Karak Vanne, signé Arzhiel
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Karak Vanne, signé Arzhiel

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 La Saison 5

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Arzhiel




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MessageSujet: Re: La Saison 5   La Saison 5 - Page 2 Icon_minitimeMer 5 Déc - 21:19

Episode 145 – De Bon Conseil

Virevoltant dans un foudroyant mouvement circulaire, Al abattit sa lame sur le farfadet des ombres et recula d’un pas pour mieux s’assurer de sa victoire. La créature geignarde et fluette convulsa misérablement à terre une ultime fois et se raidit avant de s’évanouir en poussière des ténèbres dont elle était issue.

- « Alors ? » demanda triomphalement le rôdeur en se tournant vers la projection diaphane du sage Kauko. « Pour être franc, je ne suis pas peu fier de ma prestation. Qu’en dites-vous ? »
- « On aurait dit un arriéré mental tentant d’assommer une poule avec une louche
», soupira l’esprit, blasé. « Deux plombes pour venir à bout d’un lutin famélique qui t’arrive au genou, c’est lamentable. On reprend tout à zéro. »
- « Vous charriez !
» protesta Al. « J’ai un peu traîné, mais j’ai gagné ! »
- « Soit ce farfadet est mort des suites de la pneumonie causée par les courants d’air de tes moulinets, soit il est mort de honte à la pensée de devoir expliquer à ses maîtres la tanche qu’il a du affronter
», répondit Kauko d’un air las. « En position. Lève ton épée. Tend le bras, souple et ferme. Là, ouvre le poignet pour accroitre ton amplitude et…le poignet, pas la main… »

Al émit un ricanement nerveux et ramassa son arme lâchée.

- « Je voudrais vous y voir », se défendit l’apprenti-paladin. « Je voulais être rôdeur, moi ! Vous savez ce que c’est de demander une initiation au combat à la dague à des nains qui emmènent leur hache dans leur bain et aux latrines ? Des bleus par paquets de douze et le surnom de lopette sur trois ans ! »
- « Pourquoi ne pas avoir choisi la hache alors ? »
- « Les haches, c’est pas classe du tout, ça fait pas héros, c’est moche et en plus… j’arrivais pas à les soulever. Oh un toutou qui approche ! Mignon le chien ! »
- « C’est un loup, ça.
»

Al poussa un cri strident de panique et sauta sur un rocher pour se mettre à l’abri. La bête s’approcha néanmoins encore un peu, s’assit sur le séant et regarda docilement le sage fantomatique et son élève avant de parler.

- « Salut, Al ! » fit la voix d’Ilurya à travers l’animal. « T’as enfin abandonné tes canifs à couper le fromage, lopette ? »
- « C’est pas la peine de venir me relancer, je ne réintègrerai pas cette équipe de crevards tant que je n’aurai pas reçu d’excuse
», bouda le rôdeur. « Et si c’est pour la bourse mauve à paillettes avec cordons de soie bleu de Cyril, contenant dix-sept pièces d’argent et huit de cuivre et ayant mystérieusement disparu avant mon départ, euh…je ne suis au courant de rien. »
- « Vorshek dit que tu peux toujours t’asseoir sur ton pouce et faire la tornade pour avoir des excuses, fallait pas détruire la statue du sage
», répéta le loup en se léchant la papatte. « Il ne voulait pas que je te contacte, mais je voulais te demander un truc. Tu sais, la fois où tu es rentré dans cette taverne privée après avoir été refoulé vingt-deux fois par le portier ? Comment avais-tu fait ? »
- « J’avais menacé le portier de présenter sa mère à Vorshek, pourquoi ? Qu’est-ce qui se passe ? Vous êtes où ? »
- « Zut, ça ne marchera pas cette fois, malgré tout le génie de cette idée
», ironisa la druidesse. « On est aux portes des catacombes de Valdemar l’Imputrescible. On cherche un moyen de se débarrasser des zombies de Tynfir et on pensait que piller les possessions d’un héros de légende immortel pourrait être juteux, mais le gardien qui en protège l’accès ne nous laisse pas rentrer. On ne peut pas le défoncer, c’est un sphinx golem en marbre bien mastoc qui répète toujours le même refrain dans une langue inconnue et assez dégueulasse. »
- « Il a une barbe en bouclettes et un chapeau pointu aussi démodé que tes fringues ?
» demanda le disciple en taillant un ennemi invisible, puis en ramassant à chaque coup son épée. « C’est du sumaréien ancien qu’il parle votre caillou sculpté. Valdemar était issu de leur peuple et connaissant le loustic, c’est une énigme portant sur sa descendance. Le type avait conquis la moitié du monde mais était gaga de son fiston. Essayez Bouli le Sans-Froc à haute voix, c’était son nom. »

Le loup demeura immobile un instant, le temps pour Al de réussir à se couper à l’omoplate avec sa propre épée. Puis Ilurya reprit le contrôle de la bête.

- « Le sphinx a libéré le passage ! » annonça l’elfe stupéfaite. « Les Esprits Célestes soient loués, Cyril attaquait une troisième chanson d’intimidation. Mais comment tu savais ça, toi ?! »
- « Y a tout un chapitre sur la vie de Valdemar dans les Saintes Ecritures
», répondit nonchalamment le rôdeur en bandant son épaule. « Je m’en souviens bien, c’était juste avant ma quatrième crise de démence lors de la lecture. »
- « Bon, ben, merci du coup de main. Mais t’es toujours viré de l’équipe. »
- « Et toi, toujours plate, limace !
» rétorqua l’apprenti tandis que le loup s’éloignait, libéré du sort.
- « Ils ne trouveront aucune relique susceptible de les aider contre la sorcellerie de Tynfir dans ces catacombes », déclara Kauko, songeur. « Tu le sais. Seule la Perle Pure peut vous sauver. Pourquoi n’avoir rien dit ? »
- « Parce que la dernière fois que j’ai parlé de la Perle Pure, Gonzague m’a mis une mine dans les molaires. Et puis, à l’intérieur, ils seront à l’abri de Kerttu le drow lâché à leurs basques. »
- « Tu es une âme brave
», sourit le sage. « Par contre, tu te bats comme une brêle, c’est affligeant. »
- « Vous pouvez être plus précis, plus constructif ou au moins plus pondéré dans vos analyses ? Ou je vends l’épée à un colporteur et je me sers de votre foutu bouquin pour mon hygiène personnelle, celle qui se déroule derrière les buissons ? »
- « J’ai noté trois défauts chez toi. Pour ta partie martiale, j’entends. Pour le reste, je n’aurais pas assez de la journée. Pour faire court, tu es bigleux, tu n’utilises pas ta main directrice et niveau force brute, agilité et astuce, tu es proche de la moule. On peut corriger deux de ses travers. Pour le dernier, je ne te cache pas que ça va être plus ardu et qu’il va falloir faire quelques heures sups durant ton sommeil. »
- « J’apprécie grandement votre sens de la pondération
», marmonna Al, dépité.
- « Suis-moi, la taupe, on va s’occuper de tes yeux. Je connais un chaman orc qui vit dans le coin, il va t’arranger ça entre deux rempaillages de chaise. En plus, c’est bonnard, il fait moitié prix sur les greffes d’yeux jusqu’à la mi-saison. »
- « Une greffe ?!
» bondit le disciple en brandissant son épée. « Si vous croyez que je vais me laisser tripoter les mirettes par un chaman bohémien, vous vous fourrez le doigt dans l’œil ! »
- « L’autre main, cervelle de puce. N’oublie pas qu’on est à court de potion de soins, tu vas encore te couper un doigt et couiner comme une…Et voilà, j’avais prévenu ! Bon, ramasse-le, le chaman devrait pouvoir te recoller ça. Hum ? Je ne sais pas, derrière l’oreille comme la dernière fois, mais il ne faudra pas l’oublier celui-là cette fois, c’est pénible d’être suivi par les chiens errants.
»

Plus tard, dans les catacombes

Vorshek, Gonzague, Cyril et Ilurya surgirent d’une pièce à toute vitesse, se bousculant pour fuir le long d’un étroit couloir tandis qu’un élémentaire de feu lancé à leur poursuite incendiait tout sur son passage. En dernier ressort, Ilurya passa ses doigts sur le front de Cerise et se servit de sa sueur pour invoquer un élémentaire d’eau afin de les protéger. La créature, gorgée de magie druidique, prit la forme d’un humanoïde avec un postérieur largement hypertrophié avant de livrer un combat épique contre son antagoniste enflammé, les détruisant tous les deux.

- « Efficace, mais je ne saurai pas dire pourquoi, un tantinet vexant quand même », commenta le hobbit essoufflé en examinant son arrière-train.
- « Félicitations, Ilurya ! » s’exclama Vorshek. « Même si les années ne t’ont pas épargnées niveau rides, tes pouvoirs ont bien progressé. Ce petit incident nous a également appris que le point faible de ce colosse n’est pas le feu puisqu’il nous le renvoie direct dans la mouille sous forme d’élémentaire. Qu’avons-nous appris d’autre ? »
- « Que nous sommes des quiches
», ronchonna Gonzague, la larme à l’œil devant sa hache quasiment carbonisée.
- « Que nous sommes faibles, inexpérimentés et mal préparés pour ce donjon », répondit Ilurya en évitant le regard noir que Cyril lui lançait.
- « Tout à fait exact ! » applaudit le semi-elfe. « Je connais une druidesse qui marque des points et cherche à être récompensée par son prince…Qu’est-ce que tu fais ? »

L’ensorceleuse venait d’ouvrir un portail de transport, brèche luminescente dans l’espace donnant immédiatement accès à une sombre et épaisse forêt. Puis elle sortit de sa sacoche une boîte métallique qu’elle se mit à agiter devant le passage en poussant de petits piaillements bizarres.

- « J’invoque un familier en renfort parce que sinon, on ne s’en sortira jamais », renseigna-t-elle tandis qu’une panthère des sous-bois au pelage couleur de mousse franchissait le portail d’un bond souple et agile.

Ilurya lui administra une caresse affectueuse et ouvrit sa boîte afin de lui verser les croquettes qu’elle contenait.

- « C’est drôlement impressionnant le druidisme », commenta Gonzague, perplexe. « C’est dans le grimoire piqué à Elenwë que tu as trouvé ce sort d’appel ? »
- « Habituellement, j’invoque une nuée d’araignées servant d’éclaireurs, mais vu que tu les piétines comme une hystérique possédée, j’improvise ! »
- « Non, pas les araignées, ça fait des toiles toutes sales
», se lamenta la berserker.

Le passage magique allait se refermer lorsqu’une seconde silhouette la franchit, d’un bond lourdaud et maladroit qui se conclut par une chute grotesque. Hjotra se releva en ricanant, sale, vêtu comme un souillon, la barbe hirsute et des brindilles plein les cheveux.

- « J’ai entendu des croquettes ?! » s’écria-t-il, les yeux écarquillés. « Y a de la pâtée aussi ?! »
- « Maître ?!
» lança Gonzague, hébétée. « Mais vous venez d’où ? On pensait que Tynfir vous avait capturé ! On était tous morts d’inquiétude !...C’est Hjotra le nom que vous cherchez, Cyril… »
- « Le dragon m’a confondu avec Vorshek, mais seigneur Arzhiel l’a renvoyé sans indemnisation. J’ai suivi les bêtes pour pas me faire croquer par les zombies. Les sangliers puent vachement et ne sont aussi affectueux qu’ils le paraissent. Les racines et les fruits, ça fait tomber la barbe et pousser les tresses. Il ne faut pas voler les œufs des harpies, ni manger ses lacets parce qu’après on tombe en courant. Et dormir dans les fossés, ça pique et ça craint. Quelqu’un a de la charcuterie, même allégée ? Je sens l’os de mon estomac quand je le touche. »
- « Content de vous retrouver dans le même état qu’au départ
», fit Vorshek. « Vous nous avez manqué. Ilurya, une autre brillante idée pour nous mener au trésor de Valdemar ? En plus du chat sauvage et de l’ingénieur clochardisé, je veux dire ? »
- « Absolument, princesse. Le renard.
»

Al, plaqué contre le fond de la roulotte, une spatule en bois enfoncée dans l’orbite et armé de son couteau à beurre de secours, menaçait le chaman orc d’une voix hystérique lorsqu’un renard se faufilant à l’intérieur se planta devant lui et l’observa en penchant la tête sur le côté.

- « Tu feras attention, tu as une cuillère dans l’œil », le prévint Ilurya à travers l’animal.
- « Au risque de paraitre inconvenant, veux-tu bien dégager ton chat de là, ce n’est pas vraiment le moment ! » couina l’apprenti-paladin.
- « C’est un renard, t’es bigleux ou quoi ? » répondit la druidesse tandis que l’orc et Kauko échangeaient un regard entendu. « Juste une question. Dans ton bouquin, est-ce qu’ils parlent du point faible d’un colosse nommé Calbar la Poutre par hasard ? Son fantôme nous en met plein la tronche. »
- « Le demi-frère général de Valdemar ? Son gros orteil gauche. Selon la légende, c’est la seule partie de son corps que l’ange Galochiel n’a pas léché en cherchant à le rendre invulnérable. Tu es sûre que c’est un renard, bleu ciel comme ça ?
»

La bête ne daigna même pas répondre et disparut par une fenêtre, laissant l’ancien rôdeur aux prises avec son ophtalmologiste nomade. Grâce au précieux conseil d’Al, les Dragons qui Roxxent parvinrent à se débarrasser du spectre de l’ancien général et poursuivirent leur exploration jusqu’à l’antichambre de la salle du trésor. Mais l’obstacle qu’ils durent affronter leur parut tellement insurmontable que même Vorshek, au bord de la crise de nerfs, accepta au bout de plusieurs jours qu’Ilurya contacte une troisième fois leur ancien camarade pour requérir son aide. Ce dernier était en train de changer les bandages de ses yeux lorsqu’une belette surgit sous son nez.

- « Salut, Ilurya », marmonna Al en s’extrayant du seau où son brusque mouvement de stupeur l’avait projeté. « Attends, laisse-moi deviner ? Un rat ? Non, un mulot ! Une fouine ? »
- « C’est pas que les yeux
», en conclut la druidesse. « Tu es rôdeur, mais tu es aussi ignorant en animaux qu’en combat, en pistage, en cuisine ou en goût capillaire. »
- « Mouais, je ne suis pas sûr que tu soies bien placée pour vanner sur les cheveux…C’est pour quoi ? Tu viens reconnaître que la vraie raison de mon renvoi, c’est parce que je n’ai pas voulu vendre mon épée pour renflouer les finances du groupe ? »
- « Non, c’est sérieux. Les boulets de l’équipe galèrent sévère depuis trois jours au seuil de la chambre mortuaire de Valdemar. Impossible de passer. On se fait bouter les miches jusqu’à la sortie et on doit tout recommencer à chaque fois. Même Cyril en a marre de se faire botter. C’est la lumière ou tu as un œil rouge et l’autre jaune ? »
- « C’est la faute de Cerise, il n’avait qu’à avoir plus d’argent aussi…C’est quoi votre embûche ? Un monstre ? Une énigme ? Un piège ? »
- « Pire
», répondit la jeune elfe en frissonnant. « Une salle d’attente : la Salle du Temps Perdu. C’est blindé d’une foule des spectres anciens sujets de Valdemar qui attendent leur tour pour une audience. Mais celui-ci ne les reçoit qu’un par un. Une vieille pie désagréable et molle choisit qui passe depuis son comptoir. On attend des plombes, c’est jamais notre tour et pour ceux qui ne craquent pas, c’est des heures à poireauter au milieu des fantômes qui toussent, qui puent ou qui racontent leur vie pourrie. Y a des enfants qui braillent, on a perdu Hjotra dès le premier jour. La momie ne veut rien savoir. Elle ne marche ni à la menace, ni à la corruption, ni à la drague. Vorshek refuse d’échouer si près du but. Je crois que c’est personnel depuis qu’elle lui a mis un râteau. »
- « Je vois
», acquiesça Al. « Dans ce cas-là, c’est assez tordu, mais il y a une solution. Je vous la donne si vous acceptez de me réintégrer. »
- « Vorshek dit que si tu arrives à nous sortir de cet enfer, il acceptera même de t’appeler mon ami en public. Il est au fond du gouffre, tu comprends. »
- « La franche amitié, ça me réchauffe toujours autant le cœur
», soupira le disciple. « L’astuce, c’est de prendre rendez-vous en fin de matinée. La vieille prendra fatalement du retard, mais sera obligée de vous faire passer. C’est le seul moyen au monde pour lui faire adopter un rythme plus rapide, c’est-à-dire presque normal, puisqu’elle voudra absolument partir à l’heure pour sa pause déjeuner. C’est une épreuve de niveau héroïque, voire légendaire, tu sais. Vous avez de la chance que je connaisse quelques astuces et que je… »
- « Te fatigue pas, coco bel-œil, elle est partie
», dit Kauko depuis son épée. « Tu n’es pas sans savoir que Valdemar a distribué toutes ses possessions à son peuple avant de mourir et n’a rien de valeur dans ses catacombes. Tes petits potes vont ramener peau-de-balle de leur expédition. »

Al adressa un clin d’œil au sage et repartit sans répondre, sifflotant gaiement, un sourire enjoué sur les lèvres.

