée. « Vous pouvez l’étendre sur la tête de votre compagnon de nuit endormi, pour émoustiller votre imagination, par exemple. »
- « Par exemple… »répéta Arzhiel en décochant un regard lourd à son épouse. « Bon vous y allez qu’on aille tous se coucher avec quelqu’un qui ne nous attire pas ? »

Oilossë, très hésitante, ne quittait plus Svorn des yeux, cherchant son courage.

- « Donnez-moi de l’alcool fort », conclut-elle, blasée. « Tant qu’à être bourrée, autant l’être pour de bon. »
- « Classe ! » lança Arzhiel quand la jeune elfe se décida à partir. « Vous êtes princesse, non ? »
- « Elle est partie ! » jubila Elenwë. « Je vais encore sauver votre Karak ! »
- « Ou le condamner à une guerre civile et raciale. Entre-nous, je ne connais pas trop les goûts de Svorn et comme donner du plaisir à une femme, ça ne m’intéresse pas. Mais Svorn, raciste, intolérant et arriéré, tomber amoureux d’une elfe opportuniste, cagneuse et godiche, désolé, j’achète pas. »
- « Vous ne croyez vraiment pas à l’amour ? »
- « A la quoi ?! »
- « Et le coup de foudre, ça existe ! »
- « Pour déblayer un rang de paladins, c’est clair que ça gère ! »
- « Vous êtes désespérant. Ce soir, vous aurez droit au jeu du foulard pour la peine. Regardez ! Ils discutent et Svorn n’a même pas saisi sa hache ! Il sourit ! Enfin je crois, je ne l’avais jamais vu sourire. Ils s’éloignent ensemble !!! Suivons-les ! »
- « Je vous préviens que si vous me demandez de les suivre dans leur caverne, je vais direct rejoindre Brandir en cellule. Ou je vous y envoie à ma place. »
- « Si Svorn se radoucit, vous serez bien obligé de reconnaître que mon plan était bon. »
- « Ça ne marchera pas. »
- « Comment pouvez-vous être de si mauvaise foi ?! Regardez-les, ils roucoulent déjà. En quoi mon idée géniale ne porterait pas ses fruits ? »
- « Svorn est un haut prêtre. Pourquoi vous croyez qu’il est toujours à cran tout le temps ? »
- « Où est-ce que vous voulez en venir ? »
- « Les prêtres font voeu d’abstinence et toute union leur est interdite. Ne soyez pas déçue, pour une fois que vous étiez inspirée. Sur ce, je dois passer à la caverne de plusieurs nobles pour leur demander d’aller surprendre Svorn en plein boulot. Vous venez ? »
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MessageSujet: Re: La Saison 4   La Saison 4 Icon_minitimeLun 31 Mar - 9:56

Episode 105 – Le Benêt, la Futée et l’Abeille

Arzhiel cravacha son bouquetin en lui fouettant frénétiquement les flancs, dévalant furieusement le chemin en pente pour ne s’arrêter qu’en pilant dans un nuage de fumée une fois parvenu devant Hjotra qui sirotait une bière le long de la route. Ecarlate, le seigneur de guerre sauta à bas de sa monture essoufflée et se planta avec un air stupéfait et interrogatif devant l’ingénieur, aussitôt rejoint par le reste de sa garde.

- « Quoi ? » demanda Hjotra devant son chef qui restait muet, se doutant bien que quelque chose clochait, avant de s’exclamer avec enthousiasme. « Je sais ! C’est une devinette ! Alors, vous êtes tout violacé…Un navet ? Non, non ! Le poing levé…vous voulez commander un truc à grignoter ? C’est un animal, un minéral ? Une chanson peut-être ? Vous voulez qu’on chante ? »
- « Oui, c’est ça », répondit Arzhiel, son regard fulminant se mêlant à ceux des autres nains. « Je me suis cogné trente bornes depuis le Karak juste pour vous entendre chanter la litanie du nain gogol invétéré brusquement expédié à coups de lattes dans le plus proche fourré d’orties et de ronces ! Vous pouvez m’expliquer pourquoi le convoi dont vous aviez la charge fume encore à deux cent pas, son escorte massacrée et sa cargaison de cottes de mithril disparue tandis que vous, sans souci la violette, faîtes paisiblement bronzette sur le bas-côté ?! »
- « C’est tout à fait explicable », se défendit Hjotra. « Y avait une vache trop craquante dans le champ là-bas mais une affreuse guêpe lui tournait autour alors j’ai laissé le convoi poursuivre le temps de la chasser mais je l’ai avalée sans faire exprès alors j’attends depuis ici d’avoir fini de la digérer pour pas qu’elle me pique à l’intérieur. »

Arzhiel, Garfyon et les autres guerriers échangèrent un regard perplexe et circonspect, certains abasourdis, d’autres cherchant à comprendre la fin de ce qu’ils pensaient être une blague et d’autres humectant l’air à la recherche d’une odeur d’alcool pouvant justifier pareille réponse.

- « On a perdu vingt copains dans l’attaque et une fortune en cottes de mithril », tâcha de clarifier Garfyon. « Vous étiez responsable de cette expédition, votre manquement au devoir est gravissime. Vous comprenez ? La situation est critique pour vous. »
- « Vous ne pouvez pas trouver encore plus improbable comme excuse, face de fromage ?! » résuma mieux Arzhiel.
- « Attendez ! » lança Hjotra, le regard dur, se levant d’un bond, le poing tremblant. « Je crois que c’est bon. Excusez-moi, ma digestion est terminée là. La nature m’appelle. »
- « Qu’est-ce qu’on va faire ? » demanda Garfyon, dépité, tandis que Hjotra disparaissait dans les buissons en toute hâte.
- « On va déjà s’éloigner. Et puis on se remet en chasse des pillards, on n’a pas le choix ! »
- « Je parlais de Hjotra, seigneur. Sa faute est impardonnable et il n’éprouve aucun remord. C’est un incompétent et une tare pour le clan. Il met dans l’embarras tout le Karak. Il a encore une fois failli à son devoir et bafoué son honneur. Un vrai nain aurait déjà expié sa faute par l’exil ou le suicide rituel. Même si vous tenez à lui, cette fois vous devez le châtier ! »
- « Comment ça je tiens à lui ?! » répondit Arzhiel en lançant à intervalles réguliers des cailloux dans les buissons tandis que Hjotra piaillait de douleur en les recevant. « Vous voulez mon marteau où je pense pour déblatérer de telles âneries ?! L’exiler reviendrait à lâcher une calamité sur le monde, vous imaginez ? Et je ne peux pas le buter, il est le seul à savoir fabriquer ses fichus golems d’acier ! Il est irrécupérable. La prison, le bâton, rien n’y fait. Je n’ai plus le choix, c’est cruel, mais je vais devoir l’inscrire aux cours de broderie et d’histoire de la mode vestimentaire elfe. »

Un chariot remonta la route et ralentit à hauteur de la quinzaine de nains alignés occupés à lancer des cailloux dans les fourrés. Une jeune humaine conduisait l’attelage et se gara devant Arzhiel avant de le saluer avec grâce et respect.

- « Ceci doit vous appartenir, je pense », lança-t-elle en découvrant le contenu de son chariot : des piles d’armures brillantes frappées aux armes du Karak. « Je me doutais bien qu’en suivant la route vers votre montagne, je tomberais sur vous. »
- « Qui êtes-vous ?! » s’exclama Garfyon, stupéfait. « Où avez-vous trouvé ceci ?! »
- « Dans le repaire de la bande de brigands que je filais depuis deux mois », répondit la jeune fille en souriant, fière de son effet. « Je me nomme Doreen, je suis chasseuse de primes. Vous pouvez récupérer votre bien et vous rassurer. Les bandits responsables de ce forfait croupissent en geôle à cette heure-ci. »
- « Bien », acquiesça Arzhiel. « Et combien votre acte de charité et livraison vont nous coûter ? »
- « La récompense pour ces gueux garnit déjà ma bourse, messire. Vous ne m’êtes pas redevables, votre légion a balayé le mois dernier la troupe orc qui tentait de piller le village où vit ma famille. Nous sommes quittes. En gage de ma reconnaissance, vous trouverez dans ce chariot une lettre du commanditaire de ces pillards, un de vos seigneurs voisins. Avisez. Adieu, doux seigneur ! J’ai de l’or à dépenser ! »

Doreen détacha l’un des chevaux de l’attelage et partit au galop en lançant un clin d’œil amical aux nains encore surpris.

- « Est-ce que vous avez vu ça ? » demanda Garfyon, ébahi.
- « Oui », répondit Arzhiel. « Son pantalon était maillé à la fesse gauche. Et elle ne porte rien en dessous. »
- « Trop fort ! » cria Hjotra en sortant des buissons, une pâquerette à la main. « Cette fleur est vraiment magique ! J’ai demandé que la pluie de pierres s’arrête, ça a marché ! J’ai demandé que ma boulette soit réparée et revoilà les cottes ! Génial, il me reste un souhait ! Au diable la varicelle, je l’utilise ! Je souhaite être couvert de richesses ! »

Arzhiel exauça le vœu de son ingénieur et l’assomma en lui jetant une dizaine d’armures de mithril bien pesantes sur le sommet du crâne.

Quelques jours après, les armées du Karak assiégeaient le château du baron voisin confondu grâce à la correspondance offerte par Doreen. Arzhiel et son état-major déjeunaient en assistant au spectacle des catapultes anéantissant les murailles humaines, applaudissant ou rotant selon l’importance de l’impact. Seul Svorn, piétinant d’impatience, n’appréciait pas ce moment de détente générale.

- « Seigneur ! » gémit le haut prêtre. « Je vous en prie ! Laissez-moi aller au combat ! C’est pratiquement terminé ! Je vais tout manquer ! »
- « Pour la troisième fois, Svorn, vous avez perdu au concours de corde à sauter contre Brandir, c’est donc les berserkers qui mènent l’assaut avec les golems d’acier et pas vos lanceurs. Asseyez-vous, prenez une cuisse d’âne pendant qu’elles sont encore chaudes et relaxez-vous. »
- « C’est inadmissible ! Je suis le haut prêtre de Traros ! Et c’est moi qui ai tué Teclan, je vous rappelle ! »
- « Avec vos miches et votre embonpoint alors posez un cul et mangez ou je vous envoie nous attendre à l’auberge du coin en compagnie de Hjotra, avec les punis. Ah, Garfyon ! Approchez ! »
- « Messire, vous aviez raison », déclara le prêtre tandis que Svorn s’éloignait en boudant. « Les experts ont examinés le parchemin, il est authentique. Les espions rapportent que la famille de Doreen vit bien dans un patelin proche et qu’elle a bien capturé les brigands. Vous croyez que tout est vrai dans cette histoire ? »
- « Non, elle cherche à nous entuber, c’est clair », répondit Arzhiel avant de se lever d’un bond pour la ola quand une tour s’effondra. « J’ai mené une enquête parallèle avec des espions compétents, c’est-à-dire pas les nôtres. Doreen n’est chasseuse de primes que depuis l’été dernier. Avant, elle était à la tête d’une bande de voleurs de grand chemin. Sa famille, bannie des terres du seigneur que nous attaquons sous ses conseils, a trouvé refuge dans notre fief mais elle cherche à se venger depuis. C’est pour ça qu’elle est devenue voleuse. Elle est futée. C’est elle qui a proposé au seigneur de lui livrer nos cottes de mithril à un prix irrésistible. La lettre que nous avons n’est que l’accord de ce dernier, mais il ignorait qu’elles nous appartenaient. »
- « C’est tordu comme plan. Mais elle a vraiment livré les brigands aux autorités. »
- « Pour effacer ses preuves en trahissant les siens ou pour éviter d’être doublée. C’est plus facile de capturer toute une bande quand on sait où ils se cachent et en ayant leur confiance. Son but était de nous pousser à attaquer ce vilain seigneur qu’elle déteste tant. »
- « Mais pourquoi avoir accepté si vous saviez qu’elle nous manipulait ? »
- « Je l’aime pas celui-là », rétorqua Arzhiel en pointant le château en flammes avec son os d’âne. « Il a renchéri une fois sur une stère de bois que je voulais acheter. Et il a un gros pif. »
- « Et pour Doreen ? Vous allez faire quoi ? »
- « Je la fais surveiller. Elle est à l’auberge, sur le chemin. Elle attend de voir son ennemi complètement laminé. Je l’aime bien au final, elle est sadique et ne porte pas de sous-vêtement. Elle me rappelle Elenwë. »

Un garde s’approcha au trot et chuchota à l’oreille du seigneur de guerre, le laissant bouche bée.

- « Vous croyez au destin ? » demanda-t-il, médusé, à Garfyon.
- « Murang, le Protecteur, dans sa grande noblesse et sa bonté infinie, veille sur la vie de chaque nain et nous aide à puiser dans notre cœur la… »
- « Non, mais fermez-la en fait. C’était juste pour amener la discussion. Je viens d’avoir des nouvelles de Doreen. La réussite de son plan lui a fait perdre la tête. Elle a voulu fêter la chute de son ennemi en payant tournées sur tournées à l’auberge. Manque de bol, cette cruche bien pleine a voulu embrasser Hjotra qui glandait là à son cours de danse elfique. Il parait qu’elle a avalé une abeille durant le baiser, ce qui nous apprend encore deux choses sur elle : elle n’a aucun goût pour choisir les hommes et… »
- « Et ? » interrogea Garfyon.
- « Et elle est allergique aux piqûres d’abeille », répondit Arzhiel en grimaçant.
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MessageSujet: Re: La Saison 4   La Saison 4 Icon_minitimeLun 31 Mar - 9:57

Episode 106 – Les Gros Maux

- « Vous n’y connaissez rien ! » pesta Hjotra à Brandir tandis que tous deux cheminaient le long de la route menant au Karak, le soleil levant dans le dos. « La blonde avait un goût rance qui collait au palais et a mis plus de deux heures avant de me mettre un semblant de fièvre. »
- « Grotesque ! » vociféra Brandir. « La brune a vidé ma bourse et m’a fait rendre trois fois mon plateau des six fromages de pays et ma poularde aux herbes fines. Foi d’ivrogne patenté et reconnu, je ne mettrai plus les pieds dans cette auberge tant que le patron n’aura pas succombé à son ulcère ! »
- « Dîtes », s’interrogea Hjotra, tenaillé par un doute soudain. « On parle bien des bières ? »
- « Ah non, je parlais des serveuses moi. »
- « Regardez ! » l’interrompit l’ingénieur. « J’aperçois une silhouette venant vers nous à travers la brume. Je ramasse des cailloux au cas où ce serait un brigand ou un humain cherchant son chemin ? »

Arzhiel fronça les sourcils pour tenter d’identifier les deux formes se détachant du brouillard matinal, les reconnaissant la seconde suivant un accueil à coups de mottes de terre.

- « Seigneur ?! » s’exclama Hjotra en lâchant ses projectiles. « Désolé pour les mottes, on n’a pas trouvé de pierres assez grosses. Qu’est-ce que vous faîtes là ? »
- « Et vous ?! » grogna le seigneur de guerre en s’essuyant le visage avec le manteau de Brandir. « Je fais exprès de me barrer du Karak à l’aube pour être sûr de ne tomber sur aucun nain et naturellement, je me précipite droit sur les deux pires ! Pourquoi vous titubez, vous ? Vous êtes déjà ivre ? »
- « Même pas », ronchonna Brandir, déçu par son honteuse sobriété. « J’ai l’œil rouge, la pâteuse dans la bouche et le pied mou, mais je suis encore clair ! La preuve, j’arrive encore à danser la bourrée du campagnol ! »
- « On l’a apprise hier », expliqua Hjotra, très fier. « Une nouvelle auberge a ouvert au bourg de la vallée et en tant que membres du prestigieux cercle des Boit-sans-soif de la région, nous nous sommes faits un devoir de l’inaugurer. Et vous, pourquoi vous fuyez ? »
- « Vorshek a prononcé son premier mot cette nuit », expliqua Arzhiel, visiblement contrarié.
- « Et il a dit quoi ? »
- « « Grognasse »…Elenwë a apprécié moyennement. Elle est persuadée que c’est ma faute et que je suis trop grossier. C’est n’importe quoi ! Et puis, comment je pouvais savoir que le gamin écoutait le savon que je passais à cette cruche de bonniche ?! »
- « Moi, mon premier mot fut « ornithorynque » », dit Hjotra avec un sourire nostalgique. « J’ai passé les quatre semaines suivantes chez une tante qui pratiquait des exorcismes à jouer avec ses poupées rituelles en paille et en fumier. La belle époque, quoi ! »
- « Du coup », reprit Arzhiel tandis que lui et Brandir s’écartaient prudemment de Hjotra, « j’ai préféré mettre un peu de distance entre sa mère et moi. On s’habitue aux menaces de mort de son épouse, mais il faut savoir se méfier de celles qu’elle détaille durant un bon quart d’heure avec de la bave aux commissures des lèvres et une veine battant à la tempe. J’ai récupéré le premier ordre de mission sur la pile au Bureau des Quêtes et j’ai filé pour quelques jours, le temps qu’elle passe sa colère sur Garfyon ou un larbin. »
- « C’est quoi le Bureau des Quêtes ? » demanda Brandir. « C’est pas là où on range tous les pigeons voyageurs ? »
- « La volière ? Non, cervelle de puce ! Le Bureau des Quêtes, c’est là où on distribue aux nains qui ne sont pas des parasites écumant les nouvelles tavernes les missions que les bourges et les pécores humains de la vallée nous envoient : buter des brigands, retrouver leurs marmots enlevés, réparer leur moulin, viander leurs voisins, etc…Puisque vous êtes là, vous allez m’aider. On doit parler au bourgmestre à propos d’un ogre borgne et asocial qui dévaste leurs champs de navets. Puissant ! Avec vous deux, encore une sortie qui va me laisser des souvenirs impérissables. En route ! »
- « Je ne crois pas », marmonna Hjotra, le visage fermé. « Je pense sincèrement que le Bureau des Quêtes, c’est l’ancienne chambre de Ségodin où on entrepose les outils cassés et l’engrais des champignonnières. »

Le joyeux trio prit donc la direction du bourg indiqué sur le parchemin de quêtes et y parvint au bout de deux heures et quelques menus incidents comme la bagarre déclenchée par Brandir qui crut reconnaître un chef drow très recherché parmi une bande de bûcherons humains ou la chute accidentelle de Hjotra dans le fleuve après une énième anecdote sur son enfance.

- « Pétard de moine ! » ronchonnait Arzhiel. « Par les burgnolles du Protecteur, est-ce que demander à voix haute au milieu de la place du marché bondé à la nouvelle amie d’Elenwë si ses hémorroïdes vont mieux fait de moi un personnage grossier ? Déclencher une seule petite bataille générale à la cantine le jour de la purée de champignons ne fait pas de vous deux des débiles invétérés, c’est un travail de tous les jours alors pourquoi traiter le chef de la guilde des tisserands de lopette constipée et de tête de fion seraient des signes évidents de vulgarité ? »
- « Vous êtes une flétrissure sur la rose des bonnes manières, un handicapé de le politesse et un rustre indécrottable ! » répondit la voix d’Elenwë jaillissant de la mare proche.
- « Courez ! » hurla Arzhiel apeuré en jetant Hjotra dans la mare pour couvrir sa fuite. « Elle nous a suivi ! »
- « Revenez, mufle ! Vous n’échapperez pas à votre châtiment ! »

Un éclair magique illumina les alentours une seconde et une grenouille de belle taille alla se jucher sur la tête d’Arzhiel, éclatant du rire moqueur d’Elenwë.

- « La chance ! » commenta Hjotra, re-trempé et jaloux, quand il aperçut l’animal trônant avec classe qu’Arzhiel ne parvenait pas à enlever du haut de son crâne.
- « Cette malédiction sera votre punition », parla Elenwë à travers la grenouille. « Je vais vous surveiller par le biais de cet animal que seule ma magie peut ôter et à chaque vulgarité, je vous balance un éclair. »
- « Ça aurait pu être pire », fit observer Brandir à son chef furieux avant d’être botté par ce dernier. « Elle aurait pu choisir une vache. »

Peu après, les nains frappèrent à la maison du bourgmestre. Celui-ci examina longuement et avec attention les trois nains à sa porte avant d’ouvrir la bouche.

- « Vous êtes vraiment des guerriers du Karak ? »
- « Bien sûr ! » rétorqua Arzhiel, toujours vexé. « On a l’air de baladins en tournée ? »

L’homme se pencha pour regarder le bonnet à clochettes vissé sur la tête de Hjotra et le béret à plumes d’oie sur celle d’Arzhiel.

- « Non, mais c’est parce qu’on a croisé une tapet…un sensible chapelier avec son chariot pourr…usé sur cette salop…sur votre route endommagée et nous avons effectués des achats…utiles. »
- « Le défaut d’élocution, vous l’avez de naissance ? J’ai un rebouteux qui peut vous arranger ça vous savez. »
- « Non c’est à cause de sa femme qui est dans une grenouille sur sa tête et qui le foudroie s’il dit des gros mots », répondit Hjotra avec un franc sourire et dans un bruit de grelots.
- « L’ogre vit dans les collines, à l’est », indiqua le bourgmestre avant de claquer sa porte aux nez des nains. « Et vous direz à votre seigneur Arzhiel que la prochaine fois qu’il m’envoie des tarés, je lui colle ma fourche dans sa mine intime ! »
- « De quoi ?! » tiqua Arzhiel. « Mais le seigneur Arzhiel il te fait de partout et il crame ton village tout pourrav avec juste…AHHHHHHHHHH ! Arrêtez ça ! C’est ce pécore crasseux qui…AHHHHHHHHHHH ! Mais pas deux fois de suite, bon sang ! Si je claque à cause de votre fout…méchante magie, j’exige dans mon testament que vous vous remariez avec Svorn ! AHHHHHHHHHHHHHH ! Mais j’ai pas dit de grossièretés là !!! »
- « Oups, le dernier éclair m’a échappé », s’excusa la grenouille sous le béret.
- « On ferait mieux de se dépêcher », déclara Hjotra en scrutant le ciel. « Le temps est à l’orage ».

- « Je vais mourir, je vous promets ! » se lamenta Arzhiel encore fumant. « Avec les six éclairs pour arriver jusqu’aux collines, ça fait dix-huit fois. Je vais finir par choper des supers pouvoirs ou me changer en tâche de cendres ! »
- « Chuuuut ! » fit Brandir. « C’est une planque ! Le pécore a dit que l’ogre passait par ici. »
- « Je vois plein de petites étoiles qui dansent ! » délira Arzhiel, vautré par terre.
- « Je mangerais bien un civet de ragondin », songea Hjotra en tripotant son chef avec un bâton pour faire jaillir des étincelles de son corps.
- « C’est franchement le plat qui me conforte dans l’idée d’être végétarienne », fit Elenwë.
- « Hé ! On a dit plus de gros mot. »
- « J’en ai par-dessus la tête de vous ! » pesta Arzhiel à l’attention de la grenouille impassible. « Tu n’es pas plus grosse qu’un bœuf et tu fais ta reinette, mais je vais te déloger tôt ou tard ! »
- « Elle ne vous crooaa pas », plaisanta Elenwë.
- « Aux armes ! » s’exclama Brandir. « L’ogre est en vue ! Mazette ! Il est énorme ! C’est vraiment pas de bol, au corps au corps, il m’aurait éclaté mais je ne peux pas mourir aujourd’hui, je n’ai pas changé de pagne. Ça risque de faire tâche à mon rituel funéraire. Désolé, seigneur, je vais avoir besoin de vous. Seigneur, ce ne sont pas des pillards gobelins qui ont volé votre casque fétiche, c’est Hjotra et moi qui l’avons cassé en jouant aux paladins. »

Arzhiel commença à hurler, furieux devant l’aveu, et se retrouva vite saisi par les bras et les pieds par ses deux serviteurs qui le balancèrent sur l’ogre. La créature vacilla sous l’impact mais ne s’effondra, foudroyée, qu’au quatrième juron du seigneur fou de rage.

- « C’est sympa finalement les missions », conclut Brandir, satisfait. « On devrait faire ça plus souvent. »
- « C’est vrai », acquiesça Hjotra. « Vous croyez que le chef serait chaud pour une seconde mission aujourd’hui ? »
- « Je ne sais pas. Je vais chercher un bâton pour le réveiller et lui demander. »
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MessageSujet: Re: La Saison 4   La Saison 4 Icon_minitimeJeu 15 Mai - 10:20

Episode 107 – Nosce Te Ipsum

- « Vous voulez me demander quelque chose ou vous êtes subitement tombé amoureux de moi ? » questionna Arzhiel à l’attention du nain qui le contemplait avec sérieux.
- « Rappelez-moi pourquoi vous vous promenez ave une grenouille juchée sur la tête, seigneur ? »
- « Ma sorcière de femme m’a maudit parce que je jurais trop », soupira, lassé, le seigneur de guerre. « Elle m’a collé une grenouille sur le melon pour pouvoir me surveiller à chaque instant. Et je mange un éclair à chaque fois que je dis un gros mot. Ah au fait, si j’en vois un de plus gonfler ses joues ou sauter comme un crapaud pour déconner, je massacre tout le monde. Pour déconner aussi. »
- « Et vous avez pris combien d’éclairs depuis ? » insista le nain curieux.
- « Trop ! » grommela Arzhiel en montrant ses bandages. « Je ne pensais pas que la résistance naturelle des nains à la magie aurait pu servir la noble cause de mon épouse pour me pourrir la vie. Vous pouvez retourner au boulot maintenant ou je dois vous décrire aussi la couleur de mes selles ?! Magnez-vous avant que Hjotra ne revienne. J’ai demandé à Brandir de le retenir à la taverne pour qu’on puisse fouiller son atelier, mais il va revenir tôt ou tard, je crois que ses oies ont faim. »

Arzhiel dispersa ses ouvriers à travers toute la pièce, certains à la recherche de plans, d’autres démontant un golem d’acier pour chercher à comprendre comment ils fonctionnaient.

- « Bonjour seigneur ! » lança Hjotra en rentrant. « Bonjour les gars. Qu’est-ce que vous faîtes ? Si vous cherchez mes bouchées aux noisettes, elles sont dans ma caisse à outils, près des cages aux renards. »
- « On s’en secoue pas mal de vos bouchées ! Qu’est-ce que vous fichez là ? Vous devriez être avec Brandir ! »
- « J’y étais. Il devait me retenir une heure comme vous le lui aviez demandé mais il a oublié pourquoi alors je suis venu vous demander. »
- « D’accord, bravo la quiche ! » rouspéta Arzhiel en réprimant le léger mais familier picotement d’un éclair le parcourant. « Venez les gars, on remballe ! »
- « Vous êtes sûr de ne pas vouloir une bouchée ? » lança Hjotra avant que son chef ne claque la porte derrière lui.
- « Alors ? » demanda Garfyon sur le seuil. « Vous avez trouvé comment fabriquer ces engins ? »
- « Demandez à ma grenouille », le rabroua Arzhiel. « Vous n’auriez pas pu retenir Hjotra ? »
- « Non », répondit le haut prêtre en souriant. « Il aurait fallu lui parler pour cela et ça fait monter ma tension. Le médecin est formel : plus de graisse, de sauce et de Hjotra. »
- « C’est quand même incroyable que ce baudet soit le seul de la montagne à savoir fabriquer les golems d’acier ! » grogna Arzhiel en remontant un escalier vers sa salle du trône. « Il en tient une telle couche que le mois dernier encore, il croyait que le marin était le mari de la marraine ! J’arrête d’y penser, ça va encore me stresser et je vais morfler un orage du crapaud après. Je vais bosser les plans du nouveau réseau de mines de charbon et…C’est quoi ça ?! »

Le petit groupe stoppa au milieu d’une cour où trônait sur un piédestal une statue flambant neuve d’Arzhiel, posant noblement avec sa grenouille sur la tête. Le seigneur de guerre repéra bien vite quelques nains cachés dans un coin et ricanant grassement de leur blague. Sans surprise, Svorn se tenait au milieu d’eux.

- « C’est à vous que je dois cette œuvre d’art ? » questionna Arzhiel en essayant de se contenir.
- « Je rends hommage à votre seigneurie », répondit ironiquement Svorn en se courbant devant son chef. « Ne trouvez-vous pas que cette statue reflète votre grandeur et votre côté animal à la fois ? Vous voilà enfin devenu une gravure de mode ! »
- « Je dois reconnaître que c’est plutôt bien trouvé », admit Arzhiel avec un sourire contrit. « Comme je suis bon joueur, je viens vous serrer la main. Qu’il ne soit pas dit que je manque d’humour comme de tolérance avec…une bande de pareils manches AHHHHH de guignols, demeurés et impossibles couillons qui AHHHHHOUHHHHHH ne trouveraient pas leurs cervelles de moineau ARRRRGGGGHHH même s’ils la branchaient au moins à temps partiel, glandu !!! ERRRRFFFFFFF »

Fumant, crépitant et tenant à peine sur ses jambes, Arzhiel lâcha la main de Svorn à moitié cuit dont la toge commençait même à s’embraser, puis s’éloigna en boitant, un sourire vicieux et jubilant sur les lèvres.

- « Et en plus, ça vous fait marrer ! » s’exclama la grenouille, furieuse. « Vous n’apprendrez donc jamais rien ? Vous vous plaignez de vos soldats qui ne sont ni débrouillards ni… »
- « Pourvus d’un quota naturel de matière grise », acheva Arzhiel en s’éclairant dans le couloir grâce aux étincelles courant sur son armure.
- « Vous pouvez les railler, mon bon », poursuivit Elenwë à travers la grenouille. « Mais je vais vous enseigner une vérité absolue : vous avez les boulets que vous méritez ! »
- « Une vérité qui peut expliquer votre place à mes côtés », marmonna le nain.
- « J’ai tout entendu ! » s’écria la sorcière. « Cette fois, Arzhiel, vous allez trop loin. Je vous préviens qu’à la prochaine incartade de langage, la prochaine insulte, le prochain juron ou vanne envers votre prochain, je vous change en elfe ! Et en barde en plus ! »
- « NOOOOOOOOON ! Vous aviez promis de ne plus le faire ! D’accord, je m’excuse ! Je serai sage ! Tenez, j’ai des bouchées aux noix pour vous, je les ai carottés à Hjotra ! Je vous les donne toutes ! »
- « Pas un seul gros mot, Arzhiel. Jusqu’au coucher de soleil…Et gardez-moi les bouchées. »
- « C’est trop injuste ! » ronchonna le seigneur de guerre en rentrant dans sa salle du trône. « Ce Karak est peuplé de boul…de gens ayant tendance à m’irriter et quand on en n’a pas sous le coude, on en importe de l’extérieur ! Qui êtes-vous ? Qu’est-ce que vous faîtes ici ? »
- « Euh, je suis Elenwë, votre épouse, mais techniquement je suis une grenouille sur votre tête. »
- « Non, mais pas vous, espèce de grelu…d’adorable épouse. Vous là ! Vous n’êtes pas de mon Karak, je me serais souvenu d’une tronche pareille…car elle est dotée de traits très…conceptuels. »

Le nain au milieu de la salle fronça les sourcils en reculant, ne retrouvant un semblant de calme que lorsque Arzhiel recouvrit sa grenouille parlante avec son casque.

- « Je suis un émissaire de la guilde des marchands des trois cités des Eaux-Fourbes. Je suis agent de recouvrement et comme convenu avec votre cousin Rugfid qui se fait appeler « le pire bourge trop beau gosse », je viens saisir une partie de votre trésorerie, de votre mobilier et quelques serviteurs aussi. Messire ? »
- « Chut, je suis en train d’hyper-ventiler pour éviter de me mettre en rogne et vous exploser. Poursuivez, je vous prie, mon bon monsieur. »
- « Alors… »fit le nain un peu troublé en cherchant dans ses parchemins. « La guilde m’envoit vers vous car nous sommes de la même race et qu’ils ne souhaitent qu’une fin heureuse à cette déplorable histoire. »
- « A brûle-pourpoint, on peut dire que c’est en effet bien parti ! »
- « Il semblerait que vous soyez le seul membre de famille de messire Rugfid, comme indiqué sur son contrat de recouvrement. Ses dépenses récentes ayant largement dépassées les gains de son entreprise de fabrication de…papier-latrines, il est très endetté et je dois couvrir ses frais sur votre fortune personnelle. Où est la salle des coffres, je vous prie ? »

Arzhiel, occupé à se faire les dents sur les accoudoirs de son trône pour se calmer, se redressa en tremblotant, à un doigt d’imploser littéralement.

- « Vous savez, mon ami, ma femme prétend que j’ai les ennuis et ceux qui les emportent, voire les incarnent, que je mérite. C’est peut-être justifié, je ne suis pas un bon mari, un bon guerrier, un bon tacticien, un bon amant, un bon seigneur de Karak et en plus je souffre de gaz au lit. Sur ma tête, grenouille comprise, je vous jure que si cette journée si caractéristique de mon quotidien doit être la dernière en tant que nain, je n’aurais pas le moindre regret à vous formuler la réponse suivante à votre requête : »

- « Vous n’aurez pas le moindre sou, vous allez déblayer dans la minute et en ce qui concerne le règlement de la dette de mon cousin qui est la mienne maintenant, je brise votre mère par le siège !!! »

Arzhiel attendit le sortilège censé le changer en troubadour elfe mais celui-ci ne venant pas, il soulagea sa soudaine joie en dansant avec son visiteur hébété avant de l’expédier à la porte d’un magistral et appuyé coup de pied dans le fondement.

- « Alors quoi ? » lança-t-il à la grenouille. « On pionce là-haut ?! »
- « Snif ! » renifla Elenwë larmoyante. « C’était un si beau discours, si émouvant et…si vrai ! Vous avez enfin compris la leçon ? »
- « Mouais », répondit Arzhiel en s’envoyant une bouchée. « Je suis le chef des boulets. »
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MessageSujet: Re: La Saison 4   La Saison 4 Icon_minitimeJeu 15 Mai - 10:20

Episode 108 – La Banqueroute II

Lancé avec verve et émotion dans le récit d’une bataille des Âges Anciens où leurs ancêtres, fidèles au dieu Protecteur, avaient farouchement résistés à un assaut orc, Garfyon ne se rendit pas compte tout de suite que les élèves de son cours de théologie avaient cessé de graver. Le vieux prêtre aperçut alors Arzhiel sur le seuil de la caverne, inspectant d’un regard perçant les rangs des nombreux disciples.