Bilan de la mission :
Vorshek : Leadership : -1
Ilurya : Invocation de familier(s) et d’ingénieur : +1
Gonzague : Arachnophobie : +1
Cyril : Course de fond +1
Hjotra : Survie en milieu forestier +1
Membre non-titulaire :
Al : Vue +100, Combat (main directrice) : +10, Zoologie : -1
Expérience Acquise : Désastreuse
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Arzhiel




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MessageSujet: Re: La Saison 5   La Saison 5 - Page 2 Icon_minitimeMer 12 Déc - 20:40

Episode 146 – Embuscade

- … « Et c’est ainsi que j’ai appris que le seul pouvoir susceptible d’annihiler celui de Tynfir et du Sceptre de Commandement est celui contenu dans la Perle Pure », conclut Al d’un air professoral. « D’après Kauko, celle-ci se trouve dans le saumon qui est dans la loutre, elle-même dans le corbeau qui est dans le faucon, que l’on trouvera dans la biche dans le loup. Le loup étant, cela coule de source, dans l’ours. Des questions ? »
- « Est-ce que le fait d’avoir un œil rouge et un œil jaune te fait voir en orange ?
» interrogea Cyril.
- « Peux-tu nous déclamer une nouvelle fois ton titre d’Aladin le Paladin à haute voix ? » demanda Gonzague, encore écarlate de son fou rire. « Je ne m’en lasse pas. »
- « Si ton œil jaune était avant un œil droit et que toi, tu le portes à gauche, est-ce que c’est aussi désagréable qu’en inversant ses chaussures ?
» fit Ilurya, curieuse.
- « Sera-t-on obligés de se farcir tes messes toutes les quatre heures une fois que tu seras paladin ou on peut se faire excuser avec un mot de son seigneur et père ? » voulut savoir Vorshek.
- « Ça sent les crêpes, non ? » s’enquit Hjotra.

Le jeune disciple dévisagea ses compagnons d’un air blasé, hésitant entre un baffage collectif et une carrière de paladin solitaire ermite et associable.

- « Définitivement, vous êtes des bourrins », grommela-t-il. « Je vous offre la chance de pouvoir sauver le pays, de rentrer au Karak en héros et surtout de mâcher le joli fion de Tynfir à grands coups de sandalettes et vous gloussez comme des dindes ! »
- « Fais pas ta boudeuse
», lui rétorqua Vorshek. « La dernière fois qu’on t’a vu, tu étais incapable de les lacer, tes sandalettes, sans te nouer les doigts avec et là tu te poses en sauveur. Il va nous falloir du temps avant de sortir les trompettes. »
- « Prince bourreau des mœurs a raison
», rajouta Ilurya." Mets-toi à notre place. On essaie de savoir à quel moment tu vas nous embourber pour nous piquer notre bourse, notre goûter et nos chaussettes propres. »
- « Tu me feras penser à bosser ta kleptomanie
», commenta Kauko depuis son épée.
- « Oh, ça va, c’est arrivé qu’une fois et je vous les ai rendus les chaussettes, après usage, non ? Allez, quoi, un effort ! La Perle Pure est mon épreuve pour devenir palouf. Si j’échoue, je vais devoir me coltiner à vie un moine bedonnant et vioque à moitié à poil qui vend mes yeux et pire, me force à lire ! »
- « Tu sais que je t’entends et que je contrôle les rêves
», rappela le sage d’un ton placide. « J’en connais un ce soir qui va encore rêver qu’il est une elfe ballerine prête à tout pour remporter le concours régional de beauté, catégorie jouvencelle en fleur de moins de 75 ans. »
- « Non pitié, la dernière fois j’ai perdu en demi-finale à cause de cette horrible accroc à ma houppelande rose nacrée ! »
- « Pardon ?
» s’étonnèrent Vorshek et Ilurya.
- « Rien, je parlais à mon épée. Allez, je ne suis pas taré, cette perle doit bien exister. Imaginez qu’elle ait de la valeur, c’est un billet retour assuré pour le Karak ! Je vous signale qu’on est bannis à cause de sa suzeraineté ! »
- « Bof, perso, il me suffira d’épouser un noble et je serai réhabilitée
», intervint Gonzague en polissant sa hache.
- « Sauf que tu es fiancée à Vorshek. Aucun nain ne voudra voler la promise du fils du seigneur et selon les lois du Karak, les épousailles surviennent obligatoirement trois saisons après l’annonce des fiançailles. Ça fait combien de temps qu’on court la campagne comme des bohémiens ? »

La berserker se redressa d’un bloc, soudain terrorisée. D’une main, elle ramassa son paquetage, de l’autre, Cyril et Hjotra, l’un endormi et l’autre lui fourrant des pâquerettes dans les narines.

- « Si j’ai bien compris l’énigme, il faut d’abord chercher un ours ? » lança-t-elle, pleine d’une fougue désespérée.
- « Bon ben on ne sait ni où, ni comment, ni surtout pourquoi, mais allons-y », céda Vorshek, de guerre lasse. « Perle ou pas, ce sera l’occasion de voir de nouveaux minois et de nouveaux minous. »
- « Et éviter de se faire décalquer l’un et l’autre si Kerttu et sa troupe de tueurs déglingués nous tombent sur le râble
», relativisa Ilurya. « En route, les Dragons qui Roxxent ! Je crois savoir vers où diriger notre lamentable compagnie. Au nord-ouest se trouvent les frontières du pays montagneux des Chicots du Ciel, aussi appelé pays de l’ours. »
- « La druidesse est rusée
», ricana Kauko à l’attention d’Al. « En plus, elle est encore relativement fraîche et a de bonnes hanches pour enfanter. Tu devrais essayer de te placer, histoire d’assurer ta descendance si jamais tu venais à quimper durant ton épreuve. »
- « Soit tu complimentes ce que tu mates et je me limite à une claque, soit tu vires tout de suite ton regard bicolore de là et je t’invoque une mygale dans la culotte, Aladin le pas malin !
» menaça la jeune elfe en faisant siffler ses cheveux serpents.
- « Ta…ta robe d’invocatrice, c’est du lin des Plaines Venteuses ou du coton sylvestre du ponant ? Sa coupe est remarquable ! »
- « Merci, mais c’est trois fois rien
», gloussa la druidesse en rougissant. « Je l’ai faite moi-même. Tu aimes les broderies aux encolures ? »
- « Merci les concours de beauté
», fit Kauko, narquois, tandis qu’Ilurya débattait furieusement mode et couture avec Cyril et Hjotra, qui lui, pensait parler de champignons.
- « Je vous hais », murmura Al, fébrile en inspectant néanmoins ses sous-vêtements, par sécurité.

Les Dragons qui Roxxent marchèrent plusieurs jours en direction du nord-ouest avant d’atteindre les premiers contreforts marquant la frontière avec le pays de l’ours. Le but offert par la révélation d’Aladin et la perspective d’échapper aux mort-vivants et aux assassins à leurs trousses avaient grandement améliorés le moral du groupe, mené par Vorshek. Ce dernier, remis de sa déconvenue avec Tynfir et loin de s’intéresser à la mission, flânait en fouillant dans sa mémoire à la recherche d’une connaissance susceptible de le consoler de son chagrin d’amour.

- « Violette est trop fleur bleue et Anne, trop têtue », expliquait-il en cheminant. « Je songeais à Carolina, mais Caro est trop froide, trop lisse, trop fragile. Elle réfléchit peu et devient vite cassante. Tiens…Regardez en contrebas…N’est-ce pas une troupe en embuscade dans ce virage là-bas ? Ces marauds tendent un guet-apens…Tu trouves ça marrant, toi ? »
- « J’arrive à les voir
», jubilait Al, tout fier. « Ils sont vachement loin en plus ! »
- « Par mes nattes ébouriffées !
» jura Gonzague. « Ce sont des drows de Kerttu ! Je reconnais la tête de chien tranchée au bout d’une pique et enroulée dans des ronces qui leur sert d’emblème. Vous croyez que c’est nous qu’ils attendent ? »
- « C’est une tête tranchée de chien mort, vous pensez ?
» s’inquiéta Hjotra.
- « Comme le berger qui nous a jeté des pierres quand Al a volé ses fromages était la dernière personne croisée et que ça remonte à deux jours, je ne vois pas qui ils peuvent attendre d’autre », en déduisit Ilurya.
- « Ce défilé est le seul passage pour accéder au pays de l’ours », informa Al. « Kauko dit que Kerttu doit sans doute chercher lui aussi la Perle Pure afin de protéger Tynfir. Il dit aussi que Hjotra est un benêt, mais que cela n’engage que lui. »
- « Ils sont trop nombreux pour passer en force
», observa Vorshek. « Même avec ma grandiose et spectaculaire magie. »
- « Ils ne sont que cinq !
» protesta Ilurya, choquée.
- « Je précise : ils sont trop nombreux pour des quiches comme nous. Il nous faut un plan pour passer en loucedé. »

Chacun réfléchit intensément au problème, même Hjotra qui s’était mis en tête de sauver le chien à tête tranchée.

- « Je connais un sortilège d’invisibilité de groupe », proposa Ilurya,« mais il nécessite un pied de vache porté en pendentif par chacun. Personne n’a de vache sur lui, j’imagine ? »
- « C’est ballot, j’ai laissé la mienne au Karak
», pesta Hjotra.
- « Et Gonzague n’a que deux pieds », ajouta Al avant de voler, puis s’écraser contre un piton.
- « J’ai appris un chant pour animer les pierres et déclencher un éboulement », avança Cyril. « Par contre, je vise très mal à cette octave. On n’est pas à l’abri de ne pas être à l’abri. »
- « Gonzague et moi on les attaque de front pendant que Vorshek et Ilurya nous couvrent avec leur magie
», fit Al en se relevant avec dignité, fixant leurs ennemis d’un regard déterminé et héroïque.
- « Ce serait fendard de voir des drows constipés et psychopathes mourir de rire », admit Gonzague, « mais les ancêtres risquent de me pourrir si je claque merdiquement aux côtés de tanches de combat comme vous. Sans vouloir vous vexer, hein. »
- « Moi, je sais comment nous débarrasser des vilains piqueurs de chien
», annonça brusquement Hjotra, à la stupeur générale. « Regardez ça, c’est une rune enchantée que j’ai volé à Svorn. Je reconnais ce signe, ça indique qu’elle déclenche une pluie de pics de glace. Depuis cette hauteur, je devrais être capable d’atteindre les méchants. »

L’ingénieur escalada un rocher en bordure de la falaise, huma le vent, visa longuement, puis projeta la pierre enchantée en direction des drows. La rune tomba loin dans leur dos et fit apparaitre un superbe fraisier gariguette en touchant le sol. Quand les Dragons qui Roxxent braquèrent leurs regards ombrageux vers le vieux nain, ils s’aperçurent que l’invocation avait entièrement vidé de ses forces celui-ci et qu’il gisait en travers de son caillou, ronflant bouche ouverte.

- « Pour sa défense », fit Gonzague, rouge de honte, « il ne sait pas lire et encore moins reconnaitre les symboles runiques. En plus, cette fois, vous remarquerez qu’il ne s’est pas évanoui dans ses urines. »
- « Si personne n’a de meilleur plan que la lapidation à coups de fraises, je m’en occupe
», soupira Vorshek.
- « La bonne blague ! » rit Al. « Je croyais que ta formidable et précieuse magie serait insuffisante pour ça ! »
- « Ne sois pas ridicule, je suis invincible avec Foudrargent. C’est juste que l’effort risque de marquer mon teint immaculé après cette longue marche. Et puis je viens de me souvenir que les fioles de sang drow s’écoulent très bien auprès des alchimistes. Suivez, roturiers de basse extraction et admirez la superbe sorcellerie royale en action. Je vais les changer en cocottes.
»

Le demi-elfe descendit le long du lacet formé par la route et se dirigea d’un pas léger en direction des bandits qui se précipitèrent à sa rencontre quand il fut à portée. Vorshek tendait sa baguette enchantée vers eux lorsque la terre se mit à trembler alentour. Les Dragons qui Roxxent regardèrent d’un air ahuri le sol autour d’eux se déchirer sous l’impulsion de dizaines de poings de roche gigantesque. Lorsque les doigts graniteux s’écartèrent, de nouveaux drows lourdement armés vinrent former les rangs d’un bataillon entier les encerclant. A leur tête, Kerttu le Sang Clair fixa le petit groupe d’un air hostile, partagé entre la satisfaction de son piège réussi et la révulsion envers l’horrible puanteur qu’il charriait encore depuis son assaut sur la caverne d’Ilurya et dont il ne parvenait pas à se débarrasser.

- « J’ai compris ! » s’exclama Al en se tournant vers la druidesse. « Ils ont utilisé la magie pour se cacher, c’est ça ? »
- « Non, si tu regardes bien, ce sont en fait des taupes géantes déguisées en drow
», ironisa l’elfe.
- « Vous allez mourir », déclara sobrement Kerttu tandis que ses soldats coupaient toute retraite. « Vous allez mourir parce que vous avez osé dérober le Sceptre de ma reine sombre, parce que certains sont des elfes et parce que je suis souillé à jamais car l’un d’entre vous a une alimentation et une digestion déplorables ! Une dernière déclaration avant de vous faire hacher ? »
- « Pour vous paraphraser
», répondit Gonzague, « je dirais « on est dans le caca » ».
- « Une dernière volonté ? » enchaîna le drow en foudroyant la naine du regard.
- « Est-ce qu’on peut toucher les fesses de sa voisine ? » demanda Al en levant la main, tandis qu’Ilurya échangeait discrètement sa place avec Cyril.
- « Vous continuez à faire les marioles ? » grogna Kerttu. « Vous êtes coriaces, je l’admets. Mais je vous promets que vous allez bientôt couiner comme des… »

L’elfe noir fut interrompu par un cri strident et brusque qui saisit toute l’assemblée. Il fallut d’ailleurs un certain temps aux soldats de Tynfir comme aux autres Dragons pour comprendre que Cerise entonnait un chant funéraire particulièrement aigu et vrillant.

- « Par la corne à bière de mémé ! » rugit Gonzague. « Vous ne trouvez pas qu’on passe un assez mauvais moment pour nous torturer comme ça ?! Vous voulez qu’on claque sous la pluie ?! »

A peine la naine avait-elle hurlé son imprécation que le ciel se couvrit brusquement, englobant le flanc de la montagne sous une pénombre épaisse à travers laquelle commença à s’abattre une fine pluie de cendres, d’étincelles et de débris enflammés. Alliés et ennemis eurent le même réflexe de lever la tête, juste à temps pour assister à l’atterrissage pesant d’un gigantesque et cauchemardesque balrog. Le démon primaire, d’ombres et de feu, agitait un fouet ardent et une énorme épée à la lame léchée par les flammes. La créature se posa au beau milieu des rangs des drows médusés, éventrant et calcinant la montagne et le sentier à chaque pas.

- « J’ai pas compris les paroles de votre ode, mais y avait combien de rimes riches pour invoquer un bestiau pareil ?! » demanda Al à Cyril, bouche bée.
- « ENFIN ! » clama le démon titanesque, en proie à une vive colère. « J’ai enfin trouvé la source de cette horrible vacarme insupportable ! Lequel d’entre vous est à l’origine de cette violation auriculaire ?! Et non, je ne parle pas du petit doigt. Ecoutez, j’ai passé cinq siècles à pioncer d’une traite sans une crampe, sans un rêve louche et sans la moindre envie de faire pipi et il a suffit d’un seul chant pour me réveiller ! Déjà que je ne suis pas du matin, mais là, réveillé en sursaut par cette torture vicieuse et intolérable, j’admets que j’ai été un brin chafouin. La ville de Saint-Crépin le Poissard, hop, flambée, cramée, rasée. Rideau. »
- « Saint Crépin, c’est pas la cité où on a passé l’épreuve du Donjon des bas-fonds ?
» murmura Vorshek à l’attention d’Al, en regardant Cyril du coin de l’œil. « Celle où Hjotra a trouvé Cerise ? »
- « Les braises étaient encore tièdes que le chant est revenu pour se taire juste après
», poursuivait le Balrog en prenant les drows hébétés en témoin. « Ça fait des semaines, des mois que ça dure ! Impossible de fermer l’œil sans entendre les échos de ce barouf qui me vrille les tympans. Je deviens dingue ! Tout ça pour vous dire que le responsable de ce boxon a plutôt intérêt à se dénoncer rapidement sinon je désintègre le continent. Désolé, mais si je n’ai pas mes 600 ans de sommeil, je suis un poil soupe-au-lait et grognon. Du coup c’est qui ? Sérieux, balancez. Je dis ça pour vous, les p’tits potes, parce que dans deux secondes, je taille dans le tas avec l’épée de feu. »
- « Oh, par ma splendide chevelure, je ne veux pas mourir par le feu
», se lamenta Vorshek. « Ça risque de faire d’abominables cloques sur ma peau veloutée et fragile ! »

Tous les regards se tournèrent en direction de Cyril, un tantinet mal à l’aise. Le barde ne se démonta pas pour autant. Avant que l’un des sbires de Kerttu ne le désigne, il pointa un index grassouillet et accusateur en direction d’un drow proche au moment même où la chanson atroce entamée plus tôt se fit de nouveau entendre, émanant de la bouche entrouverte par la stupeur de ce dernier. Le soldat afficha un air à la fois hébété et désespéré avant que la lame en brasier du balrog ne le réduise en tas de cendres évanescentes. La chanson ne s’interrompit pourtant pas, reprise par son voisin. Le démon le pulvérisa sous son talon gigantesque. Le chant rebondit alors jusqu’à l’elfe noir suivant.