- « Seigneur ? Je ne vous ai pas entendu frapper à la porte. »
- « Sans doute parce que je n’ai pas frappé. »
- « Et vous interrompez mon cours parce que… ? »
- « Parce que je croyais que c’était la salle de repos vu le nombre qui pionçait. Non, je vanne. En fait, c’est parce que je suis le seigneur du Karak et que je fais ce qui me chante. Il est où ? »

Garfyon haussa les épaules comme si la réponse était évidente et la question saugrenue. Arzhiel comprit aussitôt et repéra Hjotra au fond de la salle, au coin, coiffé d’un bonnet d’âne.

- « Je vous l’emprunte », indiqua Arzhiel en sortant avec l’ingénieur.
- « Je vous le donne ! » répondit vivement Garfyon.
- « J’étais puni », gloussa Hjotra, tiré par la main par Arzhiel.
- « Maintenant, c’est moi qui le suis. J’ai besoin de vous. »

Arzhiel mena l’ingénieur jusqu’à Elenwë qui se préparait à la rencontre en inspirant profondément et en massant ses tempes. Hjotra, ne comprenant pas ce qu’il se passait mais ricanant néanmoins, fut planté devant le couple qui le fixa avec insistance, échangea un regard entendu puis lui fit signe.

- « Allez-y, Hjotra. Parlez-nous de votre dernier rêve et ne lésinez surtout pas sur les détails ! Plus c’est chiant, décousu et incompréhensible, mieux ce sera. Donnez votre meilleur ! »

Le nain fut surpris mais s’exécuta. Arzhiel et Elenwë souffrirent dès le début en écoutant son histoire, tremblant, suant et même chancelant sous l’effet de la migraine. Pourtant, chacun écouta avec attention. Ce fut Elenwë qui craqua la première et s’effondra au bout d’une poignée de minutes.

- « Et quand le géant à deux têtes aux jambes en fromage eut fini de me dévorer, on fit une partie de saute-bélier et c’est là que les vautours attaquèrent. Moi je me suis caché dans une poterie et… »
- « Stop, par pitié ! » supplia l’elfe tandis qu’Arzhiel, terrassé mais victorieux, reculait pour récupérer. « C’est insupportable ! J’admets ma défaite. C’est inéquitable. Vous avez plus d’entraînement que moi. »
- « Et vous pensez que ça épargne ma santé mentale ?! Vous avez perdu. C’est à vous de lui annoncer. »
- « Il se passe quoi ? » demanda Hjotra. « C’est un jeu ? »
- « Nul et pas drôle si on veut. C’est le Seuil de Tolérance. On ne savait pas comment choisir celui qui vous le direz. On a inventé ça. »
- « C’est marrant. Je le referai en cours avec Garfyon ! Vous vouliez me dire quoi ? »
- « Rugfid a accumulé des dettes colossales que le Karak doit recouvrir à sa place parce que j’ai épousé un nain au seul membre de la famille encore vivant particulièrement nuisible et parasitaire », expliqua Elenwë appuyée par Arzhiel qui acquiesçait gravement. « Le trésor est vide, on a du fermer plusieurs forges et champignonnières et la population est obligée de quitter la montagne pour vivre dans la vallée afin de survivre parce qu’il n’y a que là-bas qu’ils pourront…comment on dit ? Le truc là dans les champs, pénible et avilissant… »
- « Travailler », répondit Arzhiel avec un regard en coin pour son épouse.
- « C’est ça ! Je ne le retiens jamais celui-là. Bref, Hjotra, au dernier tirage au sort de Svorn pour décider quelle famille devrait partir aujourd’hui, le sort… »
- « ...ou la tricherie du chauve débile nourrie de rancoeur et de haine à votre égard… »
- « …a voulu qu’il s’agisse de votre famille, Hjotra. Vos huit sœurs et leurs proches sont bannis du Karak. Ils partent dans une heure. En tant qu’ingénieur en chef, la mesure ne s’applique pas à vous. »
- « Un malheur ne vient jamais seul », grommela Arzhiel. « Huit naines de perdues, un boulet de retrouvé. Tout ceci n’arriverait pas si vous étiez capable de nous fournir les plans des golems d’acier ! On pourrait les vendre pour nous renflouer ! »
- « Je me demande si c’est la faute de l’ingénieur demeuré qui ne sait pas écrire et dessiner un plan ou celle du plus demeuré encore qui l’a embauché ? » s’interrogea Elenwë. « Hjotra, ça va aller ? C’est un coup dur pour vous, je sais. »
- « En fait, j’ai rien compris », avoua le nain avec un sourire niais. « Vous pouvez répéter ? »
- « Maintenant qu’il a répondu à votre question de savoir si le Seuil de Tolérance était vraiment utile, répondez à la sienne », murmura Arzhiel à son épouse avant de la laisser pour mieux apprécier sa victoire.

Une heure et quelques tisanes pour calmer la nervosité plus tard

- « Leurs adieux sont déchirants », commenta Elenwë en observant la famille de Hjotra le quitter aux portes du Karak. « Si je n’avais pas si parfaitement réussi mon maquillage ce matin, je crois que je verserais une larme ! Regardez ce pauvre Hjotra. Il ne cesse de pleurer en étreignant sa poitrine. »
- « Ce n’est pas tout à fait ça », rectifia Arzhiel, un peu honteux. « Il a entendu l’expression « pincement au cœur » tout à l’heure et il ne la connaît pas. Il a donc testé. Cet abruti s’est arraché la moitié du téton. »
- « Salutations, seigneur à la grenouille ! » lança Svorn en avançant d’un pas fier.
- « Moi au moins j’ai quelque chose sur la tête, Haut-Prêtre dégarni. Vous ne seriez pas en train de sourire parce que vous avez banni les sœurs de Hjotra dont la moitié vous a collé une veste à vos demandes de mariage par hasard ? »
- « Remettriez-vous en cause la justesse du choix divin de Traros exécuté par ma main innocente ? C’est innocent qui vous fait marrer ? Profitez-en bien ! Sachez qu’un couple aussi impie que le vôtre n’est pas à l’abri du choix d’un dieu ! Le peuple ne serait pas choqué de voir son seigneur et son épouse elfe impure bannis à leur tour à cause de la misère qu’ils ont engendrés eux-mêmes ! Votre avenir réside entre mes mains…AIEEE ! »
- « Désolé, la béquille est partie toute seule », fit Arzhiel.
- « Pareil pour la langue de flammes », s’excusa Elenwë tandis que Svorn s’éloignait en boitant et en cramant.
- « Il doit être tendu à jouer au Seuil de Tolérance », remarqua Arzhiel. « Peut-être pire que Hjotra, même si cette dernière phrase n’est pas facile à placer dans une conversation. »
- « Il n’empêche qu’il n’a pas tort. Vous devez assainir les finances avant que ce cornichon n’en profite pour s’emparer du trône. Vous n’avez pas une idée ? »
- « Peut-être bien… »
- « Et une autre que me faire danser nue sur les tables à la taverne ! »
- « Alors non. De toute manière, l’honneur m’oblige à retrouver mon cousin d’abord afin de me venger de son indécrottable débilité. Mais comment le retrouver ? Son unique don réside dans son talent à fuir et se planquer. »
- « Seigneur ! » lança Hjotra en approchant. « Je pars avec mes sœurs. Elles ont trouvé un boulot pour moi dans la vallée ! »
- « Je croyais que le cirque ne revenait qu’à la saison prochaine. »
- « Non, je vais être chasseur de primes ! » s’exclama fièrement l’ingénieur. « Regardez ce parchemin de mise à prix placardé au bourg des bouseux. La récompense est élevée. »
- « Hjotra, Hjotra, Hjotra ! » le tempéra Arzhiel. « Votre enthousiasme est naturel mais cette idée est absurde. Vous êtes incapable de chasser un moustique alors un pirate orc ou tueur en série elfe noir, vous imaginez ! C’est comme envoyer ma femme expliquer l’abstinence dans un monastère ! »

Elenwë levait le poing pour frapper avant de réfléchir à la comparaison et se raviser.

- « C’est pas faux », admit-elle.
- « Vous êtes plein de bonne volonté, Hjotra. Mais comment vous dire sans vous froisser ? Vous êtes débile. Je n’ai pas d’autre argument. »
- « Vous croyez que je n’y arriverais pas, seigneur ? » demanda Hjotra, déçu. « C’est dommage. En plus, ce type recherché, je le connais drôlement bien et la récompense était belle. »
- « Vous connaissez la racaille vous maintenant ? Je croyais qu’on avait décidés de limiter les tournées de bouges dans les villages humains ! »
- « On recherche le Pire Bourge Trop Beau Gosse », lut Elenwë en dépliant le parchemin. « Où est-ce que j’ai déjà entendu ce surnom de crétin ? Waaaaahh ! La récompense ! J’aurais peut-être du épouser un chasseur de primes après tout… »
- « C’est Rugfid ! » hurla Arzhiel en arrachant le parchemin des mains de son épouse. « Et sa récompense ! Elle rembourserait la moitié de nos dettes ! Non…Vous pensez à ce que je pense ? »
- « Ouais ! » s’écria Hjotra en sautant au cou de son seigneur dans une accolade furieuse. « On repart à l’aventure ! J’ai une idée ! Si on se faisait appeler le célèbre duo à la grenouille ! Ou les Crapoteux ! Ou les chasseurs de primes à la grenouille sur la tête ! Ah non, moi j’ai rien sur la tête, zut ! »
- « Ni dedans je vous rassure. Je ne veux pas être chasseur de primes ! C’est dangereux, ça daube et ça craint ! »
- « Et je ne veux pas être pauvre », répondit Elenwë. « Chacun a ses soucis, mon bon. Je vais chercher votre hache et votre casque. Rappelez-moi, chez les nains, je dois porter le deuil combien de temps avant de pouvoir me dégotter un nouvel amant ? »
- « Pas plus que d’habitude, ma belle. Disons, la semaine prochaine, au passage de la prochaine troupe de comédiens itinérants elfes… »
- « Je vous répète que ce jeune adonis ne faisait que humer mon parfum ! »
- « Direct dans le décolleté ?! Il doit sentir d’autres effluves depuis que j’ai planté sa tête sur une pique dans le vestiaire des berserkers ! »
- « Un jeune comédien si plein de…talents ! Vous n’êtes qu’un bourrin. Le métier de chasseur de primes est fait pour vous ! »
- « Pourquoi ? Vous pensez que je pourrais buter encore plus d’elfes ? »

Elenwë, vexée, claqua des doigts, libérant un éclair vengeur depuis la grenouille juchée sur la tête de son époux.

- « C’est bon, c’est bon, j’irai ! » se ravisa Arzhiel en se tordant par terre. « Et je ferai équipe avec Hjotra ! Franchement, qu’est-ce qui pourrait m’arriver de pire que ça ?! »
- « Seigneur ! » appela Brandir, n’arrêtant son trot qu’une fois arrivé devant Hjotra qui, fou de joie, s’était jeté par terre sur Arzhiel. « Je démissionne ! Un messager vient juste de me livrer ma licence de chasseur de primes ! Il paraît que ça paye bien ! »
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MessageSujet: Re: La Saison 4   La Saison 4 Icon_minitimeJeu 15 Mai - 10:21

Episode 109 – En Chasse

La masse hérissée de pointes du barbare fracassa la moitié du bouclier d’Arzhiel dans un bruit sourd et une pluie de débris de bois. Le seigneur de guerre fut projeté en arrière et heurta le tronc d’un arbre dans lequel se planta l’arme de son adversaire, juste à côté de sa tête. Arzhiel, déséquilibré, manqua sa riposte et son coup de marteau dans la rotule de l’humain ne fut pas assez appuyé pour le faire chuter. Il posa alors le pied sur Hjotra, étendu à portée et le fit rouler vers le barbare. Ce dernier, chancelant, s’écroula, fauché par l’ingénieur en boule. Arzhiel, à bout de souffle et de force, l’assomma finalement d’un coup à la tempe.

- « C’est bon ! » haleta le nain. « Je l’ai eu ! »
- « Techniquement, c’est moi qui l’ai eu », rectifia Hjotra en se relevant.
- « Oui et moi j’ai eu notre cible ! » claironna Brandir, tenant en respect un autre humain chétif, plus loin. « Il va vous falloir être plus efficace si vous voulez toucher votre part de la prime à l’avenir, seigneur. »
- « C’est clair que c’est moi qui ai besoin de bosser ! » rouspéta Arzhiel. « C’était quoi cette attaque surprise ?! On ne parle pas aux pigeons avant une embuscade, même s’ils sont marrants et mignons » (le nain foudroya Hjotra du regard) « et même s’ils semblent vous avoir provoqué avec un regard insolent » (Arzhiel fusilla cette fois Brandir). « On fout la paix aux piafs, c’est clair ?! C’est comme réciter l’alphabet runique en rotant comme hier ou imiter la voix d’un ogre à l’auberge pour obtenir du rab de potée gratuit, l’avant-veille ! »
- « Oh doux seigneur ! » s’exclama le captif ligoté. « C’était vous ?! J’ai fini la soirée enfermé dans un tonneau à la cave à me planquer ! »
- « Brandir, tapotez-le un peu pour le calmer celui-là ou faites-lui renifler vos aisselles s’il fait le malin. Est-ce que quelqu’un est blessé ? »
- « Je me suis coupé à l’arrière-bras lors de l’exécution de ma technique de l’hérisson en boule », répondit Hjotra.
- « L’arrière-bras, ça existe pas. »
- « Entre l’épaule et l’avant-bras, vous appelez ça comment, vous ? »
- « C’est évident, c’est…euh…Bon, Brandir, ça va vous ? Vous êtes brûlé au front ? Vous avez morflé une boule de feu ? »
- « Non, je me suis brûlé ce matin avec un haricot trop cuit. »
- « D’accord, je vois. Moi, ça va au fait. Toujours envie de commettre deux homicides puis de me pendre, donc rien de nouveau. Ivor le Fallacieux, je vais vous déférer aux autorités compétentes qui vous recherchent pour vol de bougies, trafic de peignes et commerce illégal de potions de virilité à base de tripes de chat. Je n’aurais qu’une question : c’est vous qui avez trouvé votre surnom ? »
- « Une carrière au service du crime qui s’achève brutalement stoppée par des vaillants chasseurs de primes ivre de justice ! » s’exclama Hjotra dans une pose altière, l’index vers le ciel.
- « Oh non », râla Arzhiel. « Vous n’allez pas nous sortir votre devise à chaque arrestation quand même ! Allez, on se barre. Laissez le garde du corps, il n’est pas recherché, mais prenez-lui son froc car il m’a bien gercé. »

La compagnie reprit la route et rallia la ville la plus proche où les nains présentèrent leur captif au sergent d’armes. Arzhiel poussa Ivor d’une bourrade vers le garde humain et tendit la main avec un sourire avide. L’homme déposa trois pièces d’or dans sa paume tendue avant de les récupérer une à une en énonçant les frais engagés par l’équipe de nains deux jours avant à l’auberge, puis rendit la monnaie en une pièce de cuivre sale et grignotée sur un côté.

- « Il me faut une bière », déclara Arzhiel d’une voix traînante et faible, le regard désespéré rivé sur la malheureuse piècette qui trônait au creux de sa main.
- « On peut avoir notre part ? » demandèrent Hjotra et Brandir.
- « Il faut qu’on change notre approche », murmura Arzhiel après avoir payé leur dû en taloches à ses soldats. « Laissons tomber la friture, il nous faut un gros poisson. »
- « Ouais, on va manger ! » triompha Brandir avant d’être menacé d’une baffe.
- « Capturez Rugfid dans ce cas », proposa une voix dans leur dos.
- « Si seulement on savait où le trouver », grogna Arzhiel. « On a écumé tous les bistrots à tapin qu’il fréquente et il n’est nulle part…Mais qui… ?! »

Le nain fit brusquement volte-face et reconnut Doreen, la chasseuse de primes humaine rencontrée quelques semaines auparavant.

- « C’est l’Abeille ! Vous êtes encore en vie ? »
- « Mon nom est Doreen », rétorqua l’humaine, vexée. « Et oui, j’ai survécu à cette affreuse piqûre. »
- « Qu’est-ce que vous fichez là ? » interrogea Arzhiel, méfiant. « Vous êtes tombée amoureuse de moi et vous me filez mon joli train, c’est ça ? »
- « Ou alors, je suis chasseuse de primes et comme vous, je traîne non loin des avis de recherche. Je vous ai entendu et je crois qu’on peut s’entraider. Je sais où trouver Aymeric le Démon qui vaut plusieurs centaines de pièces d’or. Mais seule, je ne pourrais jamais lui survivre. J’ai besoin de vous ! »
- « Vous êtes certaine ? » demanda Arzhiel en pointant du doigt Hjotra qui se cachait, terrifié, derrière un tonneau à la vue d’un groupe d’enfants et Brandir qui surveillait l’étal d’un marchand pour lui voler la charcuterie exposée. « Je ne sors jamais sans l’élite de mes guerriers. »
- « Pas le choix, on fera avec », répondit piteusement Doreen tandis que Hjotra rampait jusqu’à elle pour esquiver une fillette de quatre ans. « Aymeric se cache tout près mais ne reste jamais longtemps en place. Demain matin, il aura disparu. Décidez-vous ! »
- « En route, alors », soupira le seigneur de guerre en relevant Hjotra par la ceinture. « L’Abeille, vous passez devant ! Je n’aime pas trop sentir le poids du regard envieux d’une humaine sur mon fondement. »

- « Il est là », indiqua Doreen, deux heures plus tard, au groupe caché derrière un buisson. « Il va passer la nuit dans cette tour en ruines. On l’attaque dès qu’il s’endort. »
- « Il a fait quoi pour être recherché ? » interrogea Arzhiel.
- « C’est un capitaine déserteur et un redoutable tueur. Il a massacré des ennemis par dizaines sur le champ de bataille avant de s’en prendre aux siens et de fuir. La rumeur prétend qu’il sombre dans des crises de démences meurtrières, d’où son surnom de démon. D’autres questions ? »
- « On connaît sa pointure ? » demanda Brandir en fixant avec intérêt les bottes du guerrier.
- « Et comment on peut capturer un assassin vétéran timbré et sur ses gardes ? »
- « Il a un point faible », confia Doreen dans un clin d’œil. « Je le suis depuis des jours. Il s’arrange toujours pour éviter les points d’eau, mare, fontaine, rivière…Il les évite comme la peste. »
- « Génial, en plus il est crade comme un clodo. Brandir, je vous laisse les bottes. Oh ! Il se couche ! Je réveille Hjotra et on approche ! »

Le groupe se faufila dans les ombres et encercla la ruine en silence. Au signal de Doreen, les nains se ruèrent à l’intérieur en déversant le baquet et les seaux d’eau transportés avec eux. Aymeric hurla en se retrouvant trempé puis, observa avec perplexité les nains immobiles devant lui.

- « Est-ce que je peux…vous aider, messires ? » demanda Aymeric en essorant sa chemise lessivée.
- « Vous avez mal là ou pas ? Ou peur ? »
- « Froid, ça compte ? »
- « Mouais, je ne suis pas expert en observation, mais je le sens pas trop le coup du point faible avec la flotte », commenta Arzhiel. « Bon, revenons à l’ancienne méthode. Allez, le grand, debout. On te capture. Tu as le droit de garder le silence car tout ce que tu diras risque de nous gonfler et on te tapera. »
- « Des chasseurs de primes ?! » s’énerva Aymeric. « Ne pouvez-vous donc pas me laisser en paix ?! Oh, je comprends pour l’eau ! Idiots ! Inconscients ! Si je fuis l’eau c’est que je suis possédé par un démon et qu’il prend possession de mon corps dès que j’aperçois mon reflet quelque part. C’est pour épargner des innocents que j’ai déserté ! »
- « Euh, Doreen ? » appela Arzhiel en sortant la tête des ruines. « C’est marrant, mais je n’avais pas noté ce détail-là durant l’exposition du plan. »
- « Vous allez regretter de vous être mêlés de mes affaires ! » s’écria Aymeric en dégainant une lourde épée longue ciselée.
- « C’est ça ! » s’exclama Hjotra. « Désarmer le prisonnier ! J’oublie cette étape à chaque fois. »

Doreen, cachée à l’écart dans les fourrés, n’entendit plus la suite de la discussion, recouverte par les cris de rage d’Aymeric, les chants de guerre de Brandir et le fracas frénétique des armes. Quand le silence retomba peu après et qu’elle daigna enfin sortir de son abri, la jeune humaine retrouva les trois nains rossés et ensanglantés, mais victorieux.

- « Vous l’avez vaincu ?! » fit-elle, stupéfaite devant la scène de carnage.
- « Une victoire franche même », ironisa Arzhiel en se tordant au sol, en charpie.
- « Eclatante… »ajouta Hjotra, incrusté à l’envers dans un mur.
- « Digne de notre réputation », acheva Brandir avant de vomir du sang.
- « Mais il n’a pas une blessure, juste une vilaine bosse et vous, vous ressemblez à des zombis, mais en plus dégueus ! Qu’est-ce qu’il s’est passé ? »
- « Il nous a pourri », résuma Arzhiel. « Je lui ai jeté Brandir dessus pour me protéger mais il n’y a que sa besace qui est partie. Aymeric l’a frappé au vol. Et il s’est pris le saucisson au poivre que Brandir a braqué tout à l’heure en pleine poire. Le poivre dans les yeux, il a voulu reculer et il s’est assommé en se mangeant le mur. Donc une belle victoire, propre et nette. »
- « Félicitations ! » les applaudit Doreen en décollant Hjotra avec un levier. « On fait une bonne équipe, non ?! Vous m’acceptez dans votre groupe ? »
- « Disons qu’on vise un certain niveau de compétences et vu la qualité des renseignements que vous avez fournis, on peut dire que vous rivalisez avec les meilleurs d’entre-nous. Et surtout, je suis blessé partout, jusqu’à la grenouille, et j’ai besoin de quelqu’un pour aller chercher du secours. Que de nobles raison, quoi. »
- « Vous ne le regretterez pas, chef ! » rit gaiement Doreen, satisfaite. « Les méchants n’ont qu’à bien se tenir ! »
- « Il me tarde sincèrement la prochaine mission », réussit à dire Arzhiel avant de sombrer dans le coma.
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MessageSujet: Re: La Saison 4   La Saison 4 Icon_minitimeJeu 15 Mai - 10:21

Episode 110 – Cochon Qui s’en Dédit

Agenouillé au milieu de cercles de runes ancestrales et mystiques, Arzhiel méditait, revêtu de son armure étincelante, sa hache maudite fichée au sol à ses côtés, son noble heaume de guerre déposé devant lui. Le nain récitait en de faibles murmures les prières millénaires de son peuple, louant les puissances célestes de lui accorder vaillance et vigueur en vue d’un prochain combat. Assise en face de lui, Doreen tuait le temps en jetant des insectes morts à la grenouille ornant le sommet du crâne du nain, cette dernière coassant de plaisir entre deux gobées.

- « Je ne m’en lasse pas », soupira la jeune fille en souriant.
- « Et vous ne protestez même pas », persifla Elenwë à travers la grenouille. « Avouez-le. Elle vous plaît cette humaine, n’est-ce pas ? »
- « Vous êtes sûres de ne pas vouloir faire un tour toutes les deux ? » marmonna Arzhiel. « Je suis en pleine transe là. »
- « Admettez d’abord que vous ne l’avez enrôlée que pour unir vos intimités ! »
- « Ça veut dire quoi ça ? Que je veux me la faire ? Vous ne pouvez pas parler normalement comme tout le monde ? Et puis, c’est débile, c’est même pas un garçon manqué, c’est une fille pas commencée ! »
- « Euh, vous savez que je suis là ? » fit Doreen en levant le doigt pour signaler sa présence.
- « Allez, c’est pas grave », ronchonna Arzhiel en se relevant. « C’est mort pour le rituel du guerrier. De toute manière, je ne comptais pas survivre au prochain combat. Allons retrouver les deux tartes s’ils ne se sont pas paumés en chemin. »

Arzhiel et Doreen rassemblèrent leurs affaires, l’un se hâtant de cacher sa grenouille sous son casque et l’autre vérifiant à la dérobée son reflet si elle ressemblait à un garçon. Puis rejoignant le point de rendez-vous, ils n’eurent qu’une heure à attendre pour voir revenir Hjotra et Brandir.

- « Revoilà nos amis les bêtes ! » les accueillit Arzhiel tandis que Hjotra cherchait derrière lui de qui ils parlaient. « Alors, Brandir, cette reconnaissance dans les bois ? »
- « Je me suis fait attaquer par une pieuvre ! » répondit Brandir, affolé, en surveillant la forêt alentour avec angoisse.
- « Un crochet à la taverne donc », traduisit Arzhiel. « Et vous ? Vous avez ramené quoi comme ravitaillement ? »
- « Alors, j’ai acheté des carottes aux pécores et de la confiture », répondit joyeusement Hjotra. « Les carottes, c’est au cas où on tombe sur un ennemi méchant, on les lui offre à manger et comme ça, ça le rend bien plus aimable. La confiture, c’est parce qu’on va chasser des cochons et que le proverbe dit bien qu’ils aiment ça. »
- « On va capturer un voleur de porcs, pas les porcs eux-mêmes ! »
- « Il est un peu lent, non ? » murmura Doreen à l’oreille du seigneur de guerre blasé.
- « Laissez-le vous expliquer sa théorie sur les légumes blancs qui sont plus dangereux que les légumes verts parce qu’ils ne sont pas verts, vous verrez que ce n’est pas de la lenteur, mais du surplace. »
- « En parlant de surplace, je pense qu’il vaudrait mieux se mettre en route », déclara la jeune fille en goûtant la confiture. « Mon informateur est un nouveau contact, évitons de lui poser un lapin, mon lapin. »

La chasseuse de primes caressa la joue du nain d’un air facétieux, déclenchant une nouvelle dispute avec Elenwë à laquelle se joignit bientôt Hjotra, désireux de comprendre la nature exacte de leur cible, cochon ou lapin. Doreen mena le groupe jusqu’à une hutte isolée et particulièrement sale où un ermite crasseux au regard fou les invita à son souper comme le soir venait.

- « Vous cherchez à mettre la main sur le Groin, c’est ça ? » caqueta-t-il entre deux bouchées.
- « Le Groin, l’orc voleur de bétail spécialisé dans les porcs », confirma Doreen. « La rumeur prétend que vous connaissez sa cachette. »
- « Potentiellement peut-être… »
- « C’est une réponse ça ?! » tiqua Arzhiel en mâchant.
- « En négociation, oui », intervint Doreen en posant quelques pièces sur la table.
- « Mouais. N’empêche que si j’avais une piécette à chaque fois que je réponds une ânerie, on ne courserait pas la racaille pour éponger nos dettes. »
- « Le Groin campe près du Gué des Saules. Resservez-vous si vous avez faim. »
- « Au fait, c’est quoi comme plat ? »
- « Des testicules de chiens errants marinés dans leur jus. »

Arzhiel recracha aussitôt sa bouchée dans sa chope, Doreen s’évanouit et glissa à terre, Hjotra se mit à pleurer et Brandir, impassible, se resservit en rotant de satisfaction.

- « Voyez le bon côté des choses », commenta Elenwë quand la troupe fut sortie. « Au moins, maintenant vous savez qu’il ne faudra pas traîner dans le coin si jamais je vous change en chien. »
- « Le clodo a son compte ! » annonça Hjotra en s’écartant de la cabane ravagée par les flammes. « J’ai récupéré notre argent aussi. On peut y aller dès que Doreen arrête de vomir. »
- « Je vous présente mes excuses », fit la jeune fille, se sentant responsable.
- « Enchanté », répondit Arzhiel. « Je rajoute cet incident à la liste de Rugfid. Croyez-moi qu’il va prendre cher quand on le retrouvera. En attendant, allons faire mordre la poussière au Groin ! »

Les quatre chasseurs de primes marchèrent avec hâte vers le Gué des Saules, sans cesser de se rincer la bouche et de cracher au sol. Lorsque le camp du Groin fut en vue, ils se cachèrent à l’écart mais à peine commençaient-ils à échafauder un plan (la main devant la bouche à cause de l’haleine), un large filet leur tomba dessus, les rivant sur place. Groin et ses sbires jaillirent de la pénombre en ricanant grassement.

- « Le vieil ermite marche avec notre gang, stupides chasseurs de primes ! » éructa l’orc. « On s’offre ses services avec des pieds de porcs. Ça le change de sa pitance habituelle. Une dernière volonté avant de servir de repas à mes petites bêtes ? »
- « Deux, en fait », répondit Arzhiel, empêtré. « La première serait de nous libérer parce que Doreen en profite pour me tripoter et ma femme me surveille sous mon casque. La seconde serait que tu recules, orc, car l’effluve d’urine et de déjection porcine que tu véhicules m’indispose encore plus que la vue proche de ton faciès. »
- « Tuez-les ! » grogna le Groin.
- « Attendez ! » s’écria Hjotra. « J’ai de la confiture ! Et des carottes ! »
- « Euh, non, » fit Brandir. « Y a plus de confiture. J’ai fini le pot sur le chemin… »
- « Vous êtes pathétiques », grommela le Groin. « Allez, les gars ! Débarrassez-nous de…AHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHH !!! »

Une pieuvre énorme jaillit tout à coup d’un arbre et retomba sur l’orc, lui brisant les os en l’écrasant entre ses tentacules avant de pourchasser ses acolytes qui prirent la fuite en panique.

- « Ce…c’était une pieuvre ? » balbutia Arzhiel alors que Brandir se recroquevillait dans son dos.
- « Quel temps de cochon ! » conclut Hjotra en surveillant le ciel d’un air ronchon.
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MessageSujet: Re: La Saison 4   La Saison 4 Icon_minitimeJeu 15 Mai - 10:22

Episode 111 – Le Disparu

Le messager gravit la colline abrupte en soufflant et en hoquetant, blafard, en nage et vacillant à chaque pas sous le poids de sa cargaison. Lorsque l’interminable sentier sinueux le porta enfin au sommet de la pente, il s’écroula d’un bloc sur le séant, ne cessant d’haleter que pour vider le fond de sa gourde. Ce fut à peine s’il leva la tête quand le groupe d’Arzhiel se pressa autour de lui.

- « Le courrier, monseigneur ! » annonça fébrilement le nain coursier en ouvrant le sac passé sur son dos pour en sortir des tablettes de bois. « Ces messires pourront constater qu’ils ne m’ont pas fait crapahuter trois jours dans la région à vide. Et qu’ils se rassurent si le scrupule de m’avoir exposé aux loups et aux brigands les tiraille, le poids conséquent de leur courrier n’aura pas été la pire gêne lors de mes multiples fuites pour échapper aux périls. »
- « Ce n’est pas la peine de vous montrer grognon, la voilà votre pièce ! » répondit Arzhiel en lançant au nain éreinté de fatigue une malheureuse piécette.
- « C’est quoi ces tablettes de bois ? » interrogea Doreen en examinant les planches couvertes de runes.
- « Les nouvelles et les rapports récents », répondit le messager à l’humaine. « Les nains ne sont pas aussi imperméables à la technologie étrangère qu’on essait de le faire croire. On utilise des supports en bois pour faciliter la gravure et le transport. Même si certains demeurent à mon goût bien trop attachés aux anciennes mœurs… »

Le nain sortit avec peine une lourde tablette en pierre qu’il tendit à Brandir avec un regard rancunier prononcé.

- « Du courrier pour moi ?! » réagit le berserker, étonné. « Impossible, je ne sais pas lire et je n’ai ni famille ni ami. Remballez ça mon vieux, ce doit être une erreur. »
- « Faites voir ! » intervint Arzhiel alors que le coursier cédait son teint livide pour un brusque virage vers l’écarlate version homicide.
- « Vous ne lisez pas vos rapports d’abord ? » questionna Doreen.
- « Non, il n’y a que des lettres d’insultes de Svorn, des rappels de paiement de dettes et des déclarations de guerre de seigneurs voisins sans doute provoqués par Svorn ou vexés par Elenwë. Vous pensez que j’avais prévu en laissant le Karak à ces deux-là ! Garfyon est chargé de rattraper le coup en adressant en retour des lettres d’excuses vierges que j’ai préparé avant de partir. Croyez-moi, le plus bizarre dans le tas, c’est bien une tablette pour Brandir ! Par les valseuses de mes ancêtres ! C’est une déclaration d’amour ! Il est temps que je rentre. Ils craquent tous à la maison. »
- « Lisez, seigneur ! » s’exclama Brandir, dévoré par la curiosité. « C’est gravé quoi ? »
- « Des mièvreries dans l’ensemble, quelques rimes pathétiques et des compliments à gerber. Je ne lis pas à haute voix, c’est trop la honte. Visez ça : votre regard pétillant et votre démarche chaloupée me ravisent le cœur ».
- « J’ai rien compris », soupira le guerrier. « Y a plein de mots… »
- « En gros, ça veut dire que vous avez un regard de pigeon et que vous marchez comme une quille », traduisit Arzhiel en poursuivant sa lecture. « Ma parole, c’est digne de Rugfid mais ce n’est même pas une vanne. Y a les runes officielles et même une demande d’enfantement. »
- « Berk, c’est dégueu », commenta Hjotra, grimaçant en examinant Brandir.
- « C’est signé Briga Brumacier, c’est un vrai nom d’une vraie naine qui existe ! Et c’est pas une pécore, y a un forgeron et un protecteur dans son arbre généalogique ! Vous la connaissez ? »
- « Briga ? Oui, c’est la fille qui voulait danser avec moi au Bal des Fûts Percés. Mais j’étais trop ivre et je l’ai prise pour un dragon. Je trouvais curieux aussi qu’elle revienne m’inviter après que je l’ai étalée d’une droite dans les dents avant de l’enfermer dans un tonneau. Dites, seigneur. Ça veut dire que je vais me marier et avoir une descendance ? »
- « Ça me fait mal de le dire, mais si vous acceptez, oui. On dirait que vous allez réaliser votre rêve. Vous allez pouvoir avoir des héritiers et enfin trouver ensuite une mort glorieuse. »
- « Si ça ne faisait pas aussi tapette et elfe, je crois que je verserai une larme de joie », déclara le berserker félicité par tout le monde, sauf Arzhiel.
- « Je file au Karak communiquer votre accord ! » s’exclama gaiement le messager. « Vous auriez des provisions ? Un ours m’a raflé les miennes tandis que je fuyais une bande de gobelins en traversant une rivière en crue. »
- « Mangez des racines et des graines, ça complètera votre régime de sportif », le rabroua Arzhiel. « Maintenant, barrez-vous avant que je ne vous donne de l’élan ! »
- « Pourquoi vous faîtes la tête comme lorsque vous parlez de votre épouse ? » s’enquit Doreen. « Vous avez peur d’être le témoin du mariage de Brandir ? »
- « Occupez-vous de vos miches dès qu’elles pousseront. Allez, c’est bon, les enfants ! On a de la route à faire et un contrat à honorer. »

Le seigneur de guerre fit repartir le groupe d’un pas décidé, sans se départir de son expression bourrue et renfermée sous les regards interrogatifs de Doreen. Brandir, aux anges, avait du mal à suivre le rythme rapide imposé, surtout depuis qu’il s’était mis en tête d’améliorer sa démarche dite de la quille. Après quelques heures de marche où Arzhiel ne décrocha que des grognements réguliers et Brandir, des gloussements ponctuels, les quatre chasseurs de primes parvinrent aux abords d’un marécage infect et désolé.