- « Ah, d’accord, c’est une chorale, c’est ça ? » demanda le titan en tremblant de colère. « Alors, là, ça va piquer ! »

Les flammes qui consumaient la créature infernale implosèrent brusquement sous le coup de sa colère, l’auréolant d’un incendie furieux et marquant le début d’un combat épique l’opposant au bataillon de Kerttu. Les Dragons qui Roxxent, experts en la matière, exploitèrent habilement la diversion pour s’éclipser à toute vitesse, ne ralentissant qu’une fois la montagne suivante atteinte.

- « Ventriloquie, hein ? » demanda Ilurya à Cyril quand ils s’arrêtèrent enfin.
- « Je suis un artiste complet », se défendit le barde, affreusement vexé.
- « On a failli tous finir en saucisses grillées à cause des délires vocaux de Cerise ! » explosa Gonzague en reposant Hjotra, évanoui sur ses épaules. « Un démon primaire ! Un monstre de l’ancien-monde ! Sans vouloir paraître exagérément intolérante ou autoritaire, vous pouvez ne plus jamais chanter ? A vie ? Même sous la douche ? »
- « J’arrive pas à croire qu’on ait survécu à ça
», renchérit Al, fébrile. « On a dû mal s’exprimer les mille dernières fois qu’on a demandées, mais en plus de ne plus chanter, vous pouvez ne plus être barde ?! Même moi j’ai réussi à entamer une reconversion professionnelle ! »
- « Puisque le monde ne semble pas encore prêt pour mon talent
», déclara Cyril de mauvaise grâce,« je veux bien accepter de ne plus chanter. En revanche, je continue à faire le barde. Il n’a émis aucune critique sur ma musique, il me semble… »
- « Comment tu t’es débrouillé pour monter une équipe de pareils bras-cassés ?!
» s’exclama Ilurya à Vorshek qui gobait quelques fraises récupérées au passage.
- « On est vivants et on a atteint le pays de l’ours », répondit calmement le magicien. « Curieusement, ces deux succès sont bien plus inhabituels que ce genre de rencontre apocalyptique et mortelle. C’était finalement une bonne idée d’attaquer ces soudards de Tynfir de front. Je deviens véritablement un meneur d’équipe d’exception. »

Le semi-elfe ramassa un brin d’herbe qu’il se ficha dans le coin de la bouche avant de tendre un large sourire de fierté à la druidesse.

- « J’adore quand un plan se déroule sans aggro ! »

Bilan de la mission :
Vorshek : Improvisation de tactiques +1
Ilurya : Mode +1
Gonzague : Motivation de désespoir +1
Cyril : Popularité (mondes infernal et démoniaque) -10
Hjotra : Magie runique -1
Al : Persuasion -1, Capacité de survie +1
Expérience Acquise : Catastrophique

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Arzhiel




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MessageSujet: Re: La Saison 5   La Saison 5 - Page 2 Icon_minitimeMer 19 Déc - 20:40

Episode 147 – En Quête du Corbeau

Arzhiel passa discrètement la tête entre deux stalagmites lui bouchant la vue afin de mieux apprécier la distance le séparant de la sentinelle mort-vivante bloquant le passage, puis se retira sans un bruit. Les regards des guerriers d’élite attendant immobiles dans le couloir se braquèrent sur lui. Le seigneur de guerre leva un petit panneau de bois gravé où apparaissait le dessin d’un nain en alerte, un doigt sur la bouche pour signifier le silence. C’était le seul moyen qu’il avait trouvé pour communiquer ses ordres à ses ânes de soldats qui ne percutaient rien au langage des signes. Le dessin sur panneau s’était imposé de lui-même après quelques tentatives échouées où Arzhiel avait gravé des mots, sans effet sur ses combattants illettrés, analphabètes ou bêtes tout court. Le maître du Karak étudia longuement une série de haches et de masses de tailles différentes avant de choisir la plus grosse et la lancer avec violence sur le zombie. Ce dernier s’écroula dans un râle. Un nouveau panneau d’un nain doté de gros pieds remit le groupe en mouvement.

- « J’ai fait un rêve bizarre cette nuit, seigneur », confia Brandir, le berserker, en rejoignant son chef. « J’étais un saumon péché par une loutre puis emporté par un corbeau, chassé par un faucon, puis capturé par une biche mangée par un loup. Vous pensez que c’est un rêve comme ceux qui annonçaient l’invasion des mort-vivants, un rêve péremptoire ? »
- « Prémonitoire
», rectifia Arzhiel en murmurant. « Fermez-la, il y a de l’écho dans ces tunnels et l’ennemi est proche. »
- « Mais il signifiait quoi d’après vous ? »
- « Rien. Juste un message de vos derniers neurones qui veulent que vous arrêtiez de picoler. »
- « Pfff !
» pesta le guerrier énervé. « Ben, c’est pas eux qui décident ! »

Arzhiel leva les yeux au ciel et poursuivit. La troupe d’élite parvint bientôt en vue de la sortie du souterrain, la galerie remontant en pente douce vers un sentier menant à une carrière de pierre abandonnée. En son centre était dressée une lourde table en granit aux rebords parcourus d’une ceinture de runes faiblement luminescentes. Une troupe importante de zombies d’orcs, d’humains, de nains et de créatures diverses formait des rangs compacts autour d’elle, dos tournés au souterrain.

- « On va faire simple, histoire de ne pas vous embrouiller », chuchota Arzhiel à l’attention de ses combattants. « Tous ceux qui sont plus gras, plus larges et plus gros que moi, en première ligne et vous tapez jusqu’à ce que ça ne bouge plus en face, pas même un orteil. Les autres, avec moi, on force leurs lignes et on sécurise la table de pierre. J’ai besoin de deux lanceurs de runes en couverture. »

Deux nains échangèrent un regard interrogatif et se désignèrent en s’enroulant dans leurs fourrures. Arzhiel éclata ses panneaux sur leur crâne, ce qui déclencha le début des hostilités. Nains et morts-vivants se ruèrent les uns sur les autres dans un combat d’une rare sauvagerie et d’une stratégie plus rare encore. Arzhiel parvint à percer les défenses ennemies et se retrouva nez à nez avec la liche (puissante sorcière mort-vivante) envoyée sur place par Tynfir elle-même.

- « Estelle Le Fémur ! » la reconnut Arzhiel en se plantant devant la mort-vivante légendaire. « Je vais t’apprendre la vie, sac d’os ! »
- « Tu ne peuuuuuux me vaincre
», caqueta la créature. « Mon sortilège d’armure de glaaaaaaces éternelles rend ta hache inutiiiiile. Je te promets souffraaaaaance et terreuuuuur ! »
- « Désolé, je suis déjà mariéééééé
», se contenta de répondre le seigneur de guerre en ouvrant un petit coffret préparé par Elenwë.

Un cône de feu draconique vaporisa le monstre et une large partie des zombies réunis autour de lui. Arzhiel se glissa sous la table de granit et logea dans un espace escamotable une paire de runes gorgées de magie. Le sortilège contenu dans la relique sacrée s’activa de nouveau, libérant une énergie suffisante pour détruire toute trace de magie nécromancienne sur la montagne. Les morts-vivants encore debout s’écroulèrent en tas de cendres, à l’instar de l’armée de Tynfir occupée au siège du Karak, sur l’autre versant.

- « Et voilà le travail ! » s’exclama Arzhiel en se relevant. « Le Karak est libre et Tynfir va devoir à présent apprendre à échapper à une meute de nains furax et très taquins. Non, Brandir, on ne ramène pas de tête de yéti zombifiée en souvenir. Même pour décorer votre piaule. Bon, à présent, c’est à nos gamins de jouer. J’espère qu’ils progressent de leur côté…Les oreilles ? Ouais, d’accord, mais j’en veux une. Je la planquerai dans la soupe d’Elenwë ce soir. »

Pendant ce temps, bien plus loin au pays de l’ours, dans la forêt du louveteau clampin, en plein territoire de la tribu elfe des Biches Batifolantes.

- « Les animaux !!! » hurla le druide dément en abattant une pluie de pierres sur les Dragons qui Roxxent. « Ils sont où ?! »
- « Au même endroit où je vais te placer le bout de ma botte si tu nous balances encore ton gravier sur le melon, espèce de vieux clodo dépenaillé !
» répondit Al avec fureur en courant entre les débris de rochers.

L’apprenti paladin piqua un sprint droit sur l’enchanteur, son épée Kauko brandie, mais fut fauché par une racine géante animée par magie avant d’atteindre sa cible.

- « Rendez les animaux ! » ordonna l’enchanteur elfe hystérique tandis que de nouvelles racines-fouets s’animèrent autour de lui pour le protéger. « Les oiseaux, les rongeurs ! Même les putois ! Libérez-les ! »
- « Avant que tu ne fasses la moindre remarque désobligeante
», fit Ilurya à Vorshek, tous deux prisonniers des racines géantes, « le druidisme est avant tout une passion dont l’enseignement est censé t’ouvrir l’esprit. Merci de ne pas juger cette voie de sagesse à ce collègue-là, aussi barré, crade et pouilleux qu’il paraisse. Il y a sans doute une très bonne raison pour justifier son hostilité et…son insistante requête animalière. »
- « Nous, on a des animaux !
» s’écrièrent tout affolés Gonzague et Cyril en surgissant d’un bosquet, l’une avec un crapaud dans les bras, l’autre avec un lièvre tremblotant et sûrement centenaire.
- « Non, mais pas ceux-là », râla le druide. « C’est moi qui les ai changés en bestioles ce matin ces deux là. Ils m’ont demandé la route du prochain village, je me suis senti insulté, je les ai métamorphosé. »
- « Autant pour moi
», soupira Ilurya, dépitée. « C’est juste un gros barje. »
- « Ils sont partis les animaux
», annonça Hjotra en jouant aux chatouilles avec la racine cherchant à l’attraper. « C’était pareil avec le dragon et seigneur Arzhiel, la dernière fois. Ce sont les habitants du Morbihan qui leur ont fait peur. »
- « Il veut dire les morts-vivants
», traduisit Gonzague en balançant son crapaud sur Al, sonné à terre, plus loin.

Troublé, le vieux druide cessa de hurler et de s’agiter, ayant enfin son explication. Les flammes courant dans sa chevelure hirsute s’éteignirent, les racines disparurent dans le sol et la caillasse cessa de pleuvoir. L’elfe gratta sa barbe infestée de puces d’un air pensif, puis son arrière-train, puis le fond de son oreille velue avant de tendre son doigt à l’ongle noirci en direction des Dragons qui Roxxent.

- « Pouce ! Je réfléchis ! » s’exclama-t-il. « Vous devez avoir raison. Et si vous n’êtes ni morts, ni perdus, je n’ai aucune raison de vous attaquer. »
- « Ravi que vous ayez réglé ce problème
», lança Vorshek, à présent libre, en s’approchant d’un air affable. « Concernant celui de votre hygiène, je peux tout à fait vous indiquer la rivière la plus proche. »
- « Nous sommes des voyageurs en quête d’une relique pouvant combattre les mort-vivants
», intervint Ilurya. « Vous êtes bien Faucon Loufoque, le druide de la tribu des Biches Batifolantes ? »
- « Futur-ex-druide
», corrigea l’ensorceleur en cherchant à faire la bise à la jeune elfe, et recevant en retour un coup de bâton dans l’aine. « J’ai changé toute la tribu en arbrisseaux. Je croyais que c’était eux qui avaient volé les animaux. Ça m’étonnerait qu’ils valident ma période d’essai après cette boulette. »
- « Vu la prestation, la tenue et le petit moulin dans votre tête, vous avez les qualités requises pour postuler dans l’équipe
», ronchonna Al, blessé et boitillant.
- « Nous avons donc l’ours, le loup, la biche et le faucon », résuma Ilurya en essuyant son bâton avec le manteau d’Al. « Faucon Loufoque ! Possèdes-tu quelque artefact en rapport avec un corbeau, une loutre ou un saumon ? »
- « J’avais une culotte en peau de loutre
», cogita le druide, « mais je l’ai égaré sans m’en rendre compte durant ma dernière hibernation. Tout ce que je possède de valeur est un grimoire intitulé la Sagesse du Corbeau. Vous pensez que ça a un lien ? »
_ « A mon avis, c’est l’un de ses sortilèges de Pluie de Pierres qui s’est retourné contre lui
», murmura Gonzague à l’oreille de Cerise.
- « Il a tout aussi bien pu tourner le bonnet à force de glander tout seul au fond des bois, à parler aux fourmis et aux piafs », avança le hobbit.
- « Ou les effets secondaires d’une alimentation essentiellement basée sur les fruits des bois et les légumes sauvages », renchérit Al.
- « Vous avez faim ? » crut comprendre le gardien de la forêt. « Il me reste du riz brun à la grotte. »
- « Manger du riz ?
» protesta Hjotra, écœuré. « Vous avez un grain ?! »
- « Seriez-vous prêt à nous céder votre grimoire ?
» demanda Vorshek pour recentrer la discussion. « Contre un savon ou un bain de bouche, peut-être ? »
- « Les animaux de la forêt ne reviendront que lorsque les bois seront débarrassés des Morbihan, je dois donc rétablir l’harmonie de la forêt
», songea l’elfe à haute voix tout en exécutant des génuflexions. « Le rituel de purification majeure de zone devrait pouvoir chasser les intrus des bois…Si je m’y mets maintenant, il devrait être achevé dans trois jours, quatre plutôt, j’ai de la lessive à étendre. Très bien ! Par les Esprits Elémentaires, je vous donnerai le grimoire si vous me ramenez de la poudre d’ailes de fée. J’en aurai besoin pour le rituel. »
- « Allez, on repart aux courses
», se lamenta Al avant que son épée ne vienne le frapper toute seule. « Je veux dire : chouette, une quête à ingrédient ! »
- « Moi aussi, j’aime les chouettes
», lui confia Faucon Loufoque en saisissant le disciple par les épaules puis en lui administrant une franche accolade avant de partir en imitant le cri du hibou.
- « C’est tellement enrichissant de rencontrer des personnages pittoresques et hauts en couleur à travers nos aventures… » ironisa l’apprenti-paladin. « Bon, ben partez devant. Je brûle mes fringues et je vous rejoins. »

Vorshek fut le premier à trouver une fée au cœur de la sombre et mystique forêt du louveteau clampin, peut-être inspiré par sa nature elfique, ses affinités magiques ou sans doute par la proximité d’une créature foncièrement dénudée, pure et belle. Les Dragons qui Roxxent furent alertés par le cri que poussa leur prince et ce fut Ilurya et Al qui le rejoignirent en premier, au moment où la fée s’apprêtait à l’écraser sous un roc en lévitation. La druidesse s’adressa à la fée en langage ancien pour désamorcer la situation.

- « Quoi qu’elle prétende », fit Vorshek sur le séant, « c’est un affreux malentendu. Ce sont ses ailes que je cherchais à caresser, certainement pas son explosive chute de reins. »
- « C’est ta maman ?
» demanda naïvement la fée en se tournant vers le prince aux yeux emplis d’étoiles, et désignant Ilurya.

Si l’excès d’enthousiasme dont fit preuve le prince face à une créature féérique manifestement peu encline à suivre une quelconque mode vestimentaire faillit entraîner l’échec de la mission, le soudain fou rire d’Al à cette question plut tellement à cette dernière qu’elle accepta d’écouter la requête du groupe. La fée exigea en échange d’un peu de poudre de ses ailes que les aventuriers lui ramènent la peau de l’une de ses camarades, dérobée lors d’une de ses visites en territoires mortels par un malandrin en fuite. La petite troupe accepta et repartit.