- « Vous n’êtes quand même pas jaloux parce que votre ami va se marier avec une naine alors que vous êtes avec une elfe ? » demanda Doreen à Arzhiel tandis qu’ils surveillaient les alentours.
- « Jaloux de Brandir ?! » manqua de s’étouffer le seigneur de guerre. « Si je ne faisais pas la gueule, je crois que je me bidonnerais. C’est ici que ça se complique les enfants. C’est la crèche à la vermine ce coin pourri donc on ouvre l’œil et on tape tout ce qui bouge. Oui, Hjotra, sauf entre-nous…Le jeune fiancé, vous passez devant, je préfère encore voir votre popotin que votre sourire niais. »
- « Je sais ! » insista Doreen. « Vous craignez que Brandir passe plus de temps avec son épouse qu’avec vous parce que vous vous êtes habitué à l’avoir à vos côtés et qu’au fond, vous l’aimez bien. J’ai raison ? »
- « Vous savez que dans le feu de la bataille, je peux vous confondre avec n’importe quel ennemi ? Ce serait plus facile si vous ne ressembliez pas autant à un homme. »
- « J’ai trouvé ! Vous connaissez Briga et vous êtes amoureux d’elle ! C’est forcément ça ! »
- « Oh…désolé ! C’est mon pousson qui vous a fait chuter dans cette eau saumâtre et boueuse infestée de serpents ? Passez devant rejoindre Brandir pour que ça n’arrive plus. Et entre-nous, lâchez-moi la grappe, vous ne trouverez pas. »
- « Qui sait ? » rétorqua la jeune fille sur un air de défi et en sortant de l’eau.
- « Qui c’est qui ? » demanda Hjotra.
- « Non », le corrigea Doreen. « Qui sait quoi. »
- « Quoi ?! »
- « Tenez, Hjotra », s’exclama Arzhiel, las. « Passez donc en tête vous aussi. On tente une nouvelle configuration : trois boulets en première ligne et moi vingt pas derrière, à l’abri de la crise de nerfs. En route ! »

La joyeuse troupe s’enfonça dans les marais hostiles jusqu’à ce que le sol meuble soit presque entièrement remplacé par des sables mouvants et de larges bancs de mousses spongieuses, rares îlots flottant à la surface de lacs de boue malodorants. Des créatures hideuses croisèrent leur chemin et parfois les attaquèrent et c’est finalement, épuisés, crottés et blessés que les voyageurs arrivèrent à destination : un arbre centenaire au tronc gigantesque aménagé pour abriter une chaumière délabrée.

- « Qu’est-ce que c’est ? » répondit une voix aigue à l’intérieur lorsque les nains frappèrent à la porte.
- « C’est le laitier », répondit ironiquement Arzhiel, toujours d’humeur taquine.
- « Ou bien vous pensez que l’amour et le bonheur vont rendre Brandir moins terrible guerrier qu’il ne l’est ? » proposa Doreen tandis qu’on leur ouvrait.
- « Trouvez-vous un petit copain ou une petite amie, quel que soit votre sexe et oubliez-moi », marmonna Arzhiel en réponse entre ses dents.
- « Oh ! » fit une vieille elfe aux mille rides en découvrant ses visiteurs. « Ce sont mes chers petits lutins ! »
- « En vérité, on n’est des nains, mais c’est vrai que les gros bides, les haches et les barbes longues peuvent porter à confusion…On a rempli notre part de marché, comme convenu. »
- « Attendez… »réfléchit l’ermite. « Vous, vous devez être le groupe que j’ai envoyé chercher le Torque de Feuillargent, c’est ça ? »
- « Presque ! » répondit gaiement Arzhiel. « Mais en fait, carrément pas. Vous nous avez chargé de récupérer l’Oeil du Ciel, le talisman volé par Nehvrik le Contagieux. Vous nous remettez ? Super, Doreen, vos contacts ! La vieille amnésique vivant au fond des marais vient juste de dépasser au classement le clodo qui bouffait des testicules de chiens et qui nous a trahi. »
- « J’aime bien quand vous rouspétez après moi, Bijou », ricana la jeune fille. « J’ai l’impression d’avoir été une vilaine fille qui va être punie. Laissez-moi gérer l’antiquité, vous allez voir. »

La chasseuse de primes souleva le casque d’Arzhiel révélant le crapaud endormi qui se cachait dessous. A la vue du batracien, l’elfe retrouva aussitôt ses esprits.

- « Oh, c’est toi et ta bande, Crapaud ! Mais bien sûr ! Entrez ! Vous avez l’Oeil ? »
- « Et le bon ! » déclara Arzhiel en se recoiffant. « Et aussi la prime pour Nehvrik, mais c’est un détail. »
- « Mon talisman ! » s’exclama l’ermite avec joie en récupérant son bien. « Beau travail, Crapaud ! Et à vous aussi, les lutins. Alors, votre récompense promise. Un parchemin du sortilège de Jumeau Maléfique, c’est ça ? »
- « Non, c’est quoi comme sort ? »
- « Ça vous créé un double maléfique qui vous pourrit la vie. »
- « Ah, je n’en ai pas encore eu des comme ça », commenta Arzhiel en examinant son équipe. « Plus tard, peut-être. Le marché stipulait que vous pouviez retrouver une personne que l’on cherche sans succès et que vous pouviez même nous téléporter jusqu’à lui. »
- « C’est la vérité. Je vous prépare l’enchantement. J’en ai pour une petite heure. Prenez l’air en attendant, allez visiter les environs. C’est charmant et bucolique en cette saison. »

Les nains se retournèrent pour observer les marécages crasseux qui entouraient l’endroit, mais ne dirent rien. Brandir s’isola avec sa tablette de déclaration alors qu’il n’en reconnaissait aucun signe, Hjotra joua avec une chouette empaillée et Arzhiel entreprit de nettoyer son armure souillée de boue, rejoint par Doreen.

- « Alors, Bijou, est-ce que vous… »
- « Je vous arrête tout de suite. Déjà Bijou, je ne suis pas fan. En plus, vous allez poser une question chiante et j’ai les mains prises, je ne pourrais pas vous baffer. »
- « C’est parce que je veux savoir ! » se plaignit la jeune fille. « Pourquoi n’êtes-vous pas heureux pour Brandir ? »
- « Mais je suis heureux pour lui ! Il va enfin se caser et arrêter de harceler les cueilleuses de champignons. »
- « Alors c’est quoi ? C’est la notion de mariage qui vous laisse un mauvais souvenir ? »
- « Un peu », admit le nain en pointant la grenouille sur sa tête. « Bon, je vais vous le dire car vous êtes encore plus lourde que Hjotra quand il veut adopter un nouvel animal. C’est à cause du nom de famille. »
- « Quel nom ? Aucun de vous n’en porte. »
- C’est ça. J’ai été banni et j’ai perdu mon nom de famille, symbole de mon rang et ma noblesse. Et tous ceux qui sont entrés dans mon clan, sous mes ordres, n’ont plus eu le droit de porter le leur également, même si la moitié l’avait déjà perdu pour diverses entorses aux lois naines, comme buter un rival avec une cuillère ou mettre trois fois le feu à l’atelier en une semaine, sans faire exprès et sans s’en rendre compte. »
- « Je me demande bien de qui vous pouvez bien parler… » murmura Doreen en observant Brandir et Hjotra, plus loin.
- « Perdre son nom est une marque d’humiliation chez les nains et le serment fait de ne plus pouvoir le revendiquer est solennel et divin. Je risquais une malédiction des dieux, souvent douloureuse et fatale, si je me présentais avec mon nom complet. Mais ceci ne veut plus rien dire depuis qu’on est arrivés dans ce monde. Les anciennes fautes ne représentent plus rien et les dieux ne sont même plus les mêmes. »
- « Ce qui signifie que vous pouvez ici vous faire appeler comme avant sans risque. Mais pourquoi ne pas l’avoir fait et quel rapport avec le mariage ? »
- « C’est simple. Lors des mariages entre nains et elfes, les nains adoptent le nom de leur épouse, c’était du moins le cas avec la famille d’Elenwë. Ce qui implique que… » Le nain se redressa brusquement en criant, l’index menaçant. « Non, Hjotra ! Pas dans la bouche, on a dit ! C’est sale, recrachez ! »
- « Dans ce monde, vous pouvez être appelé par le nom de famille d’Elenwë et pour Brandir…Vous craignez que le mariage ne lui rappelle à lui et aux autres qu’ils peuvent récupérer leurs noms. »
- « Ils n’y pensaient plus depuis », justifia Arzhiel. « Le souci, c’est que s’ils retrouvent tous leur nom, je vais devoir porter le mien, celui d’Elenwë… »
- « Et il en a honte, le bougre ! » coassa la grenouille avec la voix d’Elenwë. « Mon nom n’est sans doute pas aussi noble que le sien, à ses yeux ! »
- « Meuh non ! C’est juste qu’un nom elfe…ça craint. Même pas ça parle de mithril, de hache ou de montagne, pfff ! »
- « Mais c’est quoi ce nom ? » demanda Doreen.

Arzhiel et Elenwë répondirent en même temps, mais l’appel de l’ermite elfe recouvrit leur voix. Les nains se regroupèrent autour de l’elfe, impatients.

- « Le sort est prêt. Il vous mènera vers celui qui a disparu et qui est perdu. Une fois lancé, mon enchantement vous conduira à travers les terres et les lieues auprès de lui. Etes-vous parés, amis Crapaud et ses lutins ? Bon voyage ! »

La magie traversa le groupe et les inonda d’une lueur intense, englobant l’intérieur de la chaumière de la sorcière. L’instant suivant, Arzhiel, Brandir, Hjotra et Doreen se retrouvaient dans la cour herbeuse et à l’abandon d’un manoir en ruines entouré d’une épaisse et sombre forêt. Le soleil n’était plus à la même place dans le ciel et les alentours n’avaient plus rien en commun avec les marécages. Le sortilège avait fonctionné.

- « Rugfid ? » appela Arzhiel en se postant devant la bâtisse dévastée. « J’espère pour vous que vous êtes mort ou ligoté parce que si vous me forcez à me déplacer, je vous explose. »
- « Qui est là ? » répondit une voix.
- « Rugfid ?! » lancèrent les trois nains en chœur.
- « Ma parole, je reconnais ces voix…Ne sont-ce donc point mes vaillants et anciens compagnons d’armes et mon seigneur avec eux ?! »

Le cœur battant, le groupe scruta la silhouette qui émergea de l’ombre du porche. Leur expression se figea en un rictus débile quand ils reconnurent Ségodin, le chevalier humain.

- « Ségodin ?! » balbutia Arzhiel, estomaqué. « Où est Rugfid ? »
- « Rugfid ? Je l’ignore. Pas ici en tout cas. Quelle joie de vous revoir ! »
- « Qu’est-ce que c’est que ce sort moisi qu’elle nous a lancé la vieille ridée ?! Vous lui avez demandé quoi comme magie ? »
- « Ce que vous vouliez », se justifia Doreen. « Un sort pouvant permettre de localiser et de rejoindre un ancien compagnon de votre équipe aujourd’hui perdu dans la nature. Ce n’est pas le grand blond là, votre cousin ? »
- « Comme c’est excitant ! » ricana tout seul Ségodin devant les nains qui affichaient une mine dégoûtée. « Bienvenue dans mon domaine, chers amis ! »
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MessageSujet: Re: La Saison 4   La Saison 4 Icon_minitimeVen 29 Aoû - 19:59

Episode 112 – L’Ogre d’Or

Ségodin revint avec une pierre plate sur laquelle il avait disposé plusieurs godets ébréchés et sortis du siècle dernier, ainsi qu’une gourde coupée en deux remplie d’eau trouble. A l’expression perplexe de ses invités devant le service peu ragoûtant, le chevalier crut saisir l’origine de leur hésitation marquée.

- « Oui, j’ai conscience du manquement à l’hospitalité », admit-il, gêné. « Mais mon serviteur était indisposé aujourd’hui. Servez-vous ! J’ai hâte d’entendre le récit de vos péripéties. Euh...Seigneur Arzhiel ne veut toujours pas se joindre à nous ? »
- « Il boude encore », répondit Brandir en indiquant le nain assis au milieu du champ en friches, dos tourné, à cinquante mètres de là.
- « Il est encore sous le choc de la surprise de vos retrouvailles », expliqua Doreen. « Nous sommes à la recherche de Rugfid, qui a mystérieusement disparu après avoir accumulé un nombre conséquent de dettes qui ont quasiment ruiné le Karak. Arzhiel est alors devenu chasseur de primes avec ses fidèles sujets, Hjotra et Brandir, afin de se renflouer. Je me suis joins au groupe, moi-même chasseuse de primes. Je suis chargée de récolter les renseignements indispensables à nos missions. Le dernier en date nous a permis de bénéficier d’une magie permettant de retrouver un ancien compagnon perdu. Croyant pouvoir ainsi mettre la main sur Rugfid, nous avons atterris auprès de vous. »
- « Du coup, il fait sa boudeuse », ajouta Hjotra en visant Arzhiel avant de recracher le contenu de son verre sur les genoux de Brandir.
- « C’est pittoresque ! » rit Ségodin, très amusé. « Quel heureux coup du sort. J’étais en effet égaré depuis ce fourbe détour au marché où je vous ai perdu de vue. J’ai erré avant de m’établir ici. Et vous, que vous est-il advenu d’autre ? »
- « Je vais me marier avec une fille que je ne connais pas mais que j’ai déjà latté », répondit Brandir en levant le doigt.
- « Moi j’ai trouvé une chouette empaillée », fit Hjotra.
- « Et moi, j’ai hérité d’une grenouille collée sur ma tête avec laquelle ma femme m’espionne pour me punir, essayant de rivaliser avec les dieux avec manifestement, un certain succès », compléta Arzhiel en s’approchant.
- « Vous voilà enfin ! » l’accueillit Doreen. « Allons, Bijou, faites risette, il faut aussi savoir sourire aux mauvais tours du destin. »
- « Attendez, je vais vous en coller un, de coup du destin », rétorqua le nain en serrant le poing. « On va voir qui va faire risette ensuite. »
- « Vous n’êtes pas très avenant avec moi ».
- « Comme les calendriers ? » demanda Hjotra.
- « Comme cette chère ambiance a pu me manquer ! » s’exclama Ségodin. « Mais ne restons pas sur le perron, compagnons ! Laissez-moi vous faire visiter ma demeure et ensuite, si vous le désirez, mon domaine. »
- « Un domaine entier ? » questionna Arzhiel en le suivant à l’intérieur. « Vous avez donc quelques...ressources pécuniaires ? Vous avez prospéré ? »
- « J’ai longtemps cédé au désespoir, seul et égaré dans ce monde nouveau et inconnu. Mais j’ai repris le dessus ! Tout va pour le mieux à présent que je suis installé dans ce manoir avec ma famille ! »

Arzhiel jeta un coup d’oeil curieux au hall d’entrée poussiéreux, envahi de lierre, aux dalles brisées et rongé par l’humidité.

- « Une famille ? Vraiment ? »
- « J’en suis très fier. Les élans de ma passion ont su trouver leur voie jusqu’au coeur de ma dame. J’ai épousé Elenwë et nous vivons ici avec nos deux enfants, Adalbéron et Pélagie. »
- « Elenwë ? » tiqua Hjotra. « Comme la femme d’Arzhiel ? C’est marrant comme coïncidence ! Mais c’est vrai que vous étiez complètement accro à l’elfe ! »
- « Et ça n’a pas changé aujourd’hui. Nous sommes mariés et comblés. Nous voici dans le petit salon. Voyez ce lustre magnifique ? Il appartient à ma noble famille depuis des générations ! Il n’a rien perdu de son luxe et de sa beauté, n’est-ce pas ? »

Les visiteurs levèrent la tête et aperçurent un cadavre de gobelin décomposé et séché, suspendu au plafond par une cheville et décoré avec des pommes de pins et des rubans.