- « On dirait qu’il ne va pas s’en remettre », commenta Cyril en observant Al, toujours hilare depuis des heures.
- « Ignorez cet abruti », grommela Ilurya, terriblement vexée. « De toute manière, s’il glousse encore une fois, je le change en endive et je le donne à manger au lapin de Hjotra. »
- « Il s’appelle Parancouye parce qu’il n’arrête pas de perdre des morceaux
», déclara gaiement l’ingénieur en montrant le lièvre pelé, malodorant et à moitié crevé trouvé par Cyril.
- « Cette fée s’est montrée affreusement sotte », susurra Vorshek en glissant près de la druidesse pour la réconforter. « Je t’assure que tu as conservé la fraîcheur et la beauté de tes cinquante ans. »
- « Du vent, moulin à paroles !
» le rabroua l’elfe. « Occupe-toi de commander ton élémental de l’air, qu’il nous retrouve le voleur au plus vite. »
- « Comment elle a réussi à tricoter pour se faire braquer sa peau, la copine de l’exhibitionniste ?
» demanda Gonzague.
- « Les fées se recouvrent d’une « peau » quand elles se changent en animaux », expliqua Ilurya.« C’est leur moyen le plus efficace d’explorer le monde des mortels sans se faire repérer. Mais si une venait à égarer sa peau, elle serait incapable de recouvrer sa forme originale et resterait coincée sur ce plan. »
- « Elles sont nazes, ces fées
», soupira la guerrière. « En même temps, qu’attendre d’un peuple qui n’a toujours pas inventé la liquette ou le slibard ? »
- « Ne t’en fais pas, m’man
», repartit à la charge Vorshek. « Cette fée, fiston va lui sauver la peau. »

Si la druidesse manifesta son absence de goût pour cette plaisanterie d’une terrible invocation de bouton de fièvre sur le front qui fit hurler Vorshek, sa réaction ne manqua pas de relancer le fou rire d’Al pour un nouveau quart d’heure. Le sylphe invoqué par Vorshek remonta bientôt la piste du voleur de peau de fée, celui-ci s’avérant être captif d’une tribu de trolls n’acceptant de l’échanger qu’à la condition que les aventuriers ramènent la massue fétiche de leur chef perdue aux dés contre la viverne hantant un lac voisin. Au plan d’eau, le rachat de l’arme fut soumis par le reptile géant à l’exécution d’une nouvelle requête, un peu particulière.

- « Les zombies essaient de me becqueter toutes les nuits depuis deux semaines », expliqua le monstre en se frottant les yeux. « Je suis fané et j’ai faim. J’ai ma dose de carcasses de castors et de gobelins noyés. Je veux du bon, je veux du goût. Je vous rends la massue si vous me concoctez mon plat préféré. »
- « C’est pas croyable
», se plaignit Gonzague. « La moitié vivante du coin nous fait faire leurs courses tandis que l’autre moitié zombifiée essaie de nous boulotter tous les cent mètres ! »
- « Gonzague a raison
», l’appuya Ilurya. « Je m’inquiète de notre sort avec tous ces cadavéreux dans les parages. »
- « C’est ton côté maternel, ça
», commenta Al avant d’être agressé par une nuée de serpents capillaires peu jouasses.
- « Chut ! » lança Hjotra à l’apprenti-paladin qui couinait sous les morsures. « On n’entend pas l’énoncé ! »
- « Je désire une ensalada vidangia
», commanda la viverne. « Avec entrée et dessert. Vous avez une heure. »

Perplexes, les Dragons qui Roxxent s’éloignèrent du lac sans guère savoir ce qu’ils devaient chercher.

- « Je le sens pas trop la salada je ne sais quoi », déclara Al en extrayant le venin de ses plaies à l’aide d’un couteau. « En plus, pactiser avec une viverne, c’est un coup à se retrouver en dessert au menu. Pourquoi on ne se débarrasse tout simplement pas des zombies en utilisant le Sceptre de Commandement volé à Tynfir ? On pourrait ordonner aux mort-vivants de se barrer au diable vauvert et Faucon Loufoque serait ravi, non ? »
- « Hors de question d’utiliser un artefact de nécromancie
», refusa fermement Vorshek. « La magie interdite peut provoquer une mort atroce, une malédiction ou pire, porter atteinte à ma beauté physique. La vraie question pour en finir avec toutes ces quêtes en bois, c’est pourquoi ton ami Kauko ne nous dit pas directement où se trouve la Perle Pure au lieu de jouer aux devinettes animalières ? »
- « J’ai déjà demandé, tu penses bien. Il dit que le but est moins important que le chemin à parcourir, que la Perle n’apparait qu’à ceux dignes de la trouver et d’autres conneries du style. Je pense juste que ça le fait marrer de nous balader. C’est pas super trépidant une vie d’épée. »
- « Surtout la tienne
», ajouta Gonzague. « On fait quoi alors ? On est chocolat, là. »
- « Non, ça gâcherait la recette
», répondit Cyril, la tête levée vers les arbres. « L’ensalada vidangia est un plat orc consistant à percer un nid avec un bâton fin afin que le liquide des œufs cassés s’écoule. Puis on passe les débris et les fœtus d’oisillons à feu doux vingt minutes. Je pense que je vais servir le plat avec deux billes de melon, une sauce airelles-piment et un bouillon de jus de marais aux asperges. En entrée, je verrai bien un carpaccio de ragondin, j’en ai vu un claqué dans le fossé tout à l’heure et un millefeuille termites, fourmis rouges, pour la couleur, en dessert. »
- « Mais comment vous connaissez des recettes aussi dégueulasses, vous ?!
» s’exclama Vorshek tandis que Hjotra et Gonzague vomissaient dans un fourré, surtout à cause des asperges.
- « Qu’est-ce que tu crois, beau prince ? » roucoula le barde. « Je suis bonne à marier. »

Les Dragons qui Roxxent s’échinèrent à ramener les ingrédients commandés par Cyril et à suivre ses directives jusqu’à ce que l’horrible repas soit prêt et servi dans les temps à la gourmande viverne. Conquise par le talent culinaire du hobbit et par sa touche de fantaisie (mettre trois billes de melon au lieu des deux de la recette originale), la créature serpentine céda sans regret la massue promise. Les trolls échangèrent l’arme contre leur prisonnier et celui-ci troqua la peau de la fée contre sa propre liberté. Enthousiaste, la fée naturiste offrit un peu de poudre de ses ailes à Ilurya tandis que Gonzague surveillait du bout de sa hache Vorshek, Al et Hjotra, ligotés à un kilomètre de la créature défroquée pour éviter tout dérapage. C’est finalement fourbus mais satisfaits que les Dragons qui Roxxent retrouvèrent Faucon Loufoque en fin de journée.

- « Voici la poudre d’ailes de fée pour votre rituel », fit Ilurya, épuisée, en lui tenant un petit sac de cuir. « Si vous ne connaissez pas encore le plaisir de jouer à cache-cache toute une journée au fond des bois avec des dizaines de zombies, de cuisiner en plein-air et de faire les commissions des habitants de la forêt, vous en trouverez un petit échantillon dans le son de ma voix lorsque je vous dis : magnez-vous à faire péter votre saloperie de grimoire du Corbeau ! Je vous prie. »
- « Où sont les animaux ?
» demanda Faucon Loufoque d’un air intrigué en examinant les aventuriers comme s’il les voyait pour la première fois. « Qui êtes-vous et qu’avez-vous fait des animaux ?! C’est vous qui avez pris les… »

Le druide n’eut pas le temps de finir sa phrase que la crosse d’Ilurya s’abattait dans un bruit mat sur sa tempe. L’elfe s’écroula comme un sac dans un nuage de puces.

- « Désolée », craqua la druidesse. « Je…c’était plus fort que moi ! J’ai pas évité de me faire dévorer par des mort-vivants ou émincé un ragondin moisi en lamelles pour entendre les divagations d’un gâteux amnésique. Qu’est-ce qu’on va faire maintenant ? »
- « Ce qu’on faisait avant de chercher à faire bien les choses et qu’on aurait dû faire tout de suite
», répondit Al en haussant les épaules. « Demander à Hjotra de fouiller ce vieux schnock à la recherche du bouquin et cambrioler sa bicoque s’il ne l’a pas sur lui. T’en fais pas, tout ira bien. Si tu veux, on te laissera lui enfoncer la poudre de fées dans l’orifice de ton choix et lui ligoter Parancouye à la cheville. Tu verras, ça détend drôlement. »

Bilan de la mission :
Vorshek : Débordement affectif compulsif +1
Ilurya : Coup critique facial +1
Gonzague : Aversion pour l’art culinaire orc +1
Cyril : Cuisine forestière +1
Hjotra : Traque d’animaux sauvages +1
Al : Self-control -1
Expérience Acquise : Piètre
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MessageSujet: Re: La Saison 5   La Saison 5 - Page 2 Icon_minitimeMer 26 Déc - 20:47

Episode 148 – La Loutre de Toutes les Peurs – Partie 1

- « Non, pas de rab de chou ! » gémit Al d’une voix ensommeillée en se réveillant brusquement.

L’apprenti-paladin se redressa mollement, frotta ses paupières alourdies et jeta un coup d’œil autour de lui. Il était couché à même le sol au milieu d’une clairière silencieuse et déserte enveloppée dans la pénombre du crépuscule. Son esprit embrumé ne reconnaissant pas les lieux, il se tourna machinalement vers son épée.

- « On est où là ? »
- « Dans l’estomac de la loutre
», répondit le reflet de Kauko sur sa lame.
- « C’est dégueulasse ! Où sont les autres ? Pourquoi je ne me souviens de rien ? Je ne reconnais pourtant pas la pâteuse habituelle d’après-cuite. »
- « La Sagesse du Corbeau du druide Faucon Loufoque était un grimoire magique
», expliqua le sage. « Ilurya y a trouvé un sortilège relatif à une loutre. En l’activant, l’invocation a conduit votre esprit dans ce plan alterné et immatériel, au-delà de votre monde, l’estomac de la loutre. C’est ici, hors du temps et de l’espace, que repose la Perle Pure. »
- « Planquée dans le saumon, ouais on va finir par le savoir
», dit Al en retirant un escargot collé à sa joue.
- « Le fait que tu sois seul est anormal et inquiétant », s’alarma son maître.
- « On croirait entendre ma mère, ces dix dernières années. »
- « L’invocation était piégée
», comprit Kauko en regardant le ciel. « Certainement par Tynfir. Regarde la lune. C’est un gigantesque œil démoniaque, le signe que la « Lune Blême » règne en ces lieux…Comment t’expliquer sans te paumer à la prochaine phrase ? Il s’agit d’un sortilège emboîté dans un autre sortilège destiné à affecter les invocateurs. Pour résumer, la sorcellerie de la reine sombre a dispersé les esprits de ta fine équipe aux quatre coins de ce monde parallèle afin de les tourmenter en leur opposant leur plus grande peur. A en juger par ton absence de symptôme visible, hormis ton incurable tête de geai, mon pouvoir a dû te protéger. Si tu veux sortir d’ici et trouver la Perle Pure, il va te falloir sauver tes compagnons un par un. »
- « Oh, les pires boulets !
» pesta le disciple. « Vous ne pouvez pas simplement briser l’enchantement ? »
- « Bien sûr que si, ne juge pas le maître selon l’élève. Mais cette leçon va t’être très enrichissante. Et je vais sûrement bien me marrer à te regarder galérer. Tant que j’y pense, tu feras attention, même si c’est un monde onirique, si tu meurs ici, ben tu meurs tout court. Allez, debout, c’est par là, avance. Encore un pas sur ta gauche. Souris. Hop, c’est parti !
»

Aladin, souriant sans savoir pourquoi, disparut dans un trou s’ouvrant brusquement sous ses pieds. Il n’eut pas le temps de crier qu’il retombait sur le séant sur la berge d’un torrent clapotant entouré de roseaux. Massant son fondement endolori et mouillé, l’ancien rôdeur ne put rater le reflet énorme de la lune dansant à la surface de l’eau. A l’intérieur étaient visibles cinq paysages forts différents, chacun correspondant à l’endroit où se situait l’un de ses comparses. Hjotra errait dans un jardin paisible, entre allées de fleurs et potager. Vorshek gisait nu, recroquevillé sur un sol de pierre sombre dans une salle vide, Gonzague fuyait éperdument à travers un marécage lugubre et Cyril se cachait derrière des tonneaux au fond d’une ruelle. Seule Ilurya demeurait invisible, la lune ne dévoilant que l’intérieur d’un temple antique poussiéreux. Al se gratta la fesse trempée en réfléchissant, songeant aux consignes de Kauko et cherchant à deviner quelles peurs incarnées il devrait affronter.

- « Je vais commencer par Gonzague », se décida-t-il finalement.
- « Le choix d’une véritable amitié ? » s’enquit le sage dans l’épée.
- « Si on veut. Elle me doit une pinte, pas les autres. Les bons comptes font les bons amis.»
- « Touche son image sur l’eau…
» se lamenta son maître.

Gonzague

Al fut auréolé d’une vive lueur aveuglante qui interrompit quelques secondes le vacarme incessant des crapauds alentour, le temps pour lui d’être englobé par la lumière et de disparaitre une nouvelle fois. Le jeune homme se retrouva au beau milieu de marécages putrides, baignant dans l’eau croupie jusqu’à mi-mollet. L’atmosphère y était pesante et le poids de l’œil de la Lune Blême brûlant dans le ciel noir, écrasant. Al regagna une langue de terre boueuse où des volutes de brume épaisse vinrent s’enrouler autour de ses chevilles crottées. L’apprenti-paladin observa les lieux de son regard aiguisé, aux aguets, puis choisit un bosquet de ronces où il alla uriner en sifflotant. Une bourrasque de vent lui apporta le bruit d’une course proche. Passant entre les arbres racornis aux branches acérées comme des fouets, le jeune homme tomba nez à nez avec Gonzague, acculée par trois gobelins crasseux qui la punirent de sa fuite en lui administrant de vifs coups de bâton. Etonnamment, la naine n’opposa aucune défense et fut rouée de coups, sanglotant et suppliant.

- « Je ne veux pas m’avancer, mais il me semble que c’est le moment propice pour intervenir », conseilla Kauko.
- « Voir Gonzague qui se fait rouster par trois pouilleux de trente kilos, ça n’a pas de prix », commenta Al, fasciné.
- « Elle affronte sa plus grande peur, celle de la faiblesse. Il te faut trouver le moyen de lui faire vaincre sa phobie. Magne-toi ! »

Al bondit au milieu de la mêlée, les poings sur les hanches et le regard sévère. Gonzague et les gobelins se figèrent pour l’observer. Puis l’apprenti-paladin se joignit au combat pour molester allégrement son amie, appuyé par les maraudeurs.

- « Mais qu’est-ce que tu glandes, espèce de piment ?! » s’écria Kauko.
- « C’est pour la faire réagir ! Elle me cogne tout le temps, ça va forcément lui faire péter un câble que je la piétine ! En plus, ça nettoie mes bottes. »
- « Ou ça va juste l’achever plus vite, ahuri.
»

Le jeune homme étudia cette perspective et finit par dégainer son arme pour mettre les gobelins en pièces.

- « La honte au Karak quand je vais raconter que tu t’es fait botter les miches par trois tocards en pagnes troués et sauver par moi. Par les poils d’oreille du Patriarche, en voilà d’autres ! Pourquoi tu ne te défends pas ? »
- « J’ai peur et je suis faible…
» sanglota la jeune naine affalée.
- « Tu rigoles ? T’es berserker et brutasse de nature. Des guignols de ce style, tu les exploses avec une natte. Saleté de sortilège vicelard. Regardez cette loque ! Je ne vais pas devoir te faire un câlin quand même pour te faire retrouver ta confiance et ta force…Bouge pas…Ta force ? J’ai trouvé. Gonzague, tu n’es qu’une lavette. T’es molle, t’as des bajoues, tu n’es pas du tout féminine et t’as des manières de troll. Tu marches comme une quille et t’as un fion de deux mètres de large. Bon sang de bière, Gonzague ! Tu portes des bottes avec de la fourrure que même mon meilleure receleur m’a refusé ! En plus, ta coupe est ringarde et ton nez en patate ressemble à… »

Le disciple décolla du sol sous l’impact d’une gifle monumentale avant de s’écrouler en bavant aux pieds de la naine plongée en pleine rage berserker. Les gobelins arrivant à ce moment furent débités en pièces de petit calibre par la naine furibonde qui eut le temps de raser leur campement situé à l’autre bout des marais puis de revenir, calmée, avant qu’Al ne reprenne ses esprits.

- « Je ne parle pas du ko par baffe, tu oublies cet incident avec les gobelins », grommela la guerrière délivrée du sortilège, et aidant Al à se relever.
- « Ça marche », marmonna ce dernier en crachant une dent. « Mais tu me dois toujours une pinte. »

Ilurya

- « C’est vrai que c’est flippant cette lune énorme jaune comme tes dents », déclara Gonzague en observant l’astre illusoire particulièrement imposant.
- « Evitons les vannes qui ne sont pas nécessaires, tu veux bien ? Je ne crois pas que nous ayons besoin de ça pour que cette quête parte davantage en cacahuète. Viens voir le reflet. On sauve qui maintenant ? »
- « Vorshek est une fois de plus les miches à l’air
», remarqua la guerrière dans une grimace. « C’est forcément encore une histoire de fesses bien louche. Pas question qu’une jeune naine prude comme moi aille batifoler dans son subconscient pas net d’obsédé sexuel. On ne voit pas Ilurya, maître Hjotra n’a pas l’air en péril et la course ne fera pas de mal à Cyril. »
- « Je veux prendre Ilurya
», décida Al. « Enfin, dans le sens choisir, hein. Aucun rapport avec un quelconque espoir qu’elle fasse preuve de reconnaissance quand je l’aurais sauvée. »

L’apprenti-paladin évita de croiser le lourd regard de sa camarade et caressa la surface de l’eau reflétant le temple désert. Aussitôt, les deux compagnons se retrouvèrent sur place, au milieu d’un complexe de bâtiments antiques en ruines, entre allées bordées de colonnes brisées, fontaines asséchées vomissant des flots de poussière et de cendres et vestiges de divers édifices ravagés. Un vent sec et tiède soufflait par bourrasques violentes. Les débris jonchant les passages dallés crissèrent sous leur pas. Un corbeau énorme s’envola au loin dans un cri sinistre.