- « C’est vrai qu’il a l’air d’être là depuis des lustres », plaisanta Arzhiel qui commençait à trouver la situation étrange.
- « Un lustre, ce n’est pas un instrument de musique ? » interrogea Hjotra.
- « Non, vous confondez avec un luth », déclara Doreen.
- « Comme le combat ? »
- « Chuuuut ! » les interrompit Brandir. « Y en a qui essaient de suivre la visite ! »
- « La salle des armes sur votre gauche (une pièce remplie de branches et de trois cailloux) », commenta Ségodin avec une fierté apparente. « L’escalier menant à l’étage (des reliefs de marches montant vers un étage depuis longtemps effondré), la salle d’eau (un seau rouillée sous un trou béant dans le toit) et au fond, la cour intérieur (d’innombrables broussailles d’herbes sauvages ayant envahi une pièce aux murs éventrés). »
- « Votre serviteur a négligé le ménage récemment, non ? » demanda Doreen.
- « Ségodin ? » appela Arzhiel, empreint d’un sérieux solennel. « Etes-vous sous l’emprise d’une drogue ? »
- « Celle de l’amour partagé avec mon aimée, la belle Elenwë ! » rit aux éclats le chevalier, faisant sursauter et prudemment reculer ses amis, bien moins détendus. « Je vous montrerai son laboratoire et son boudoir si vous le voulez. D’habitude, je n’ai point le droit d’y pénétrer, mais elle est partie quelques jours en voyage avec les enfants. »
- « Ah oui, bien sûr, c’est pratique ». Se penchant discrètement vers Doreen, Hjotra et Brandir : « D’accord, il est devenu encore plus maboul qu’avant, cette fois, c’est irrécupérable. Barrons-nous vite avant que je ne devienne nostalgique et que je l’achève par bonté d’âme ».
- « Je vais faire préparer votre suite pour la nuit, ainsi qu’un copieux repas ! » fit Ségodin avec excitation. « Je suis tellement heureux de vous revoir ! Et je dois l’admettre, je n’ai que peu de visiteur au domaine ! »
- « Tu m’étonnes », marmonna Brandir en écartant du bout du pied un cadavre de chat grignoté traînant par terre près d’un tas d’une dizaine d’autres empilés.
- « Nous aussi nous sommes ravis ! » ricana Arzhiel pour donner le change tandis qu’il reculait vers la sortie. « Mais malheureusement, nous sommes loin de chez nous et notre devoir n’attend pas. Nous allons tout de suite reprendre la route. Voilà. Maintenant. On y va. »
- « Vous partez ? Comme c’est triste ! J’aurais aimé passer la soirée à partager avec vous les croustillantes anecdotes de notre collaboration passée. Je comprends toutefois votre urgence. L’ogre d’or des environs doit encore digérer ses victimes à cette heure-ci. Vous pourrez donc rejoindre le bourg en sûreté si vous partez maintenant. »
- « Ah mais carrément ! » rebondit Arzhiel. « On part sans perdre une seconde...à cause de l’ogre. Oh, regardez les enfants comment on doit vite s’enfu...s’en aller, c’est un crâne de bouc posé là sur le corps de cette vieille dame près du mur... »
- « L’ogre d’or ?! » s’exclama Doreen, les yeux brillant.
- « Oui, un monstre terrible qui dévalise tous les voyageurs et les dévore ensuite. Les paysans du coin le nomment ainsi à cause du trésor qu’il a accumulé, dérobé sur ses victimes. »
- « Vous sauriez nous guider jusqu’à son antre ? »
- « Bien sûr. C’est un jeune homme charmant que vous engagé avec vous, seigneur. »
- « Vous êtes cintrée, ma grande ?! » bougonna Arzhiel en tirant la manche de Doreen. « Vous avez vu l’engin ?! Il est encore plus déboulonné que Hjotra dans ses grands jours et vous voulez qu’il nous guide ?! »
- « Justement. Il a perdu toute notion de réalité. L’ogre est sans doute un simple brigand plus malin que les bouseux du coin, mais moins que nous. Et vous ne comptez pas le laisser ici tout seul, votre ancien pote, si ? »
- « Il croit être marié avec mon épouse, vit dans une ruine qu’il prend pour un château avec des enfants et des serviteurs imaginaires et il mange les animaux errants ! Faut arrêter la piquette, hein ! Moi vivant, cette mission débile n’aura pas lieu ! »

Une heure après de âpres discussions, en forêt profonde, derrière Ségodin qui guidait la troupe.

- « Arzhiel boude encore ? » s’informa le chevalier en cherchant le nain du regard, vingt mètres derrière le groupe.
- « Ne vous occupez pas de lui, mon bon, tant qu’il suit », répondit Doreen d’une voix mielleuse. « Allez les garçons ! Sus à l’ogre ! Débarrassons les villageois de cette cruelle menace ! »
- « Vous êtes bien bonne, damoiselle », acquiesça Ségodin.
- « Notez-le vous », ronchonna Arzhiel en approchant. « Ce n’est pas tous les jours qu’on vous dit ça. »
- « Ravie de vous voir rejoindre notre compagnie ! » gloussa la jeune fille. « Vous saurez apprécier la justesse de ma décision en comprenant l’apport de moyens octroyés au groupe. »
- « Génial. Sauf que vos moyens humains sont justes des humains moyens, très moyens. »

Le nain pointa du doigt Ségodin qui, s’étant accroché à un branchage, livrait une terrible bataille à un sapin nain qu’il finit par perdre, malgré le renfort soudain de Brandir. Hjotra lui s’était fait étendre au premier assaut.

- « Qu’est-ce qu’il a ? » interrogea Arzhiel en observant son ingénieur à terre. « Il a essayé de résoudre un calcul mental ? »
- « C’est ce Ent maléfique qui a surgi sur notre flanc ! » s’exclama Ségodin, couvert d'épines. « Notre bravoure l’aura finalement mis en fuite, mais un nain est tombé. »
- « Bon, ben on l’enterre et on repart », conclut Arzhiel, faisant aussitôt se redresser Hjotra qui regagna les rangs. « Un Ent maléfique ? J’imagine avec grand mal la tronche de l’ogre d’or... »
- « Si vous n’y croyez pas, Bijou, cela ne vous fait donc rien de me céder votre part du butin ? » proposa Doreen, espiègle.

Arzhiel se contenta d’un haussement d’épaules, mais reprit lui aussi sa place. Ségodin ralentit l’allure un peu plus loin et mena le groupe aux abords d’une clairière où trônait un gigantesque ogre absorbé par le désossage d’un paladin entier, ainsi que de sa monture. Autour de lui gisaient d’innombrables immondices et surtout un coffre en bois fermé et inatteignable.

- « Mazette, la taille du machin ! » lâcha Hjotra. « Quelqu’un est au courant qu’on n’est que des nains en fait ? »
- « Il faut que je m’assoie », déclara Arzhiel. « Hjotra vient de dire un truc sensé. Comment voulez-vous qu’on arrive à tuer un adversaire aussi balèze ? »
- « Mais ce coffre est bien trop tentant ! » piaffa Doreen. « Il faut tenter une diversion ! Imaginez qu’il soit plein. Tous nos soucis seraient réglés. »
- « Réfrénez-vous, vous allez mouiller votre petite culotte. Il faut avoir conscience de nos forces. Et là, nous ne faisons pas le poids. »
- « Allons ! Vous êtes de bons guerriers ! Il nous faut juste un bon plan ! »
- « Aie ! » piailla soudain Brandir. « Je me suis mis le doigt dans l’oeil. »
- « Pour quoi faire ? » interrogea innocemment Hjotra.
- « Hum, cet ogre semble aussi maîtriser une puissante magie », en déduisit Ségodin.
- « Libre à vous de charger la bête avec ces trois nigauds. Moi je ne bouge pas mon fion de là. »

Le nain s’assit, bras croisés et regard inflexible. Doreen, ravagée par la tristesse, baissa la tête et commença à pleurer en silence. Arzhiel se leva alors aussitôt d’un bond.

- « Vous avez changé d’avis ?! » s’exclama-t-elle, pleine d’un fol espoir.
- « Non, c’est à cause de mon expression débile. Je me suis assis sur une fourmilière. »
- « Si j’attire l’attention de l’ogre quelques instants, vous pensez pouvoir l’abattre en lui jetant vos haches de loin ? »
- « Ouais ! » s’écria Arzhiel. « Trop fort ! Et on se cache dans les fourrés pour tirer ! Et on glisse des branches dans nos armures pour se camoufler ! Et on se met à la danse, au tricot et on caresse les animaux...comme des elfes. C’est bon, je me casse. »

Arzhiel n’avait pas fait un pas que Doreen soulevait son casque et réveillait sa grenouille d’une pichenette. L’animal émit une plainte et la voix d’Elenwë qui croyait qu’on l’appelait résonna dans les sous-bois. Ségodin se redressa d’un trait, épiant les alentours comme un fou.

- « Oh, seigneur céleste ! » paniqua-t-il. « L’ogre détient Elenwë captive ! Sus au monstre ! »

Le chevalier se rua dans la clairière en hurlant, l’épée à la main. L’ogre le regarda d’un air incrédule identique à celui des trois nains. Obligés d’intervenir maintenant que leur présence était découverte, les trois guerriers lancèrent leurs armes sur la créature trop occupée à étaler Ségodin d’un coup de carcasse de destrier. Par chance, la masse d’Arzhiel heurta l’ogre en plein front, l’assommant avant qu’il n’engloutisse Ségodin. Il n’avait pas fini de toucher le sol que Doreen ouvrait le coffre.

- « Vous savez qu’au fond, nous venons de vivre une grande aventure, que vous ressortez victorieux d’un combat terrible et que vous avez retrouvé un précieux compagnon perdu ! » fit la chasseuse de primes en refermant le coffre d’un coup sec.
- « Laissez-moi deviner : y a que dalle comme trésor dans le coffre, c’est ça ? »
- « Pas exactement. Tout dépend si vous considérez qu’une demi-douzaine de têtes représente un trésor. »
- « Je ne vais pas m’énerver », promit le nain. « Je vous l’avais dit mais personne ne m’écoute ici...Hjotra ! Hé, Hjotra ! Ecoutez-moi quand je parle ! Bref, je reste calme et même je souris. Pourquoi ? Parce que j’ai trouvé la punition exemplaire pour vous. On ramène le coffre aux villageois. Ils paieront sûrement pour revoir les têtes de leurs disparus, assez, espérons-le, pour payer le guérisseur à Ségodin qui est répandu tout partout. »
- « Et ma punition ? Vous me laissez là avec l’ogre, c’est ça ? »
- « Non, pauvre bête, on vous ramène...Vous ferez juste le voyage à l’intérieur du coffre ! »
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Arzhiel




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MessageSujet: Re: La Saison 4   La Saison 4 Icon_minitimeVen 29 Aoû - 20:00

Episode 113 – Etape Forestière

La « Salle des Merveilles » où Arzhiel fut conduit était incroyablement, mais malheureusement, aussi moche que l’antichambre où il avait du patienter. Le nain hésita sur le palier, le mobilier d’un rouge éclatant, les tentures mauves et pourpres et les tapis d’un jaune criard le laissant moralement aussi peu indemne qu’une histoire drôle racontée par Hjotra. Pressé à avancer par le domestique qui l’escortait, Arzhiel peina à choisir entre le siège rembourré aux pompons roses et le pouf aux étoiles argentés. Pour préserver sa santé mentale, il resta debout lorsque le « maître » entra à son tour.

- « Une bonne énergie flotte dans l’air de la Salle des merveilles », déclara l’homme en toge avec un sourire carnassier. « La sentez-vous ? »
- « Oui et vous m’en voyez navré. Mon dernier bain remonte et j’ai beaucoup marché ce matin. »
- « Vous êtes spirituel. Vous avez la bonne mine du plaisantin. »
- « Si vous saviez ce qu’on rigole avec les copains… » marmonna Arzhiel en examinant du regard la fenêtre, essayant de deviner sa tolérance aux coups de marteau en cas de fuite précipitée et obligée.
- « Qu’est-ce qui vous amène jusqu’au Maître, ami boute-en-train ? »
- « Etes-vous capable d’annuler les malédictions et les sorts puissants ? »
- « Le Maître en est capable…selon l’épaisseur de votre bourse. Je vous écoute. »
- « Ma hache est ensorcelée et abrite quatre fantômes. Elle aspire le dernier souffle de vie de chaque guignol que je dézingue et du coup, je ne peux plus m’en servir. Et ma femme m’a fiché une grenouille sur la tête qui est magiquement scellée. »
- « Vous faîtes encore de l’humour ? »
- « Vous voulez essayer ma hache pour voir si je blague ? »
- « Le Maître doit se retirer pour concentrer son pouvoir », déclara l’homme affichant de nouveau son sourire de prédateur, effacé quelques secondes. « Confiez-moi votre paiement ainsi que votre hache maudite, je trouverai bien un achete…un sortilège pour la purifier. »
- « Oui, tout à fait ! » s’exclama Arzhiel en faisant craquer les jointures de sa main. « Ma bourse est ici. Approchez, regardez là, penchez-vous encore…baissez-vous un peu…tendez le menton pour voir…bien ! Ne bougez plus ! »

_ « Qu’est-ce que ça a donné ? » questionna Doreen un peu plus tard, au retour d’Arzhiel dans une auberge proche. « Mon adresse était bonne ? »
- « Excellente ! » répondit le nain avec entrain en tâtant sa bourse plus remplie qu’à l’aller. « Par contre, il va falloir y aller, les enfants. Je ne crois pas qu’il fasse bon rester plus longtemps dans le coin. Et si on croise la milice, prenez l’air dégagé, alibi deux. »
- « Alibi deux, c’est les bourgeois en pèlerinage ? » demanda Brandir en vidant le reste des plats de toute la table directement dans sa besace.
- « Non, le deux, ce sont les marchands nains venus traiter au marché saisonnier », le corrigea Hjotra en ramassant ses affaires au plus vite tout en surveillant la porte. « Prenez le pichet aussi ! C’est dommage pour le banc, mais ça risque de se voir si on se barre avec sous le bras. »

Les nains se hâtèrent de filer par derrière, suivis par Doreen, particulièrement étonnée de voir l’exécution parfaite de ce genre de fuite, incontestablement longuement et régulièrement répétée. Le groupe quittait les limites de la bourgade lorsqu’un appel les fit arrêter. Ségodin les rejoint avec de grands gestes, essoufflé mais enthousiaste.

- « On repart en voyage ? Fantastique ! Un moment, j’ai cru que vous tentiez une nouvelle fois de partir en me laissant ! »
- « Vous êtes encore là vous ?! » s’écria Arzhiel, mécontent, avant de se tourner vers les autres. « Mais pourquoi on l’emmène ?! »
- « Moi ? » réagit Hjotra, mal à l’aise. « Mais je fais partie de l’équipe, seigneur. »
- « Non, mais pas vous…Quoique… »
- « Faites preuve de bon cœur », chuchota Doreen à l’oreille d’Arzhiel. « On n’allait pas l’abandonner comme un chien vérolé ! »
- « Le chien vérolé n’est pas complètement givré et persuadé d’être marié avec mon épouse. Et il serait plus utile. »
- « Vous êtes incorrigible ! C’est un paladin. Un guerrier de choix de plus à nos côtés, ce n’est pas négligeable tout de même ! »
- « Un guerrier ? Ah pardon, au temps pour moi. Je croyais qu’on parlait de Ségodin. »
- « Euh, seigneur ? » appela Brandir. « On peut se disputer en marchant ? Parce que je vois une troupe de miliciens qui quittent la ville, plutôt furax. »
- « Tant pis ! » soupira tristement Hjotra en déposant un tabouret et une cruche par terre. « On aura essayé. »

Les nains allèrent se cacher dans les buissons au pas de course, Doreen, Ségodin et un groupe de soldats plutôt remontés sur les talons. Il fallut toute la journée aux aventuriers pour semer ces derniers. Fourbus, affamés et isolés en pleine nature, Arzhiel et ses compagnons firent une halte dans une clairière ombragée.

- « La mauvaise nouvelle, c’est qu’on est paumés », déclara Arzhiel en observant les alentours. « Et la pire mauvaise nouvelle, c’est que c’est Brandir qui porte les provisions. Donc nous quatre, on n’aura rien à manger jusqu’au prochain patelin. Le berserker est un boulet, mais n’est pas prêteur niveau victuailles. »
- « Mais c’est pas possible, il n’y a qu’une demi-douzaine de kilos de nourriture dans mon sac ! » paniqua Brandir, fou d’angoisse, hurlant sur son seigneur à bout portant. « Je vais mouriiiiiiir de faim ! »
- « Vous avez mangé du saucisson récemment, non ? » lui rétorqua le nain, impassible, en se bouchant le nez.
- « La nature environnante subviendra à nos besoins ! » lança Ségodin, guilleret. « Cueillons, chassons ! J’ai emporté mon arc de chasse familial, d’une précision mortelle. Regardez cet oiseau sur sa branche. Mon trait va l’abattre sans faillir ! »

Le chevalier banda un arc fabriqué avec une branche morte et une cordelette usée, visa un moineau, tira sa flèche taillée la veille avec les dents, et parvint à atteindre un arbre situé trente pas…dans son dos.

- « Malédiction ! » jura le jeune homme. « Une mauvaise appréciation de la distance m’a fait manquer ma cible. C’est rageant d’échouer de si peu ! »
- « On va tous mouriiiiiir ! » répéta Brandir tandis qu’Arzhiel écrasait Doreen d’un lourd regard de reproches.
- « Au diable les varices ! » s’emporta Hjotra. « Piochons dans notre trésor et achetons des provisions ! Ah oui, mince, j’oubliais… »
- « On est en pleine nature et il n’y a pas âme qui vive à des lieues à la ronde », acquiesça Doreen.
- « Non, pas ça. Je n’ai plus le droit de toucher à la cagnotte depuis la fois où je me suis enfoncé une pièce dans la narine. »
- « Que vous me devez toujours, d’ailleurs », fit Arzhiel. « La nuit va tomber. On va installer le camp et pioncer par-là. Hjotra et moi, on va chercher du bois pour le feu. Brandir et Planche à pain, préparez le campement. »
- « Et moi, seigneur ? » interrogea Ségodin tandis que tous s’éparpillaient. « De quelle tâche dois-je m’acquitter ? »
- « Une très importante que je n’ai pas le temps de faire moi-même. Mettez-vous des claques. »

- « On n’est pas bien là ? » déclara Doreen en s’étirant près du feu, penchant la tête en arrière pour observer le ciel étoilé, une fois le campement prêt.
- « Non », grogna Arzhiel en claquant des mains en l’air pour tuer les moustiques, imité par Hjotra qui applaudissait frénétiquement, croyant à un jeu.
- « C’était une boutade, voyons ! » lança Ségodin depuis l’arbre où il était ligoté. « Je n’avais pas vraiment l’intention de chanter ! A peine une petite ode à l’aventure, la camaraderie et nos doux foyers laissés derrière nous pour affronter les… »

Un caillou heurta le chevalier au front, l’assommant sur le coup.