- « Le mieux c’est que tu passes devant », proposa Al d’un air faussement détaché.
- « Pétochard », rétorqua la naine en s’engageant sur la volée de marches menant au temple repéré.

Les deux aventuriers avancèrent à l’ombre poisseuse de ses immenses colonnades, puis pénétrèrent dans le bâtiment silencieux à pas de loup. Sous leur talon, ce fut cette fois les os des dizaines de carcasses blanchies gisant sur le sol qui croustillèrent désagréablement. Gonzague retourna un regard appuyé à Al et ce dernier cessa de se cramponner nerveusement à ses épaules. Un frôlement se fit entendre, juste avant qu’une masse compacte ne se détache des ténèbres. La silhouette d’un gigantesque serpent géant se dessina devant eux, les crocs luisants et les yeux rouge sang. La seconde suivante, Gonzague était en bas des escaliers, suivie de son hululement de terreur. La seconde encore après, le monstre fonça sur Al. Le jeune homme s’enfuit et dévala les marches quatre à quatre avant de rejoindre Gonzague, juchée plus loin sur le dos d’une statue de griffon cabré. Le serpent retourna dans le temple en glissant sans un bruit.

- « Tant pis pour Ilurya », déclara le disciple, encore livide. « Après tout, ce n’est pas si grave, ce n’est pas un membre originel des Dragons qui Roxxent. »
- « Hors de question que je retourne là-dedans !
» cria Gonzague, hystérique. « Y a un serpent ! Dès que tu as trouvé le cadavre mastiqué d’Ilurya, on s’en va ! »
- « Ilurya n’est pas morte, vous êtes là pour la sauver, je vous rappelle
», intervint Kauko. « Descendez de ce piaf tout de suite ! »
- « Y a un serpent !
» répéta la naine en mordant sa tresse. « Un maousse serpent ! »
- « Vous ne l’avez pas reconnu ?
» demanda le sage.
- « Je ne vous cache pas qu’on a pas bien pris le temps de regarder ! »
- « Le serpent, c’est Ilurya, bande de tanches. Depuis la malédiction d’Elenwë, elle ne redoute rien de plus que le regard des autres, tellement terrifiée à l’idée qu’on la prenne pour un monstre que la Lune Blême lui en a fait ici revêtir l’apparence. Prouvez-lui que vous la voyez au-delà de son maléfice. »
- « Je m’en tamponne !
» protesta Gonzague. « Y a un serpent ! Al, vas-y, c’est l’occasion rêvée de lui plaire. »
- « Je ne vois pas bien en quoi la laisser me boulotter va me faire monter dans son estime ! Au mieux, je vais favoriser son transit. Vous ne voulez pas nous filer un coup de pouce ? »
- « Si j’avais une main, c’est avec tous les doigts que je te filerai un coup, crétin égoïste
», répondit le sage. « Je vous ai déjà bien assez aidé. Débrouillez-vous ! »

Al observa le temple au loin, songeur, tandis que Gonzague fredonnait une comptine de son enfance pour se rassurer. L’ancien-rôdeur se tourna vers son amie et lui tendit sa pipe en bois après l’avoir généreusement chargée. La naine accepta sans rechigner et tira de longues bouffées jusqu’à ce que le mélange spécial d’Al la rende aussi détendue qu’hilare. Ce dernier l’aida à descendre de leur cachette et la mena par la main en direction du temple. Gonzague, droguée jusqu’aux oreilles, n’opposa pas la moindre résistance, consciente de rien du tout et occupée à ricaner nerveusement devant chaque statue démembrée croisée. Les deux Dragons qui Roxxent pénétrèrent une seconde fois dans le temple et se plantèrent sur son seuil, attendant le serpent.

- « Je n’ai pas l’âge de mon prénom, même si tata dit le contraire, d’accord ? » bredouilla Gonzague d’une voix traînante.
- « J’aurais du me garder un peu d’herbe. Je sens que je vais me pisser dessus. »

Les deux compagnons restèrent immobiles, l’un tremblotant, l’autre tressautant à cause d’un rire soudain et incongru, jusqu’à ce que la forme puissante du serpent géant ne vienne se dresser menaçante devant eux. Si Gonzague, vaporeuse et déconnectée de la réalité, ne se rendit compte de rien, Al en avait les genoux qui tremblaient. Ilurya poussa un sifflement hideux et ouvrit grand la gueule au-dessus de ces proies faciles d’où émanait une infime et piquante odeur d’urine. Ses mâchoires claquèrent. Les créatures minuscules ne bougèrent pas. Elle avança encore jusqu’à les dominer complètement. Ils ne s’enfuirent pas.

- « Co…co…comme tu peux le con…con…constater », lança Al, blanc comme un linge, les cheveux hérissés sur la tête, « nous ne te crai…crai…craignons pas, Ilurya. »

Le reptile géant se figea, troublé par l’évocation de ce nom. Puis la druidesse se rappela qui elle était et ce qu’elle était. Le sortilège cessa et elle recouvra son aspect normal, juste à temps pour voir Al s’évanouir et s’écrouler, ce qui déclencha un nouveau fou rire de la part de Gonzague.

- « Hé bien quoi ? » S’étonna Ilurya sans comprendre. « Il a vu un dragon ou quoi ? »

Cyril

Son élan d’enthousiasme irrépressible passé, Gonzague céda à l’apathie la plus morne, nauséeuse, migraineuse et incapable de bouger, assise, les yeux rivés sur la lune monstrueuse.

- « Ahaha, elle est stone ! » ricana Al. « C’est marrant de la part d’un nain. Stone. Nain. T’as pigé ? »
- « Qu’est-ce qu’on se marre
», rétorqua Ilurya d’un ton glacé. « On est captifs d’un sortilège qui retourne nos pires peurs contre nous et tu fais des jeux de mots sur la camarade que tu as drogué à son insu. »
- « C’est assez bien résumé
», admit Al après une courte réflexion. « Pourquoi tu tires la tronche ? Je t’ai sauvée. Si tu as besoin de me prouver ta reconnaissance, ce rideau de roseaux me parait tout à fait approprié. Avec Gonzague dans les choux, on est seuls. »
- « C’est ton approche, ça ? Sache que je te suis reconnaissante…d’avoir droguée Gonzague plutôt que moi. Allez viens mon héros, on va tâcher de délivrer Cyril. Il a l’air à bout de forces. »
- « En route ! Dis, quand tu m’appelles ton héros, c’est un appel du pied ? »
- « Je vais être franche, Al
», fit la jeune elfe en plantant son regard dans celui de l’humain. « Tu traînes trop avec Vorshek. »

La druidesse plongea ses doigts dans l’eau du torrent et le paysage s’estompa autour des deux aventuriers, les projetant dans l’espace et la nuit scintillante avant de se redessiner sous la forme d’un village rural ceint d’une haute palissade en bois et parcouru par un réseau labyrinthique d’étroites et sinueuses ruelles. Rues et chaumières semblaient désertes. Quelques animaux de basse-cour vaquaient paisiblement, rompant à peine le silence pesant. Nulle cheminée ne fumait. Le vent ne charriait aucun bruit, aucune odeur, sinon celle d’une fine moisissure émergeant des maisons, ne trahissait aucune activité.

- « Psssst ! » Appela une voix depuis un tonneau proche. « Ils sont partis ? »
- « Cerise ?
» répondit Ilurya en découvrant le hobbit caché. « Oui, c’est abandonné. Y a pas un rat dans le patelin. Pourquoi vous vous planquez ? »
- « Pas abandonné
», murmura le barde, en nage. « Ils ne sont pas loin. Ils me traquent. Ecoutez ! »

Un grondement montant se fit soudain entendre. Une foule nombreuse surgit brusquement d’un carrefour et, repérant Ilurya et Cyril, se précipita vers eux. Les deux comparses prirent leurs jambes à leur cou. Al, sortant d’une cabane « visitée » au même moment, n’aperçut le danger que trop tard. La meute lancée en pleine course le percuta de plein fouet, l’envoyant valser dans la mare aux cochons la plus proche.

- « Qu’est-ce que c’est que ça ?! » s’exclama Ilurya avant de les dissimuler, Cyril et elle, derrière une illusion. « Une horde d’orcs ? Une troupe de possédés ? Un clan de maraudeurs barbares ?! »
- « Pire
», soupira tristement le barde. « Des fans. Mes fans. »
- « Vos fans ?
» répéta la druidesse, un sourcil relevé. « Vous avez fumé la pipe récemment ? »

Le hobbit n’eut pas besoin de répondre. La foule passa devant eux en trombe et l’elfe eut tout le loisir d’observer ses membres tandis que ceux-ci s’éparpillaient à la recherche de leur proie. Il y avait là un mélange disparate de toutes les espèces et de tous les âges. Des grands-mères portaient la même tunique trop serrée que Cyril, des nains et des drows improvisaient ensemble son air favori « Du bâton ou de la carotte, je ne sais lequel choisir », des elfes arboraient des surcots roses bariolés à l’effigie de leur idole et un troll de deux mètres s’était même déguisé en cerise géante. Ilurya, bouche bée, dut s’asseoir pour de nouveau réussir à émettre une pensée.

- « C’est du pur délire ! Des fans ? De vous ? Quelqu’un a empoisonné les puits ?! »
- « Ils adorent ma musique et mes chansons
», se justifia le hobbit. « Mais là, c’est un peu excessif. Ils me coursent depuis des heures. Certains veulent m’embrasser, d’autres m’épouser et d’autres encore me manger. Je ne pourrais jamais sortir vivant d’ici, et plus important, célibataire ! »
- « On retourne aux porcs
», décida Ilurya. « La situation dépasse mes compétences. Et mon entendement. On va avoir besoin de l’aide du maître d’Al. »

Le duo revint discrètement sur ses pas et alla repêcher Al, assis à demi-sonné dans l’enclos aux cochons. Il n’accepta de croire la druidesse qu’à son troisième bain forcé par celle-ci.

- « Qu’est-ce qui vous étonne ? » leur demanda calmement Kauko. « Nous sommes dans un monde onirique, tout est possible. La preuve, vous pouvez tous me voir et me parler alors que je ne suis lié qu’à Aladin en temps normal. »
- « Vous voulez dire que la foule de furieux malpolis est l’incarnation de la peur de Cerise ?
» comprit l’apprenti-paladin.
- « Il a peur du succès », en déduisit Ilurya, hébétée.
- « Alors celle-là, elle vaut une des pépites de Hjotra ! C’est surréaliste et absurde ! »
- « Pas tellement au fond
», réfléchit la druidesse. « Sa phobie pourrait expliquer qu’il soit un barde si nul. En fait, inconsciemment, il se saborde tout seul. »
- « Parlez moins fort
», supplia Cyril en surveillant les alentours d’un air angoissé. « Ils peuvent revenir à tout moment. Y en a qui portent des cerises sur les oreilles ou dans les naseaux. Y en a même qui veulent me couper un morceau de moustache ! Mais pour quoi faire, nom de nom ?! »
- « Là c’est vous qui couinez
», fit remarquer Al. « Ah, bravo. C’est gagné, revoilà le troupeau des sourdingues. Tous sur les toits ! »

Les trois compagnons se précipitèrent sur les hauteurs, Cerise appréciant d’être hissé, poussé et porté par Al, Ilurya, nettement moins. En juste retour de ce qu’elle jugea comme un pelotage intempestif, elle expédia d’une bourrade le disciple au milieu de la foule des fans, ces derniers le piétinant sans la moindre pitié. Le barde et la druidesse s’enfuirent en sautant de toits en toits, jusqu’à parvenir à semer leurs poursuivants fanatiques en se cachant dans un grenier. Al les y rejoint une heure plus tard, guidé par la libellule invoquée par l’ensorceleuse elfe.

- « Recommence à me tripoter et je te lance sur ces tarés métamorphosé en Cerise ! » le menaça-t-elle.
- « Je ne te tripotais pas, je te sauvais la peau, garce forestière ! » gronda Al, boueux, en loques et en sang. « C’est toi qui aurait dû servir de paillasson à ces dégénérés auditifs, ça t’aurait sans doute détendu le bulbe de te faire passer dessus ! »
- « On ne quittera jamais cette bourgade, charmante au demeurant malgré sa populace un tantinet exubérante
», se lamenta Cyril. « Ô cruel destin qui m’a offert un talent trop grand pour le commun des mortels ! »
- « Là, c’est trop
», céda Al. « C’est juste pas possible d’entendre ça. Frustrée des bois, j’ai une idée, écoute. »

Ilurya et Al échangèrent quelques messes-basses avant de se tourner vers leur compagnon barde.

- « Cerise, vous n’avez aucun talent », expliqua posément le disciple. « Vous jouez comme un pied et j’en sais quelque chose, j’en ai trois empreintes incrustées dans le dos qui me font moins mal qu’un seul de vos sonnets. Votre chant est atroce, votre répertoire, minable, et vous ne serez jamais célèbre. Je vous dis ça parce qu’on est amis, hein. »
- « Mais tant de fans ? »
- « J’appelle un témoin à la barre, vous allez comprendre. Refoulée sylvestre, à toi.
»

Ilurya assomma Al à l’aide d’une botte de foin et lança son sortilège illusoire. Une version de balrog, nettement plus modeste que le vrai, apparut au milieu du grenier.

- « Vous vous rappelez ? » poursuivit Al en crachant de la paille. « Votre prestation vocale a un peu enflammé notre pote cornu de l’ancien monde. Rassurez-vous, artistiquement, vous êtes une buse. Aucune chance que vous ne deveniez un barde célèbre. »

Cyril écarquilla les yeux devant l’illusion et la pénétrante et indéniable vérité s’imposa à lui d’elle-même. Le grenier s’estompa, ainsi que l’ensemble du village. Les trois comparses se retrouvèrent au bord du ruisseau où comatait Gonzague.

- « Et voilà le boulot ! » jubila Al. « Un de plus de sauvé ! Alors, c’est qui le papa, hein ? On dit, merci qui, les filles ? »

Ilurya et Cyril balancèrent l’apprenti-paladin au milieu du torrent d’un même réflexe, avant de partir bouder sur la berge.

- « Je crois que mon projet de câlin de reconnaissance vient de tomber à l’eau », confia le jeune homme d’un ton maussade à son épée, avant d’être emporté par le courant.

A suivre…

Bilan de la mission :
Ilurya : Sang-froid +1
Gonzague : Intolérance aux plantes +1
Cyril : Déplacement en milieu urbain +1
Al : Héroïsme +1, Popularité -10
Expérience Acquise : Honteuse

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Arzhiel




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MessageSujet: Re: La Saison 5   La Saison 5 - Page 2 Icon_minitimeMer 26 Déc - 21:01

Episode 149 – La Loutre de Toutes les Peurs – Partie 2

Vorshek

Ilurya s’agenouilla et retint les couettes de Gonzague en l’air tandis que cette dernière vomissait dans le torrent. La jeune naine, pâle et en sueur, marmonna un remerciement pâteux avant de tomber lourdement sur son séant.

- « J’ai du manger un truc pas frais », se justifia-t-elle. « J’arrive pas à expliquer cet arrière-goût atroce de plante moisie. »
- « Ilurya a du nous empoisonner l’air quand elle était en serpent géant
», avança maladroitement Al en essorant ses habits.
- « Ou bien tu t’es faite enfumer par l’autre pipe », rétorqua subtilement la druidesse avant d’éluder le sujet. « Sinon, Gonzague, c’était quoi ta peur ? »
- « Euh…pareil que toi…
» marmonna la berserker mal à l’aise. « Le truc des serpents…tout pareil. »
- « Vorshek fait le ver de terre et tout aussi nu
», informa Cyril, penché au-dessus du reflet de la lune géante, visible à présent que les effluves de vomi étaient passés. « Il faut absolument aller le sauver ! »
- « Je crois qu’il vaut mieux ne pas chercher à connaitre la raison de cette motivation
», soupira Al tandis que le hobbit piaffait sur place. « Je présume que personne d’autre n’est partant pour sauver les miches de l’autre sylvestre effeuillé ? »

Ilurya esquiva la question en faisant mine de scruter intensément le lointain et Gonzague émit un nouveau renvoi. Al soupira tristement et s’en alla rejoindre Cerise près du reflet téléporteur, encouragé par le vivats surexcités du hobbit impatient. Les deux compagnons posèrent les doigts sur l’image de leur ami prostré et le monde implosa autour d’eux. Un instant après, ils se retrouvaient dans un lieu lointain, étrange et particulièrement angoissant. Un peu confus, Al et Cyril constatèrent qu’ils se tenaient au milieu d’un enchevêtrement de branches tentaculaires et innombrables, atrocement tordues, formant de multiples passerelles dans un océan de pénombre où ni le ciel, ni le sol n’étaient visibles. Dans toutes les directions cheminaient ces branches épaisses parcourues d’épines saillantes et de bosquets de ronces infranchissables. Une fine pluie glacée tombait, rendant encore plus glissante la progression le long de ces routes végétales serpentant dans le plus parfait chaos.

- « Vous pouvez au moins attendre qu’on se fasse gauler par un monstre bien mastoque avant de vous agripper à ma jambe svp ? » demanda Al.
- « Cet endroit est atroce ! » gémit Cyril, apeuré. « J’ai envie de chanter. Je peux chanter ? »
- « Non, vous êtes puni, on a dit. Mais c’est vrai que c’est glauque le coin. Connaissant Vorshek, je m’attendais à une sorte de harem ou une arène de combat de boue féminin… »
- « D’accord, gardons notre calme. Aladin, je crois que je viens de marcher sur l’une de ces vilaines épines. Peux-tu vérifier ? Sois franc : est-ce que mes bottines sont percées ? »
- « Bon sang, mais vous pissez le vôtre partout !
» s’exclama l’apprenti-paladin. « Vous ne pouvez pas faire attention ? C’est un coup à attirer toutes les bestioles carnivores du périmètre ! »
- « Je suis affreusement blessé
», constata le barde, un mouchoir sur la bouche. « Je ne vais pas pouvoir marcher tout seul. Prend-moi dans tes bras. »
- « Vous porter ?! Vous pouvez toujours courir. Attention, on vient ! C’est un drow ! Dégainez votre…flûte et préparez-vous au combat !
»

Le barde clopina en direction de l’elfe noir au regard fourbe et à l’expression peu avenante. Al crut qu’il visait le combat mais tout ce que Cerise engagea, ce fut la conversation. Peu après il revint en boitant tandis que la créature les dépassait en saluant poliment le disciple.

- « Qu’est-ce que vous lui avez raconté ?! »
- « J’ai demandé s’il connaissait un bon cordonnier proche d’ici. Ce n’est pas le cas. En revanche, il m’a indiqué où se trouvait Vorshek. Tu viens au lieu de bailler aux corneilles ? »
- « Un choix judicieux de compagnon
», salua Kauko.
- « Je crois que je préfère quand vous vous moquez », grogna Al en rengainant.

Vorshek ne se trouvait pas bien loin, à l’intérieur d’une sorte de chaumière de pierre grise et froide, dépouillée, déserte, trônant au milieu d’une plate-forme cernée de ronces. Le prince, visible depuis le palier et identique à la vision, pleurnichait nu, recroquevillé par terre. Al arrêta Cyril avant d’entrer.

- « Je vous préviens que si ça dévisse sur le moindre sujet à caractère sexuel, je me barre aussi sec. Et ça compte aussi pour vous ! »

Le barde haussa les épaules, comme s’il ne comprenait pas, puis alla rejoindre le sorcier affalé, surveillé de près par l’apprenti-paladin.

- « Je sais déjà que je vais regretter cette question », soupira ce dernier, « mais de quoi as-tu peur, votre royauté ? Des filles non épilées ? Des rides ? Du pot de crème hydratante vide ? »
- « Comment peux-tu te moquer d’un homme à terre, décoiffé et le teint brouillé ?! »
- « Lève-toi, on est venus pour t’aider…Lève-toi, oui, mais pas trop quand même ! Garde les jambes croisées enfin ! J’ai pas changé d’yeux pour les perdre sur ta « baguette » magique ! Tiens, en parlant de baguette, où est Foudrargent ? »
- « Là-bas !
» répondit Vorshek en reniflant, les yeux affreusement rougis. « Pourquoi tu crois que je chiale comme toi à ton dixième râteau de la journée ? »

Le semi elfe indiqua du doigt un oignon géant dissimulé dans un coin d’ombre, à l’intérieur de laquelle était profondément plantée sa baguette magique.

- « Je déteste les oignons ! C’est le fruit du démon ! Regardez cette monstruosité ! J’ai beau tirer, pousser, gratter, impossible de libérer Foudrargent. Sans elle, je suis aussi faible et impuissant que…que…que toi, tiens. C’est l’enfer ici. On m’a piqué mes fringues et y a des oignons ! Oh, vous ferez attention, Cyril, vous avez un horrible accroc à votre bottine. »
- « Et moi qui redoutais une peur débile…
» marmonna Al. « Je vais régler le problème légumier. »

L’ancien rôdeur dégaina son épée et taillada furieusement dans l’oignon géant, jusqu’à dégager la baguette enchantée de Vorshek. Ce dernier retrouva un peu de contenance et de calme une fois son arme entre ses mains.

- « Bravo, mais tu aurais pu faire ça dehors », se plaignit Cyril tandis que les trois compagnons frottaient leurs yeux dévastés.
- « C’est pas faux », concéda Al lorsqu’il recouvra un minimum de vision. « Votre principauté, qui t’as piqué tes loques ? »
- « Une bande d’affreux margoulins invulnérables. Je vous conduis à eux. »
- « Tu vas y aller le sifflet au vent ? Tu ne veux pas une de mes fringues au moins ? »
- « Tes fringues ? Navré, mais même en réfléchissant, je ne trouve pas de réponse qui ne te vexerait pas.
»

Le semi elfe mena ses deux comparses le long d’une route-racine, se hâtant avant que Cyril ne retrouve à son tour l’usage de ses yeux et par conséquent, de ses mains. Tous trois arrivèrent près d’un groupe de drows réunis autour d’un brasero.

- « Invulnérables ? » s’exclama Al. « Tu t’es fait désaper par cette bande de pue-la-pisse miteux ?! »
- « Comment veux-tu que je les combatte, je ne peux même pas poser un œil sur eux ?!
» se lamenta Vorshek. « Regarde ça, c’est insoutenable ! Un tricot à l’effigie de Cap’tain Quenottes, là un fuseau vert et rouge à rayures, et par-là, ô seigneur miséricordieux, des chaussures portées sans chaussettes ! C’est inhumain autant de fautes de goût ! Lui il s’accroupit avec un pantalon taille basse « raie du maçon » et l’autre en face, porte une chemisette fermée jusqu’au dernier bouton. Jusqu’au dernier bouton ! Ils n’ont pas d’âme ou quoi ?! »
- « Peur des oignons et de la faute de goût, c’est d’un pathétique !
» rouspéta Al.
- « Et des papillons aussi », rajouta honteusement Vorshek en désignant le chef de la bande de drows, entouré d’une nuée de papillons multicolores. « Ils me font penser à des asticots en deltaplane et leurs trajectoires de vol me rendent toujours nerveux. Une fois, j’ai fait bannir par père une amante à la mine de sel à cause de son tatouage de papillon sur les reins. »
- « La mine de sel, carrément ?! »
- « Il en allait de ma réputation
», se justifia le prince. « Impossible de me concentrer avec cet horrible dessin. »
- « Bien ! On ne va pas passer trois plombes dans cet enfer d’adolescente pourrie gâtée. Qu’est-ce qu’on fait ? On défonce les allergiques de la mode ? »
- « Laisse, je m’en occupe
», intervint Cerise. « Je tiens ma chance de serr…de sauver Vorshek. »

Le hobbit clopina jusqu’aux drows et discuta avec eux avant de sortir sa trousse de couture de voyage et d’apporter quelques modifications à leurs habits, coupant, échangeant, mélangeant et dispensant moult conseils. Il chassa les papillons d’un air de flûte désagréable au possible et offrit même son peigne pour que Vorshek puisse se recoiffer.

- « Je serai toujours là pour t’aider, beau prince en péril », susurra le barde au mage rassuré.
- « Tant de loyauté, d’efficacité et de prévoyance me touchent profondément», admit ce dernier.« Laissez-moi vous récompenser, Cyril, avec un coup…de baguette magique. Voilà, votre pied est soigné. Vous changerez de bottes en revanche. N’oubliez pas que vous êtes en présence d’un prince quand même. Une tenue aussi négligée ne sied pas à un membre éminent de la famille seigneuriale. »
- « Vous vouliez prendre votre pied ?
» marmonna Al au hobbit dépité, juste avant que tous ne soient renvoyés près du torrent. « Vous êtes exaucé. »

Hjotra

- « C’est bien que tu aies choisi de venir tirer Hjotra de son cauchemar, votre souveraineté », déclara Al tandis qu’il cheminait aux côtés de Vorshek vers l’endroit où le nain était perdu. « Deux vieux potes en vadrouille pour sauver les miches d’un troisième, ça me plait ! »
- « Tu m’expliqueras pourquoi tu n’as sauvé ton « vieux pote » qu’après Gonzague, Ilurya et même Cerise
», rétorqua le sorcier d’un ton froid. « Je ne suis pas là pour toi ou pour Hjotra, je te signale. Je tiens juste à me venger de cette saleté de sortilège de Lune Blême qui m’a humilié. »
- « Les fesses à l’air
», rajouta Al.
- « Les fesses à l’air », concéda Vorshek.
- « Les fesses à l’air », répéta Kauko en se mêlant à la conversation. « Hjotra se trouve dans le jardin que vous apercevez là-bas. Une fois que vous l’aurez sauvé de sa peur, il deviendra possible de briser le sort et de réintégrer vos corps dans le vrai monde. »
- « De quoi peut bien avoir peur un simple d’esprit comme Hjotra ?
» interrogea Vorshek.
- « Un truc terrible sans doute : un légume, un insecte ou un mauvais assortiment de couleurs », se moqua l’apprenti-paladin
- « Au fait, tu savais que mon père avait rouvert la mine de sel ? » rétorqua du tac au tac le mage sur le même ton.

Al s’abstint bien de répondre et poussa le portail d’entrée du jardin indiqué par Kauko. Ici, nul paysage de cauchemar ou atmosphère aussi dérangeante que terrifiante. Malgré la nuit tombante et l’inévitable présence de la gigantesque lune en forme d’œil au milieu du ciel étoilé, les lieux baignaient dans une ambiance paisible et agréable. D’un bord du sentier en terre battue traversant le parc s’étendaient les pommiers et les cerisiers d’un superbe verger. Sur la gauche était visible un charmant étang et au-delà, un riche potager aux larges allées et aux plants dégorgeant de multiples variétés. Les deux compagnons trouvèrent Hjotra, assis sur un banc de pierre au pied d’un chêne centenaire, entouré de rosiers magnifiques.

- « Connaissant le loustic », murmura discrètement Al, « cet endroit va grouiller de marmots braillards dans moins d’une minute. Hjotra a une peur bleue des mouflets, surtout ceux qui rient ou qui toussent. »
- « Oh, c’est vous !
» lança l’ingénieur en les entendant approcher. « Venez. Je méditais sur la gravité de l’existence. »
- « J’ai compris
», glissa l’apprenti-disciple à l’oreille pointue de son comparse. « Ce n’est pas le vrai Hjotra. Le vrai ne connait pas le sens de la moitié des mots de cette phrase. »
- « C’est bien moi
», le rassura le nain d’un air sérieux. « J’ai eu le temps de réfléchir à ma condition en vous attendant et j’ai pris conscience de la dérisoire absurdité de la vie et de la futilité de nos combats, des souffrances que nous nous infligeons et de nos avides espoirs à jamais impossibles à combler. C’est pourquoi j’ai décidé de me retirer ici pour lire, penser et peut-être écrire un traité de philosophie. »
- « Je n’ai pas compris la chute de sa blague
», dit Vorshek, perplexe. « Il déconne, bien sûr ? »
- « C’est Hjotra ou pas ?
» demanda Al à Kauko.
- « Mais il faut vous l’écrire sur la main ou quoi ? » soupira le sage. « C’est bien Hjotra, mais vous devez affronter l’incarnation de sa peur pour le sauver. Visiblement, sa peur, aussi bizarre que celle des autres membres de cette équipe de doux dingues, semble celle de devenir sérieux. Et chiant au possible manifestement. »
- « Hjotra sérieux ?!
» s’exclama son disciple, hilare. « Ces deux mots n’ont rien à foutre dans la même phrase, c’est un non-sens. Rassurez-vous, mon vieux. On se mangera tous une apocalypse à base de pluies torrentielles de tartiflettes brûlantes avant que vous ne commenciez à devenir sérieux. Vous êtes génétiquement incapable de devenir sérieux. »
- « Votre aplomb et la certitude dont vous faîtes preuve dans cette assertion éveillent ma curiosité
», déclara le nain, songeur. « Quelle vérité peut entretenir une telle allégation ? »
- « Bah, pour résumer, je dirais que vous êtes la quintessence du boulet. »
- « Le terme en lui-même vous doit en effet énormément
», appuya solennellement Vorshek. « Vous êtes un boulet impérial. Rappelez-vous de la fois où vous avez confondu baguette de sorcier et baguette de sourcier. On n’a pas manqué de flotte durant toute la mission, mais on a fui comme des fiottes devant chaque adversaire, même ce couple de belettes énervés. »
- « Et lors de l’énigme du Veilleur de Jade que vous deviez nous répéter, vous avez là aussi confondu clapotis du ruisseau et clafoutis aux pruneaux. On a failli tous claquer et en plus, vous nous aviez donné faim. »
- « Je…je crois me rappeler… »
- « Continuez !
» les encouragea Kauko.
- « Un autre de vos coups d’éclat fut la fois où vous avez tellement énervé le chef de cette bande de brigands des grands chemins, qu’il a fait une syncope juste en essayant de comprendre vos réponses. Ses comparses ont cru que vous aviez des super-pouvoirs et se sont enfuis. »
- « Oui, c’était énorme
», rit Vorshek. « Et quand vous vous êtes assommé avec votre propre cuillère durant un repas officiel ! Vous avez manqué vous noyer dans votre soupe devant deux cents convives ! Père en avait mangé sa serviette ! »
- « C’est vrai que cela manquait cruellement de sérieux…
» admit l’ingénieur, troublé.
- « Ma préférée reste la fois où vous aviez récité tout un poème en l’honneur des cheveux gras de cette duchesse voisine du fief, persuadé que c’était un compliment chez les humains. Résultat : trois mois de guerre. »
- « Vous avez fabriqué un golem de guerre invincible, puis oublié comment vous aviez fait
», enchaîna Vorshek. « Vous avez réussi à perdre la bague de mariage de ma mère dans votre barbe. Vous êtes resté deux jours le bras coincé dans une bouche d’égout en cherchant à rattraper une de vos billes. Vous avez terrassé le champion des trolls en éternuant si fort que la tête de votre marteau s’est détachée et a fusé pour lui fracasser le crâne. Vous avez dressé des loups à chercher de l’or durant six mois, mais sans leur apprendre à revenir ensuite. Vous vous êtes catapulté trois fois d’affilée en nettoyant vos engins de siège. Vous… »
- « C’est bon, c’est bon, on a tous bien compris, je crois !
» l’interrompit Hjotra, écarlate. « Je me souviens à présent de ce que je suis, mais je n’arrive pas à retrouver mon naturel cocasse, naïf et passablement débile. Je suis obsédé jour et nuit par un paradoxe insoluble : pourquoi Elenwë n’a-t-elle pas châtié le dragon Voronwë, sachant que celui-ci avait failli à sa mission de vous protéger, prince Vorshek ? »
- « La fois où cet abruti vous a confondu avec moi lors de la fuite du camp de Tynfir et qu’il a invoqué mes parents en se plantant dans ses sorts ?
» demanda ce dernier. « C’était quel jour ? »
- « Un mardi, il me semble. »
- « Cherchez pas plus loin. C’est le mardi qu’elle a sa séance « d’inhalations » aux plantes. Valériane et passiflore, le duo gagnant des psychotropes de maman.
»

Devant l’évidence de la réponse, Hjotra se figea sous la stupeur, plissa le nez, le front et les yeux, en proie à une vive réflexion, puis éclata d’un rire aigrelet incontrôlable dû à ses tentatives infructueuses pour répéter psychotrope. L’ingénieur signifia qu’il était délivré de sa peur d’une exubérante danse avec rotations lascives des hanches, puis en mâchouillant une feuille de papier griffonnée roulée en boule.

- « Je me demande tout à coup si c’était une bonne chose de lui rendre son état normal… » commenta Al en observant ses déhanchés endiablés au milieu des rosiers.
- « A-t-il seulement un état « normal » ? » répondit Vorshek. « Hjotra ? Qu’était ce papier que vous venez d’avaler ? »
- « Les plans des golems de combat. Je m’en étais souvenu brusquement mais on s’en cogne maintenant, non ? »
- « Vous êtes vraiment un boulet
», grommela le prince avant que le jardin ne disparaisse autour d’eux.

Les trois Dragons qui Roxxent réapparurent près du torrent où les attendaient les autres membres de l’équipe, à l’exception d’Ilurya dont Cyril reprisait la robe en sifflotant tandis que Gonzague lui contait l’un de ses combats.

- « …Bâti comme une armoire, il n’avait pas l’air commode », narrait la jeune naine. « Je lui ai alors lancé : Je vais te dresser comme une table et…Maître Hjotra ! Vous êtes sauf ?! Vous avez du papier entre les dents. C’était quoi votre peur ? Un dictionnaire ? »
- « Où est Ilurya ?
» interrogea fébrilement Vorshek en voyant sa robe, vide.
- « Elle prend un bain », répondit Cyril en indiquant le cours d’eau.

Al et Vorshek échangèrent un regard avant de se précipiter vers le torrent en se bousculant. Ils repartirent aussi sec dans l’autre sens quand la druidesse, bien à poil, mais métamorphosée en ourse, se mit à les charger. La jeune elfe retrouva son apparence normale et se rhabilla le temps que les deux mateurs rassemblent le courage suffisant pour revenir.