- « Dommage qu’il ait perdu connaissance », dit Arzhiel en posant sa seconde pierre. « Il aurait pu apprécier la justesse d’un vrai bon tir au but. Hjotra, allez chercher un peu plus de bois pour le feu. »
- « Il vous le faut pour quand ? »
- « Pour hier, ce serait bien, mais je ne vous punirai pas si vous me l’apportez dans les cinq prochaines minutes. »
- « Pfff, non, je n’ai pas très envie », répondit l’ingénieur en se couchant. « J’ai un coup de pompe. »
- « Je m’en vais vous en ficher un de coup de pompe ! Debout, limace ! »

Hjotra s’éloigna du feu en galopant, les mains plaquées sur les fesses pour plus de sûreté. Brandir, qui avait pour consigne perpétuelle de le suivre pour éviter qu’il ne se perde, se leva après lui, emportant une brassée de nourriture avec lui, ainsi que la fameuse cruche de l’auberge, en équilibre sur sa tête.

- « Quel moment romantique… »murmura Doreen d’un ton langoureux.
- « J’ai d’autres cailloux », prévint Arzhiel.
- « Où en est votre quête, Bijou ? Avons-nous amassé assez d’or pour sauver votre Karak ? »
- « La dernière fois qu’on a traversé une ville, j’ai du monter un stand à la foire du patelin et défier les badauds de parvenir à ôter la grenouille sur mon crâne. J’ai perdu dix années d’amour-propre pour quinze pièces d’argent. Est-ce que ça répond à votre question ? »
- « Ah oui, « Décollez le crapaud » ! » se souvint la jeune fille en pouffant. « C’était un bon jeu, j’ai trouvé. Pas aussi bon que le spectacle de marionnettes de Hjotra et Brandir avec des cadavres vidés de gobelins, mais c’était amusant. »
- « Vous vous souvenez aussi qu’on est des chasseurs de primes et que si vous ne nous dégottez aucune proie, on va finir à temps complet sur les places de marché à faire les bateleurs pour les vioques et les marmots ? »
- « Ce serait cocasse, mais je resterai malgré tout près de vous, Arzhiel », susurra Doreen en se rapprochant. « Pourquoi regardez-vous par-dessus votre épaule ? »
- « Ce sont les boulets. Ils ne devraient plus tarder à revenir soit ivres, soit poursuivis par un truc crade et hostile. »
- « Vous êtes si prévenant avec eux, un vrai patriarche. Avec l’âge qui va avec. »
- « La bave de la colombe n’atteint pas le blanc crapaud », répondit Arzhiel au moment où Brandir et Hjotra revenaient vers le camp en courant à toute allure, livides.
- « Un loup énorme qui arrache les arbres avec les griffes et qui ne meurt pas quand on lui dégomme la face à grands taquets de hache, c’est un loup-garou ou loup-gourou ? » interrogea Brandir en haletant.
- « Un loup-garou. Mais c’est rarissime et j’espère que vous avez picolés parce que si vous êtes assez magiques pour me ramener un vrai loup-garou, on va être très mal ! »
- « Navré, chef », fit Hjotra, honteux, en payant son pari perdu à Brandir. « On est encore sobres. »

Un hurlement bestial accompagna l’envol d’un loup-garou hirsute et musculeux qui le porta des sous-bois au milieu de la clairière dans un fracas de branches arrachées. Le monstre retomba avec souplesse en se ramassant sur lui-même, puis se détendit brusquement pour rugir et grogner, griffant l’air devant lui en de larges gestes désordonnés. Les plaies des assauts de Brandir sur ses membres et sa poitrine achevaient de se guérir.

- « Oh, mon dieu ! » gémit Doreen, terrifiée. « Mais ils ont raison en plus, c’est un vrai loup-gourou ! »
- « Bon sang, pourquoi tout le monde fait des blagues pourries aujourd’hui ?! » râla Arzhiel. « Vous êtes conscients qu’à part Elenwë et un dragon, il n’existe pas plus redoutable et sanguinaire adversaire qu’un loup-garou ?! On va y passer ! »
- « C’est vraiment pas de bol », se plaignit Brandir. « J’allais enfin pouvoir toucher une femme sans quelle n’appelle son mari au secours ou qu’elle me cogne dans les valseuses ! »
- « Si vous le retenez trois heures, je crois être capable de fabriquer un automate de combat pour nous défendre », chuchota Hjotra avec maints précautions pour que le loup-garou n’entende pas son plan.
- « Arzhiel, c’est vous le chef de la troupe », balbutia Doreen. « C’est votre rôle de nous sortir de ce genre de guêpier. Vous avez bien une idée, non ? »
- « Offrir la pucelle en sacrifice, ça vous tente ? » lui répondit le nain.
- « Il ne voudra jamais de Ségodin ! » fit remarquer Brandir.

Le monstre feula et s’approcha lentement, dardant de ses yeux rouge sang ses proies tétanisées. Hjotra lui jeta un bâton au loin en l’invitant à jouer. La créature lacéra un rocher d’un coup de griffes pour exprimer sa désapprobation.

- « Couché, Rex ! » s’emporta l’ingénieur. « Vilain, vilain chien ! Où qu’il est le méchant chien qui va se faire gronder avec une grosse voix et qui va avoir très très peur ?! »
- « Pourvu qu’il dévore ce demeuré en premier », lâcha Doreen, morte de honte.
- « Pas un demeuré, un génie ! » s’écria Arzhiel.

Celui-ci s’avança à pas lents et dégaina prestement sa hache, dévoilant sa lame maudite à la clarté de la lune. Aussitôt, les spectres qu’elle contenait prirent forme dans un brouhaha indescriptible, s’invectivant mutuellement avec ardeur au sujet du manque d’espace disponible dans leur contenant et dont certains semblaient abuser. La vue des fantômes s’houspillant vertement figea le loup-garou sur place. Il recula prudemment face à l’inconnu en entendant leurs débats et leurs cris, puis s’enfuit précipitamment quand le spectacle insolite et troublant se poursuivit malgré ses grognements rageurs.

- « Victoire ! » hurla Arzhiel. « La bête est partie ! Bien joué les fantômes ! »
- « Ils ne vous entendent pas », l’informa Doreen. « Ils essaient d’en venir aux mains sans se rendre compte qu’ils ne peuvent pas se toucher. »
- « Des boulets en chair et en os, des boulets mort-vivants, des loups-garous, des humains collants, une forêt paumée ! Moi je vous le demande. Qu’est-ce qui pourrait être pire que ça ? »

Le claquement du tonnerre annonçant le violent orage approchant répondit sur la seconde au seigneur nain blasé.
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Arzhiel




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MessageSujet: Re: La Saison 4   La Saison 4 Icon_minitimeVen 29 Aoû - 20:00

Episode 114 – La Fête de l’élémentaliste

Le chef du village échangea une ferme poignée de mains avec Arzhiel afin de sceller l’accord obtenu durant leurs âpres négociations. Satisfait, le nain le salua avant de le quitter et rejoint ses compagnons d’armes : Brandir le berserker bourrin, Hjotra, l’ingénieur écervelé, Ségodin, le paladin perturbé et Doreen, la chasseuse de primes taquine. Le petit groupe quitta la bourgade et se dirigea vers les collines, écoutant les explications de leur seigneur. Ce dernier, sans cesser de parler, repéra un rocher et tenta de se hisser dessus pour s’en servir de tribune. Il lui fallut une entorse et une douzaine d’essais infructueux avant de demander d’être soulevé par Ségodin.

- « Pour résumer », poursuivit-il devant son assemblée comme si de rien n’était, « les bouseux sont mis à l’amende par un sorcier qui menace de ravager leurs terres et leurs récoltes avec sa magie d’élémentaliste si un impôt assez rude ne lui est pas versé. Ils acceptent de nous engager pour une somme pas dégueulasse si on les débarrasse du faiseur de pluies. On y va, on l’envoie au ciel, nuageux ou dégagé et on empoche la récompense. Des questions ? »
- « Elémentaliste, ça a un rapport avec les chèvres ? » interrogea Hjotra.
- « C’est vous la chèvre. Question suivante. »
- « Moi ! » lança timidement Brandir. « Une question qui va peut-être vous paraître bête… »
- « Venant de vous ? Sans déconner ?! »
- « Comment on fait les bébés ? » demanda le guerrier, très gêné. « Il faut que je sache avant mon mariage si je veux un héritier. »
- « Mais une question sur la mission, crétin ! » rétorqua Arzhiel, mal à l’aise tandis que Doreen ricanait discrètement.
- « Vous pouvez me le dire si vous ne savez pas non plus. »
- « Et l’elfe qu’a pondu ma femme, vous croyez qu’il est arrivé comment ?! Bon, d’accord, mauvais exemple, j’ai perdu connaissance le jour de la conception…Demandez à Hjotra ! C’est un coureur de première ! »
- « Non, seigneur. Lui aussi l’ignore. Il sait juste coucher avec les filles. »
- « D’accord, là ça va être long… »
- « Expliquez-nous ça en chemin », proposa Doreen sur un ton moqueur. « Ça nous fera une animation jusqu’au sorcier du mauvais temps. »

Une croustillante heure plus tard

- « Bon, hé bien là, paf ! » bredouilla Arzhiel, transpirant. « Si c’est une elfe tordue, vous êtes éjecté à plusieurs mètres du lit par la dernière ruade et vous pouvez filer à l’infirmerie. Pour une naine, vous vous endormez dans les secondes suivantes, si possible en écrasant de tout votre poids votre co-équipière avant de lui ronfler au visage. C’est plus clair maintenant ? »
- « Vous pouvez nous refaire la version imagée de la mine et du burin ? » demanda Doreen, espiègle.
- « Quand vous serez pubère, ma grande. On peut se recentrer sur notre affaire de sorcier à présent ? »
- « Vous pensez que ce sera un adversaire aisé, seigneur ? » interrogea Ségodin qui copiait sur les notes prises par Brandir durant le cours oral.
- « C’est bon, on est des guerriers ou pas ? C’est simplement un humain qui aime porter des robes et divaguer en langue étrangère deux plombes pour lâcher une flammèche au bout de ses doigts. Je crois qu’on a su gérer pire malgré nos handicaps et nos handicapés. Tenez, ce doit être lui là-bas, près du dolmen. Vous avez vu la carrure ? Plus maigre encore que Doreen, mais avec plus de hanches. On pourrait le tuer même en le ratant avec sa hache, rien que par l’air déplacé. Holà, mon ami ! Nous venons de la part des villageois et on a un message pour vous ! »

Le sorcier, un homme grand et sec à l’expression souriante, se tourna vers le groupe avant de regarder vivement vers la direction opposée.

- « Pardonnez-moi un instant, je vous prie. »

Un groupe d’une vingtaine de brigands apparut, chargeant depuis un bosquet proche. Le mage se plaça en face d’eux et récita une incantation. Aussitôt, le vent se leva, gagna en puissance en quelques instants et se transforma en une véritable tornade miniature qui emporta au loin toute la troupe d’assaillants. L’élémentaliste remit en place une mèche de cheveux décoiffée par le vent et marcha d’un air détaché en direction des cinq aventuriers hébétés et silencieux.

- « Vous disiez venir délivrer un message de la part des villageois ? Je vous écoute avec attention. »
- « Hein ? » marmonna Arzhiel, soudain bien nerveux, délesté de son assurance envolée en même temps que les brigands. « Euh…alors les villageois…Qu’est-ce que c’était déjà…Bon, déjà, ils vous passent le bonjour, la bise, tout ça…et ensuite… »
- « Ne me regardez pas, seigneur ! » se défendit Hjotra. « J’ai rien écouté, j’ai observé le ver de terre que vous avez collé dans le dos de Doreen durant tout le trajet. »
- « Quoi qu’il advienne durant les prochains minutes », intervint cette dernière en reculant, « je tiens à prévenir que ces fous me retiennent de force et que je saurais me montrer très reconnaissante envers le charmant et puissant pratiquant des arts occultes qui viendrait à me délivrer, si le cas se présentait, naturellement. »
- « Plait-il ? » fit le sorcier, décontenancé.
- « Ne faîtes pas attention », dit Arzhiel. « C’est juste une pauvre d’esprit qu’on a ramassé sur la route et qu’on envisage sérieusement de vendre à une maison close du prochain relais. Vous comprenez, après cinq refus successifs, c’est un peu devenu un défi personnel pour elle d’être embauché. »
- « Je peux avoir mon message ? Je dois retourner méditer. »
- « Ah oui, le message ! Donc, ça vient des villageois. Je l’ai dit ça déjà ? Bien. Alors, les villageois…organisent une fête en votre honneur et je viens vous chercher pour vous y accompagner ! »
- « Une fête ? » répéta le mage, en chœur avec Ségodin et Doreen, mais bien moins stupéfait qu’eux. « Génial ! J’espère qu’il y aura de la tourte ! Je vais chercher mon bâton, je vous rejoins tout de suite. »
- « Une fête ?! » s’exclama Doreen dès qu’il se fut éloigné. « Vous êtes fou ?! »
- « J’ai improvisé, ça va ! On va le promener un peu et dès qu’il se relâche, on va la lui faire sa fête. »
- « J’ai encore une question ! » s’écria Brandir en bavant.
- « Si vous me demandez le parfum des tourtes, je vous colle une beigne. »

Brandir baissa tristement la tête, déçu. Le mage revint, la perspective des festivités le mettant de très bonne humeur. Arzhiel se retint avec peine de lui sauter à la gorge quand il commença à siffler, accompagné par Hjotra et encouragé par Brandir qui improvisa quelques passes de claquettes. A défaut, le seigneur nain guida la joyeuse troupe dans les bois environnants. Parvenu à un torrent, Arzhiel profita du passage à gué et la diversion offerte par ses boulets pour se glisser dans le dos du mage, marteau en main. Il armait son coup quand tout à coup, le cours d’eau enfla brusquement et une terrible lame de fond emporta la moitié du groupe sur la rive opposée, deux cents mètres en contrebas.

- « C’était quoi ça ?! » pesta le nain presque noyé en retirant un poisson frétillant de sous sa cotte de mailles.
- « Mon sort de défense », répondit le sorcier en rejoignant l’équipe balayée. « Ma magie réagit d’elle-même à ce qu’elle considère comme une agression sur ma personne, parfois de manière un peu…intempestive. »
- « On peut dire que le terme n’est pas exagéré », affirma Ségodin en se dégageant en boitant des rochers affleurant sur la berge.
- « J’ai du glisser et tenter de me rattraper à vous », se força à rire Arzhiel. « Quelle anecdote savoureuse à raconter aux villageois tout à l’heure ! »

Le mage fronça les sourcils, méfiant, puis rit à son tour. Le groupe repartit à travers champs. Cette fois-ci, Arzhiel occupa l’attention de sa cible en demandant à Ségodin de lui parler de sa vie fantasmagorique de châtelain père de famille.

- « C’est quoi le plan ? » demanda Doreen. « Après l’histoire de la fête, vous essayez de lui faire perdre le goût de vivre avec les délires de Ségodin ? »
- « Je prends mes distances et je l’abats d’un coup de marteau lancé en pleine poire. Sa magie ne risque pas de m’atteindre d’ici. »
- « Et moi, je vous sers à quoi ? » demanda Brandir, devant son chef.
- « Au cas où sa magie risquerait de m’atteindre… »

Le nain visa par-dessus l’épaule de son guerrier et lança son arme de toutes ses forces en direction du sorcier. Non seulement le coup fut dévié par une bourrasque qui écarta le marteau droit sur Ségodin, mais la magie protectrice riposta en creusant une large faille dans le sol sous les pieds des nains qui furent engloutis. C’est en sang et à moitié ensevelis que les autres parvinrent à les sortir du trou béant.

- « C’est notre dernière chance ! » avertit Arzhiel, sérieusement blessé mais toujours décidé, quand la troupe arriva sur le chemin du village. « J’ai réussi à lui faire croire que mon marteau m’avait échappé des mains en chahutant avec Brandir, mais je crois qu’il a des doutes. »
- « Il a vraiment cru ça ?! » s’écria Doreen, perplexe.
- « Non, mais je lui ai laissé tous nos gains en gage de ma bonne foi », avoua le nain dépité. « Par contre, il va vite comprendre qu’on le jongle si on arrive au bourg, la bouche en cœur et main dans la main avec l’ennemi juré des pécores. »
- « C’est obligé de lui donner la main ? » demanda Hjotra, guère enchanté par l’idée.
- « Notre dernière chance consiste à le conduire jusqu’à la grange en lui faisant croire que la fête a lieu à l’intérieur. On barricade les issues et on y met le feu. »
- « Vous êtes conscient que c’est un plan nul et que ça ne marchera jamais ? » interrogea Doreen.
- « C’est plus facile que de voler son dessert à Brandir mais moins que de vous trouver un fiancé », admit Arzhiel. « Allons-y, il a bientôt fini de compter toutes les pièces de ma bourse ! »

Les aventuriers intrépides rejoignirent l’élémentaliste qui écoutait Ségodin raconter le jour inexistant de son mariage irréel avec Elenwë avec conviction et passion malgré la rangée de dents brisées plus tôt par le marteau volant. Arzhiel invita le sorcier à se diriger vers la grange tandis que Hjotra et Brandir préparaient les torches et que Doreen partait se cacher derrière une charrette proche.