- « On n’est pas sorti de la berge avec ce genre de vannes », se plaignit Al à son retour près de la rivière.
- « Tu connaissais un meilleur moyen pour aller pêcher le saumon à l’intérieur de la loutre et dans lequel se trouvait la Perle Pure, gros benêt ? » lui répondit Ilurya en désignant le poisson gisant sur la berge, puis la perle minuscule qu’elle brandit fièrement juste avant qu’une violente explosion éparpille les aventuriers en tous sens.
- « On ne bouge plus ou je vous désintègre ! » retentit la voix de Tynfir surgissant d’un pan de nuit. « Zut, j’aurais peut-être dû menacer avant de lâcher mon sortilège… »
- « Tynfir ?!
» s’exclama Vorshek en se relevant péniblement. « Inutile de venir me relancer jusque dans mon inconscient, je ne veux plus sortir avec toi ! Ou alors, dégrafe un bouton de corsage. »
- « Silence, bellâtre abruti !
» rugit la nécromancienne. « Je me fiche bien de toi, tu es taillé comme une crevette, tu as une coupe de cheveux d’entraineuse et tu utilises plus de crèmes de soins que moi ! Je n’arrive pas à croire que toi et ta lamentable bande de traine-la-patte pathétiques ayez réussi à briser mon sortilège de Lune Blême ! »
- « Tu vas tout de suite retirer ce que tu viens de dire sur mes cheveux ou je tu te manges une baffe au saumon, espèce de morue !
» rétorqua le prince vexé en brandissant le poisson évidé.
- « Mon maléfice s’épuise et je n’ai plus la force suffisante pour vous exterminer sur ce plan onirique », enragea la félonne. « Mais je ne partirai pas d’ici sans vous avoir arraché votre précieuse relique. Où est la Perle Pure ! Elle est ici je la sens ! Donnez-moi la… »

Le joyau, propulsé par la catapulte de poche de Hjotra, percuta violemment Tynfir en plein visage, se fichant profondément dans sa narine.

- « Paf, dans le pif, la pouf ! » se moqua l’ingénieur tandis que la sorcière s’écroulait en même temps que le reste de son monde illusoire.
- « Tu n’as pas eu le nez creux en nous attaquant, pauvre truffe », renchérit Vorshek, triomphant devant la reine sombre sonnée. « Je suis peut-être un mufle de t’avouer ça, mais au fond, je n’ai jamais pu te blairer. »

La gigantesque lune décrochée du ciel tomba lourdement en emportant les étoiles dans son sillage. L’impact de sa chute acheva de pulvériser ce qui restait du sortilège de Tynfir et les esprits des Dragons qui Roxxent, libérés, purent réintégrer leurs corps. Les six compagnons se retrouvèrent réunis en cercle autour d’Ilurya, achevant de réciter la formule piégée du grimoire de la Sagesse du Corbeau.

- « Est-ce que tout ceci a vraiment eu lieu ? » demanda Gonzague en fixant la lune, en croissant et de taille tout à fait normale, visible à la cime des arbres.
- « Il semblerait bien que oui », répondit Vorshek, tout sourire, en montrant la Perle Pure, un peu poisseuse tenue entre ses doigts. « Qui veut de la morve de nécromancienne ? »


Bilan de la mission :
Vorshek : Amour-propre capillaire +1
Ilurya : Pêche en torrent +1
Gonzague : Bad Trip +1
Cyril : Stylisme improvisé +1
Hjotra : Précision sur maquettes +1
Al : Quête de reliques +1 (rang de paladin débutant débloqué)
Expérience Acquise : Pitoyable

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Arzhiel




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MessageSujet: Re: La Saison 5   La Saison 5 - Page 2 Icon_minitimeMer 2 Jan - 22:09

Episode 150 – Bosses de Fin

Ilurya se pencha au-dessus des remparts, attirée par un son qu’elle seule semblait percevoir dans le silence oppressant de la nuit. Le regard de la jeune druidesse se noya dans les ombres quelques instants tandis que la brise agitait sa longue chevelure serpentine. D’un pas ferme, elle quitta ensuite le chemin de ronde et regagna l’intérieur du donjon, suivie de près par sa fidèle panthère des forêts.

- « La citadelle de Tynfir est sur le point de tomber », annonça-t-elle solennellement à ses compagnons. « Les armées de Rous massacrent plus vite ses troupes mort-vivantes qu’elle ne parvient à les ranimer. Sa chute est proche. »
- « Comment tu sais tout ça ?
» demanda Gonzague. « On est consignés dans cette bâtisse paumée à cent lieues de la bataille. »
- « Le vent vient de me le dire, pourquoi crois-tu que je vais me balader tous les quarts d’heure sur le chemin de ronde depuis ce matin ? »
- « La côte est à trois contre un pour des problèmes urinaires
», répondit Cyril, vautré en slip dans des coussins. « Perso, j’avais parié pour une esquive de cette tenace odeur de pied qui embaume la pièce. »
- « Allez, on s’active !
» s’énerva l’elfe devant l’apathie de ses compagnons. « Tynfir n’a plus d’autre issue que s’emparer du Sceptre de Commandement si elle veut équilibrer les forces. Elle va donc fatalement nous tomber sur le râble d’ici peu pour le récupérer. Si elle y parvient, elle pourra ranimer tous les morts de la bataille. On doit l’en empêcher. Levez vos miches de là et préparez-vous, bande de larves de sofa ! Et rangez un peu, y a de la bière et des chaussettes sales partout ! Comment tu as pu laisser cet endroit se changer en garçonnière pour romanos, Gonzague ? »
- « Je m’en contrefous, ça doit jouer. Surtout si les locaux risquent d’être ravagés par une nécromancienne furax sous peu. »
- « Tant pis pour la caution alors…Tout le monde est prêt ? Il est où le baladin ? »
- « Paladin, espèce de gorgone
», rectifia Al en sortant des latrines, bataillant pour renfiler sa nouvelle armure. « J’aurais du choisir le modèle avec fond de tiroir escamotable pour parer aux urgences comme la potée aux bolets, je vous jure ! »
- « Vorshek ?
» s’enquit Ilurya pendant que l’elfe, dans sa plus belle tenue, se recoiffait minutieusement. « Tu penses pouvoir faire face à Tynfir sans la demander en mariage entre deux sorts de flammes ? »
- « Si elle veut son sceptre, il faudra d’abord qu’elle me passe sur le corps !
» promit le magicien.
- « C’est bien ce que je craignais… » maugréa l’ensorceleuse. « Tâche au moins de ne pas trop nous handicaper. Je te rappelle qu’on a déjà Cyril et Hjotra dans l’équipe et qu’Al est notre botte secrète maintenant qu’il est paladin. Ce sera vraiment un miracle si on ne finit pas boulottés, pulvérisés ou zombifiés avant minuit. »
- « J’adore les discours de motivation avant le combat
», confia Hjotra, applaudissant, la larme à l’œil. « Ça me rappelle ceux d’Arzhiel, tout aussi poignants, je suis ému. »

Un vrombissement sourd monta inexorablement à l’autre bout de la salle, résonnant à travers la pierre des murs et la charpente du toit, défrisant la moustache de Cyril et dressant les serpents sur la tête d’Ilurya.

- « Un sort de téléportation ! » reconnut Vorshek, tout excité. « Elle arrive ! Souvenez-vous que si on la bat, ou qu’on la fiance, notre bannissement sera levé et on pourra rentrer au Karak restaurer notre honneur et retrouver ceux qui nous sont chers et indispensables : nos parents, nos proches et notre esthéticienne spécialisée dans le soin cutané. Dragons qui Roxxent dans la place, prend un claquos dans la face ! »
- « On mérite de perdre rien que pour le slogan
» se lamenta Ilurya.

La magie nécromancienne exerça une désagréable pression à travers toute la pièce, provoquant de longues rafales de vent qui balayèrent meubles et ordures jonchant le plancher, une nuée d’étincelles aveuglantes et quelques éclairs calcinant les murs. Une silhouette floue apparut, tel un mirage, puis prit consistance jusqu’à dévoiler Tynfir au milieu du cercle enchanté de téléportation.

- « Tu as réussi à briser mon maléfice illusoire de la Lune Blême et j’ignore comment tu es parvenu à cet exploit », lança sans ambages la reine sombre en pointant un index accusateur en direction de Vorshek.
- « T’as gagné, il a rien foutu », rouspéta Al.
- « Vous avez également échappé à Kerttu, mon meilleur combattant, l’avez humilié et avez décimé ses troupes. Tels des cafards, vous vous êtes entêtés à rester hors de portée de mon talon, survivant encore et toujours. Aujourd’hui, je viens moi-même mettre un terme à votre chance insolente, misérables gueux ! Je ne quitterai ces lieux qu’une fois avoir arraché le Sceptre de Commandement à vos doigts froids et…C’est quoi cette puanteur… de pied ?! Je sais que je débarque un peu à l’improviste, mais vous auriez pu au moins aérer deux minutes. C’est simplement intenable là ! »
- « C’est facile de critiquer
», dit Hjotra, « mais ça peut arriver à tout le monde de plus pouvoir dénouer ses lacets trop serrés ! »
- « Silence, blatte barbue !
» gronda la nécromancienne, se ventilant d’une main. « Inclinez-vous devant la reine sombre et ses plus fidèles serviteurs ! Et enfin mourez, bande de pouilleux pédestrement moisis ! »

Tynfir leva les bras dans un geste théâtral tandis que ses complices émergeaient du cercle de transport : Kerttu, son amant et prince drow assassin ayant survécu au balrog, un vampire dégarni et tout fripé visiblement mal réveillé, enchaînant les bâillements, ainsi qu’un énorme cyclope mort-vivant dont la tête frôlait le plafond.

- « Un cyclope ! » s’écria Ilurya, effrayée. « Je n’en crois pas mes yeux ! »
- « Arrête de faire de la sève, je m’en occupe
», déclara Gonzague. « J’ai l’habitude de gérer les balourds assez débiles pour se pointer à un combat en liquette et sans la moindre arme. »

Entendant cela, le cyclope poussa un hurlement enragé et s’arracha un bras pour l’agiter comme un horrible gourdin.

- « Dans le genre bourrique décérébrée, je reconnais que celui-ci se détache du peloton ! Réglons ça entre trois yeux, espèce de manche manchot. Et tâche de ne pas trop répandre tes viscères partout en claquant, j’ai pas encore déjeuné. »

En réponse, le monstre bondit en l’air et retomba si lourdement sur le sol qu’il défonça celui-ci, entrainant dans sa chute Gonzague et Hjotra, tout proche. Les deux nains se retrouvèrent un étage plus bas sous un tas de gravats dont ils émergèrent en rampant, tout cassés.

- « Un brin susceptible le borgne décomposé », commenta Gonzague en se confectionnant un garrot de fortune avec l’une de ses nattes.
- « J’ai une sacoche pleine d’épinards bouillis », déclara gravement Hjotra en la rejoignant.
- « Mince, maître, vous avez encore morflé un traumatisme crânien ? »
- « Pas depuis la semaine dernière, pourquoi ? Je disais que j’ai des épinards. Je refusais jusqu’à présent d’utiliser les armes biologiques, mais lui, il mérite non ? »
- « Personne ne mérite ça
», désapprouva la berserker, écœurée. « Néanmoins, je crois que même en me mettant en rogne, il va être tendu à débiter en bûchettes, le bourrin au quintal. Reculez, on va ruser. Hé, l’atrophié du bulbe ! On connait ton point faible ! Si on te perce le cœur, tu clamses, encore, sur le coup ! T’es pas bien, grand moche ! »

Le cyclope-zombie poussa un mugissement de défi et de fureur et s’enfonça brutalement son poing dans sa poitrine pour en extraire son cœur éteint avant de l’enfourner dans sa gueule béante.

- « Vous voulez un peu de verdure en accompagnement ? » proposa Hjotra en s’armant d’une bonne poignée d’épinards (avec des gants, hein).
- « C’est bien ce que je pensais », murmura Gonzague. « Il possède trois principaux atouts typiquement masculins et facilement exploitables : la stupidité, l’orgueil et une susceptibilité exacerbée. Oh, pépère le mort ! C’est pas la peine de beugler, surtout la bouche pleine, tu ne fais peur à personne ici. Tu as eu l’œil plus gros que le ventre en nous attaquant. Le trou dans le poitrail, ça n’impressionne que les pécores sur la place du marché. Si encore c’était la tête, je ne dis pas, mais là, je suis à deux doigts de t’échanger contre le vampire. »

Le cyclope, encore plus enragé, répondit aussi sec à la provocation et alla se fracasser tête la première contre le pilier central. Gonzague n’eut plus qu’à l’achever quand il s’écroula, morveux des restes de sa cervelle.

- « Les nains sont les meilleurs », conclut bravement la jeune guerrière.
- « L’escalier est cassé et c’est trop haut pour nos courtes pattes », fit remarquer Hjotra, douchant l’élan de fierté de sa compatriote. « Comment on remonte sans escalier ? »
- « Comme des nains
», grogna Gonzague, dépitée. « On en taille un autre… »

- « Ouah, la rêche ! » s’exclama Vorshek en regardant le trou dans le sol. « C’est du Hjotra et du Gonzague tout craché ça. Dès qu’ils touchent le fond, ils creusent encore. »
- « Reste concentré, princesse
», l’interpella Ilurya. « Le vampire approche et vu le regard vicelard sur nous, on peut en déduire qu’il a plus de goût que d’hygiène et qu’on s’apprête à se faire croquer sans préliminaire. »
- « Un minable vampire ne saurait résister à mon Cercle de Châtaignes ou mon Cône de Feu Draconique Ancestral et Mal Luné
», rétorqua le demi-elfe avec morgue en brandissant Foudrargent. « Je vais lui allumer la bougie à la flammèche. »
- « Il va subir une défaite cuisante !
» l’encouragea Al.
- « Tu vas faire des étincelles », renchérit Cyril.
- « Feu vert pour lui déclarer ta flamme ! » ajouta Ilurya.

Le magicien tendit sa baguette enchantée devant lui, visa le mort-vivant rabougri et ensommeillé et…rien ne se passa.

- « Votre chance a fait long feu, on dirait », les nargua Tynfir.
- « Qu’est-ce que tu glandes, votre royauté !? » s’alarma Al.
- « Je ne comprends pas… » balbutia Vorshek en inspectant son artefact. « Je…oh, diable ! C’est une mise à jour ! Occupez l’ennemi, j’en suis à 18%. »
- « Si on leur jetait un magicien inutile ?
» proposa sombrement Ilurya.

Profitant de la passivité de leurs adversaires, Kerttu et le vampire se lancèrent à l’assaut, l’un bondissant en faisant siffler ses lames, l’autre en se trainant poussivement, les yeux mi-clos.

- « Mettez-vous en rang », ordonna le suceur de sang d’une voix pâteuse. « J’ai les crocs, je vais commencer par le hobbit, il a l’air bien gras et juteux. »
- « Hors de question !
» rugit Kerttu en s’interposant. « Il a provoqué la mort de tous mes soldats. Il est à moi ! »

Le drow plongea habilement vers Cyril, le sépara de ses compagnons et l’accula contre le mur en pointant un poignard dentelé sous son nez.

- « Une dernière parole, hobbit ? »
- « Bite
», répondit ce dernier.
- « Comment ?! » s’exclama le tueur, choqué par tant d’insolence.
- « On dit hobbit en prononçant le t », se justifia le barde. « Hobbit, pas hobbi. Je ne suis pas qu’un passe-temps. »

A bout de patience, Kerttu déjà dévoré par la colère, s’apprêta à le larder de coups lorsque Cyril sortit sa précieuse flûte et joua les premières notes grinçantes d’un air atroce. Si elle n’eut aucun effet nuisible sur lui, la musique discordante au possible eut au moins l’avantage d’arracher un sourire carnassier et moqueur à l’assassin sûr de sa victoire. Ce fut sans compter sur le tapis sur lequel il se tenait qui se souleva brusquement, animé par la mélodie déchirante du barde, et l’envoya valser contre le mur en une violente ruade. Le drow s’éclata contre la pierre avant que le tapis ne foute le camp par la fenêtre.

- « 46% », informait tranquillement pendant ce temps Vorshek tandis qu’un combat épique régnait autour de lui, les yeux rivés sur la jauge croissante visible sur sa baguette.
- « Vous osez résister ?! » s’offusqua Tynfir, enragée tandis qu’Al et Ilurya et sa panthère unissaient leurs efforts pour repousser ses maléfices les plus abjects et les assauts perfides, mais mous, du vampire. « Votre tourment n’en sera que plus cruel ! La Lune Morte et la Lune Blême ne sont pas mes seuls sortilèges ! Je vous réserve l’enfer grâce à mon sort de Lune… Nagyra értékelem a gyümölcsök szirupban ?! »
- « Elle est soudain en froid avec son Bescherelle ou c’est toi qui as fait ça ?
» demanda Ilurya.
- « C’est l’un de mes pouvoirs défensifs pour l’empêcher d’incanter sa saloperie de magie et surtout qu’elle la ferme », acquiesça Al en évitant un coup de griffes du vampire somnolent. « Ça change sa langue maternelle en une langue exotique bien improbable, comme de l’ukrainain ou de l’elflandais. Fendard, non ? »
- « Nie zmienicca da syrnaj taliercy !
» pesta Tynfir à l’attention de son allié, en tapant du pied par terre.
- « Non, mais faîtes les gestes au moins parce que là, on ne va pas s’en sortir », soupira le vampire d’un air las.
- « Idiotas ! » lui rétorqua-t-elle sèchement en allant bouder.
- « Ah ! Là on a compris », ricana Ilurya.
- « 72 % ! »
- « Arrêtez de bouger !
» se plaignit le mort-vivant. « Je viens d’être invoqué alors que je pionçais peinard depuis trois générations, à l’autre bout du continent. Avec le décalage horaire et au saut du cercueil, je ne vous raconte pas la misère si vous sautillez tout le temps ! »
- « J’ai rien contre le troisième ou quinzième âge
», se justifia la druidesse en le repoussant d’un sort de pluie d’aiguilles de pins, « mais le parfum de caveau, la touffe de poils en tire-bouchon dans les oreilles et la tronche toute chiffonnée comme un slip sale, il va falloir repasser plus tard pour un câlin ! »
- « Je me lève, je vous dis !
» protesta vertement le mort-vivant. « Après un bain, deux litres de sang de vierge, un œuf et du bacon, je vous assure que je suis tout à fait présentable. »
- « Alors, pépé ?
» se moqua Al après l’avoir balayé d’un large coup de bouclier. « Toujours du mal à doser ta came à ton âge ? »
- « Je vous répète que je faisais encore la momie y a pas une heure !
» gronda le vieux monstre, vexé. « Si c’est pour me faire chambrer, je préfère retourner me coucher ! »
- « 94 % ! »
- « Mais tu es un paladin !
» remarqua le vampire, affaibli par les coups d’Al. « C’est pour ça que ta magie a pu affecter la reine sombre ! Quelle divinité vénères-tu ? Le Protecteur ? Le Répurgateur ? Le Guide ? »
- « Non, je n’avais pas accès aux dieux majeurs avec mon passif et mes résultats
», avoua Al, gêné. « J’ai choisi le Farceur. Il me cède une partie de son pouvoir en échange de blagues. »
- « Je comprends mieux le sort sur la langue étrangère…
» commenta Ilurya avec un regard lourd. « Même au niveau céleste, tu parviens encore à te distinguer, hein ? »
- « Un paladin…de la farce ?
» fit le vieux vampire, hébété. « Mais pour quoi faire ? »

Un long filet de flammes recouvrit brusquement le mort-vivant, le changeant en un nuage de cendres et de poussière le temps d’un éclair.

- « Parce que Al est un bouffon dans l’âme », fit pompeusement Vorshek en soufflant sur sa baguette. « Mise à jour terminée. »
- « Il aura fallu qu’il devienne paladin pour s’en rendre compte, même si je le disais depuis le début
», ajouta Gonzague en s’extirpant du trou avec Hjotra. « Le cyclope a perdu la tête, Kerttu bave sur le plancher, le vampire s’est fait des cendres et pas un de crevé de notre côté ? »
- « Il ne reste plus que Tynfir
», approuva Vorshek. « A sept contre elle, on est larges ! »
- « Tes fesses ont la même voix que Vorshek, Gonzague
», enchaîna Al. « Aieuh ! Pas taper ! Je suis obligé de faire des blagues ! C’est ma religion ! »

Distrait par la soudaine et pathétique altercation, les Dragons qui Roxxent ne prêtèrent pas attention au sournois maléfice que malaxa Tynfir entre ses doigts fourchus avant de le répandre à travers le donjon. De brumeuses volutes de fumée parcourues de vifs éclairs spasmodiques couleur émeraude sinuèrent à travers les compagnons se chamaillant. Le temps que Kauko préviennent son disciple du danger depuis son épée, il était trop tard. Al et tous les siens étaient immobilisés et incapables du moindre mouvement.

- « Stupides moineaux qui caquetez votre victoire après avoir seulement repoussé mon avant-garde ! » ricana la nécromancienne dans une langue enfin compréhensible. « Risibles vermisseaux ! Je vais vous écharper comme de vulgaires… »

Un jet intempestif d’épinards gluants frappa tout à coup la jeune femme en plein visage.

- « Les moineaux ne caquettent pas, ils piaillent », fit Hjotra pour justifier son geste.
- « Tu oses me souiller avec de la nourriture ? » rugit Tynfir. « Tu avais déjà scellé ton sort en blessant mon royal nez avec cette maudite perle, mais ton outrecuidance va… »
- « Vous emmerdez pas à faire des phrases, il n’écoute pas
», avertit Al.
- « Ni ne comprend, d’ailleurs », rajouta Vorshek.
- « Cessez de me couper la parole pendant que je menace ! » explosa la sorcière. « J’en étais où ? Oh et puis mince, meurs le nabot. »

La reine sombre fit apparaitre une gigantesque hache éthérée au-dessus de Hjotra, prête à lui fendre le crâne. Impuissants, les aventuriers allaient assister au coupage de poire en deux de l’ingénieur quand celui-ci sursauta vivement.

- « Ça me fait penser que j’ai oublié de nourrir Parancouye ! » s’exclama le nain avant de se précipiter vers son lapin, échappant d’un cheveu à une mort atroce, et entrainant dans son sillage la panthère d’Ilurya quand il fouilla dans son paquetage à la recherche de nourriture.
- « Il s’est libéré de mon pouvoir ? » marmonna Tynfir, estomaquée. « Le fauve aussi ? Vous êtes des démons…Je…Vous…Aucun souci, je gère. J’ai encore une surprise pour vous. J’ai préparé une version encore plus puissante de mon sortilège d’illusion de la Lune Blême. Je vais vous plonger dans un enfer de cauchemars sans fin. Succombez à la Lune Blême ! »
- « C’est toi le ’blème !
» répondit férocement Al en lui renvoyant le sortilège grâce à son nouveau pouvoir de paladin.
- « C’est nul comme répartie ! » se plaignit Tynfir, stupéfaite et ployant sous la puissance de sa propre magie l’écrasant.
- « C’est mon sortilège défensif « c’est toi ! » », expliqua le paladin, essoufflé. « Une sorte de retour à l’envoyeur, mais en plus rigolo. »
- « Le pire, c’est que je présume que ce sont les moins pires des sortilèges du Farceur…
» déclara Ilurya, blasée.

Incapable de retenir la force avide de son maléfice plus longtemps, Tynfir ne parvint qu’à le dévier maladroitement dans un effort surhumain. L’énergie méphitique fondit sur Vorshek qui eut juste le temps de ramasser Kerttu, traînant sonné à ses pieds, pour s’en servir comme bouclier. Les esprits du demi-elfe et de l’elfe noir furent tous deux aussitôt happés par l’illusion de leur plus perfide frayeur.

Kerttu reprit connaissance sur les berges d’une mare tranquille, dans un lieu inconnu loin du donjon où demeurait son corps vidé de toute conscience. S’il ne prêta pas attention à la lune démesurée enchâssée dans le ciel crépusculaire, son sang clair ne fit qu’un tour quand il entendit des clapotis dans l’eau ainsi que les couinements brefs et singuliers qu’ils ne redoutaient que trop. Le prince noir voulut s’enfuir, mais la terreur le rivait sur place. Avec une horreur qui imprima un masque blafard sur son visage, Kerttu aperçut un groupe entier de canards sortant paisiblement de la mare en se dandinant et en se secouant le bas des reins. Tétanisé, le drow en laissa tomber ses armes, ce qui attira aussitôt l’attention des gallinacés. Son hurlement d’épouvante déchira la nuit quand la dizaine de canards se figea brusquement en rivant fixement leur regard noir, insondable et ô combien dérangeant, droit sur lui.

- « Pouah, la tronche ! » se moqua Al en observant l’expression de peur de Kerttu. « Quelle sorte de monstre bien crade peut effrayer un tueur psychopathe comme lui ? A part sa petite copine ? »
- « Ouais, hé ben lui au moins, sa copine n’a pas des serpents à la place des tifs !
» rétorqua du tac au tac Tynfir, froissée par la plaisanterie.
- « Ah, comment ça, c’est nul comme répartie ! » ricana le paladin tandis qu’Ilurya, à son tour offensée par l’allusion, invoquait un merle atteint de diarrhée au-dessus de la nécromancienne.
- « Rends-toi, sorcière ! » ordonna Gonzague. « Tes alliés sont tous vaincus et cette bataille s’enfonce de plus en plus dans le pathétique ! »
- « Tous mes alliés ? J’en doute…
»

Tynfir récita une nouvelle incantation et du cercle magique par lequel elle était arrivée débarquèrent les rangs compacts et empuantis d’un bataillon de zombies. Loin d’être impressionnés, les aventuriers échangèrent un regard complice et acquiescèrent gravement, sauf Vorshek, inconscient qui faisait des bulles, et Hjotra qui jouait à l’écart au catch avec son lièvre et la panthère. Al sortit de son havresac le Sceptre de Commandement et le brandit face à la nécromancienne, souillée d’épinards et de fiente.

- « Seuls les gardiens sacrés peuvent utiliser le pouvoir du Sceptre pour commander aux morts, pauvre cloche !» réagit celle-ci devant l’artefact. « A moins que tu ne me le cèdes en échange de ta vie sauve, cet objet t’est inutile ! »
- « C’est vrai
», admit le disciple. « Je me suis donc permis de le bidouiller. »

Al indiqua la Perle Pure fichée dans le manche du sceptre avec un sourire idiot et volontairement goguenard. La magie combinée des deux reliques provoqua une sourde explosion à l’intérieur des murs du donjon et fit apparaitre au cœur d’une vive lumière dorée la silhouette du spectre du Roi Gowla.

- « Je l’ai dit à ton père ! » lança le jeune homme en gloussant.
- « Père ?! » balbutia Tynfir, désarçonnée. « C’est impossible ! Je vous ai tué…deux fois en plus ! Vous ne pensez pas qu’il est temps de me laisser vivre ma vie ? »
- « Tynfir, tu as été une vilaine, vilaine, vilaine fille !
» clama le fantôme en s’emparant du Sceptre de Commandement. « Il est temps de réparer tes bêtises. En tant que gardien, je vais commencer par supprimer ton sortilège de Lune Morte. »

Une onde de choc ébranla le bâtiment entier et les mort-vivants invoqués s’écroulèrent au sol, ainsi que tous ceux occupés à combattre les armées de Rous, des lieues de là.

- « Mes zombies ! » geignit la nécromancienne. « C’est pas juste ! Je te déteste ! »

Gowla rendit le Sceptre à Al et s’avança vers sa fille qui trépignait de colère. Sans le moindre effort, il la souleva, s’assit, la jeta sur ses genoux et commença à lui administrer une monumentale fessée devant tout le monde. La colère, la honte et la douleur de la magicienne firent d’abord pleuvoir les insultes, puis les larmes lorsqu’elle comprit qu’elle était rivée à l’impuissance par l’influence de la Perle Pure sur son père. Et à chaque fois que la main velue de son papa venait s’abattre avec vigueur sur son postérieur, une parcelle supplémentaire de son pouvoir volait en éclats. Les corps des mort-vivants se changèrent en quelques coups en un tas de poussière avant de s’évaporer dans le vent. Puis se fut au corps de Tynfir de subir les effets de sa punition. La jeune femme sembla d’abord rapetisser avant que les Dragons qui Roxxent ne s’aperçoivent qu’elle rajeunissait considérablement. Malgré ses suppliques et ses protestations, elle perdit bientôt ses formes de femme et redevint une adolescente à la voix stridente, puis une enfant noyée dans les plis de sa robe devenue grande comme un drap. Gowla frappait mécaniquement, le regard sévère, impitoyable et déterminé. Sa main ne s’immobilisa que lorsque Tynfir fut redevenue un bébé larmoyant, les fesses et la trogne écarlates.

- « Merci à vous de m’avoir permis de restaurer l’honneur de ma famille et de punir cette vilénie », déclara Gowla en se relevant. « Je vous confie ma fille. Puissiez-vous l’élever mieux que je ne sus le faire. Je n’ai pas pu me résoudre à lui prendre la vie et il est plus que nécessaire qu’elle apprenne l’importance de celle-ci. Adieu et merci encore ! »

Le fantôme disparut sans un autre bruit que les cris déchirants et éplorés du bébé laissé entre les bras d’Aladin. Celle-ci ne cessa de brailler que pour vomir sur son armure, avant de recommencer à hurler.

- « C’est être un mauvais parent de dire que j’aurais préféré un sac de pièces d’or en récompense ? », commenta piteusement le paladin.
- « Tu l’auras au Karak », le rassura Gonzague. « On a vaincu la méchante, on ramène le Spectre de Commandement et la Perle Pure en reliques qui claquent et Vorshek n’est même pas mort. Seigneur Arzhiel sera ravi. Enfin, content. Disons plutôt qu’il ne devrait pas trop faire la gueule. A part pour le sac d’or, peut-être… »
- « En parlant de Vorshek
», fit remarquer Cyril. « Il est toujours dans le cirage, victime du sortilège de la Lune Blême. Qui va le chercher ? »
- « Pas moi, j’ai déjà donné !
» protesta Al. « En plus, c’est l’heure du bain, ce bébé pue le légume vert, c’est intenable. »
- « Je m’en chargerai, mais pas tout de suite
», se proposa Ilurya avec un air malicieux avant de se coller à l’oreille du prince. « Toutes tes ex ressemblaient à ta mère, sauf moi. »
- « Qu’est-ce que tu trafiques ?! »
- « Je le soigne de son obsession pour les filles avec un bon traumatisme œdipien
», répondit la druidesse en jubilant. « Quand il reviendra à lui, je vous assure que cette phrase choc délivrée directement à son inconscient va le dégouter de toute forme de drague. A part sur moi. Ce qui s’appelle en terme technique un imparable moyen de pression sur sa mère pour obtenir la levée de ma malédiction capillaire. »
- « Excellent !
» applaudirent en chœur Gonzague et Cyril, mais pour des raisons différentes. « En revanche, je ne sais pas si Dame Elenwë acceptera la moindre négociation tant que tu ne lui auras pas rendu son grimoire. »
- « Aucun problème, j’ai récupéré celui de Faucon Loufoque. »
- « Tu es machiavélique…
» fit Al en reculant prudemment d’un pas. « En tant que père célibataire, je ne peux pas cautionner pareille conduite. Avant que tu ne poses la question, je refuse donc de t’épouser. »
- « Je ne t’aurais jamais posé ce genre de question, lopette… »
- « Ah ? Tu es sûre ? Tant pis… »
- « Maître Hjotra !
» appela Gonzague. « On rentre au Karak. Ramassez votre paquetage, les bestioles et tout ce qu’on peut braquer et qui n’a pas flambé ou explosé. Vous qui êtes déjà un héros, qu’est-ce que vous allez demander en récompense ? »
- « Un âne et un bœuf
», répondit l’ingénieur en accourant gaiement. « Trois types bizarres, des rois mages, m’ont piqué les miens avant notre départ. Et toi ? »
- « Un grade et du flouze. En revendant ma promesse de mariage avec le prince qui ne semble plus intéressé par les filles pour un bon moment, je devrais me faire un beau paquet. C’est émouvant l’héroïsme ! »
- « Puis-je vous accompagner ?
» demanda Cyril. « J’ai déjà hâte de narrer nos exploits et pourquoi pas, peut-être nos aventures nous apporteront le succès et la popularité ? »
- « Qui donc pourrait bien écouter ou lire ce genre de récits ?!
» rétorqua Al, fort sceptique.

Les Dragons qui Roxxent jetèrent Vorshek sur l’épaule de Gonzague et quittèrent le donjon ravagé le cœur léger et le pas plein de l’entrain de la victoire.

- « Vous pensez qu’on repartira un jour à l’aventure, tous ensemble ? » demanda Cyril lorsqu’ils furent au pied de la tour.
- « Franchement », répondit Al, « on a vraiment eu du bol de ne pas finir en casse-dalle à loups dès le premier jour, on ne va peut-être pas en demander trop à notre bonne étoile. En plus, on revient avec une druidesse, un ménestrel et un bébé nécromancien et il y a peu de chance que mon vœu d’être prince des voleurs se réalise un jour. Les bénéfices sont donc très relatifs…Ah, je crois que Tynfir a faim. C’est dommage qu’on n’ait pas de filles avec un minimum de seins dans cette équipe… »

Le bruit de la claque simultanée d’Ilurya et de Gonzague résonna si fort à travers les alentours qu’il en effraya tous les habitants, y compris un curieux balrog en quête de vengeance. Mais ceci est une autre histoire…


Bilan de la mission :
Vorshek : Geek attitude +1, Traumatisme maternel +10
Ilurya : Coaching de motivation +1, Chantage douteux +1
Gonzague : Etêtage d’abruti +1, Taille de pierre +1
Cyril : Dressage de tapis +1, Inspiration bizarre +1
Hjotra : Bien-être animalier +1, Précision +1 (Arme de destruction légumière)
Al : Répartie cinglante -1, Paternité spontanée +1
Expérience Acquise : Poussive

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