- « Au fait », dit Ségodin avant que le magicien ne rentre dans le bâtiment. « Qui était ces vils bandits qui vous ont assaillis plus tôt ? »
- « Oh, sans doute une bande en quête de gloire. Mes amis les villageois et moi-même avons passés un accord. Ils me permettent de m’entraîner sur leurs terres et en échange, j’accepte de leur reverser la moitié de l’or ainsi que tous les biens et les armes des étrangers qu’ils « engagent » pour m’éliminer. Cela exerce ma magie et ça les enrichit un peu. Tiens. Mais cette grange est déserte ?! »
- « En effet », répondit Arzhiel, encore sous le coup de la révélation du stratagème des paysans. « Je ne pensais pas qu’ils le feraient quand ils le disaient, mais visiblement, les villageois ont décidé d’annuler la fête en votre honneur parce qu’ils en avaient marre de voir un paresseux salir leurs terres de sa magie et profiter de leur bienveillance. Ils disaient vrai en prétendant que vous aimiez la compagnie des jeunes garçons et des moutons trop lents pour fuir ? »

Le visage enthousiaste du magicien s’ombragea rapidement et la colère révulsa ses traits, tel un orage tumultueux. Il fit volte-face en répétant entre ses lèvres serrées par la rage les mots « moutons » et « pécores » avec une pointe de haine, puis partit d’un pas décidé vers le village, brandissant son bâton déjà vibrant de magie.

- « Attendez ! » l’appela Arzhiel en se lançant à sa poursuite, un sourire réjoui illuminant son visage. « Donnez-moi la bourse. Elle ne vous gênera pas dans vos mouvements comme ça. Je vous la garde. On vous attend ici… »
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Arzhiel




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MessageSujet: Re: La Saison 4   La Saison 4 Icon_minitimeVen 29 Aoû - 20:01

Episode 115 – Retour vers l’Avenir


Le petit groupe progressait lentement sur le sentier escarpé à flanc de falaise et battu par des vents terribles hurlant et sifflant. Repoussant un pan de sa cape abîmée, seul rempart contre le froid glacial des montagnes, Arzhiel désigna un contrefort où l’entrée d’une grotte décorée de gravures et d’étranges statues béait dans la paroi. Les aventuriers s’y rendirent en peinant, éreintés de fatigue par leur rude expédition, mais fiers d’avoir enfin atteint leur but. Ils pénétrèrent dans un hall orné de bas-reliefs, dallé, aménagé et réchauffé par de multiples braseros. Une prêtresse jouait doucement de la harpe dans un coin tandis que d’autres circulaient entre les nombreux visiteurs pour leur proposer des boissons et de la nourriture.

- « On a crapahutés trois jours en plein cœur du domaine de barbares plutôt hostiles pour rejoindre ce sanctuaire », déclara Brandir en observant la vingtaine de personnes réunies là. « On a pris le vent, les éboulis, les assauts d’un serpent géant répugnant et on a tous failli mourir. Comment ils ont fait, eux, pour arriver ici ? »
- « Le couple de vioques là », désigna Hjotra. « Je me souviens les avoir vu à l’auberge dans la vallée. Le papi a failli se claquer en enjambant une flaque… »
- « Une idée, Arzhiel ? » demanda malicieusement Doreen au nain silencieux. « Non ? Moi je sais. Il existe un autre chemin pour arriver ici, à l’abri dans des tunnels sécurisés, par chariots. On ne met pas deux heures pour atteindre la caverne. Mais c’était payant et votre seigneur est pingre. »
- « On n’est plus à trois pièces d’or qu’à trois jours près », prétexta Arzhiel. « Et puis, ça vous a endurci, cette promenade ! Ségodin vous le dira lui-même, dès que son organisme aura purgé le venin du serpent géant et qu’il reprendra conscience. »

Le nain se tourna vers le paladin agonisant sur les épaules de Brandir tandis qu’il poussait un faible râle en se convulsant sous les effets de la douleur et du poison, puis tout le monde préféra bien vite regarder le buffet froid servi aux visiteurs.

- « Pardonnez-moi », fit une prêtresse à la curiosité titillée par ce groupe atypique. « Vous ne pouvez pas laisser vos amis mourir sur le dallage et vous ne pouvez pas non plus utiliser la fontaine pour vous laver les pieds. »
- « C’est bon, j’avais fini », répondit Arzhiel en se rechaussant et en chassant discrètement l’eau noirâtre avec la main pour l’évacuer. « Et notre humain ne meurt pas, il fait une sieste. Ne prêtez pas attention à ses hurlements et au pus qui suinte de sa jambe, il a un sommeil agité. On peut voir la Mère Supérieure ? »
- « La Grande Prêtresse, vous voulez dire ? » le reprit la jeune fille en toussant. « Il vous faut attendre votre tour et…euh, excusez-moi, mais vos amis ne peuvent pas improviser un barbecue avec les braseros du sanctuaire… »
- « Laissez-les, ils jouent. On doit attendre longtemps ? »
- « Mais ils se déshabillent ?! Il faut qu’ils remettent leurs habits ! C’est un temple sacré et le fils du baron se trouve dans la pièce à côté !...Au moins, les pantalons ! »
- « Non, les garçons ! » intervint Arzhiel d’un ton placide. « On ne joue pas à se brûler les poils des mollets ! Doreen, surveillez-les un peu ! Où elle est cette cruche ? C’est pas le boutonneux à qui elle fait du rentre-dedans là-bas votre fils de baron par hasard ? »
- « Vous me jurez de quitter les lieux aussitôt après votre entretien avec la Grande Prêtresse ? » céda la jeune fille sous le poids des regards des autres visiteurs choqués. « Suivez-moi, je vous conduis à elle. Oui, tous et tous habillés ! Je vous ai vu mettre cette statuette dans votre sac, reposez-la. Oui, laissez votre mort ici, vous le récupérerez en sortant. On va le mettre dehors en attendant pour chasser un peu l’odeur de sa blessure infectée. »
- « Je vous trouve un peu tendue, jeune fille », lui confia Arzhiel tandis que le groupe la suivait dans un couloir et qu’elle épongeait son front moite de sueur. « Ça n’a pas l’air d’un métier reposant. »

La prêtresse, à deux doigts de rompre son vœu de non-violence, ne répondit pas, mais pressa néanmoins le pas. Les nains saluèrent en bousculant les visiteurs les précédant et qu’ils purent doubler sans vergogne et parvinrent peu après dans une caverne étroite où une vieille femme en robe cérémonieuse se tenait immobile près d’un point d’eau naturel. Hjotra et Brandir brisèrent le silence sacré du lieu en s’esclaffant bruyamment, les mains sur la bedaine.

- « Qu’est-ce qui vous prend, les comiques ? » s’exclama Arzhiel. « Vous venez de comprendre une blague de la semaine dernière ? »
- « C’est elle ! » parvint à articuler Brandir entre deux gloussements de dinde. « On dirait Elenwë avec trois cents ans de plus ! Oh, la bougie ! »
- « Il ne faut pas vous vexer, madame. Ils sont simples d’esprit. Et aussi débiles. »
- « Que venez-vous quérir en ce lieu mystique, mortels insouciants ? » tonna la Grande Prêtresse en interrogeant sa disciple du regard.
- « Nous souhaitons interroger le Puits du Destin, Mamie Voyante », répondit Arzhiel avec toute la politesse dont il réussit à faire preuve. « Nous recherchons mon cousin disparu et nous pensions retrouver sa piste en nous projetant dans le futur puisqu’au présent, ben faut pas se voiler la face, on n’arrive à que dalle ! »
- « Seigneur ! » l’appela Hjotra. « Pas le futur ! Elle sera cramée la vieille là dans le futur ! Ça va encore plus piquer l’œil que maintenant ! »
- « Et accessoirement, si vous savez annuler les malédictions avec des grenouilles et des fantômes hantant une hache, par exemple », enchaîna Arzhiel en faisant taire Hjotra d’un coup de coude, « je prends aussi. »
- « Choisis un compagnon ! » ordonna la gardienne du Puits. « Un seul compagnon ! Si l’un de vous passe l’épreuve prouvant que son esprit est digne de voir ta requête satisfaite, alors tu obtiendras ta réponse. Choisis-le pour sa sagesse et sa loyauté ! »

Arzhiel se retourna pour observer Hjotra et Brandir. L’un tuait le temps en faisant tournoyer une tresse de barbe qu’il finit par prendre dans le nez deux fois de suite et l’autre gravait son nom contre la paroi, mal caché derrière une stalagmite. Le nain fit volte-face vers Doreen, mais celle-ci, comme à son habitude, avait déserté les lieux sans demander son reste.

- « Alors pour le style et par ironie envers les dieux, je choisis Hjotra », décida Arzhiel.

La Grande Prêtresse acquiesça et mena Hjotra avec elle dans un coin reculé de la grotte où ils s’isolèrent. L’ingénieur revint pas même une minute plus tard, l’air chagriné.

- « Elle a sandalé mon esprit… »
- « Sondé », rectifia le seigneur de guerre.
- « Et elle a choisi une épreuve en conséquence : le ni oui, ni non. J’ai perdu presque aussitôt, quand elle m’a demandé comment je m’appelais. »
- « Ton compagnon a échoué », clama la gardienne, un regard en coin de curiosité mêlé d’effroi posé sur Hjotra. « Veux-tu à ton tour affronter l’épreuve ? »
- « Si c’est la même, ma réponse est tout à fait. »
- « L’épreuve est différente pour toi. Ton esprit rayonne davantage que celui de ton allié. Ton test consistera en un combat contre une illusion terrifiante, un rêve pénible et cruel, un cauchemar sans nom… »
- « Ah ! » s’écria le nain en pointant un index boudiné vers la vieille femme. « Vous avez dit non, vous avez perdu ! »
- « J’ai dit nom, pas non », se justifia-t-elle, vexée par les ricanements moqueurs du nain.
- « Oui, non. Donc je gagne. C’est ça le Puits du Destin ? La flaque d’eau crade là ? C’est pittoresque mais c’est un peu faiblard pour l’ambiance. Vous devriez rajouter une margelle ou un rince-doigts pour que ça claque un peu, quoi ! »

La Grande Prêtresse, imperturbable, mais néanmoins déstabilisée, lança un regard assassin à sa disciple, avant de se ressaisir et de rejoindre Arzhiel au bord de l’eau.

- « Seigneur nain aux manières barbares, je vais t’accorder ta vision malgré ton attitude déplorable, à toi et aux tiens et ce, parce que je suis porteuse d’espoir et de paix et que surtout, c’est le jour de relâche de la garde. Contemple ton reflet dans ce bassin sacré, rustre guerrier. Concentre-toi sur le fond de l’eau, grossier visiteur. »
- « C’est obligé les titres ? Parce que je peux jouer aussi sinon. »
- « Garde le silence et concentre-toi ! Vois l’eau se troubler ! Ressens la magie t’investir ! Tu vas vivre l’avenir, voir le futur et le pénétrer durant un court moment ! Regarde ton Karak tel qu’il sera dans les temps et les saisons à venir. Projette-toi ! Vis le futur ! »

Arzhiel tressaillit quand la prêtresse posa sa main osseuse sur son épaule et machinalement, il bondit pour se défaire de cette étreinte dégoûtante. Mais lorsqu’il se redressa, la vieille femme avait disparu. Ainsi que la caverne, le Puits du Destin, Hjotra, Brandir et les souterrains. Il se trouvait au coeur du Karak, un crépuscule d’hiver. Les rues étaient peu fréquentées et les cavernes solidement closes pour échapper au vent chargé de neige qui balayait la montagne. Quelques gardes saluèrent leur seigneur au loin. Des enfants nains lançant des boules de neige sur la façade du temple de Svorn s’enfuirent en courant et en ricanant à son approche. Arzhiel huma l’air gelé et familier de sa forteresse. Puis il songea de nouveau à sa quête. Si la magie l’avait mené dans le futur, il n’y avait qu’un endroit où glaner des informations sur Rugfid et sur l’issue de leur mission de chasseurs de primes : la taverne.

- « Seigneur ? » fit la voix de Brandir que le nain rencontra sur le seuil de l’établissement favori de son cousin. « Je croyais que vous étiez parti à la chasse à l’ours pour plusieurs jours. Déjà de retour ? »
- « A vue de nez, vous avez encore pris dix kilos et vous portez vos bijoux de barbe de l’année de l’aiglon boitillant », observa Arzhiel à voix haute. « Je suis donc trois ans dans le futur. Et c’est alors logique que mon moi du futur ne soit pas là. Sachant que j’allais venir et pour éviter un paradoxe temporel, il se sera absenté du Karak. Astucieux. Ne me regardez pas comme ça. Je ne vais pas m’amuser à expliquer les dangers d’un paradoxe temporel à un type incapable de lacer ses bottes seul avant l’âge de cinquante ans. »
- « Ah, vous venez d’une autre taverne ? » en conclut le berserker. « Quelle chance d’avoir un cousin tavernier. Vous pouvez vous murger à l’œil ! »
- « Cousin ? Rugfid ?! Il est tavernier ! Il est donc vivant et nous l’avons retrouvé ! Comment ?! Dites-me le ! »
- « D’accord », fit Brandir, mal à l’aise. « Moi dans ces cas-là, j’enfonce mes doigts dans la bouche et ça va tout de suite mieux après avoir vomi, vous allez voir. »
- « Quand Rugfid a disparu après avoir coulé les finances du Karak, comment et où l’avons-nous retrouvé ?! » s’exclama Arzhiel, tout excité.
- « Hein ? Rugfid ? Euh, c’est Doreen qui nous a mené à lui. On avait drôlement galéré en chasseurs de primes. Je m’en souviens bien, c’est à cette époque que Briga m’a demandé de l’épouser. Par contre, vous pouvez arrêter de me secouer, seigneur ? C’est moi qui vais dégueuler sinon. Oh, voilà Briga et ma fille qui viennent me chercher pour le souper, je dois vous laisser. »

Arzhiel se retourna et aperçut une naine faisant de grands signes à Brandir, une enfant de deux ans à peine dans les bras.
- « Votre fille ? Vous avez une fille ?! »
- « Essayez de suivre un peu, seigneur, c’est gênant », répondit Brandir, vexé. « Ça fait deux ans maintenant que Gonzague est née. »
- « Gonzague ?! C’est son nom ?! »
- « Après c’est moi qui suis lourd parce que je ne comprends pas la différence entre catapulte et cataplasme. Alors pour la énième fois, c’est Briga qui s’est inspirée d’Elenwë quand elle a choisi un nom drow pour Vorshek. Elle voulait un nom exotique, on a choisi un nom humain. C’est classe Gonzague ou pas ? »
- « Euh pas trop, non. C’est super moche ! Et c’est un nom de garçon en plus. »
- « Sérieux, seigneur, arrêtez la bière, vous radotez de plus en plus. Bon là, j’y vais, sinon je vais encore morfler des coups de balais. Bonne fin de soirée, seigneur ! »
- « Attendez ! Pour Rugfid ! Comment Doreen a-t-elle retrouvé Rugfid ?! »
- « Je ne sais pas », répondit Brandir en haussant les épaules. « Elle ne vous l’a dit qu’à vous et vous avez toujours gardé le secret. Balot, hein ? »

Arzhiel, contrarié, se baissa pour ramasser de la neige à jeter sur le berserker moqueur, mais le voyage temporel cessa à cet instant et il se retrouva face à la Grande Prêtresse qu’il venait d’arroser d’une poignée de cailloux et de poussière.

- « Le Puits s’est tu », dit-elle d’un ton solennel en époussetant son visage mitraillé.
- « Je dois y retourner ! J’ai une piste, mais je dois encore interroger Rugfid. Je n’ai pu parler qu’à Brandir ! »
- « Si c’est à propos de la tarte aux groseilles que j’ai englouti, je ne reviens pas sur le sujet », protesta ce dernier. « C’était un accident. »
- « J’avais presque la réponse ! » piaffa Arzhiel. « L’avenir ! Je dois repartir dans l’avenir, Mémé Irma ! »

Le nain agrippa les jambes de la Grande Prêtresse et l’agita avec force en hurlant comme un dément, la bave aux lèvres. La vieille femme ne se démonta pas et, malgré la nausée due aux soubresauts, traîna le nain accroché à ses genoux jusqu’à la sortie et claqua dans ses mains. Aussitôt, une trentaine de prêtresses armées d’arcs et de bâtons jaillit du tunnel et encercla le trio de nains un brin circonspects devant la tournure des évènements.

- « Comme vous m’êtes sympathiques », ironisa la Grande Prêtresse en tirant sur sa robe pour se dégager de l’étreinte d’Arzhiel, « je vais vous livrer une dernière prédiction : dans la prochaine minute, vous allez effectuer un repli précipité et désordonné hors de mon temple. »
- « Un tour de magie ! » jubila Hjotra. « Attendez, on reste pour voir si elle va deviner juste ! »

L’instinct de survie de l’ingénieur le poussa néanmoins à rejoindre en sprint ses compagnons en fuite au bout d’une demi-minute lorsque la seconde flèche se ficha dans sa fesse gauche.
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